73 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’il s’établisse une correspondance, il faut édicter des moyens coercitifs; il faut que lorsque le ministre a envoyé une loi à exécuter par un directoire, si le ministre n’a pas eu de réponse, il en fasse part au Corps législatif, afin que ce directoire soit puni. M. d'André. Le comité pourra présenter ses vues sur cet objet. M. 17e Chapelier. Je demande qu’il soit fait un code pénal contre les départements qui ne suivent pas la correspondance. Je demande aussi que le ministre des contributions publiques soit invité à venir rendre compte des recouvrements actuels des impositions. (La discussion est fermée.) Le projet de décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Le comité de Constitution présentera le mode de coirespondance qui doit exister entre les agents do pouvoir exécutif et les cor, s administratifs, et les moyens de la rendre effective-irunt active; « 2° Le ministre des contributions publiques sera invité de venir rendre compte demain lundi, à l’Assemblée, de l’état dans lequel est le recouvrement des impositions. » (Ce décret est adopté.) M. de Toulongeon fait sentir la néc ssité de s'occuper enfin du Code pénal militaire avant la fin des travaux de l’Assemblée, pour que le ministre de la guerre soit investi de tout le pouvoir nécessaire pour diriger l’armée. M. Emmery appuie cette proposition et observe qu’il est d’autant plus imporiant de terminer tout ce qui concerne le département de la guerre que la prochaine législature ne doit pas avoir de comité militaire, à moins qu’on ne veuille renoncer à voir l’ordre se rétablir et se maintenir dans l’armée. (L’Assemblée, consultée, décrète que le code pénal militaire et le projet de décret relatif aux commissaires des guerres seront mis à l’ordre du jour de la séance de mardi prochain.) M. Gaultier-Biauzat demande que l’archiviste de l’Assemblée fasse connaître le nombre des députés à lu prochaine législature actuellement à Paris. M. d’André répond tenir de M. Camus que ces députés étaient hier au soir au nombre de 200. M. Roussillon, au nom des comités de commerce et d'agriculture et des finances. Messieurs, vos comités des finances, d’agriculture et de commerce ont examiné, avec la plus sérieuse attention, le mémoire qui vous a été présenté par M. le ministre de l’intérieur, sur les subsistances, et les pétitions de divers départements, que vous leur avez fait l’honneur de leur renvoyer. De cet examen et des renseignements qu’ils se sont procurés, il résulte que le royaume renferme, tant en vieux graine que nouveaux, plus qu’il n’en faut pour la consommation d’une année; que la crainte de manquerde subsistances dans quelques départements en a fait beaucoup exagérer les besoins. Vos comités convaincus, ainsi que M. le mi-[18 septembre 1791.] nistre vous l’a dit, que le meilleur moyen de pourvoir aux besoins des départements qui ont eu des récoltes moins abondantes, consiste dans la libre et paisible circulation du superflu qui se trouve dans plusieurs parties du royaume, vous proposent le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que, malgré les mesures qui ont été prises pour maintenir la libre circulation des grains, et assurer la subsistance à toutes les parties de l’Empire, ses vues pourraient être tromnées par les artifices des ennemis de la Constitution, et par les craintes exagérées du peuple, quoiqu’il soit reconnu que le royaume renferme plus de subsistances qu’il n’en faut pour la consommation d’une année; « Con=idérant que le vrai moyen de porter Ta-bondance dans tout le royaume est de rassurer 1 s commerçants, en leur procurant protection et garantie dans leurs spéculations; « Considérant encore que, pour faire cesser toutes inquiétudes par rapport aux secours imprévus dont quelques départements pourraient avoir besoin, il convient de fixer et de laisser une certaine somme à la disposition du ministre sur sa responsabilité, décrète : « Art. lCr. Que le roi sera prié de donner les ordres les plus précis pour faire poursuivre et punir suivant la rigueur des lois, toute per.-onne qui s’opposerait, sous quelque prétexte que ce puisse être, à la libre circulation des subsistances. « Art. 2. Les propriétaires, fermiers, cultivateurs, commerçants et autres personnes faisant circuler des grains eu remplissant les conditions exigées par la loi, qui éprouveront des violences, ou le pillage de leurs grains, seront indemnisés par la nation, qui reprendra la valeur de l'indemnité en l’imposant sur le département dans lequel le désordre aura été commis. Le département fera porter celte charge sur le district; le district sur les communes dans le territoire desquelles le délit aura été commis, sauf à elles à exercer leur recours solidaire contre les auteurs des désordres. « Art. 3. Il sera remi-* à la disposition du mi-nisrne de l’intérieur, jusqu’à concurrence d’une somme de 12 millions seulement, pour être employée sous l’autorité du roi, et sur la responsabilité du ministre, à fournir progressivement aux besoins imprévus des départements, qui seront tenus d’en faire le rembour ement dans deux ans, avec les intérêts à 5 0/0 des avances qui leur seront faites à titre de prêt. « La trésorerie nationale fera l’avance des fonds en proporiiou des besoins reconnus par le ministre, qui sera tenu de justilier de l’emploi à la prochaine législature, toutes les fois qu’elle l’exigera. Au 1er octobre 1792, l’emploi détaillé desdits fonds sera rendu public par la Voie de l’impression, et envoyé aux 83 dépaitements. La caisse de l’e x traotdi nai? e restituera successivement à la trésorerie nationale les sommes qu’elle aura ava cées pour cet objet. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Malouet. Je trouve le décret fort bon ; mais je crois qu’il est nécessaire d’y ajouter l’addition suivante. Les départements du Midi sont ceux qui sont les plus exposés à avoir besoin d’un supplément de grains. C’est dans les départements du Midi que les inquiétudes se sont. manifestées. Il s’agit de les prévenir, surtout de 74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1791.] détruire dans sa racine ee préjugé terrible contre ce qu’on appelle les accaoareurs de grains. Il est possible que, dans les départements du Midi, il se trouve des hommes qui fassent des spéculations et des achats de grains, nous devons même le désirer. D’après cela, je demande qu’on ajoute que, dans les départements où le besoin d’un supplément de grains se fera sentir, les citoyens qui se sont livrés avec succès à l’approvisionnement, soient distingués par la législature et inscrits sur la liste des bons citoyens. Si vous n’ajoutez pas cela, soyez très certains que le préjugé populaire attaquera, dès le premier moment, les commerçants. M. Andrieux. Je demande qu’on fasse un projet d’instruction. M. Martineau. Messieurs, la source de toutes les préventions et de tous les maux vient de ce qu’il y a dans le public un tas de déclamateurs contre le commerce des grains, qui peignent les marchands de grains sous les couleurs les plus noires. Voilà ce qui trompé le peuple, et qui le jette dans des erreurs dangereuses, et voilà ceux qu’il faut punir. Je demande, en conséquence, qu’on mette un article additionnel, portant que tous ceux qui s’écrieront contre le coma erce des grains ( Exclamations .) seront poursuivis comme perturbateurs du repos public par les accusateurs. M. Roussillon, rapporteur , relit le préambule et l’article 1er du projet de décret qui sont mis aux voix, sans changement, en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que, malgré le� mesures qui ont été prises pour maintenir la libre circulation des grains, et assurer la subsistance à toutes les parties de l’Empire, ses vues pourraient être trompées par les arti-lices des ennemis de la Constitution, et par les craintes exagérées du peuple, quoiqu’il soit reconnu que le royaume renferme plus dé subsistances qu’il n’eu faut pour la consommation d’une année; 4 Considérant que le vrai moyeu de porter l’abondance dans tout le royaume, est de rassurer les commerçants, en leur procurant protection et garantie dans leurs spéculations ; « Considérant encore que, pour faire cesser toutes inquiétudes par rapport aux secours imprévus dont quelques departements pourraient avoir besoin, il convient de fixer et de laisser une certaine somme à la disposition du ministre sur sa responsabilité, décrète : Art. 1er. « Que ie roi sera prié de donner les ordres les plus précis pour faire poursuivre et punir, suivant la rigueur des lois, toute personne qui s’opposerait, sous quelque prétexte que ce puisse être, à la libre circulation des subsistances. » (Adopté.) M. Roussillon, rapporteur , donne lecture de l’article 2 du projet de décret. M. Rourdon. Mais, Messieurs, si les auteurs des désordres sont insolvables, sur qui aurez-vous recours ? M. Chabroud. Lorsque l’insurrection sera tellement forte, que les moyens de la commune seront iusuftisaiits, la loi doit pourvoir alors à l’insuffisaricfe de la commune ; elle peut requérir les communes voisines. Je crois qu’il est utile (l’ajouter à la disposition de l'article que h s communes requises pour le maintien de l’ordre, et qui s’y refuseront, seront aussi responsable-. Plusieurs membres : Il y a une loi qui le dit. M. Chabroud. Je crois qu’il est bon de le répéter. (L’amendement dé M. Chàbrdtid est tais aux voix ét adopté.) En conséquence, , l’article 2 modilié est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 2. « Les propriétaires, fermiers, cultivateurs, commerçants et autres personnes faisant circuler des grains en remplissant des conditions exigées par la loi, qui éprouveront des violences on le pillage de leurs grains, seront indemnisés par la nation, qui reprendra la valeur de l’indemnité en l’imposant sur le département dans lequel ie désordre aura été commis. Le département fera porter cette charge sur le district; le district sur les communes dans le territoire desquelles le délit aura été commis, et sur celles qui, ayant été requises de prêter du secours, s’y seraient refusées ; sauf à elles à exercer leur recours solidaire contre les auteurs des désordres. » (Adopté ) M. Roussillon, rapporteur. Voici l’article proposé par M. Malouet : « Dans les départements où l'Administration reconnaîtra là nécessité de pourvoir à un supplément d’approvisionnement, les citoyens qui se seront livrés avec succès à ce service public, après avoir donné connaissance de leurs spéculations aux directoires de département, seroîit inscrits dans les procès-verbaux dé l’Assemblée nationale comme ayant bien mérité de l’Etat. » Voix divei'ses : C’est bon ! Aux voix ! aux voix ! M. Chabroud. Je demanderai que la disposition fût imprimée autrement. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de débuter par cette disposition; la nécessité d’approvisionnement se fait sentir par elle-même, il n’est pas nécessaire d’en donner avis au département. Je crois qu’indépen-damment de tout arrêté de département, de tout ordre du gouvernement, lorsqu’il y a des besoins dans un département, dans un district, et qu’un citoyen prend soin gratuitement, par sou patriotisme, de pourvoir à l’approvisonnement de son pays, par cela même il mérite l’approbation qu’on propose. Ainsi, je demande qu’on n’insère point dans l’article la nécessité d’uDe ordonnance ou d’un arrêté préalable. M. Malouet. Je suis de votre avis, et cependant je regarde comme très nécessaire que l’article commence par là : car ce préjugé est si fort, que si voüs ne dites pas au peuple qu’il n’y aura de Spéculation que dans les départements où l!e gouvernement en aura reconnu et annoncé la nécessité, vous verrez partout s’élever uu cri populaire, un cri furieux, qui arrêtera, qui épouvantera les commerçants. M. Chabroud. Monsieur lé Président, il y a à cela un danger extrême, car si On ne peut spéculer sur les grains, si on ne peut fâife ce commerce que dans certains départements, il y âurâ des dangers.». [Assemblée nationale.] M. Malouet. Je ne dis pas cela. M. Chabroud..., lorsque vous voulez que le peuple soit averti de la nécessité des opérations dont vous parlez, par une ordonnance du gouvernement. Il est évident que dans les départements où il n’y aura pas d’ordonnance, où le gouvernement n’aura pas cru devoir la rendre, il est évident qu’on ne pourra point commercer sur les grains, que celui qui fera quelques spéculations sera exposé aux fureurs au peuple. Je demande que l’article soit retranché. Plusieurs membres demandent la question préalable sur l’article. M. Malouet. Je n’insiste point pour conserver cette disposition, et je connais si bien la pureté, l’utilité des principes sur lesquels nous sommes d’accord, que si l’Assemblée nationale croit avoir suffisamment «méri le peuple de ce terrible préjugé qui a déjà occasionné tant de malheurs, j’abandonne la première partie de mon article. M. Roussillon, rapporteur. Voici la seconde partie : « Les citoyens qui se seront livrés avec succès à ce service public, après avoir donné connaissance de leurs spéculations aux directoires de département, seront inscrits dans les procès-verbaux de l’Assemblée nationale comme ayant bien mérité de l’Etat. » M. Emmery. Je ne suis pas de l’avis de cette dernière p irtie de l’article. Vous avez fait tout ce que vous deviez faire, et il serait peut-être dangereux d’aller au delà. En conséquence, je demande l’ordre du jour. M. Malouet. Je retire ma proposition. M. Roussillon, rapporteur , donne lecture de l’article 3'du projet de décret. M. Chabroud. Je crois que les mêmes raisons qui vous ont déterminés à rejeter la proposition de M. Malouet, doivent vous déterminer à rejeter l’article 3. M. de Montesquiott-Fezensac. Je soutiens que les mêmes raisons ne peuvent pas vous faire rejeter cet article; car cette proposition est toute différente. Il ne s’agit point ici de donner au gouvernement la facilité d'acheter des grains et de les revendre à son compte, mais de mettre le ministre à portée de donner des secours d’ufgent aux départements qui manqueront de grains, pour s’eu procurer. M. Malouet. Je pense que la proposition de M. Chabroud, encore qu’elle soit plus conforme à la théorie la plus sûre, la plus saine du commerce des grains, n’est cependant pas applicable dans ce moment-ci : c’est une chose très dangereuse que d’appliquer à une circonstance donnée, les principes bons dans d’autres circonstances. Si la confiance était rétablie, on pourrait laisser le commerce à lui-même. Qu’est-ce qui vous assure qu’il y aura un concours assez unanime, assez fondé en confiance, pour que les lieux dans lesquels une disette se fera sentir, soient approvisionnés sans l’intervention du gouvernement, je ne le pense 'pas. D’après cela, je demande que l’article subsiste tel qu’il est. % M. Biizot. L’article est rédigé d’une mâiiièfe équivoque. Il fdut que les 12 millions puissent être donnés en avance aux départements qui en auront besoin selon leur localité. M. d Aridre. On vous propose de prêter aux départements 12 millions pour être employés par eux à acheter des blés suivant leurs besoins. Or, il n’y a que deux manières pour les départements défaire ces achats : l’une, de fournir des avances aux commerçants qui ensuite iront acheter eux-mêmës; l’autre, d’acheter pour le compte des départements. Fournir de l’argent aux commerçants pour acheter du blé, c’est favoriser des commerçants au dé* riment des autres, c’est aller contre l’intérêt direct du commerce, parce que l’intérêt du commerce est, lorsqu’une marchandise est chère ou ràre dans un endroit, d’y en porter parce qu’on y trouve du bénéfice. Toutes les fois qu’on s’écartera de ces principes-là, toutes les fois que l’on voudra venir par des mesufes artificielles au secours des subsistances, on en fera manquer précisément où on en aura besoin ; attendu que tel 'commerçant du Havre ou de Saint-Malo qui aurait été chercher du blé dans le Nord pour le porter à Bordeaux, où il sait qu’il en manque, s’il est instruit que le département a reçu 1 mil-lidn pour acheter des blés, il ne fera pas la spéculation, parce qu’il dira: Lorsque j’arriverai à Bordeaux, je me trouverai en concurrence avec les blés achetas par le gouverriëihent, et j’y perdrai. {Applaudissements.) Et alors il arrive que tel point du royaume que vous vouiez soulager, est celui auquel il n’arrive point dé blé, oü du moins il n’arrive que celui acheté par le département, lequel blé n’est pas suffisant pour Suffire aux besoins. Le second objet serait de faire acheter des grains par les départements. Pour celui-ci, je voudrais qu’au moins il fût dit da>s le décret que les déparlements ne pourront jamais ach ter le blé eux-mêmes. Il y a leâ mêmes inconvénients à faire acheter le blé par les départements, et même encore plus que par le gouvernement, parce que le gouvernement, embrassant l’ensemble, pourrait faire porter lès grams dans l’endroit où il sait qu’il en manque. Mais quand ce nVst que les départements qui le font, il en résulte que chaque département, ne pensant qu’à lui, affame toujours le département voisin; qu’il accapare tous les grains, quil les fait renchérir, et que le même motif qui lui à donné des besoins, lui rend ses besoins encorë plus pressants, attendu l’intérêt de l’objet. Je demande le renvoi de ce detnier article pour que nous puissions l’approfondir, et qu’il soit imprimé et ajourné à jour fixe. {Applaudissements.) Un membre : Le département du Ganta! ne peut pas user des mesures que vous décrétez ; il lui sera d’auiant plus impossible de rendre ce qu'on lui prêtera qu’il ne pourra pas même payer l’impôt dont vous l’avez charge. Cette année-ci est la tioisième année stérile qu’il éprouve. Il faut nécessairement un secours prompt et gratuit pour ce département-là. Je demande donc qu’il soit décrété que le comité des finances prendra en considération, dans le rapport qui sera fait jeudi, les observations que j’ai faites; M. Malouet. Puisque l’Assemblée paraît décidée à adopter ud ajournémètit, jë foudrais ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 118 septembre 1791.]