37 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [23 octobre 1790.] idées. Je demande donc qu’on décide si on s’occupera du tribunal de cassation avant de discuter le projet d’une haute cour nationale. Quand cette question sera décidée, la discussion s’établira sur le système général, puis article par article. M. Duport. Il est extrêmement nécessaire que les éléments soient d’abord établis. L’organisation générale des jurys devrait être décidée avant qu’on eût fait l'application d’un tribunal particulier. Lundi prochain, ce travail sera proposé à l’Assemblée; quand il sera terminé, quand le tribunal de cassation sera formé, la haute cour nationale aura tous les éléments qui entreront dans sa composition. M. de Cazalès. J’appuie les observations qui viennent d’être faites, mais je demande en même temps que vous décrétiez des lois sur les crimes de lèse-nation. Ce crime n’a été que trop longtemps indéfini, et la postérité n’apprendra pas sans surprise que les législateurs ont créé un tribunal et que des juges ont osé juger avant nue la véritable acception du mot crime de lèse-nation ait été fixée. M. Démeunier. Il y a dix mois que ce travail est fait ; il reste encore à graduer les peines; ce code sera bientôt achevé. Le projet qu’on vous propose aujourd’hui est une organisation définitive dans la Constitution: si l’on veut un tribunal provisoire, quand les nouveaux tribunaux seront établis, il sera facile de le trouver. (L’Assemblée délibère et décide qu’elle s’occupera du tribunal de cassation avant de discuter le projet d’organisation de la haute cour nationale.) M. l’abbé Maury. Pour épargner véritablement le temps de l’Assemblée, il me semble qu’il serait convenable de commencer par le code pénal et par les jurys, sur lesquels nous n’avons pas tous les mêmes idées : régions les jurys dans les tribunaux ordinaires ; nous verrons alors si nous établirons un grand jury pour la haute cour nationale. M. Robespierre. Vous avez une disposition plus pressante, plus importante à prendre en ce moment; il existe un tribunal inconstitutionnel et frappé de la haine de tous les bons citoyens; vous ne pouvez le laisser subsister : je demande que sur-le-champ il soit supprimé. {On applaudit .) M. lie Chapelier. Deux propositions viennent d’être faites : l’une est une motion d’ordre, l’autre est une motion contre un tribunal : sur la première, je remarquerai que nous avons bien décrété d’une manière générale que les délits seraient jugés par un jury; nous pouvons décider de même qu’un grand jury sera affecté à la haute cour nationale. Cependant je ne me dissimule pas que la discussion serait plus utile si la loi des jurys était portée. Quant au code pénal, il y a eu dans tous les gouvernements des crimes qui mettaient la chose publique en danger, et le code à établir ne sera pas plus difficile que la définition de ces crimes. J’observerai, sur la seconde motion, que j’ai déjà fait remarquer à l’Assemblée l’impossibilité de conserver le Châtelet; j’ai annoncé qu’après l’organisation de la haute cour nationale nous provoquerions l’établissement d’un tribunal provisoire. On propose aujourd’hui de supprimer entièrement le Châtelet; cette proposition est trop étendue. La cessation de ses fonctions, quant aux procédures civiles et criminelles ordinaires, serait de la plus fâcheuse conséquence; mais on peut sans inconvénient lui retirer la connaissance des crimes de lèse-nation. M. Chabroud appuie cet amendement, que M. Robespierre adopte. On demande à aller aux voix. M. l’abbé Maury. Je demande à observer au comité de Constitution qu’il doit apporter d’autant plus d’attention au jury... {On observe que ce n'est pas la question.) Il nous propose la chose du monde la plus monstrueuse en législation. Quant au Châtelet, comme il ne peut juger que sur votre propre renvoi, je ne vois pas un grand inconvénient à ce qu’il reste saisi de la connaissance des crimes de lèse-nation. Si vous vouiez le remplacer par des juges choisis par le peuple, attendez que ces juges soient nommés... (On demande à aller aux voix.) Nous n’avons que trois partis à prendre : ou créer une commission, ce qui répugnera sans doute à cette Assemblée ; ou attendre, ce qui me paraît le plus sage ; ou donner congé à tous les scélérats qui voudraient attaquer la nation. L’Assemblée délibère et décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète que l’attribution donnée au Châtelet de juger les crimes de lèse-nation, est révoquée ; et, dès ce moment, toutes procédures faites à cet égard, parce tribunal, sont et demeurent suspendues. » M. de Foucault. Je suis autorisé, plus que qui ce soit, à vous engager à prendre en considération les arrestations des comités de recherches nationaux. Un homme très respectable et très respecté, puisque c’est un général d’armée... {On demande à passer à l'ordre du jour.) Il faut aujourd’hui rendre la liberté aux per.-onnes injustement accusées. {Il s'élève des murmures.) Puisque nous ne pouvons parvenir à détruire le comité des recherches, je demande qu’on augmente ses droits, et qu’à celui de faire arrêter, on ajoute celui d’absoudre. M. Foidei. Je ne monte pas à cette tribune pour excuser le comité des recherches; il n’a jamais été dirigé dans sa conduite que par le zèle le plus pur et le plus infatigable. Je n’ai pour objet que de vous instruire d’un nouvel événement. On a arrêté à Mâcon M. de Bussi et huit autres personnes violemment soupçonnées d’un projet de conjuration contre l’Etat. Deux autres personnes, arrêtées au pont de Beauvoisin, sont violemment soupçonnées de complicité. La présence de M.de Bussi à Mâcon peutoccasimmer une fermentation dangereuse pour lui. Je demande, comme vous l’avez ordonné ausujetdeM.Trouard, que M. le président se retire pardevers le roi pour le prier défaire transporter à Paris ces différentes personnes sous bonne et sûre garde. M. l/abbé Maury. Je demande que, si l’accusation n’est pas fondée, les membres du comité des recherches puissent être pris à partie. M. Rrieur. Je ne crois pas qu’on puisse faire droit à l’instant sur la demande de M. Voidel, et je propose d’ajourner à demain, pour que le comité nous présente les détails sur cette affaire. M. de Sérent. Quoique je n’aie pas de détails 38 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 octobre 1790. bien précis sur cette affaire, je crois pouvoir assurer qu’après quelques examens l’Assemblée verra qu’elle n’est pas aussi grave qu’on pourrait l’imaginer. Les personnes qui s’intéressent à M . de Bussi sont si convaincues de son innocence qu’elles renoncent, en son nom, au droit qu’a tout citoyen de n’être arrêté que par un décret. (L’Assemblée décide que, demain au soir, le comité des recherches rendra compte de cette affaire.) M. de Delley. Parmi les objets importants qui appellent votre sollicitude, il en est deux relatifs à la vente des domaines nationaux. Il y aurait des obstacles à cette vente : 1° si vous ne vous hâtiez de liquider les offices supprimés. Les propriétaires nous écrivent qu’ils ne peuvent souscrire pour des acquisitions sans savoir quelle sera la somme du remboursement qu’ils recevront. 2° Aucun acheteur ne peut mettre un prix d’une manière assurée à un fonds de terre s’il ne connaît le rapport de la contribution foncière avec les impôts indirects et industriels. Je demande qu’on décide promptement cette proposition, et qu’on prenne un moyen quelconque pour accélérer la liquidation des offices de judicature. M. Dupont. Il n’est pas possible de connaître cette proposition avant d’avoir déterminé quelle sera la somme des contributions indirectes. M. Dauchy. Je ne m’oppose pas à la première proposition de M. deDelley ; mais sur la seconde, je rappelle que vous l’avez ajournée jusqu’après le moment où le comité des finances aura donné l’état des besoins. M. Démeunier. Pour arriver à un résultat, je propose d’écarter les motions incidentes, et de se borner à décider quel sera demain l’ordre du jour. M. de Foucault. Je profite de cette observation pour demander que le comité central fasse son rapport. Je veux finir ma mission le plus tôt possible. M. de Delley. Je réduis ma motion à ce qu’on ajourne à demain la suite de la discussion sur l’impôt. Cette dernière proposition est décrétée. M. le Président. L’Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour nommer trois membres du comité militaire. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du mardi 26 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Durand-llaillane , secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 25 octobre. L’Assemblée en adopte la rédaction. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. fllaurissart, au nom du comité des finances, rend compte de Yincendie de Limoges. La municipalité de Limoges a appelé des ingénieurs qui ont estimé les maisons détruites. 186 maisons ont été brûlées et la ville entière a été sur le point de devenir la proie des flammes. Ces maisons ont été estimées 1 ,722,000 livres. Les dommages causés aux autres ont été évalués à 1,000,000 : la frayeur, le pillage et les autres suites de ce désastre ont causé aux habitants une perte de 1,200,000 livres au moins. Ainsi Je dommage est de 4,000,000 de livres. Huit jours après, il y a eu dans cette ville une banqueroute de 1,200,000 livres, dont les trois quarts ont été supportés par elle. Je ne cite cet événement que pour présenter avec fidélité le tableau de sa position, Le gouvernement venait autrefois au secours des incendiés; votre comité a pensé que l’Assemblée nationale ne se montrerait pas moins sensible; mais, d’un autre côté, considérant l’état de ses finances il a proportionné et divisé les secours dans un décret que nous vous soumettons. Le décret est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant l’étendue des pertes qu'ont éprouvées les habitants de Limoges, dans l’incendie qui a réduit en cendres une partie considérable de cette ville, et voulant, autant que peut le permettre la situation des finances, donner du secours à ces malheureuses victimes, ouï le rapport détaillé de son comité des finances, décrète ce qui suit : Art. 1er. «Les administrateurs du département de la Haute-Vienne sont autorisés à imposer sur tous les contribuables de leur arrondissement, payant au-dessus de 10 livres d’impositions directes, une somme de 60,000 livres, payahle en cinq années à raison de 12,000 livres chaque année. Ladite somme sera imposée par simple émargement au rôle des impositions directes, au marc la livre des contributions : le montant en sera versé chaque année, par les receveurs du district, dans la caisse de la municipalité de la ville de Limoges. Art. 2. « Le ministre des finances fera également verser dans la caisse de la municipalité de Limogés* la somme de 240,000 livres en cmq années consécutives, à raison de 48,000 livres par année* payables de trois mois en trois mois, jusqu'au final paiement de la susdite première somme. Art. 3. « Les deux susdites sommes étant destinées uniquement au soulagement des malheureuses victimes de l’incendie, les officiers municipaux se conformeront, dans la disposition qu’ils en feront, à l’esprit du décret de l’Assemblée nationale, sous la surveillance immédiate du directoire du département de la Haute-Vienne. » M. deCrilIon l'aîné. Avant l’augmentation de solde que vous avez décrétée pour les troupes, les soldats, à bord des vaisseaux, recevaient une gratification de 18 deniers par jour, à raison de leur service, réputé extraordinaire. Pour détruire des doutes qui se sont élevés depuis l’augmenta-