[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 ma 1791.] 459 eaux, leur donne aus3i une qualité médicamenteuse, qui, loin de nuire par son usage, est un préservatif contre toutes les maladies auxquelles sont exposés les gens de mer. Sous le second rapport, une foule d’épreuves constamment heureuses, et un grand nombre de cures dans tous les genres de maladies, m’ont confirmé dans la certitude que le régénérateur universel, pris à une dose combinée, devient un excellent curatif, et que les fléaux épidémiques, les épizooties, toutes les maladies en général, celles même qui portent le plus leur influence funeste dans la société, cédaient à son efficacité ; qu’un de ses grands avantages est que son usage le plus habituel ne peut, dans aucun cas, exposer à aucun des inconvénients de l’erreur ou de l’ignurance. Les succès que j’ai obtenus m’enhardissent à vous prier d’ordonner des expériences publiques, nommer des commissaires pour les constater; je leur remettrai un mémoire détaillé de tout ce qui concerne l’usage de ce remède, dont j’offre Ja quantité nécessaire pour mes expériences, ma plus douce récompense sera l’honneur d’avoir mérité vos suffrages et la satisfaction d’avoir fait le bien de nos concitoyens et celui de l’humanité. M. le Président répond : L’Assemblée nationale accueillera toujours avec empressement tout ce qui peut hâter les progrès des sciences et conserver la sanié des hommes; elle reçoit avec satisfaction l’hommage que vous lui faites de votre découverte ; elle vous ofire les honneurs de sa séance. M. de Cernon. Je demande le renvoi de la découverte de M. Tranche aux comités de marine et de salubrité. (Ce renvoi est décrété). Le sieur Reynard, mécanicien , membre de la société des sciences et arts de Clermont-Ferrand, est admis à la barre et pré.' ente par l’organe de M. Lourmand, homme de loi, le plan d’uoe machine hydraulique. M. Lourmand s’exprime ainsi: Mes-ieurs, depuis que vous avez créé une patrie aux Français, tous sont désireux de contribuer à sa gloire et à son bonheur. Le génie, délivré des entraves du despotisme, vient, chaque jour, vous étonner de ses sublimes productions; les chefs-d’œuvre se multiplient dans tous les genres. M. Reynard vient aussi, Messieurs, vous faire hommage d’une invention qu’il ne croit pas indigne de votre attention; c’est une machine hydraulique, faite sur un système extrêmement nouveau. Cette machine infiniment simple, d’une construction facile et peu dispendieuse, susceptible d’une grande utilité, et d’être entretenue à peu de frais, indépendante de la variation et des hauteurs, peut, en tous temps, fournir autant d’eau qu’on le désirera : cette machine, en un mot, réunit à de nouveaux avantages, tous ceux des anciennes, sans en avoir les inconvénients. M. Reynard a eu principalement en vue le remplacement de la machine de Marly, machine dont la complication fatigue l attention de l’observateur, sans le satisfaire, qui embarrasse la voie publique, dont l’entretien est absolument onéreux, et qui, d’ailleurs, est absolument usée. Cette nouvelle machine pourrait aussi être utilement substituée à celle de la Samaritaine et du pont Notre-Dame, qui ont l’inconvénient d’intercepter les plus beaux points de vue de la capitale, et sont pour la navigation un obstacle funeste. Cette nouvelle machine enfin est susceptible d’èlre placée partout où le besoin l’exigera, et pourrait même être mise en mouvement par toute autre force que celle des rivières. M. Reynard vous demande la permission de déposer sur votre bureau le plan de cette machine, avec un mémoire qui contient les détails de la mécanique et les moyens d’exécution appliqués au remplacement de la machine de Marly. M. le Président répond : Tout ce qui tient au bonheur de l’humanité, tout ce qui peut répandre des lumières, mérite la sollicitude de l’Assemblee nationale. Elle voit avec plaisir que toutes les connaissances s’avancent vers la perfection, tandis que le germe de la liberté perfectionne parmi nous l’ordre social. L’Assemblée nationale voit avec plaisir votre travail; elle y applaudit, et vous accorde les honneurs de sa séance. M, Bouche. Je demande le renvoi du plan de M. Reynard au comité d’agriculture et de commerce. (Ce renvoi est décrété.) L’ordre du jour est un rapport des comités ecclésiastique et de Constitution sur les dispenses et les empêchements de mariage (1). M. lianjuinals, au nom des comités ecclésiastique et de Constitution. Vous avez ordonné de vous présenter un projet de loi qui remédiera à l’abus des dispenses de mariage, aux grands inconvénients qu’elles entraînent, et à ceux qui peuvent se rencontrer dans la manière de constater ces mariages. Vos comités ecclésiastique et de Constitution eurent bientôt reconnu que tout le désordre venait de ce que l’on a confondu, dans le mariage, le contrat qui en fait la substance, et le sacrement qui en est l’accessoire. De là le projet de décret qu’ils vous ont présenté et qui se réduit à ces points principaux : Supprimer toutes dispenses de mariage; restreindre ou supprimer différents empêchements de mariage: abolir surtout celui de la diversité du culte. Enfin, établir, indépendamment des cérémonies religieuses, une forme de constater les mariages, les naissances et les décès, qui soit purement civile et commune à tous les habitants de l’Empire. L’habitude et les préjugés se sont élevés contre la nouvelle forme de constater le mariage. On a prétendu qu’elle serait inconciliable avec la religion catholique. Pour ôter tout prétexte à ces clameurs, on a fait, à la rédaction, de légers changements qui ont paru satisfaire beaucoup de personnes, et qui ont donné lieu à une deuxième édition du projet. Cependant la discussion a été éloignée, et il paraissait presque oublié, lorsque le dissentiment qui s’est établi entre les catholiques, au sujet de la constitution civile du clergé, et les désordres qui s’en sont suivis, par le refus de se présenter au curé assermenté, ont rendu de plus en plus nécessaire et urgente l’exécution du projet présenté par votre comité sur le mode civil de constater les mariages, les naissances et les décès. (1) Voy. ci-après, aux annexes de la séance, le rajp port de M. Durand-Maillane sur cet objet. 160 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n mai 1791.1 Les dispenses matrimoniales, que l’évêque de Rome accordait à ceux qui pouvaient les payer, et refusait à ceux qui n’avaient pas les moyens d’en faire les frais, ont été supprimées par votre décret mémorable du 4 août 1789. Abandonnées, depuis, à la prudence de nos évêques, sont-elles devenues moins abusives? Non, sans doute. L’abandon fait à des hommes revêtus d’un pouvoir purement spirituel, d’approuver ou rejeter une convention essentiellement profane et séculière, attaque directement la liberté juste et raisonnable dont vous êtes si jaloux. Les limites de deux puissances sont confondues; l’ordre est renversé; l’intérêt public est compromis, et des ministres de l’Eglise peuvent arbitrairement donner ou refuser Je titre et le droit d’époux, de père, et de fils légitime. Pour la validité d’un mariage proscrit par la ■loi de l’Etat, l’autorisation du pouvoir civil est nécessaire et suffit seule, et si ce mariage a été •déclaré illicite... M. Martineau. Je vous demanderai un mot d’ordre sur le rapport qui se fait actuellement... Un membre : A l’ordre, M. Martineau! M. Mou gin s de Roquefort. Cela va mettre le feu dans nos provinces'. M. Martineau. Nous avons des affaires trop pressantes pour le bien de la nation pour nous engager encore dans des discussions interminables. Dernièrement des citoyens de Paris nous ont présenté une pétition ; c’est cette pétition renvoyée à votre comité qui a été mise à l’ordre du jour et c’est uniquement sur cette pétition que l’on doit entendre votre comité. ( Applaudissements .) Je demande donc que M. le rapporteur se renferme littéralement dans les bornes de cette pétition qui est d’ailleurs assez intéressante par elle-même puisqu’elle présente deux grandes questions. La première est de savoir si pour faciliter à 2 ou 3 millions d’hommes tout au plus les moyens de constater les mariages, vous changerez la forme ancienne que suivent habituellement 23 ou 25 millions d’habitants, ou si, au contraire, vous vous contenterez comme :on l’avait demandé dans le principe, de réformer la dernière loi de 1787, et de la rendre applicable aux circonstances actuelles : et je remarque qu’avec cette réforme on satisferait toutle monde. La seconde question a pour objet de statuer sur les moyens de constater les naissances et les décès des citoyens d’un autre culte que celui de la religion catholique. Voilà l’ordre du jour que je réclame; c’est sur cela que je demande que M. le rapporteur soit entendu. ( Applaudissements .) M. Vieillard. Je demande que vous fassiez rapporter le procès-verbal qui constate le renvoi delà pétition, afin de fixer l’ordre du jour. M. Delavigne. Je demande qu’on continue le rapport, sauf à ajourner ce qui devra l’être. ( Murmures . — Non ! non !) M. Lanjuinais. Je crois avoir averti l’Assemblée que je ne parlerai des dispenses et empêchements que par occasion, et seulement... ( Murmures. ) M. le Président. Renfermez-vous dans les termes de la pétition. M. Eianjuinais. Je vais prouver en peu de paroles que ces deux objets, la cérémonie religieuse du mariage et le mariage, sont essentiellement séparés, et doivent l’être pour le maintien de notre liberté. (Murmures.) Plusieurs membres : Nous le savons. M. Treilhard. On vous a appris que les catho liques non conformistes, passez-moi cette expression, ne présentaient pas leurs enfants dans les églises paroissiales, et les faisaient baptiser provisoirement dans des chapelles particulières. Vous avez permis la liberté des opinions religieuses; vous avez permis la liberté du culte; du moment où vous l’avez permis, vous avez permis aussi, par une conséquence nécessaire, que chacun pût constater son état civil ; et voilà ce qui a été renvoyé à la discussion : voilà ce que vous avez à discuter aujourd’hui. Je demande donc que vous adoptiez dans l’instant le décret suivant que j’ai l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale décrète que l’état civil des citoyens sera prouvé et constaté, à compter du jour de la publication du présent décret, par des actes reçus pardrs officiers civils. » (Applaudissements. — Aux voix! aux voix!) M. Vieillard. L’Assemblée peut commettre une très grande faute en précipitant sa délibération. Je demande que la discussion soit renvoyée à un autre jour. M. Mougins de Roquefort. Je m’oppose à ce que Tou adopte sans discussion la motion de M. Treilhard. Quand vous aurez décrété le principe du projet de décret qu’il vous propose, il faudra nécessairement en déduire les conséquences, et c’est alors que vous sèmerez le trouble dans les provinces. (Allons donc!) J’invoque ici les propres paroles d’un grand homme, sur la tombe duquel on versera longtemps des larmes : je veux parler de M. de Mirabeau. Lorsqu’un jour on voulait mettre cette question à l’ordre du jour, ■ il vous dit : n’allez pas plus loin; ne vous arrêtez pas sur cette matière-là, laissez mûrir le temps et les idées. Eh bien! Messieurs, dans ce moment-ci, je voudrais ranimer, pour ainsi dire, scs cendres pour donner à ma pensée la forme de ses expressions. Ü7i membre : Il n’a pas dit cela. M. Prieur. Comment peut-on redouter l’effet de la loi la plus sage, la plus nécessaire, d’après notre nouvelle Constitution? On pouvait bien dire sur la fin de 1789 : le peuple n’est pas encore mûr pour nos institutions ; mais, quand deux siècles se sont écoulés depuis 1789, quand des torrents de lumière ont coulé, il est étonnant qu’on vienne nous dire encore que Ton pourra tromper le peuple sur le véritable sens de nos lois. Le projet de loi que vous présente M. Treilhard est dicté parla sagesse ; celte loi est exigée par la Constitution ; sans elle il n’y a pas d’égalité entre les hommes, il n’y a pas de moyens de constater leur état. (Aux voix! aux voix!) Je demande donc... M. Emmery. Je demande que la discussion soit fermée. M. Prieur. Je demande, en me résumant, que la discussion soit ouverte sur l’avis de