03g [Assemblée nationale.] M. Dugas, éditeur du Code national, a l’honm ur de présenter à l’Assemblée le cinquième volume de cet ouvrage, pour être réuni aux quatre premiers volumes déposés aux Archives nationales. M. le Président. Conformément à vos ordres, je me suis rendu chez le roi pour le prier d’instruire l’Assemblée des motifs qui arrêtent l’acceptation ou sanction du décret sur la constitution civile du clergé. 11 m’a donné, par écrit, la réponse que voici : « En acceptant le décret sur la constitution civile du clergé, j’ai fait annoncer à l’Assemblée nationale que je prendrais les mesures convenables pour en assurer la pleine et entière exécution ; depuis cet instant, je n’ai cessé de m’en occuper. Le décret du 27 novembre n’étant qu’une suite de celui du mois de juillet, il ne peut rester aucun doute sur mes dispositions; mais il m’a paru mériter la plus grande attention dans son exécution ; mon respect peur la religion et mon désir de voir établir la Constitution sans agüation et sans troubles, m’ont fait redoubler d’activité dai s les mesures que je prenais : j’en attends l’effet d’un moment à i’aulre, et j’espère que l’Assemblée nationale s’en rapportera à moi avec d’autant [dus de confiance que, par ses décrets, je suis chargé de l’exécution des lois, et qu’en prenant les moyens les plus doux et les plus sùis pour éviter tout ce qui pourrait altérer la tranquillité publique, je pense contribuer par là à consolider les bases de la Constitution du royaume ; je le répète encore à l’Assemblée, qu’elle prenne en moi toute la confiance que je mérite. » Plusieurs voix de la partie droite : A l’ordre du jour ! M. Camus. Le roi, dans sa réponse, réitère les assurances de son attachement à la Constitution. Ces témoignages nous seront toujours précieux; j’ai cependant quelques observations à faire. Le roi vous déclare que, le décret du 27 novembre n’éîant qu’une suite de celui du mois de juillet, il ne peut rester aucun doute sur ses dispositions. Nous devons certainement avoir la plus grande confiance dans le zèle du roi pour faire exécuter les lois; mais il faut que la loi existe avant de pouvoir être mise à exécution. Il est donc question de savoir si le décret qui fait eu ce moment le sujet de la délibération sera ou non loi de l’Etat. Voilà le seul point qui doit nous occuper en ce moment. Le roi ne peut refuser son acceptation aux décrets constitutionnels ; quant à ceux qui ne sont que réglementaires, aux termes de vos décrets, il doit faire connaître dans huitaine s’il les a sanctionnés ou s’il refuse sa sanction, et quels sont les motifs de son refus. Vous ne pouvez souffrir de retard sans compromettre la tranquillité du royaume et une Constitution que tous les citoyens sont prêts à protéger, à défendre jusqu’à la dernière goutte de leur sang {On applaudit à plusieurs reprises ); et vous souffririez qu’on y poi tàt atteinte en refusant ou en retardant une acceptation 1 La prudence vous a engagés de fermer quelque temps les yeux ; mais il y a eu trop de delais. Rappelez-vous les séances des 20 et 27 juin, lorsque vous portâtes les derniers coups au Ue.-potisme royal ; rappelez-vous votre fermeté. Vous avez épuisé tous les palliatifs; il n’y a plus d’autres ressources : soyez ce que vous devez être, ou renoncez à la liberté. Si vous restiez indifférents, vous porteriez le coup le plus funeste à la tranquillité du royaume. J23 décembre 1790. J Vous n’avez voulu punir aucune faute ancienne; mais vous voulez que tous les citoyens, et les évêques soient aussi des citoyens./. ( Plusieurs voix : Non 1) eh bien ! ils doivent l'être... Vous voulez que tous les citoyens obéissent aux lois. Après la prononciation de votre decret sur les ecclésiastiques, qu’est-il arrivé ? Plusieurs de ces fonctionnaires se sont empressés de prêter leur serment, et sans doute ou ne leur fera point un crime d’avoir prévenu la sanction royale. Ils ont fait une chose louable en obéissant à un décret sujet à l'acceptation. Déjà ce serinent, qui ne porte que sur la vigilance que les prêtres doivent avoir sur les fidèles, a été prêté dans plusieurs églises de Paris, dans quelques-uns des départements, et notamment à Saint-Quentin, aux applaudissements de tout le peuple. Mais tandis que quelques-uns remplissent ainsi leur devoir, d’autres s’en écartent. On m’a montré dans l’Assemblée plusieurs lettres écrites par les évêques eu réponse aux invitations des départements. J’en ai vu une par laquelle M. l’évêque de Reims mande qu’il ne peut obéir quant à présent ; que la décision du souverain pontife uni aux évêques du royaume fera la règle de sa conduite. Sentez-vous la conséquence d’une pareille conduite? Désobéissance d’une part, et soumission de l’autre. Lorsque les décrets qui n'ont d’autre but que le bonheur public éprouvent du retard à la sanction, il est naturel qu’on aille au-devant, et cependant ce zèle peut avoir de funestes suites : cela accoutumerait au défaut d’acceptation. C’est dune pour préserver le pouvoir royal de l’atteinte qui pourrait lui être portée qu’il faut prendre des mesures promptes et vigoureuses. (On applaudit.) C’est lorsque la loi n’est pas claire que l’on peut aisément abuser le peuple; c’est lorsqu’on suspend l’acceptation ou la sanction d’un décret que le désordre renaît. Trop longtemps nous nous sommes dissimulé les motifs qui pouvaient retarder l’acceptation d’un décret qui, selon les expressions du roi, n’est que la conséquence de ceux déjà acceptés sur la constitution civile du clergé. Lus Français ne croyaient pas que cette constitution ne pouvait exister que sous la sanction d’un ultramontain. M. Cottlu. Sommes-nous Italiens ou Français ? M. Camus. Les évêques déclarent, qu’ils attendent la sanction de celui qu’ils appellent souverain pontife de l’Eglise, comme s’il y en avait un autre que Jésus-Christ son fondateur. (La partie gauche applaudit.) Un membre du côté droit : Nous demandons de quelle religion est M. Camus? M. Camus. Quelle est donc cette querelle que nous font les évêques ? Ce n’est pas de savoir si la religion catholique continuera d’être respectée, nous n’en avons jamais douté, mais si tel évêché qui contenait mille paroisses doit être rétréci, et si la partie excédante doit être réunie à un évêché qui n’en avait que soixante-quinze, a tin que toutes puissent être également surveillées. Ne serait-ce pas aussi parce qu’un évêque n’aura plus 300,000 livres de rentes? (La partie gauche applaudit. — - La partie droite : Ce n’est pas cela !) Eii bien ! serait-ce parce qu’on a rendu au peuple le droit d’élection? (La partie droite : Ce n’est pas cela!) Etil qu’avons-uous besoin de l’intervention du successeur de Saint-Pierre, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 décembre 1790. | 639 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. puisque c’était l’usage consacré dès le berceau de l’Eglise ? A Jérusalem les apôtres délibèrent avec tous les fidèles. (On applaudit.) Depuis trois cents ans nous avons combattu contre un ultramontain ; nous n’avons pas voulu souffrir ces privilèges qui donnaient à des religieux une supériorité contraire à l’esprit de l’Evangile, et nous le consulterions lorsqu’il s’agit d’une Constitution civile ! Nous avons tous les pouvoirs nécessaires pour distribuer les diocèses de manière qu’ils participent tous également aux bienfaits de l’Eglise. (La partie droite : On ne s’oppose pas à cela.) M. l’abbé Maury. Point d’hypocrisie ! M. Camus. Quel décret pourrions-nous rendre s’il nous fallait toujours attendre la décision du souverain pontife ? A chaque question il s’élèverait la même difficulté qu’aujourd’hui. Dans toutes les circonstances on vous opposerait votre propre conduite, et on vous dirait toujours: « Il faut attendre la réponse du souverain pontife. » Vous sentez les inconvénients d’une pareille démarche. Eli bien I puisque le clergé n’a pas le bon esprit, n a pas assez d’amour pour la religion pour exécuter des décrets qui n’ont d’autre but que raffermissement de cette même religion, il faut que la force intervienne. D’après ces considérations, je vais vous présenter mon projet de décret. Je le répète, je ne le propose que pour le maintien de la religion catholique. Tant que l’on verra les évêques comme par le passé et les chapitres dans leur ancien état, l’ordre ne renaîtra point dans le royaume, les biens nationaux ne se vendront pas : quelques villes en offrent des exemples, et notamment celle de Mâcon. Je propose donc de décréter que le président se retirera sur l’heure par devers le roi, pour lui représenter les inconvénients sans nombre qui résultent du défaut d’acceptation du décret du 27 novembre, pour lui représenter ce qu’exige la sûreté de la Constitution, et pour l’inviter à peser dans sa sagesee, dans son amour pour les peuples et pour la religion, tous ces motifs, et pour le prier d’envoyer demain une réponse définitive. (On applaudit.) Un membre du côté droit : Je demande que la délibération soit renvoyée à une autre séance. M. Bahey. Je demande que l’Assemblée attende la réponse séance tenante, M. de Toulongeon. J’invite l’Assemblée à peser, dans sa sagesse, les grands principes que l’on traite. La huitaine constitutionnelle étant passée, il n’y a pas beaucoup d’inconvénients à prolonger encore le délai. Personne ne connaît officiellement l’envoi d’un courtier au pape, (.La partie gauche: Nous n’en avons pas besoin.) J’ajoute que, si nous le connaissions, nous devrions presser notre délibération; car nous n’avons rien de commun avec lui; mais, comme comme nous n’avons aucune connaissance officielle de cette démarche, quand il est question de géographie diocésaine, les consciences ne peuvent dire alarmées ; mais lorsqu’il est question de choses au-dessus de ce momie, s’il est un seul homme dont la conscience, obscurcie par de faux préjugés, puisse avoir des inquiétudes, il est de votre sagesse de le ménager encore. Dès que la chom publique n’est pas en danger ..... (La partie gauche: Elle y est !) Si elle y était réellement, vous n’auriez pas accordé de délai. Mon avis est donc, en me référant à la demande fuite parM. Camus, que la question soit ajournée jusqu’au 1er janvier. (Plusieurs membres de la partie gauche murmurent.) M Duquesuoy. Non seulement les principes posés par l\1. Camus sont évidents, mais aucun bon esprit n’a jamais élevé sur ces principes un doute vicieux. Il n’y a dans un Etat bien constitué que des fonctionnaires publics qui tiennent leur pouvoir et leur mission de la Constitution. (Murmures dans la partie droite.) Vous avez fait sur les fonctionnaires du culte public des décrets qui doivent être exécutés comme ceux que vous avez rendus sur l’ordre judiciaire et sur l’administration. La constitution civile du clergé est acceptée par le roi, elle estadoptée par la nation ; elle ne peut trouver de résistance que de la part de quelques rebelles que l’autorité publique saura bien réprimer. Je sais, de plus, qu’il importe peu quelle soit l’opinion de la cour de Rome sur ce qui se passe parmi noos ; ce qui nous importe, c’est que nous fassions les luis en vertu de l’autorité nationale, et que le roi les fasse exécuter en vertu delà mêmeautorilé. Maisce n’est pas là la question qui vous occupe dans ce moment. Vous avez rendu sur l'exécution du décret constitutionnel du clergé quelques règlements; vous avez fait quelques lois pénales, vous les avez présentées au roi, il en a suspendu la sanction ; des motifs, graves sans doute, ont imposé silence, pendant quelque temps, et au comité chargé de poursuivre les sanctions, et à ceux des membres de cette assemblée qui les ont si souvent pressées. J’ignore parfaitement ces motifs; mais je vois ia réponse du roi, et c’est sur elle seule que je raisonne. Je vois qu’il vous annonce qu’il fera exécutervos décrets, qu’il déploiera toute l’autorité, tout le pouvoir que lui a conféré la Constitution pour faire obéir aux lois. Je ne sais pas du tout quelles sont les mesures qu’il a prises, s’il a, ou non, envoyé un courrier à Rome ; un homme qui a l’honneur de concourir aux actes du Corps législatif est parfaitement étranger à ces détails administraiifs. Je remarque seulement dans cette réponse que le roi veut prévenir des malheurs publics, et cela seul me frappe, comme il doit frapper les vrais amis de la liberté. Ne don nez pas, Messieurs, à quelques fanatiques, à quelques factieux, l’espérance dont ils osent encore se ilatter ; ne leur laissez pas l’honneur et le bonheur de croire qu’ils feront des martyrs. Vous voulez que les lois soient exécutées, et qu’elles le soient sans troubles ; le roi vous garantit cette exécution sur son respect pour la loi, son amour pour le peuple, son attachement aux principes; que vous faut-il donc de plus? Je conclus à l’ajournement à trois jours. MM. l’abbé Maury et Lanjuinais se présentent à ia tribune, M. l’abbé Maury. Je demande la parole pour... M. I�aujuluass. Il est impossible... Plusieurs membres de la partie gauche demandent que M. i’abbé M mry soit entendu. M. l’abbé Maury applaudit seul dans la tribune. M. Camus. M. le président, la réponse du roi 6�0 [Assemblée nationale.] est-elle signée, a-t-elle un caractère de légalité? M. le Président. Je n’ai pas été chargé de vous apporter une réponse signée. Si la réponse du roi n’est pas légale, le reproche ne retombe pas sur moi. Le roi m’a la sa réponse et me l’a donnée par écrit ; s’il ne l’avait pas fait, je vous l’aurais rapportée de mémoire. M. Chasset. J’ai demandé la parole pour faire à l’Assemblée une simple observation sur la nécessité d’avoir du roi une réponse légale. Je ne crois pas que nous puissions délibérer sans que cette formalité soit remplie. Le roi, suivant les formes établies, doit dire, lorsqu’il refuse pour le moment : « Je prendrai en considération ; » mais il doit le dire authentiquement, c’est-à-dire que sa signature et celle de son ministre soient opposées au bas de sa déclaration. Voilà la seule manière dont nous devons connaître les réponses du roi. Je demande donc que le président se retire sur-le-champ par devers lui pour demander une réponse signée et contresignée, pour que ce qu’il y a d’erroné dans sa réponse soit corrigé. ( Plusieurs voix de la partie gauche : Réponse, séance tenante.) M. l’abbé Manry. Je ne me permettrai pas de traiter la question du fond, que je me réserve de discuter ; je ferai seulement quelques observations sur les réflexions de M. Chasset. Nous ne cherchons aucunes formes dilatoires. Ce que vous avez à prononcer, nous désirons que vous le prononciez à l’instant. Aucuneespèce de délaine peut nous convenir. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je répète qu’aucune espèce de délai ne peut nous convenir. ( Plusieurs voix de la gauche : A qui donc? à qui?) M. l’abbé Colaud de la Salcettc, Qu’entendez-vous par ce mot mous! M. l’abbé Maury. Quoique mon opinion soit à moi, et que je n’en doive compte à personne, je veux bien répondre que, quand je dis nous, je n’entends pas M. l’abbé la de Salceite. M. l’abbé Cofaud de la Salcettc. Vous avez raison. M. l’abbé Maury. À quoi bon m’interrompre? Puisqu’un membre tel que M.Barnave a la parole après moi, d’autres peuvent attendre. J’avais l’honneur de vous dire qu’aucun délai ne peut couvenir, parce qu’il nous en coûterait trop d’avoir àdouter un momenlde votre justice. Les réflexions deM. Chasset, très respectables dans leurs motifs, ne sont pas appropriées à la circonstance... Je n’entre pas dans le fond de la question, je présente seulement des considérations épisodiques. La forme de la réponse du roi ne doit pas suspendre votre délibération, que nous sommes empressés de voir terminer par un décret. Qu’est-ce qu’une réponse légale à un message officiel? On demande que l’opinion du roi soit signée et contresignée; mais ia responsabilité ne peut pas s’exercer sur une opinion. Nous avons donc une réponse aussi légale qu’elle puisse l’être. Le roi n’est pas législateur, il n'est pas partie intégrante de la législature. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je m’explique ; car je ne veux pas passer pour antiroyaliste. Quand le roi accorde ou refuse la sancliou, il doit suivre les formes prescrites ; mais quaud il s’agit de l’exécution d’un [23 décembre 1790. J décret sanctionné, la réponse du roi n’a pas besoin de forme légale. Rien n’empêche donc que vous délibériez sur-le-champ sur (a réponse du roi; et les considérations que lui a dictées sa sagesse, la vôtre peut n’en être pas frappée, la vôtre peut en être affranchie. Je n’ai demandé la parole que pour vous dire que la cause est ouverte et qu’il faut l’instruire. Faites donc un second message pour demander l’exécution de la constitution civile du clergé; alors vous n’innoverez rien, vous ferez ce que vous avez déjà fait le 5 octobre. (Il s'élève beaucoup de murmures.) Je vous rappelle vos propres exemples. Après ces considérations épisodiques, dont l’objet est d’écarter le sursis qu’on daigne solliciter pour nous, j’ai trois choses àexaminer : la conduite du roi, nos rapports avec le pape, et la conduite de l’Assemblée nationale. La conduite du roi : ou lui présente une constitution civile du clergé que nous avions jugée, nous, un objet purement spirituel. (Il s'élève des murmures.) Je demande pardon du mot collectif; j’avais la maladresse de me souvenir de la déclaration de M. l’évêque de Clermont, et je croyais pouvoir ia faire revivre. Telle est donc la conduite du roi. 11 a reçu la constitution civile du clergé, il l’a acceptée ; il l’a adressée au pape. ( Les murmures augmentent .) Cependant elle n’est pas suivie de lettres patentes, elle ne reçoit pas encore la forme qui est ordinairement donnée à vos décrets, et cinq mois se sont écoulés depuis que celle constitution est décrétée. Vous en avez demandé l’exécution immédiate; vous avez envoyé ce matin un message au roi, dont la réponse officielle ne porte pas plus le sceau de l’Etat que le message de l’Assemblée nationale; vous connaissez parfaitement l’esprit de celte réponse. Vous êtes impatients de renverser l’obstacle qu’on vous oppose. Je vous observe que le terme fatal de. la sanction des décrets constitutionnels n’est pas limité avec une grande précision, et que la liberté, non des membres de cette Assemblée, mais du chef de l’Etat, demande de grandes précautions, parce que tout acte de violence serait un bienfait pour... ( Les murmures d'une grande partie de V Assemblée interrompent l'orateur.) Je dis qu’un acte de violence deviendrait un acte conservatoire. A l’égard du recours à l’autorité du Saint-Siège, nous sommes Français, nous sommes citoyens, nous reconnaissons l’unité du pouvoir temporel; mais quand la religion a été reçue dans l’Etat, elle avait des lois, des droits, un chef; et quand on la dit dominante en France, cette religion ne sera pas votre esclave. Elle ne dépend que de Dieu seul; elle n’a aucune autorité sur le temporel, mais aussi elle ne reconnaît pas ia puissance des hommes. M. le Président rappelle l’opinant à la question. M. l’abbé Manry. Si j’étais sûr d’obtenir ia parole sur le fond, je ne me placerais pas dans le poste où je me trouve; mais je suis si souvent descendu de la tribune avec la bouche close. .. (On murmure.) Je poursuis au fond... (Nouveaux murmures.) Il n’y a qu’un décret qui puisse m’empêcher... Eii bien! M. le président, allez aux voix... Allons, Messieurs, un décret d’amitié! M. le Président. Vous avez vu que, quand vous avez demandé la parole, l’Assemblée a témoigné le désir de vous entendre. M. l’abbé Manry. La question incidente me ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 décembre 1790.] paraît suffisamment éclaircie; je dis que toute réponse manifestée par notre président est une réponse authentique; et c’est l’authenticité et non la légalité de la réponse du roi qui doit vous occuper. Je soutiens que, quand il s’agit d’un décret constitutionnel accepté, l’autorité du roi est consommée en ce qui concerne ses fonctions législatives. Ce n’est pas que je veuille sauver de la responsabilité quelque ministre; je n’en connais aucun, je ne m’intéresse à aucun. La responsabilité des ministres ne s’exerce pas sur la doctrine, mais sur des ordres donnés. Aucun ministre ne peut être responsable. Si nous avons à faire le rocès à quelqu’un, je soupçonne que ce n’est pas présent au ministère. Je me réduis donc à demander que l’Assemblée ne regarde pas la réponse du roi comme un obstacle à la délibération, et qu’on discute au fond. M. Barnave. C’est seulement sur la forme de la réponse du roi que l’Assemblée a à délibérer dans le moment actuel. Si vous examiniez laques-tion au fond, elle serait bientôt décidée. Il est dans l’opinionde tous les membres de l’Assemblée, il est reconnu par vos propres décrets que la disposition temporelle est absolument en notre pouvoir, et qu’aucune puissance étrangère n’a droit de coopérer à la sanction des actes qui la déterminent. {On applaudit .) M. l’abbé Maury. Les tribunes prouvent la mineure. M-Barnave. Il y aurait peut-être une autre question à examiner : celle de savoir si le droit du Corps constituant ne s’étend pas à tous les actes accessoires pour l’exécution de la Constitution, et si ces actes compris dans le cercle de ses travaux ont besoin delà sanction; mais ce n’est pas le moment de s’expliquer sur une question qui ne sera peut-être pas un doute quand l’Assemblée voudra s’en occuper essentiellement. Je dis donc qu’à présent il n’y a pas d’autre marche à suivre que celle quiest tracée par la motion deM. Chasset. Je la restreins à cela seul que la réponse du roi soit signée de lui et contresignée; car, dans le mot réponse légale, je ne fuis pas entrer les formes de la sanction libre... Le contreseing est nécessaire, même pour Jes actes laissés au libre arbitre du roi, pour établir d’abord l’authenticité de la réponse, ensuite pourassurer la responsabilité. La sanction ne donne pas lieu à la responsabilité; mais il peut s’y mêler des actes anticonstitutionnels, des accessoires qui attaqueraient la liberté nationale. C'est toujours vis-à-vis d’un être responsable qu’il peut y avoir ouverture à contestation; ainsi il faut que toute réponse soit contresignée pour que la responsabilité puisse s’établir; il faut que toute réponse du roi soit signée de lui, car autrement elle n’exprimerait pas authentiquement la volonté royale. Je demande donc qu’avant de délibérer sur la réponse qui vous a été transmise par le président, cette réponse soit signée du roi et contresignée par un secrétaire d’Etat. Le parti que nous pourrons avoir à prendre importe trop à l’intérêt public pour que nous ne nous environnions pas de tout ce qui doit et le rendre légal et assurer la responsabilité dont la nation ne peut jamais se départir. {On applaudit. — On demande à aller aux voix.) M. Ce Chapelier. D’après le décret par lequel vous aviez envoyé votre président chez le roi, vous ne deviez vous attendre qu’à une réponse lrû Série. T. XXI. 641 verbale; ainsi la censure exercée en ce moment sur la forme de celte réponse n’est peut-être pas fondée. Vous pouvez maintenant, vous devez même demander une réponse écrite et contresignée. Vous ne pouvez oublier que vous avez décrété que si, dans l’intervalle de huit jours après sa présentation, un décret n’est pas sanctionné, le garde du sceau doit vous faire connaître le motif de ce retard; mais, comme il faut donner au ministre, responsable de son conseil, le temps nécessaire pour délibérer avec lui-même, et comme vous nesauriez prendre trop demoyens pour empêcher que la discussion présente nejette l’alarme parmi les citoyens, je demande qu’en exigeant une réponse signée et contresignée le décret porte l’ajournement de la discussion de cette réponse à lundi. M. Coroller. A l’ouverture de la séance, j’avais demandé l’ordre du jour; ce n’était pas pour retarder la délibération, mais c’était afin qu’on ne la précipitât point. A présent que les orateurs qui m’ont précédé m’ont éclairé, je demande impérativement ..... l’ajournement à demain de la discussion sur la réponse du roi, signée et contresignée. (La discussion est fermée.) On se dispose à aller aux voix sur l’amendement de M. Le Chapelier, consistant à remettre à lundi la discussion sur la réponse du roi. M. Muguet. Avant qu’on délibère sur cet amendement, j'ai une réflexion à vous présenter. Vous avez envoyé ce matin votre président chez le roi pour avoir une réponse pendant la séance môme, et vous voulez à présent donner trois jours au ministre pour se consulter ..... {On demande à aller aux voix.) Il est étonnant qu’on veuille étouffer la voix d’un homme qui ne demande que l’exécution de la loi ..... Quand vous avez demandé l’acceptation des articles constitutionnels, vous l’avez demandé sur-le-champ et sans délai. {Il s'élève des murmures.) Ce n’est qu’avec la même énergie ..... {Les murmures augmentent. On demande de nouveau à aller aux voix.) M. le Président. Vous voyez l’impatience de l’Assemblée. M. Muguet. D’une partie de l’Assemblée, ne vous y trompez pas. Plusieurs voix : De toute l’Assemblée ! M. Ce Chapelier. Je crois que mon amendement est inutile ; car, par le cours des choses, n’ayant pas de séance samedi, nous ne pourrons pas nous occuper très incessamment de la réponse du roi. M. Camus. On ne doit point supposer, on doit bien moins encore accorder des délais de cette nature. Voici ce qu’on peut faire. Je demande que demain M. le président se retire vers le roi pour le prier de donner, sur le décret du 27 novembre, une réponse signée de lui et contresignée d’un secrétaire d’État, et qu’en même temps vous ajourniez l’examen de cette réponse à la première séance du matin qui eu suivra la réception. Vous conserverez ainsi les principes. M. Gaultler-Blauzat. Vous ne pouvez pas indiquer un jour de discussion sur une réponse 41 [AsseniLlée ualiouale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [23 décembre 1790- J 64 ü2 que vous ne connaissez pas; que le roi réponde ou qu’il ne réponde pas, vous serez toujours à temps d’examiner ce que yous aurez à faire. Je demande donc la division. M. Chasse! . La question n’est pas de savoir si vous discuterez ce soir, demain, après-de-ain, la réponse du roi ; le grand point est que vous prouviez à la France que l’Assemblée ne met aucune len eur à tout ce qui touche les grands intérêts qui lui sont confiés-J’adopte la division qui vous est proposée. La proposition divisée est mise aux voix, et le décret est r< ndu en ces termes: « L’Assemblée nationale décrète que M. le président se retirera demain devers le roi, pour le prier de donner une réponse signée de lui et contre-signre u'un ministre, sur le décret du 27 novembre dernier. » M. Herwlsî, au nom du comité d'agriculture et du commerce , présente un rapport sur les encouragements qo’ii conv ent de don 1er à M. Au-gitr, inventeur d’une machine hydraulique, avec laquelle on descend facilement dans l’eau et on y remplit les fonctions qu’on remplirait sur la terre. M. le lapporleur annonce les résultats heureux de deux expériences faites l'une auprès du Pont-Royal, l’autie à Saint-Cloud; il conclut à ce qu’une somme de dix ou vingt mille livres soit accordée à l’in\euteur, soit pour le dédommager des frais de l’invention, soit pour lui faciliter les moyens de faire de nouvelles expériences, et il présente le projet ch décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï te rapport de son ci rni é d’agriculture et de commerce, décrète que le roi sera prié de procurer au sieur Augier tes moyens nécessaires pour faire l’expérience de sa machine hydraulique, tant sur les côte? qu’en pleine mer, afin d’en constater le succès d’une manière assurée. » Plusieurs membres demandent la parole pour combattre cette préposition. M. Boussîon. Messieurs, j’ai d’autant plus de ranon à combattre tous ces amendements, qu’on nous présente sans cesse des inventions renouvelées, pour avoir la facilité de puiser dans le Trésor public, dans un moment où l’Etat a le plus de besoin d’argent. L’inventiun dont on vient de vous entretenir a été présentée au gouvernement il y a vingt ans et elle fut rejelée à cause de son inutilité. Ainsi, Messieurs, avant d’accorder aucune somme, j’espère que l’Assemblée voudra s’assurer si cette invention peut être réellement utile et avantageuse à la nation. Si ce n’est qu’une expérience curieuse, l’auteur peut se faire payer par les curivux, la nation ne lui doit rien et nous avons un meilleur emploi à faire des sommes demandées. Si, au contraire, elle peut servir à l’intérêt de la nation, il serait juste de récompenser le sieur Augier. D’aptès c. s considérations, je fais donc la motion expresse que FAssembiée décrète qu’avant de délivrer aucune somme il soit nommé quaire commissaires, pris parmi MM. les académiciens de l’Academie des sciences, à L’effet de constater Futilité réelle de l’invention de celle machine hydraulique, par de nouvelles expériences, faites par Fauteur, en présence desdits commissaires, qui en feront le rapport. M. Populusappuie la proposition de M. Bous-sion ; il propose toutefois, par amendement, que les commissaires seront tenus de faire un état estimatif du montant des dépenses qu’exigeraient les nouvelles expériences, lesquelles dépenses seraient aux frais de l’Etat. La motion de M. Boussion, mise aux voix, est décrétée avec l’amendement de M. Populus, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera nommé quatre commissaires, pris parmi les membres de l’Académie des sciences, à lVffet de constater de quelle utilité pourrait être la machine bydraulque du sieur Augier, lesquels donneront en même temps un tableau des dépenses nécessaires pour cette expérience.» Une députation des élèves de l’institution civile militaire nationale, établie en la section ;e Louis XIV, est introduite à la barre; l’instituteur, qui est a leur tête, exprime avec énergie les sentiments patriotiques de ses candidats, et sollicite en leur faveur les encouragements de l’Assemblée. M. le Président répond et leur accorde les honneurs de la séance. Un Membre des comités réunis de Constitution , militaire , d'agriculture et de commerce, présente un rapport succinct sur la fabrication des boutons des gardes nationales de France. Divers amendements sont rejetés par la question préalable et l’Assemblée adopte le projet de décret ainsi qu'il suit : « L’Assemblée nationale décrète que le bouton uniforme des gardes nationales de France sera de cuivre jaune ou doré, et monté sur os ou sur bois, avec attache en corde à boyau ou de toute autre matière; il portera pour empreinte dans l’intérieur d’une couronne civique ces mots: la nation , la loi, le roi ; entre ia bordure et la couronne sera inscrit circulairement District de... Dans les districts où il y aura plusieurs sections, elles seront distinguées parmi numéro placé à ia suite du nom de district. » Un Membre du comité de la vente des biens nationaux propose à l’Assemblée de déclarer, et l’Assemblée déclaré vendre, aux municipalités ci-aptès, les biens mentionnés dans les différents décrets et états annexes à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions poidées par le décret du 14 mai, payables de la manière déterminée par le même décret ; M. le Président lève la séance à dix heures.