216 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février liai.’ « Les suffrages pour la nomination à l’évêché se sont réunis sur M. Bonnet, curé de Saint-Michel de Chartres, pasteur septuagénaire, aussi respecté que respectable, et dont les vertus égalent le patriotisme ( Applaudissements .) «Prévenu de Sun élection, il s’est présenté à l’assemblée, y a fait des remercîments et a accepté. « Aussitôt que le procès-verbal de l’assemblée électorale sera imprimé, j’aurai l’honneur de vous en envoyer un exemplaire. Je vous conjure, Monsieur le Président, d’avoir la complaisance de mettre sous les yeux de l’Assemblée l’adresse du département. « Signé : Delacroix, président de l’assemblée électorale. » Plusieurs membres demandent la lecture de l’adresse des électeurs du département. M. de SïIIery, secrétaire , donne lecture de cette adresse qui est ainsi conçue : « Messieurs, permettez aux électeurs du département d’Eure-et-Loir de partager avec les bienfaiteurs de la nation, avec les auteurs de la Constitution qu’ils bénissent chaque jour, les épanchements de leur joie. « Ils viennent de remplir la fonction la plus importante, la plus épineuse de toutes celles que vous avez confiées à leur patriotisme : ils viennent de nommer un évêque. « Et cet évêque, Messieurs, il eut dans tous les temps les vertus épiscopales, les mœurs, le désintéressement et la charité; et cet évêque, ami éclairé d’une Constitution qui doit régénérer la religion, comme elle a déjà régénéré l’Empire (Murmures à droite , applaudissements à gauche.),.. avait prévenu, par ses vœux, les abus qu’elle réforme ; par ses lumières, les principes qu’elle consacre; et cet évêque, appelé à l’épiscopat par tous les cœurs, forcera au silence, disons mieux, au respect, ceux-là même dont nous n’osons presque plus espérer le retour à la raison et à la vérité. « Déjà une foule de prêtres timides, que le fanatisme s’efforçait d’égarer, devenus forts du courage qu’il a su leur inspirer, publient hautement qm ce respectable pasteur les a retenus sur le bord de l’abîme, et qu’i’s doivent leur salut à ses conseils ; heureux d’avoir pu opposer à la séduction qui les entourait, le poids de son autorité I « Qu’ils viennent à présent, tous ceux qui prétende it blâmer les élections publiques; qu’ils viennent, tous ceux qui osent calomnier le choix du peuple 1 qu’ils viennent et nous leur dirons : Voyez ces cheveux blanchis dans l’exercice des vertus ecclésiastiques ; cette tête vénérable, qui n’a jamais fléchi que sous la loi de l’Evangile ; ce curé septuagénaire, dont la charité active a consacré tous les moments d’une longue vie au soin d’un troupeau qu’il aime autant qu’il en est aimé ; voyez, et dites-nous si la cour, si Rome, ont fait souvent de pareils choix 1 (Applaudissements réitérés à gauche .) « Pardonnez-nous, Messieurs, si nous osons devant vous proposer aux ennemis de la Constitution et de l’Etat un défi non moins accablant, non moins désespérant pour eux. Cherchez, leur dirons-nous avec assurance, cherchez, scrutez l’âme, le cœur, la conscience de chacun des électeurs du département d’Eure-et-Loir , et trouvez-en un seul qui ne soit pas décidé à verser jusqu'à la dernière goutte de son sang pour maintenir la Constitution qu’il a jurée; un seul qui ne soit pas intimement pénétré d’estime, de respect et de reconnaissance pour nos augustes représentants ! » (Applaudissements.) (L’Assemblée ordonne l’impression de cette adresse et son envoi à tous les départements.) La discussion sur les patentes est reprise. M. Ganltier-Biaazat. Je demande par amendement à l’article 5 que la date du 4 août 1789soit substituée à celle du 1er avril 1790. L’époque du dérangement des maîtrises remonte bien en effet au 4 août 1789 ; c’est de cette époque qu’il faut partir. (L amendement est adopté.) L’article est décrété en ces termes : Art. 4 (art. 5 du projet). « Les citoyens reçus dans les maîtrises et jurandes depuis le 4 août 1789 seront remboursés de la totalité des sommes versées au Trésor public. « A l’égard de ceux dont la réception est antérieure à l’époque du 4 août 1789, il leur sera fait déduction d’un trentième par année de jouissance. Cette déduction, néanmoins, ne pourra s'étendre au delà des deux tiers du prix total ; et ceux qui jouissent depuis vingt ans et plus recevront le tiers des sommes fixées par l’édit d’août 1776 et autres subséquents. « Les remboursements ci-dessus énoncés n’auront lieu que pour ceux qui sont en activité de commerce et seront faits par la caisse de l’extraordinaire. » M. d’Allarde, rapporteur. À l’article 6 du projet du comité, nous vous proposons d’ajouter que le directeur général de la liquidation se fera remettre les pièces et renseignements nécessaires pour constater l’état actuel des dettes contractées par les communautés ou compagnies. M. Gaultier-Biauzat. Je demande que l’article soit réformé et qu’il soit dit que celles des communautés qui sauraient pas rendu leur compte conformément aux règlements précédents, seront tenues de les rendre aux municipalités et de former l’état des dettes actives et passives de chaque communauté. M. Bouche. Les mots : actives et passives, que l’on trouve dans l’article, n’exprimant pas assez bien, à ce que je crois, toutes les possessions des communautés, je serais d’avis qu’on mît après ces mots : dettes actives et passives, ceux-ci : et biens possédés par les communautés. M. d’AIIarde, rapporteur. On pourrait rédiger comme suit l’article : Art. 5 (art. 6 du projet). « Les syndics des corps et communautés d’artisans et marchands seront tenus de représenter ou de rendre leurs comptes de gestion «aux municipalités, lesquelles les vérifieront et formeront l’état général des dettes actives et passives et biens de chaque communauté ; ledit état sera envoyé aux direcleurs de districts et de dé artements qui, après vérification, le feront passer au commissaire du roi chargé de la liquidation de la dette publique, lequel en [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1791. J 217 rendra compte au comité des finances, pour en être par lui fait rapport à l’Assemblée nationale. Le commissaire ne pourra néanmoins surseoir à la liquidation des remboursements et offices de chaque individu ; il se fera remettre les états, titres, pièces et renseignements nécessaires pour constater l’état actuel et achever, s’il y a lieu, la liquidation des dettes contractées antérieurement à 1776 pour les corps ou communautés. » (Get article est décrété.) L'article suivant est adopté en ces termes : Art. 6 (art. 7 du projet). « Les fonds existant dans les caisses des différentes corporations seront versés dans la caisse du district, qui en tiendra compte à celle de l’extraordinaire; les propriétés, soit mobilières, soit immobilières desdites communautés, seront vendues dan? la forme prescrite pour l’aliénation des biens nationaux, et le produit desdites ventes sera nareillement versé dans la caisse de l’extraordinaire. M. d’AIIarde, rapporteur, donne lecture de l’article 8 du projet du comité. M. Bouche. Je demande qu'on termine cet article en disant que ses dispositions ne s’étendront point aux professions d’orfèvre, de serrurier, de tireur d’or, lapidaire et autres, pour lesquelles je propose que l’Assemblée fasse des règlements particuliers. M. Germain. Yotre intention, Messieurs, a été de favoriser l’agriculture; mais il n’a jamais été dans votre intention de favoriser la cupidité ou le discrédit de nos fabriques. Le maintien de la confiance publique nécessite des règlements et des surveillants destinés à garantir le public des surprises auxquelles il n’est que trop souvent exposé, afin que la cupidité ou l'ignorance ne fassent point perdre aux fabriques nationales le haut degré de perfection qu’elles ont acquises par la sagesse de leurs règlements. Sans ces précautions, ne vous y trompez pas, cette liberté indéfinie sera la cause de la décadence de nos manufactures. Je conclus donc à ce que l’article soit décrété tel qu’il est, en ajoutant, par amendement : et à la charge de se conformer aux règlements qui pourront être faits. (L’amendement est décrété.) M. Malouet. L’article 8 comprend toute espèce d’arts et métiers. Je demande que les ouvriers des professions maritimes, enregistrées dans les classes, ne soient soumis à aucune patente. Vous savez, Messieurs, que ces ouvriers sont déjà soumis à un service public dans les arsenaux et sur les vaisseaux de l’Etat ; il serait injuste et dangereux de leur imposer aucune autre obligation pécuniaire. M. d’André. Je demande le renvoi de cet amendement aux comités des finances, de l’imposition et de la marine réunis. M. de La Galissonnière. Il faut distinguer en cette matière les ouvriers maritimes, travaillant pour la chose publique et ceux qui travaillent pour leur compte. (L'Assemblée ordonne le renvoi de l’amendement de M. Malouet aux comités des finances, de l’imposition et de la marine réunis.) M. Buzot. Je demande qu’on change le commencement de l’article en ces mots : ... Il sera libre à tout citoyen d’exercer telle profession, art ou métier, etc... M. d’Al larde, rapporteur. J’observe au préopinant que le comité a pensé qu’il était nécessaire de dénommer les fabriques et manufactures, par la raison qu’il y a plusieurs arrêts du conseil qui défendent ces établissements-là dans certaines villes; il a donc pensé qu’il était nécessaire de les dénommer. Un membre : Cela ne nuit pas. M. d’André. Je demande à soutenir l’amendement de M. Buzot. Une loi doit être générale et ne pas fournir matière à des exceptions particulières. Où en serions-nous si, lorsque nous avons décrété un article général ; si , lorsque nous avons décrété que tel citoyen pourra exercer la profession et le métier qu’il voudra, on voulait encore opposer des arrêts du conseil? Certainement il n’est personne qui puisse s’imaginer que des arrêts du conseil puissent aller contre un décret de l’Assemblée nationale sanctionné par le roi. (L’amendement de M. Buzot est décrété.) M. de Tracy. Parmi les cultivateurs, il en est qui, pour l’engrais de leurs terres, achètent des troupeaux de moutons et même de bœufs à une certaine époque de l’année pour les revendre dans une autre. Est-ce là un commerce ? L’article n’est pas clair à ce sujet ; tout ce que je demande, c’est qu’on s’énonce clairement sur cet objet et qu’on le mette dans ou hors l’article. M. d’AlIarde, rapporteur. Acheter n’est pas faire le commerce pas plus que vendre n’e«t faire le commerce. Faire le commerce, c’est acheter et vendre. Il faut donc, pour qu’il v ait commerce et commerçant, vendre pour acheter et acheter pour vendre ; il faut même que ces deux actes se fassent avec une certaine suite et durée et en vue l’un de l’autre. Ainsi vendre les denrées que l’on récolte n'est point faire acte de commerçant. M. de Sinéty. Messieurs, M. le rapporteur vient de dire que les propriétaires qui vendent leurs denrées ne sont pas regardés comme marchands. Je demande donc par amendement qu’on ajoute à l’article ces mots : Ne seront point compris dans l'article les propriétaires qui vendent leurs denrées. M. Befermon. L’intention du comité n’a pas été de regarder comme une profession qui exigeât une patente, te commerce que le laboureur ferait des bestiaux qu’il engraisse sur ses terres. La profession du laboureur est d’être agriculteur; et le comité n’a jamais pensé à assujettir l’agriculteur aux patentes. L’opération de l’agriculteur qui achète des bestiaux pour les garder plus ou moins longtemps et les revendre n’en fait pas un commerçant. II n’est donc pas possible, sous ce prétexte, de l’assujettir à la patente ; il en est de même des achats des grains.