SÉANCE DU 2e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (JEUDI 18 SEPTEMBRE 1794) - N° 40 267 poser de rendre communs à tous les prêtres qui ont abandonné leurs fonctions sans abdiquer, ou qui les auroient continuées, les secours que vous avez accordés par la loi du 2 frimaire aux abdicataires. Après avoir adopté cette base uniforme pour tous les prêtres, vous décréterez sans doute que le maximum des secours accordés aux personnes des deux sexes pour des fonctions, places ou bénéfices ecclésiastiques supprimés ne pourra pas excéder le taux fixé par la loi du 2 frimaire. Ces secours seront payables, à terme échu et par trimestre, dans la caisse du district. Si quelque pensionnaire a reçu une somme supérieure à celui du taux fixé, sous prétexte qu’il avoit droit à un traitement, il sera tenu de verser dans la caisse du receveur du district l’excédant qu’il auroit reçu, et faute par lui d’y satisfaire, on lui en précomptera le montant sur le premier paiement qui lui sera dû. Il ne seroit pas juste que ceux qui, en interprétant la loi en leur faveur, ont reçu une somme qui ne leur est pas due, fussent mieux traités que ceux qui ont suivi strictement l’esprit et les termes de la loi. Enfin nous vous proposons de décréter que les dispositions de la loi du 18 thermidor, portant qu’un citoyen pourra réunir traitement et pension lorsque l’un et l’autre n’excèdent pas la somme de mille livres, sont applicables aux pensions qui ont pour motifs la suppression des frais du culte. Cette exception est favorable aux personnes peu fortunées, elle est donc dans vos principes. Toutes ces mesures mettront de l’uniformité dans lâ législation pour la pension ecclésiastique, et y établiront l’égalité. Nous aurions désiré pouvoir mettre sous vos yeux le montant des pensions qui seront dues en exécution du décret que nous vous proposons; mais l’état général ne pourra être dressé que lorsque les états demandés par la trésorerie seront réunis : ceux qui sont déjà arrivés, nous ont appris quel étoit le nombre des pensionnaires ecclésiastiques dans certains districts, et quel degré d’épuration l’esprit public y avoit subi. Il est des districts qui n’en n’ont pas douze à payer, tandis que d’autres pourroient former plusieurs centuries de personnes vivant jadis du produit de l’autel, nourris maintenant par la République. Nous avons fait à cet égard, une remarque qui mérite quelqu’attention ; c’est que les districts du centre de la République sont ceux qui ont le moins de prêtres, et que la majorité des districts frontières en sont copieusement fournis ; il semble que la révolution les a rapprochés sur les bords du territoire : vous devez examiner s’ils s’y sont agglomérés pour y servir les puissances coalisées, ou pour y attendre un cri universel qui pourroit se prononcer contre eux. Votre comité des Finances se bornera à vous proposer les mesures qui sont nécessaires pour lever toutes les incertitudes qu’on a cru trouver dans les précédentes lois, et qui, d’après l’interprétation qu’on a voulu leur donner, retardent le paiement des secours accordés ou qui pourroient être préjudiciables aux intérêts de la République. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer. Sur le rapport [de Cambon au nom] du même comité, le décret suivant est rendu. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité des Finances, décrète : Article premier. - La République française ne paie plus les frais ni les salaires d’aucun culte. Art. II. - Les dispositions du décret du 2 frimaire dernier, qui accorde un secours annuel aux ci-devant ministres des cultes qui ont abdiqué ou abdiqueront leurs fonctions, sont communes aux ci-devant ministres qui ont continué leurs fonctions, ou qui les ont abandonnées, sans avoir abdiqué leur état. Art. III. - Le maximum des pensions accordées aux personnes des deux sexes, pour des fonctions, places ou bénéfices supprimés, ne pourra pas excéder le taux fixé pour les secours annuels accordés par la loi du 2 frimaire dernier, et toutes les dispositions de cette loi leur seront communes. Art. IV. - Les ci-devant ministres du culte qui, en interprétant les lois précédentes, ont exigé le paiement de leur traitement pour les deux trimestres commencés les premier germinal et premier messidor, d’après le taux fixé par les lois antérieures à celle du 2 frimaire dernier, seront tenus de rembourser l’excédent qu’ils pourroient avoir reçu en sus dudit taux. Art. V. - Les agens nationaux du district veilleront à ce que cet excédent soit exactement versé dans les caisses de district; et, en cas de refus, les directoires de district en retiendront le montant sur les premiers paiemens dus auxdits pensionnaires. Art. VI. - Les pensionnés des deux sexes, à raison des fonctions, places ou bénéfices ecclésiastiques supprimés, qui sont détenus, ne recevront point leur pension pendant le temps de leur détention ; ils seront nourris aux dépens de la République, à raison de 40 s par jour. Art. VII. - Les pensions et secours accordés par la loi du 2 frimaire, ou par le présent décret, ou qui ont été accordés à raison d’une place, bénéfice ou fonctions ecclésiastiques supprimés, seront payés à leur échéance, et par trimestre, par les receveurs de district. Art. VIII. - Les dispositions de la loi du 18 thermidor, qui autorise la réunion d’un traitement et pension, lorsque l’un et l’autre n’excèderont pas 1 000 L, sont applicables aux secours accordés et aux pensions mentionnées en l’article précédent. 268 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. IX. - Le rapport du comité des Finances et le présent décret seront imprimés dans le bulletin de correspondance, et le décret sera imprimé dans le bulletin des lois (80). 41 Lecture du bulletin relatif à la santé du représentant du peuple Tallien : il en résulte que l’état de sa blessure est de plus en plus satisfaisant (81). Etat de la santé du représentant du peuple Tallien, le deuxième jour des sans-culottides, à midi (82). La plaie du malade est dans le meilleur état possible; on peut être assuré d’une très prochaine guérison. Signé, Navier, Desault, Souque, Chabaneau. 42 Le citoyen Montmasson, de la commune d’Evian, district de Thonon [département du Mont-Blanc], fait don à la patrie des patentes d’arpenteur qu’il avoit ci-devant obtenues du tyran sarde. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de Liquidation (83). [Mention par le représentant Dubouloz d’un don effectué par un citoyen de la commune d’Evian ] (84) Le citoyen Montmasson de la commune d’Evian, district de Thonon, fait don patriotique des patentes d’arpenteur qu’il avoit cy-devant obtenues du tyran Sarde : ce don tout modique qu’il est, sera d’un grand prix aux yeux de la nation si l’on considère que celui qui le fait est père de famille et que c’est là la plus grosse partie de sa fortune. Mention honorable et insertion au bulletin. Dubouloz, député. (80) P.-V., XLV, 329-331. C 318, pl. 1287, p. 20. Texte imprimé, corrigé de la main de Cambon, rapporteur. Décret n° 10 938. Bull., 2e jour s.-c. (suppl.). Débats, n° 728, 538-539. Moniteur, XXI, 792 (selon ce journal le projet de décret qui a été accueilli par des acclamations, est ensuite mis aux voix article par article). (81) P.-V., XLV, 331. Débats, n° 728, 527 ; J. Mont., n° 142 ; Mess. Soir, n° 761 ; Ann. Patr., n° 626 ; C. Eg., n° 761 ; F. de la Républ., n° 439 ; Gazette Fr., n° 991 ; J. Fr., n° 724 ; M.U., XLIII, 530 ; Rép., n° 273. (82) Bull., 3e jour s.-c. (83) P.-V., XLV, 331. (84) C 318, pl. 1297, p. 4. 43 Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète que, séance tenante, le comité d’Agriculture fera le rapport sur la réclamation du citoyen Vincent Denis, cultivateur à Brienon-sur-Armançon [ci-devant Brienon-l’Archevêque, département de l’Yonne], dont les chevaux, voitures et les grains qu’il conduisoit aux propriétaires des terres qu’il cultive, ont été saisis et confisqués à Auxerre (85). 44 Une compagnie de canonniers de l’Arsenal, qui part pour la Vendée, est admise à défiler dans la salle; elle jure d'exterminer les brigands, et demande qu’il lui soit distribué des pistolets. Les sentimens qu’elle exprime sont accueillis par de vifs applaudissemens. Sa pétition est renvoyée au comité de Salut public pour statuer sur-le-champ (86). Le président annonce qu’une compagnie de canonniers de la section de l’Arsenal, qui doit demain partir pour la Vendée, demande à défiler dans le sein de l’Assemblée. Admis, admis, s’écrie-t-on. La compagnie défile au milieu des plus vifs applaudissemens. Un officier se place à la barre : Représentans du peuple, dit-il, la compagnie des canonniers de la section de T Arsenal, que vous voyez devant vous, ne vient point prêter un nouveau serment ; celui qu’elle a prêté, elle a prouvé, le 10 thermidor, sous les yeux de la Convention nationale, qu’il étoit gravé dans le cœur de tous ceux qui la composent ; ils combattront la tyrannie et les tyrans, sous quelque masque qu’ils se présentent; et la conduite qu’ils ont tenue, à cette époque mémorable, a dû prouver à la République qu’ils étoient dignes de servir de rempart à la représentation nationale. Citoyens, nous partons pour la Vendée, nous allons détruire les ennemis de la liberté et de l’égalité. Le seul regret qui se fasse sentir à nos cœurs, c’est de partir sans être armé de pistolets; nous soumettons cette réclamation à la Convention nationale. Mais, quoi qu’elle ordonne, nous partirons, jaloux de prouver à la République entière, que nous sommes dignes de combattre ses ennemis. Républicains, répond le président, allez lancer les derniers éclats de la foudre républicaine sur ces brigands salariés par la coalition, (85) P.-V., XLV, 331-332. C 318, pl. 1287, p. 21, minute de la main de Jeannest La Noue, rapporteur. Décret n° 10 928. Cette réclamation est reprise ci-après Archiv. Parlement., 3e jour s.-c., n° 12. (86) P.-V., XLV, 332. C 318, pl. 1287, p. 22. Décret n° 10 929. Rapporteur : Chateauneuf-Randon.