721 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] ' « Ce sera l’effet des moyens constitutionnels d’administration dont l’établissement occupe actuellement le peuple français, qui exerce aujourd’hui, et pour la premièreTnis la plénitude de ses droits dans la forme qui convient à une grande nation libre. Il est affligeant, sans doute, que la licence ait troublé, ait souillé dans plusieurs lieux les jours solennels delà liberté. L’Assemblée nationale, dont le bonheur de la France est la seule passion, n’apprend jamais sans une affliction bien vive les nouvelles de ces excès, dont les plus cruels ennemis du bien public n’ont pas, sans doule, l’affreux courage de se réjouir : Elle partage la douleur que ces tristes nouvelles portent dans le cœur d’un monarque qui donne aux Français l’exemple de toutes les vertus, et particulièrement celui d’aimer et de maintenir la Constitution. « C’est par des moyens doux et mesurés, mais fermes et soutenus, par la profession constante des principes les plus sains, par l’établissement le plus accéléré de la Constitution, par le concert le plus heureux de ses mesures avec les intentions si connues du roi, que l’Assemblée nationale s’est constamment occupée de ramener au devoir et à l’observation des lois un peuple souvent égaré, auquel il faut rendre l’heureuse habitude d’obéir à l’autorité légitime. Une précipitation mal calculée ne ferait que retarder l’accomplissement de ces soins importants. « Personne ne sait mieux que vous, Monsieur, combien les vues de l’Assemblée nationale ont toujours été dirigées sur ce plan ; elle a souvent remarqué avec satisfaction votre empressement à la seconder par tous les moyens que la confiance du roi et de la nation ont mis en votre pouvoir. Les vues que vous lui offrez aujourd’hui sont un nouvel hommage de votre patriotisme : on est toujours sûr de l’attention bienveillante de cette Assemblée quand on lui parle de paix, de concorde, de fraternité, et des moyens d’accélérer la félicité de l’empire. Pourquoi mêler à ces idées consolantes la pensée affligeante de l’instant où vous pourriez cesser de coopérer à leur exécution? Il est des hommes qui ne devraient connaître de l’humanité que les affections douces qui unissent les êtres sensibles, et non pas les maux qui les affligent. » (Le premier ministre des finances se retire.) L'ordre du jour est ensuite l’affaire de Marseille. MM. les députés extraordinaires de la municipalité de Marseille paraissent à la barre. M. le Président. L’Assemblée nationale a décrété que vous seriez appelés pour lui faire connaître les événements nouvellement arrivés à Marseille. MM. les députés extraordinaires de la municipalité de Marseille, M. Brémont-Julien portant la parole : Les malheurs dont la ville de Marseille aété affligée vous sont connus; vous avez accueilli ses plaintes, et Marseille jouissait à peine de vos bienfaits, que les ennemis de la Révolution ont cherché à troubler ce bonheur. Les forts sont des nids à tyrans-, cette maxime a eu chez nous une application funeste. Nous avons été effrayés par un appareil militaire redoutable; des munitions de bouche ont été entassées dans les forts; une guerre étrangère avec deux puissances est venue augmenter encore nos inquiétudes. Nos craintes étaient peut-être exagérées, mais elles étaient naturelles à ceux qu’on environnait de pièges, à ceux qui venaient d’apprendre que 53 paquets, lre Série. T. XV. arrivant de Nice et adressés aux commandants des places fortes, avaient été interceptés. Vous avez su que les citoyens de Marseille, après avoir surpris le fort de Nôtre-Dame-de-la-Uarde, et s’être emparés du fort Sain t-Jean, on t vou lu faire le siège d u fort Saint-Nicolas. Des préparatifs menaçants avaient été faits pour les repousser; les mèches étaient allumées ; Marseille allait être réduite en cendres ; les officiers municipaux se transportèrent au fort; ils supplièrent; ils obtinrent que le sang des citoyens ne serait pas répandu, et ils proposèrent une convention, d’après laquelle les forts devaient être désormais gardés par la garde nationale et parles troupes de ligne, concurremment, c’est-à-dire qu’il y aurait eu uu garde national pour trois soldats de ligne. Une lettre du ministre est arrivée, avec l’ordre à la garde nationale d’évacuer les forts, et au régiment de Vexin d’en sortir également, pour être remplacé par celui d’Ernest; ainsi on punissait des soldats qui avaient donné une preuve de patriotisme en ne voulant pas tirer sur des Français; ainsi le ministre prenait des mesures différentes de celles que vous aviez ordonnées par votre décret; ce décret accompagnait la lettre du ministre, mais il n’était pas revêtu des formes constitutionnelles. Quelque temps après, des citoyens s’introduisirent dans le fort Saint-Jean et commencèrent à le démolir; nous nous y rendîmes revêtus de nos écharpes; nous demandâmes main forte à fa garde .nationale et au commandant du fort, et nous fîmes cesser la démolition. Nous apprîmes bientôt que les citoyens continuaient à démolir avec plus d’activité qu’aupa-ravant. La municipalité ne pouvait pas, pour s’y opposer, déployer la force publique contre les citoyens, puisque tous les citoyens font partie de la garde nationale; il n’y avait qu’un moyen de sauver la citadelle, c’était de permettre la démolition des batteries qui sont dirigées sur la ville. Le conseil général a donné cette permission. Vous avez ordonné que cette démolition fût suspendue; elle le sera. Peut-être ordonnerez-vous que la forteresse soit démolie, quand vous saurez qu’elle a été construite par le despotisme, afin de contraindre l’amour que les Marseillais ont toujours eu pour la liberté. Plusieurs batteries sont disposées de manière à foudroyer la ville, d’autres sont dirigées sur le port et peuvent empêcher l’entrée des subsistances. Une inscription placée sur les murs de la citadelle dévoile avec énergie les motifs pour lesquels on l’a élevée. Louis-le-Grand a fait construire cette citadelle, dans la crainte que Marseille fidèle ne se livrât aux élans de la liberté. Vous ne souffrirez pas que cette ville intéressante reste sous le despotisme d’un ministre que nous avons dénoncé, que nous dénonçons encore; qui, en donnant une extension arbitraire à votre décret, a fait d’une loi paternelle une loi de sang, qui nous a induits en erreur, en nous transmettant un décret non revêtu des formes nécessaires pour qu’il fût authentique, et qui vient nous accuser encore. Non, Messieurs, la ville de Marseille n’est point coupable des délits qu’on lui impute; ils s’éloignent trop du caractère d’un peuple libre par vous, et fier d’obéir aux lois que vous avez établies 1 M. l’abbé de Villeneuve-Bargemont, député de Marseille (1). Messieurs, la révolution arrivée dans l'opinion des hommes, est la vérita-11) Le discours de M. de Villeneuve-Bargemont u’a pas été inséré au Moniteur. � 4ü 722 [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] ble cause que les notions des choses sont entièrement changées. Ce qui a été louable dans un temps* cesse de l’être dans un autre* Par la même raison* ce qui a été réputé jusques à nos jours* à certains égards répréhensibles, sera dans le cas de mériter bientôt les plus grands éloges* Ainsi, dans les circonstances actuelles* toute affaire sujette à discussion ne doit être nullement envisagée suivant les anciennes idées et les anciennes lois ; mais suivant celles qui ont été récemment adoptées et qui sont actuellement en vigueur. Vous vous rappeler, sans doute, Messieurs, qu’à l’occasion des événements survenus à Marseille* il fut décidé que les forts et citadelles de cette ville seraient incessamment remis aux troupes du roi. Depuis ce temps là, les ordres de l’auguste chef du pouvoir exécutif et le décret de l’Assemblée nationale y sont parvenus et l’on a commencé à y démolir quelques fortifications. Il s’agit actuellement de savoir, si une opération de cette nature est ou n’est pas une désobéissance de la part des habitants, Or, comment pourrait-on traiter de désobéissance Ce qui est appuyé sür une loi qui est devenue celle du royaume, que le roi a sanctionnée, dont il a reconnu lui-même dans toutes les occasions l’authenticité et dans l’observation de laquelle repose le bonheur des Français? La liberté y est représentée comme le souverain bien*, il y est dit expressément que tout citoyen peut toujours opposer la force à la force pouf se garantir de l’oppression. Poürrait-on douter un instant de l’importance de cette loi surtout après l’hommage que le roi vient de rendre par sa dernière proclamation au signe éclatant de la liberté, que les Français regardent comme le plus bel ornement dont ils uissent Se parer, savoir : . . . la cocarde nationale. e digüe chef de la nation a tellement reconnu que les intérêts de son peuple étaient préférables aux siens propres* qu’il a renoncé absolument, et polir toujours, à sa propre cocarde, pour porter désormais celle de ses sujets. Il avait déjà remis, depuis quelque temps, sur l’autel de la patrie sa renonciation à plusieurs des droits et prérogatives attachés à la souveraineté, dont lui et ses prédécesseurs avaient toujours joui. Sou exemple n’a pas peu influé à inspirer de Si beaux sentiments à Monsieur lé comte de Provence, sentiments consignés dans la lettre que ce prince-citoyen a écrit au président de notre auguste Assemblée, et dans le discours qu’il a prononcé à la commune de Paris. D’après tout ce qui vient d’être rapporté, la ville de Marseille n’est donc pas blâmable, n’ayant jamais agi, dans toutes ses opérations, que d’après les principes de la Constitution. La nature d’une affaire aussi sérieuse et aussi capable de fixer l’attention du public, exige qu’elle soit mise au plus grand jour. Pour ne rien laisser à désirer, il faut nécessairement distinguer à Marseille deux espèces de fortifications. Les unes sont dü côté de la mer, les autres dominent la ville. Les premières sont absolument nécessaires pour la sûreté du port et préserver en même temps la ville du côté de la mer, Les habitants sont trop sages pour ne les pas cdn server ; ils n’ont certainement jamais pensé à y faire la moindre dégradation* Les autres fortifications dominent la ville et ne servent qu’à menacer la liberté dès citoyens. Tout le monde connaît les faisons qui déterminèrent Louis XIV à faire construire la citadelle de Marseille, Ce monarque voulut procurer au duc de Mercœur, gouverneur de Provence, le plaisir de se venger de quelque mécontentement qu’il croyait avoir reçu de la part de la ville. Il y fut excité par le cardinal de Masarin soft premier ministre, dont la sœur avait épousé le duc de Mercœur. Dès que les habitants de Marseille tt’Ont abattu que les fortifications qui dominent la Ville et n’ont rien entrepris contre celles qui assurent le port et défendent la ville du côté de la mef, quel sujet de plainte peut-on avoir contre eux? Ils ont agi suivant les principes de la Constitution et suivi l’exemple des citoyens de la capitale qui ont abattu au mois de juillet dernier la forteresse de la Bastille. Tout ce que les ennemis de la ville de Marseille lui opposent est très facile à résoudre. On lui reproche premièrement sod peu de soumission aux ordres dü roi et aux décrets de l’Assemblée nationale] Secondement, qu’elle a attenté aü droit de propriété que la nation a sur toutes Jes forteresses du royaume. Quant au premier article, je m’en rapporte, Messieurs, aux moyens de défense dont les députés extraordinaires dé la Ville dé Marseille se sont servis, quand vous ave2 daigné les entendre* Ils vous ont exposé les raisons qu’ils avaient de croire à une contre-révolution, et vous ont assuré avoir* à ce sujet* des preuves très fortes. La municipalité avait tout lieu de penser que les ordres du roi avaient été surpris à sa religion* Le décret dé l’Assemblée n’était pas sanctionné. Les habitants étaient parfaitement instruits qu’il Se faisait, dails les forts, des préparatifs de guerre très considérables pour les attaquer. Ils suspectaient, d’ailleurs, la fidélité de certains ministres qu’ils regardaient comme ennemis de la Constitution. Ne voyant que précipice de tout côté, quel parti pouvaient-ils prendre autre que Celui auquel ils se Sont déterminés ? Dans toutes les opérations qüi ont eü lieu et qui ont réussi, ils n’ont fait qu’opposer la force à la force, conformément aux principes de la Constitution. Ils n’ont eu, en effet, d’autre objet que celui de se préserver des grands maux dont ils se voyaient sur le point d’être accablés. 11 faut rendre cette Justice aux officiers municipaux de Marseille, que par les sages précautions qu’ils ont prises lors des événements qui ont précédé la démolition des forts* ils ont heureusement évité l’effusion du sang. Lès ennemis implacables dé Marseille ont tort de témoigner un si grand mécontentement de ce qui S’est passé dans cette ville. S’ils sont de bonne foi, nê devraient-ils pas, au contraire, se réjouir de ce que la doctrine qui a rapport à la liberté et à l’égalité des hommes, qu’ils ont favorisés dans le principe, a fait, en très peu de temps, les plus grands progrès dans le royaume, et surtout dans Marseille. N’ont-ils pas envoyé, il y a plus d’un an, dans lAiseniMéft national*.] différentes provinces, des apôtres pour y prêcher j les grandes vérités sur lesquelles sont fondés les droits de l’homme? N’ont-ils pas répandu, dit-00, à Cette occasion, des sommes considérables pour susciter des insurrections, presque toutes combinées et dont plusieurs, au grand étonnement du public, sont arrivées le même jour en différentes villes du royaume ? Ce qui les fâché peut-être beaucoup, c’est qu’une grande partie de cette quantité de monde dont ils Se servaient précédemment pour occasionner des commotions dans4PËtat,est aujourd’hui à la dévotion de chefs qui ne veulent plus dépendre d’eux; Ce qui les met probablement au désespoir c’est que, après être parvenu au plus haut degrédecrédit et de puissance, par les suites nécessaires de cette même révolution qu’ils ont occasionnée, ils vont devenir des agents, pour ainsi dire, subalternes et dépendants. S'ils n’ont pas prévu les troubles qui devaient nécessairement arriver à l’occasion des systèmes nouvellement établis et s’ils n’ont pas pourvu en même temps au moyen de lès apaiser, ils auront de grands reprocheg à se faire. Quant au second article, il est aussi facile d’y répondre qu’au premier. La nation française, dlrâ�t-On, aV&it certainement le même droit de propriété Sur ia forteresse de la Bastille à Paris, qu’elle pouvait avoir sur les trois forteresses de Marseille, La première a été démolie soîis les yeux du foi et de l’AsSembléè nationale sans que ni Pün ni l’autre n’aient fait, à ce sujet, la moindre rêclama-tiotu Là position de ces deux villes, quant aux objets qu’eiles avaient à redouter, étant absolument les mêmes, elles Ont été parfaitement en droit de démolir des fortifications qui n’avaient été élevées que pour les tenir continuellement dans la plus vile dépendance. Le triomphe de la liberté qui à eü liëti dans la capitale a occasionné üü Spectacle qui sera à jamais mémorable. Nous avons vu qu’à l’époque dé la prise de la Bastille, le roi vint à Paris Se réjouir d’un pareil événement au milieu de son peuple, Il n’avait été précédemment que le chef d’une nation Soi-disant libre .4 par la prise et la démolition de la Bastille, il èstdévenu chef d’une nation véritablement libre, Il est indubitable que lé foi, restaurateur de la liberté, aurait témoigné autant de satisfaction sur iâ démolition des forts de Marseille, qu’il en avait montré sur celle de ia Bastille, si lafourberie trop enracinée dans Pâme de la plupart des lavoris qüi l’obsèdent, n’y avait pas mis obstacle. Il faut espérer que les Français, revenus de cet aveuglement déplorable, "où ils ont vécu si longtemps, donneront un plus grand essor à leur imagination et qu’ils connaîtront mieux que jamais le prix delà liberté. Ils se rappelleront tous que Iè quinzième du mois de juillet dé l’année dernière, le lendemain de ce fameux événement dé la prise de la Bastille le roi, accompagné des princes, ses frères, vint à l’Assemblée nationale, pour lors séant à Versailles, «abdiquer généreusement le despotisme injustement Usurpé par ses prédécesseurs. Ce monarque, en faisant ce sacrifice, n’a point eu l'intention que l’Assemblée nationale S’investit elle-même de ce pouvoir redoutable qui a occa-(29 mai 179&J plus d’une fois, le malheur de ta France. C’est à cette époque que noué devons sans cesse nous rappeler que les Français Sôût rentrés dafts les jouissances de la liberté qu’iis ont acquise eu naissant, dont ils ne peuvent être privés que quand ils troublent l’ordre public. Ainsi, la ville de Marseille, en démolissant dès fortifications Inutiles, a rétabli le bon ordre parmi es citoyens, d’une manière stable et solide, en ôtant de devant les yeux du public une perspective capable de l’effrayer à chaque instant. Dans le cas où les ehdemiâ de Marseille pré-vaudraient,qüe penseront les Frânçaissineèrement attachés à la Révolution? Que diront-ils en voyantqu’une ville appeléeaa-clennemenl la Sœürde Rome, l’émule de Carthage, la rivale d’Athènes, qui a été Une République florissante, et à beaucoup Contribue à briâer les fer* du despotisme, soit incriminée, pour avoir voulu, à jamais, conservera propre liberté! Ne se plaindront-ils pas, en même temps, que l’AsSemblèenationaleadeux poidsetdeux mesures en voyant qu’elle a témoigné des marques de satisfaction à dés villes beaucoup moins importantes, qüi, en semblables occasions, ont donne une plus grande extension aux droits de l’homme que n’a jamais fait là ville de Marseille? Ne craindront-ils pas que l’Àssemblée nationale ne Veuille conserver le! places fortes inutiles, situées dans lé royaume, pour abuser impunément de son autorité et se faire redouter eiie-mème dans les villes et les provinces? Il importe beaucoup à l’Assemblée nationale de se conserver l’amour et le respect de la nation. Pour peu qu’on imaginât qu’elle voulût établir le pouvoir arbitraire, elle perdrait bientôt la confiance de tout le monde. Dès lors, toutes ces expressions telles que la régénération de l'Etat, le grand œuvre, la grande famille qui compose la Erance, ce qu on doit attendre d’une nation noble et généreuse , feraient bien peu d’impression sur des personnes qui ne se paient que par des faits et nullement par de belles paroles. On peut dire qu’il seraitaussi imqolitique qu’injuste d’humilier une ville qui a toujours témoigné le plus grand attachement à l’Assemblée nationale, etu concouru, dans tous les temps, au succès des expéditions les plus glorieuses de l’État. La démolition des forts n’est pas la seule accusation intentée en notre présence contre la ville de Marseille; on lui a reproché d’avoir convoqué à Brtgnoles une assemblée d’officiers municipaux de Provence. 11 cohvient d’observer tque cette assemblée n’a eü d’autre but que celui d’assurer une prompte et sûre exécution des décrets de l’Assemblée nationale, , de même que toutes les associaiions faites âce sujet dans le royaume, qui nous ont présenté des adresses, et ont reçu de nous, à cet égard, les plus grands applaudissements. L’on nous a dénoncé aussi qu’on avait proposé dans cette même assemblée de solliciter la cassation du Châtelet de Paris. Il est bon de savoir que beaucoup tje mémoires imprimés ont rapporté que le marquis de Pavras aVait été condamné à mort par ce tribunal, sur le témoignage de deux dénonciateurs qui devaient recevoir, pour prix de leurs dénonciation*, une somme d’argent considérable. Si le fait est Yrai, ne pourrait-on pas supposer que l’intention du citoyen qui a fait une pareille motion, frappé, peut-être, par les mémoires dont ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Bfônûê, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] m on vient de parler, n’a été autre, que de faire ouvrir les yeux à la nation, afin d’obtenir une loi pour mettre, à l’avenir, de scitoyens à l’abri de la cupidité des scélérats ? Ainsi, la ville de Marseille, sous aucun rapport, ne peut être incriminée. Et pour lui rendre la justice qui lui est due, je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète que M. le président écrira à la municipalité de Marseille pour lui témoigner combien elle est satisfaite de son zèle patriotique et lui ordonner de veiller avec soin à la conservation des fortifications qui a-ssurent le port et servent à défendre la ville contre toute attaque du côté de la mer. » M. Dupont (de Nemours ). Je demande que l’Assemblée autorise M. le président à demander aux députés extraordinaires de Marseille des éclaircissements sur l’assemblée tenue à Brigno-les, sur les propositions qui y ont été faites de demander la suppression du Châtelet, à l’instant où l’on faisait à Paris la même proposition. M. d’André. Il ne s’agit pas de savoir ce qui s’est passé à Brignoles ; cela viendraen son temps ; il s’agissait seulement d’entendre la députation sur les motifs de la démolition du fort : elle a été entendue. Je demande que son discours soit renvoyé au comité des rapports, qui en rendra compte incessamment à l’Assemblée, ainsi quedesinvenlai-res des magasins des forts, et des pièces probantes des provisions de bouche que l’on dit y avoir été trouvées Quant à l’affaire de Marseille, je crois que chaque membre peut faire à ces Messieurs les interrogations qu’il jugera nécessaires. M. le comte de Mirabeau. Il me paraît doublement extraordinaire qu’on veuille joindre ce qu’on dit s’être passé à Brignoles à ce qui est arrivé à Marseille ; et parce que votre délibération porte simplement que vous entendrez les députés de Marseille, et parce qu’il est étrange qu’un député étranger à la Provence ait, sur l’assemblée de Brignoles, des connaissances et des résultats que les députés de Provence n’ont point encore. Je pourrais aussi montrer mon étonnement de l’interprétation sévère qu’on veut donner des motifs de cette assemblée ; comme si elle avait été publique ; comme si les municipalités ne s’étaient pas réunies daus tout le royaume presque autorisées par vos décrets. Le préopinant a dit que cette affaire étant renvoyée au comité des rapports, toutes les pièces devaient y être remises. J’adopte cette proposition ; mais j’ajoute contre lui que, puisque cette affaire y est renvoyée, vous ne pouvez la juger en un instant ; et que, puisque nous ne pouvons la juger, il est très inutile d’interroger les députés extraordinaires. Gardons-nous d’imiter la précipitation des ministres, qui veulent accroître les troupes de Marseille, de manière que l’étourdissement du peuple lui ôte toute espèce de raison en lui ôtant toute espèce de confiance. Nous ne sommes point les oppresseurs du peuple ; nous sommes ses surveillants et ses modérateurs ; nous devons l’éclairer, le calmer ; et ce n’est pas avec la marche hâtive et vindicative des ministres que nous pouvons y parvenir. (L’Assemblée renvoie àu comité des rapports tout ce qui concerne l’affaire de Marseille.) M. le comte de Mirabeau. Je demande que J 'csdéputés extraordinaires de la municipalité de • Marseille obtiennent l’honneur d’être admis à la séance. Une partie du côté droit demande que l’Assemblée soit consultée. On fait une première épreuve, contre laquelle M. le comte de Yirieu réclame avec chaleur. — On renouvelle l’épreuve, et la proposition de M. de Mirabeau est acceptée à une grande majorité. M. le Président lit une lettre de M. de Saint-Priest. Ce ministre envoie des copies de la lettre qu’il a écrite hier en envoyant le dernier décret à la municipalité de Marseille, et de celle qu’il a adressée à cette même municipalité et à la ville de Montpellier, lorsque, d’après les ordres du roi, il a ordonné la remise des forts aux troupes de ligne. On ouvre la discussion sur le plan de constitution du clergé futur. M. de Doisgelin, archevêque d'Aix (1). Messieurs, votre comité ecclésiastique a senti quelle est l’utile et nécessaire influence de la religion sur les mœurs des citoyens et sur la prospérité des empires. La religion est le frein des méchants et l’encouragement des hommes vertueux, et c’est sous le sceau d’une sanction dont la religion fait la force, que vos serments ont consacré les principes de la liberté publique et de la Constitution de l’Etat. Votre comité ecclésiastique a reconnu que cette religion, dont vous professez la doctrine, et dont vous pratiquez le culte, est inaltérable dans ses dogmes. Et telle est sa divine institution qu’elle ne peut pas plus éprouver de changement et d’altération danssa moraleque danssa foi; sa doctrine est celle qu’elle enseigna dans tous les temps, celle qu’elle doit enseigner jusqu’à la consommation des siècles. La main réformatrice du législateur ne peut s’étendre que sur la discipline extérieure et votre comité ecclésiastique a pensé qu’un plan de régénération dans cette discipline extérieure ne pouvait même consister que dans le retour aux règles de la primitive Eglise. Ce ne sont pas des évêques successeurs des apôtres, dépositaires des saintes maximes, et témoins de la tradition de leurs églises; ce ne sont pas des pasteurs chargés de répandre dans les paroisses' la lumière de l’Evangile, qui peuvent rejeter cette discipline primitive qui fut l’ouvrage des apôtres, que les conciles ont maintenue ou développée par le progrès des bonnes règles, et que le temps seul pouvait affaiblir par la longue succession des abus. Si vous voulez rappeler l’ancienne discipline, il faut en reconnaître les principes ; et le premier principe est celui même de l’indispensable autorité de l’Eglise, à laquelle il appartient d’établir les règles que les évêques, les pasteurs et les fidèles doivent suivre dans l’ordre de la religion. Il s’agit de la vérité sainte, je parlerai son langage. Jésus-Ghrist est le pontife éternel qui communique son sacerdoce aux évêques et aux pasteurs. Il leur donne sa mission pour le salut des fidèles ; il leur transmet le droit d’enseigner ses dogmes, d’administrer ses sacrements et de gouverner son Eglise. Il n’a point confié ses pouvoirs. aux rois, aux magistrats, à toutes les puissances de (1) Le Moniteur ne donne qu’une courte analyse du discours de M. de Boisgelin.