ARCHIVES PARLEMENTAIRES (23 février 1791. J 452 (Assemblée nationale.] impuissants; leurs espérances seront déjouées. Dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ils avaient tenté les mêmes efforts ; et des nouvelles consolantes, arrivées de ces départements, nous font espérer que bientôt nous pourrons calmer nos inquiétudes. Ils avaient excité des troubles dans le Morbihan ; et les habitants de ce département, aujourd’hui honteux d’avoir été trompés, manifestent le plus vif regret d’avoir calomnié la Constitution et d’avoir voulu la compromettre. Nous espérons que les mêmes efforts auront le même succès dans le département du Gard. Cette considération nous a conduit nécessairement à vous proposer les mesures que vous avez adoptées efficacement dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, et que vous avez employées naguère pour le département du Morbihan. (Murmures.) Malgré les marques d’improbation qu’on donne déjà au projet que je vais proposer, et malgré les plaisanteries sur les commissaires, le comité a pensé que vous deviez envoyer des commissaires dans le département do Gard, parce que quelque louable que soit la eondube des corps administratifs, des commissaires pouvant se transporter rapidement dans tous les lieux où leur présence est nécessaire, n’étant pas condamnés comme un corps délibérant à des lenteurs, peuvent plus efficacement apporter un remède aussi prompt que le mal. Cette considération a déterminé votre comité à vous proposer d’adopter cette voie, il a pensé d’ailleurs que les administrateurs pourraient être retenus par des considérations personnelles qu’entraînerait l’habitude de vivre avec des concitoyens ; que des étrangers ayant une autorité extraordinaire en imposeraient davantage aux malveillants, et présenteraient plus de moyens aux citoyens qui défendent la Con-titution. Il a pensé aussi que ces commissaires» chargés de requérir dans les départements voisins les se-coursdes gardes nationales etdes troupes deligne, pourraient agir plus efficacement. Voilà quels sont les motifs qui ont déterminé le comité à vous proposer la mesure des commissaires; et dans cette mesure, Messieurs, il a pensé que vous devez étendre les pouvoirs des commissaires non seulement dans le département du Gard, mais encore dans les départements voisins, parce qu’en effet il y a eu des troubles dans le département de l’Ardèche. Ces troubles heureusement sont terminés; mais ils pourraient renaître : on pourrait craindre que dans quelques parties des départements voisins les ennemis de la chose publique ne tentent de nouveaux efforts. Votre comité est instruit d’ailleurs que dans le département de l’Aveyron, le district de..., avait tenté quelques efforts qui heureusement ont été réprimés par le département de l’Aveyron, qui a pris les mesures les plus efficaces pour le faire rentrer dans l’ordre. Mais il a cru que pour envoyer des commissaires il fallait, dans le cas où il arriverait des événements fâcheux, avoir sur les lieux un moyen capable de les réprimer. Votre comité vous proposera, en conséquence, de prier le roi d’envoyer des troupes dans ces départements, et voici les motifs sur lesquels il se fonde; c’e-t que dans ces départements il existe non seulement une rivalité d’opinions politiques, mais encore une rivalité d’opinions religieuses, et qu’on ne peut attendre des gardes nationales tous les secours qu’on pourrait en espérer dans d’autres départements où les mêmes circonstances n’existeraient pas. Certainement le parti patriote a la majorité dans tous les lieux; mais s’ils s’abstenaient il est à craindre que les ennemis ne se portent à de coupables excès. La plupart des gardes nationales sont donc retenus chez eux; on ne peut que les extrain-en petite partie pour porter du secours aux lieux où il en est besoin. Par conséquent, la force publique doit être composée de troupes de ligne. Telles sont donc les mesures que votre comité croit devoir vous proposer. Il a pensé que dans ce moment-ci ondevaituuiquements’occuper de prévenir le mal, et que le résultat des informations pourrait peut-être vous procurer des éclaircissements sur les auteurs coupables de ces désordres ; il a cru qu’il ne devait pas vous parler de ces lettres incendiaires, de ces mandements, auxquels seuls, je ne crains pas de le dire, on doit attribuer la cause des malheurs momentanés au reste, qui affligent en cet instant la patrie. Voici le projet du décret: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur les événements arrivés dans le département du Gard, « Approuve la eondube des administrateurs du département du Gard et du district d’Uzès, ainsi que celle de M. d’Alb gnac, commandant des troupes de ligne de ce département. « Considérant que l’activité qu’exigent les mesures à prenire nécessite l’envoi des commissaires qui puissent rapidement se porter partout où les circonstances exigeront leur présence; décrète: « Que le roi sera prié d’envoyer dans le département du Gard et dans les départements voisins un nombre de troupes de ligne suffisant pour rétablir la tranquillité publique; « Que le roi sera également prié d’envoyer, dans le département du Gard et dans les départements voisins, 3 commissaires qui seront autorisés à se concerter avec les corps administratifs de ces départements, sur les moyens les plus efficaces d’a»surer l’exécution des lois, arrêter les désordres, et en faire poursuivre les auteurs devant les tribunaux, requérir les secours des gardes nationales et celui des troupes de ligne et faire toutes proclamations et réquisitions qu’ils jugeront convenables. » M. Barnave. Il faut toujours dans les pouvoirs de commissaires une clause générale qui les autorise à faire toutes choses nécessaires au rétablissement de l’ordre et à l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale. M. Muguet de Hanthou, rapporteur. J’adopte l'amendement et je propose de rédiger le décret comme ?uit; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son tombé des rapports sur les événements arrivés dans le département du Gard, « Approuve la conduite des administrateurs du département du Gard et du district d’Uzès, ainsi que celle de M. d’Albignac, commandant des troupes de ligne dans ce département. « Considérant que l’activité qu’exigent les mesures à prendre dans ce département, nécessite l’envoi de cummissaires qui puissent se porter partout où les circonstances exigeront leur présence, décrète ce qui suit : * Le roi sera prié de faire passer dans le département du Gard et dans les départements voi- [23 février mi.j 453 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée natioaala.J sins un nombre de troupes de ligne suffisant pour assurer la tranquillité publique. « Le roi sera également prié d’envoyer dans le département du Gard, et dans les départements voisins, .3 commissaires, lesquels seront autorisés à se concerter avec les corps administratifs de ce département sur les moyens les plus efficaces d’assurer l’exécution des lois, arrêter les désordres, et en faire poursuivre les auteurs par-devant les tribunaux; requérir le secours des gardes nationales, celui des troupes de ligne, et faire toutes proclamations et réquisitions, et prendre toutes les mesures que les circonstances exigeront pour le rétablissement de l’ordre et le maintien des décrets. « L’Assemblée nationale charge son Président de porter dans le jour le présent décret à la sanction du roi. » (Ce décret est adopté.) M. de Sillery, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, adressée au Président rie l’Assemblée nationale, et relative au départ de Mesdames, tantes du roi : « Monsieur le Président, je viens d’apprendre que, sur la lecture du procès-verbal envoyé par la municipalité de Moret, quelques membres de l’Assemblée ont paru s’étonner que j’eusse contresigné les passeports donnés à Mesdames par le roi. Si ce fait a besoin d’être expliqué, je prie l’Assemblée de vouloir bien considérer que l’opinion du roi et de ses ministres est assez connue sur ce voyage. « Un passeport sera une permission de sortir du royaume, quand une loi aura défendu d’en sortir sans passeport; mais cette loi n’a jamais existé. Jusqu’alors, un passeport ne pourra être regardé que comme une attestation de la qualité des personnes. Dans ce sens, il était impossible d’en refuser à Mesdames. Il fallait s’opposer au v oyage ou en prévenir les inconvénients, au nombre desquels il n’était pas possible de ne pas compter leur arrestation par une municipalité qui ne les aurait pas connues. « Il existait d’anciennes lois contre les émigrations; elles étaient tombées en désuétude; et les principes de liberté décrétés par l’Assemblée nationale les avaient certainement abrogées. « Refuser un passeport à Mesdames, si cette pièce eût étécoosidérée comme permission aurait été non seulement devancer, mais même faire la loi. Accorder ce passeport, lorsque, sans donner aucun droit déplus, il pouvait prévenir des troubles, ne pouvait être regardé que comme un acte de prudence. « Voilà, Monsieur le Président, les motifs qui m’ont déterminé à contresigner le passeport de Mesdames. Je vous prie de vouloir bien les communiquer à l’Assemblée. Je saisis avec empressement cette occasion d’expliquer ma conduite et je compterai toujours, avec la plus parfaite confiance, sur la justice de l’Assemblée. (Applaudissements.) « Signé : de Montmorin. » M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 23 FÉVRIER 1791, AU MATIN. MÉMOIRE relatif aux ouvrages qu’il est urgent de faire pour la facilité et La sûreté de la navigation à V embouchure du Rhône (imprimé par ordre de l’Assemblée.) La navigation du Rhône est sans contredit une des plus intéressantes du rovaume, principale-m nt pour l’approvisionnement des arsenaux de Marseille et de la marine royale de Toulon, qui reçoivent par ce débouché les bois de construction, chanvres, comestibles, boulets, poudres, canons et autres objets nécessaires pour l’armement des vais-eaux et escadres du roi. Elle ne l’est pas moins pour le commerce en général, et surtout pour la foire de B�aucaire, la plus riche et la plus considérable de la France, dont les opérations de commerce, qui lient, l’on peut le dire avec vérité, toutes les nations, tiennent si immédiatement à la facilité de naviguer sur ce fleuve, que souvent elles ont été retardées, diminuées et même interrompues par les obstacles que l’on y éprouve trop fréquemment ; elle est également avantageuse pour toute la côte de Provence et villes maritimes d’Italie, qui donnent en échange des marchandises propres à alimenter nos manufactures. Cette navigation devient bnm plus importante encore depuis que le gouvernement s’occupe de la jonction du Rhône au Rhin, dont M. Bertrand, inspecteur général, a formé les projets. Cette jonction ouvrira une branche de commerce avec la Hollande et l’Allemagne ; et si celle du Rhin au Danube se fait par la suite, comme il y a tout lieu de l’espérer, ce débouché qui aura une étendue de 5 à 600 lieues, sera le plus utile et le plus célèbre que les hommes aient pu imaginer et exécuter ; en un mot ce sera le canal de toute l’Europe. Ces motifs puissants militent, de la manière la plus victorieuse, en faveur des travaux à faire aux bouches du Rhône, puisqu’elles sont le dernier terme de ces opérations et le seul passage pour communiquer à la Méditerranée, Cette vérité est incontestable, et la navigation du Rhône, indépendamment du degré d’importance qu’elle acquerra par ces nouveaux projets, a été jugée par le ministère si nécessaire, que depuis très longtemps il s’est occupé des moyens de la rendre libre et sûre. Les travaux commencés à cet effet, d’après ses ordres, interrompus suivant les circonstances, repris et cessés en différants temps, n’ont pu être conduits à leur perfection. Les mêmes inconvénients et obstacles ont toujours subsisté à l’embouchure du Rhône, et les marins-négociants, ainsi que la ville d’Arles, n’ont cessé d’adresser des représentations pour faire connaître la nécessité d’y parvenir d’une manière efficace. Ce mémoire sera divisé en cinq parties. La première indiquera les différentes routes que le Rhône a parcourues depuis Arles jusqu’à la mer. La deuxième renfermera une description de la situation actuelle. Dans la troisième, l’on rendra compte des différents projets qui ont été proposés, de ceux qui ont été commencés et de celui mis eu avant par les Etats de Provence.