122 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE droits des assemblées primaires, dont la collection peut seule former le véritable souverain, étoient transportés dans des sociétés partielles, le peuple seroit dépouillé, par le fait, de sa souveraineté, et le gouvernement révolutionnaire sans garantie; Considérant que les propositions dont il s’agit se trouvent dans un discours à la suite duquel, par un mouvement dont les causes ne sont pas encore bien connues, la société de Commune-Affranchie s’est tout-à-coup accrue d’un nombre considérable de citoyens dont l’admission n’a point été soumise aux formalités ordinaires, et à celles que prescrivoit notamment l’arrêté des représentans Laporte et Reverchon, en date du 6 fructidor; Qu’il seroit injuste de rien préjuger contre le caractère civique et moral d’aucun des individus admis de cette manière, mais qu’il y aurait en même temps une sorte d’aveuglement à ne pas voir que, dans cette circonstance, les hommes les plus purs peuvent être trompés par les plus perfides; Désirant que la vérité éclate dans tout son jour, que les seuls coupables soient punis, et que tous les bons citoyens, ceux qui n’ont pris aucune part aux intrigues, aux brigandages, aux actes d’oppression qui ont fait le malheur de cette commune, et qui, fidèles aux principes de probité et d’honneur dont la masse des sans-culottes s’est montrée constamment animée, n’ont souillé leurs mains ni leurs cœurs d’aucun crime, recueillent le témoignage dû à leur incorruptibilité ; Considérant que tel fut le but des représentans Laporte et Reverchon, lorsqu’ils formèrent un nouveau noyau de société populaire, et qu’ils approuvèrent le mode d’admission que les membres choisis pour le composer jugèrent utile d’adopter : que leurs intentions ont été perfidement perverties, quand, pour empêcher l’effet de leurs mesures salutaires, on a prétendu que les ci-devant membres de la société se trouvoient, par cette régénération, calomniés en masse et confondus avec ceux qui, sans-doute en très-petit nombre, ont dirigé les vexations et les injustices auxquelles ils ont voulu mettre un terme; que ces représentans n’ont jamais pensé qu’on pût leur reprocher d’avoir enveloppé dans une proscription générale tous ceux qui n’ont point été appelés à former le noyau régénérateur, mais qu’ils ont cherché seulement à les soumettre à une épuration propre à donner à leurs principes et à leur patriotisme un nouvel éclat; Considérant enfin que de toutes parts on cherche à dissoudre les sociétés populaires en les éloignant de leur véritable but, et en transformant en autorité la surveillance qui doit essentiellement leur appartenir ; que le moyen de tromper les efforts des malveillans qui veulent les abattre, est de les ramener aux principes quand elles s’en écartent, et de les éclairer sur les pièges qu’on peut leur tendre; Arrêtent ce qui suit : Article premier. - La société populaire régénérée de Commune-Affranchie est provisoirement composée des membres qui la formoient avant la séance du 29 fructidor. Art. II. — Les membres admis depuis cette séance seront soumis à l’épuration prescrite par les réglemens, et aucunes admissions collectives ne pourront désormais avoir lieu. Art. III. - Attendu que le local de la société n’est point favorable à ses délibérations, qu’il a pu être en partie cause du désordre qui s’y est introduit, il sera fait choix incessamment d’un nouveau local, et jusqu’à ce moment les séances demeurent suspendues. Art. IV. — Le peuple sera appelé à se réunir décadi prochain dans un lieu qui sera consacré provisoirement à son instruction, et qui sera indiqué par les représentans du peuple. Art. V. - Les bons citoyens sont invités à surveiller tous les rassemblemens qui pourraient troubler la tranquillité publique, et à tenir les yeux sans cesse ouverts sur les manœuvres des ennemis de la révolution. Art. VI. - Le présent arrêté sera sur-le-champ envoyé à la Convention nationale, avec un exemplaire du placard dont il y est fait mention; il sera imprimé et affiché dans toute l’étendue des deux départemens du Rhône et de la Loire. Toutes les autorités constituées existantes à Commune-Affranchie sont chargées de son exécution. Fait à Commune-Affranchie, le 3 vendémiaire, l’an III de la république française une et indivisible. Les représentans du peuple. Signé , L. J. Charlier, Pocholle. 40 La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public, d’instruction publique et des Travaux publics, réunis, décrète ce qui suit : Article premier. - L’école centrale des travaux publics, préparée à Paris en exécution de la loi du 21 ventôse dernier, sera ouverte le 10 frimaire prochain. Art. II. - Il ne sera admis, en qualité d’élèves, que des jeunes gens qui auront justifié de leur bonne conduite, ainsi que de leur attachement aux principes républicains, et qui auront prouvé leur intelligence en subissant un examen sur l’arithmétique et sur les éléments d’algèbre et de géométrie. Art. III. - Cet examen aura lieu en même temps dans plusieurs communes distribuées sur le territoire de la France, et où les candidats pourront se rendre suivant la proximité des lieux et la facilité des communications. Pour l’année actuelle, ces communes seront : Dune-Libre [ci-devant Dunkerque], Amiens, Mézières, Caen, Rouen, Reims, Paris, Metz, Strasbourg, Brest, Rennes, Nantes, Tours, Auxerre, Dijon, Rochefort, Bordeaux, Bayonne, Toulouse, Montpellier, Marseille et Grenoble. SÉANCE DU 7 VENDÉMIAIRE AN III (28 SEPTEMBRE 1794) - N° 41 123 Art. IV. - La commission des Travaux publics nommera, pour chacune de ces communes, un examinateur qui sera chargé de juger des qualités intellectuelles et de l’instruction des candidats sur les sciences mathématiques mentionnées à l’art. H. L’agent national du district y nommera également un citoyen recommandable par la pratique des vertus républicaines, qui sera chargé de juger de la moralité et de la bonne conduite des candidats. Art. V. - Les examens commenceront au plus tard le premier brumaire. La commission des Travaux publics donnera les ordres pour que les examinateurs soient rendus à leur poste à cette époque; elle leur adressera les instructions nécessaires, ainsi qu’aux autorités qui doivent participer à cette mesure. Art. VI. - Tous les jeunes citoyens âgés de seize à vingt ans, autres que ceux qui sont compris dans la première réquisition, pourront se présenter à l’examen. Ceux qui feroient partie de la première réquisition, ou qui seroient attachés à d’autres services publics, ne le pourront qu’autant qu’ils en auront reçu l’autorisation expresse du comité de Salut public. Art. VII. - Nul ne pourra se présenter à l’examen, s’il n’est porteur d’une attestation de la municipalité du lieu de son domicile, qui prouve qu’il a toujours eu une bonne conduite, et qu’il a constamment manifesté l’amour de la liberté et de l’égalité, et la haine des tyrans. Art. VIII. - En arrivant dans la commune où ils doivent être examinés, les candidats se rendront à la municipalité pour y apprendre le lieu et le jour où ils pourront se présenter à l’examen. Art. IX. - L’examen se fera en public et dans le local qui aura été préparé par la municipalité. Art. X. - Les examens seront terminés le 10 brumaire. Art. XI. - Dans les trois premiers jours qui suivront la fin de l’examen, les deux examinateurs rendront compte à la commission des Travaux publics, et en commun, du résultat de l’examen qu’ils auront fait, et dans la forme qui leur aura été prescrite. Art. XII. - D’après les comptes rendus par tous les examinateurs, la commission des Travaux publics déterminera le nombre des élèves de chaque examen à admettre pour compléter les quatre cents pour lesquels les dispositions préparatoires de l’école ont été faites, et de manière que ceux qui, par leur moralité et par leur intelligence, donneront plus d’espérance, y soient compris. Cependant, pour cette admission, la commission ne pourra intervertir l’ordre de mérite dans lequel les candidats auront été présentés par leurs examinateurs respectifs. Art. XIII. - Les élèves appelés par la commission se rendront à Paris avant le 10 frimaire prochain. Ils recevront pour ce voyage le traitement des militaires isolés en route comme canonniers de première classe, conformément au décret du 2 thermidor. Art. XIV. - A compter du jour de leur arrivée, ils jouiront du traitement de 1 200 L par an, pour tout le temps qu’ils resteront à l’école. Dans aucun cas, ce temps ne pourra se prolonger de plus d’un an au-delà des trois années nécessaires aux cours ordinaires des études. Art. XV. - Les élèves, après ce temps d’étude, seront employés aux fonctions d’ingénieurs pour les différens genres de travaux publics, d’après la capacité et l’aptitude qu’ils auront montrées. Ceux qui n’auront pas acquis les connoissances suffisantes, retourneront chez eux, et cesseront de recevoir le traitement. Art. XVI. - Le comité de Salut public est cependant autorisé à tirer de l’école les élèves qui pourroient être employés utilement pour la République, lorsque les besoins du service l’exigeront. Art. XVII. - La commission des Travaux publics, sous l’autorité de laquelle l’école centrale est placée, est chargée de l’exécution de toutes les mesures de détail nécessaires pour achever l’établissement et la parfaite organisation de cette école; et elle les soumettra à l’approbation des comités de Salut public, d’instruction publique et des Travaux publics, réunis (68). 41 Un membre fait des observations sur l’établissement des écoles centrales; il pense que les ingénieurs doivent joindre la théorie à la pratique, et demande que les ingénieurs géographes et militaires soient conservés. Ces observations sont renvoyées au comité de Salut public (69). CALON : Le projet d’établissement d’une école centrale de Travaux publics est une de ces grandes vues qui doivent fixer l’attention du législateur, puisqu’il s’agit d’imprimer à des arts précieux, trop longtemps négligés, un mouvement d’harmonie et d’ensemble capable de di-(68) P.-V., XLVI, 143-148. Voir séance du 3 vendémaire, n°56. C 320, pl. 1329, p. 14-15, rapport et décret imprimé, 20 p. Décret pris sur le rapport de Fourcroy selon C* II 21, p. 3. Bull., 7 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 111-112. Mention dans Débats, n° 737, 92; Ann. Patr., n 636; Gazette Fr., n° 1001; J. Fr., n” 733, 736, 737; J. Perlet, n” 735; J. Univ., n° 1769; M. U., XLIV, 108; Rép., n° 8. (69) P.-V., XLVI, 148. Bull., 7 vend, (suppl.); Ann. R. F., n° 8.