âOâ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] dans la société après vingt ans. Ceux qui ont été escamotés par le despotisme méritent autant d’égards que ceux qui se sont expatriés. Je conclus à ce qu’un homme détenu en vertu d’une lettre de cachet, quel que soit le crime qu’il ait commis, ne puisse être condamné à plus de vingt ans de captivité. M. Frétean. Je pense qu’il faut tenir compte à tous ces malheureux de la manière dont ils ont été jugés et condamnés ; ils n’avaient ni conseils, ni ad joints. Quant à ceux qui ont déjà subi quinze années de prison, il n’v a rien à gagner pour eux. Mais il peut paraître juste qu’ils aient au moins le bénéfice d’un jugement définitif. M. Foys. Je demande qu’on excepte de l'article les crimes que les ordonnances ont déclarés irrémissibles: tels sont les parricides, les fratricides, les incendiaires et les empoisonneurs, M. de Cazalès. 3e demande que l’amendement soit plus simplement rédigé, et qu’on se borne à dire que tout homicide est excepté de l’article. M. Long. J’appuie l'amendement avec d’autant plus de raison que ce n’est que par privilège que quelques coupables ont été soustraits à la peine, et qu’on peut dire que la justice a eu les mains liées par l’influence ministerielle. M. Popuïus, Si vous n’adoptiez pas cet amende� ment, vous verriez peut-être des fratricides devenir les héritiers de leurs frères. Je pourrais citer un exemple d’un malheureux qui fut empoisonneur, incendiaire et assassin dans l’espace de deux mois; voudriez-vous rendre à la société un pareil scélérat ? M. le comte de Mirabeau. On ne connaît pas deux exemples des cas que vous voulez pré voir, parmi le nombre des détenus sur le sort desquels vous avez à vous prononcer. Quels sont les cas véritablement irrémissibles? quels sont ceux pour lesquels le roi jure, à son sacre, de ne jamais faire grâce ? Le duel et la contrebande récidi-vée. Si vous vouliez ne pas déroger aux principes de justice que vous réclamez, il faudrait accorder une indemnité à ceux qui ont été détenus sans être coupables ni accusés : c’est la commutation des peines qu’il s'agit de légitimer ; les détenus ne doivent pas sans doute souffrir de cette légitimité. M. Frétean. Ce n’est que depuis le barbare Duprat que l’on a donné le droit, pendant vingt années, de poursuivre une accusation contre un citoyen. Chez les Romains, le délai ne pouvait excéder une année. N’oublions pas que c’est sur le sort des hommes que nous avons à prononcer. Je n’ai jamais été que quinze jours entre quatre murailles, et je sais ce que c’est que la rigueur d’une détention. L’amendement de M. Lovs est adopté sous cette forme : « Excepté dansées cas d’assassinat, de poison et d’incendie... » L’Assemblée adopte ensuite successivement le reste des articles; ils sont décrétés en ces termes : « Art. 2. L’Assemblée nationale n’entend comprendre, dans la disposition du précédent article, les mendiants et vagabonds enfermés à temps, en vertu de sentence d’pu juge, qu sur l’ordre des officiers de police, et autres ayant Garaetère pour l’exécution des règlements relutifs à la mendicité et à la sûreté publique, à l’égard desquels il n’est rien innové quant à présent. « Art. 3. Ceux qui, sans avoir été jugés en dernier ressort, auraient été condamnés en première instance, ou seulement décrétés de prise de corps, comme prévenus de crimes capitaux, seront conduits dans les prisons des tribunaux désignés par la loi, pour y recevoir leur jugement définitif. « Art. 4. A l’égard des personnes non décrétées, contre lesquelles il y aura eu plainte rendue en justice, d’après une procédure tendant à constater un corps de délit, elles seront également jugées, mais dans le cas seulement où elles le demanderaient, et alors elles ne pourront sortir de prison qu’en vertu d’une sentence d’élargissement. Dans les cas où elles renonceraientà se faire juger, l’ordre de leur détention sera exécuté, pour le temps qui en reste à courir, de manière toutefois que sa durée n’excède pas six années. « Art. 5. Les prisonniers qui devront être jugés eu vertu des deux articles précédents, et qui seront condamnés comme coupables de crimes, ne pourront subir une peine plus sévère que quinze années de prison, excepté dans les cas d’assassinat, de poison ou d’incendie, où la détention à perpétuité pourra être prononcée: mais dans ces cas mêmes les juges ne pourront prononcer la peine de mort ni celle des galères perpétuelles. « Dans les quinze années de prison seront comptées celles que les prisonniers ont déjà passées dans les maisons où ils sont détenus. « Art. 6. Quant à ceux qui ont été renfermés sur la demande de leur famille, sans qu’aucun corps de délit aient été constaté juridiquement, sans même qu’il y ait eu de plainte portée contre eux en justice, ils obtiendront leur liberté, si dans le délai de trois mois aucune demande n’est présentée aux tribunaux, pour raison des faits à eux imputés, « Art. 7. Les prisonniers qui ont été légalement condamnés à une peine afflictive, autre toutefois que la mort, les galères perpétuelles, ou Je bannissement à vie, et qui, n’ayant point obtenu de lettres de commutation de peine, se trouvent renfermés en vertu d’un ordre illégal, garderont prison pendant le temps fixé par l’ordre de leur détention, à moins qu’ils ne demandent eux-mêmes à subir la peine à laquelle ils avaient été condamnés par jugement en dernier ressort; et cependant aucune détention ne pourra jamais, dans le cas exprimé au présent article, excéder le terme de dix années, y compris le temps qui s’est déjà écoulé depuis l’exécution de l’ordre illégal. « Art. 8. Ceux qui seront déchargés d’accusation recouvreront sur-le-champ leur liberté, sans qu’il soit besoin d’aucun ordre nouveau, et sans qu’il puisse être permis de les retenir sous quelque prétexte que ce soit. « Art. 9. Les personnes détenues pour eause de démence seront, pendant l’espace de trois mois, à compter du jour de la publication du présent décret, à la diligence des procureurs du roi, interrogées par les juges dans les formes usitées, et en vertu de leurs ordonnances, visitées par les médecins qui, sous la surveillance des directoires des districts, s’expliqueront sur la véritable situation des malades, afin que, d’après la sentence qui aura statué sur leur état, ils soient élargis, ou soignés dans les hôpitaux qui seroqf, indiqués à cet effet,