[Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Séœmbren'i taiis d’une victoire éclatante, remportée sur les brigands, auprès du Mans. Le combat a duré quinze heures. Les républicains ont vaincu; de grandes richesses sont tombées en leur pouvoir; des brigands sans nombre sont tombés sous leurs coups. Ils fuient devant les patriotes qui sau¬ ront profiter de leur victoire. « C’est, disent les représentants du peuple, la plus belle journée de la République depuis dix mois. Nous aurions bien des détails intéressants à vous donner, mais la joie et la fatigue nous accablent. Les traits de bravoure et de courage des républicains sont sans nombre : les régiment -* d’Aunis et d’ Armagnac ont fortifié l’opinion que l’on avait de leur courage; la gendarmerie à pied, qui est à la suite de l’armée de Cherbourg, a ajouté à l’idée avantageuse qu’elle a toujours donnée d’elle; les légions républicaines, dont il nous serait impossible dans ce moment de vous détailler les noms, ont disputé d’audace et d’in¬ trépidité. « Les officiers méritent aussi les plus grands éloges. Arsaut et Westermann ont combattu le plus courageusement et contribué à la victoire, le dernier surtout. Il a eu deux chevaux tués sous lui, deux blessures ne lui ont pas fait quit¬ ter son poste ; il poursuit encore, à la tête de sa cavalerie, les brigands morcelés et en fuite. Nous ajoutons à ces détails une nouvelle bien conso¬ lante. Cette victoire n’a pas coûté trente défen¬ seurs à la République. » (La salle retentit d? ap¬ plaudissements. Les représentants du peuple et les citoyens placés dans les tribunes se lèvent spon¬ tanément, agitent leurs chapeaux en l'air et répè¬ tent, avec le plus vif enthousiasme, les cris de ; « Vive la République! » Barère continue son rapport. Il propose de décréter que les républicains, qui se sont bat¬ tus au Mans, ont bien mérité de la patrie. Cette proposition est décrétée au milieu des plus vives acclamations. Barère lit ensuite des lettres qui ont été trans¬ mises par le ministre de la guerre. L’une an¬ nonce qu’auprès de Cholet, après trois heures de combat, on a détruit un rassemblement de bri¬ gands. Le ministre recommande à la nation la mère d’un jeune citoyen qui a montré le plus grand courage et a mieux aimé mourir que de livrer deux chevaux qu’il conduisait. Sur la motion de Robespierre, la Convention accorde à cette citoyenne mille livres de pension et mille écus de secours provisoires. Une lettre de Royer, officier à l’armée de l’Ouest, annonce un succès et la translation à Angers de La Rochejaqueh in, l’un des chefs des brigands, qui a été fait prisonnier. Barère. Il me reste à vous parler du Rhin, de Nantes et de Gênes. Au Rhin, une lettre de l’agent du conseil exé¬ cutif près oette armée, écrite de Strasbourg sous la date du 21 frimaire, annonce la prise de trois redoutes par les troupes de la République et des hauteurs en deçà d’Haguenau, après deux heu¬ res et demie de combat et le feu le plus vif, soutenu avec le plus grand courage aux cris de Vive la République! Une lettre de l’officier général, commandant en chef l’armée du Rhin, contient les mêmes dé¬ tails. Il cite seulement un trait de générosité et de bravoure du premier bataillon de l’Indre. Le général, instruit de sa conduite courageuse dans une affaire, lui envoya 1,200 livres de grati-lre SÉRIE, T. LXXXI. 513 fication. Le bataillon la renvoya en y joignant G40 livres qu’il destine à secourir les orphelins, le ( femmes et les parents des défenseurs de la patrie. La Convention décrète la mention honorable de la conduite de ce bataillon. Barère fait lecture d’une lettre de Carrier, re¬ présentant du peuple près l’armée de l’Ouest, au ministre de la guerre, écrite sous la date du 21 frimaire. Elle contient précisément les mêmes détails que celle lue ce matin. Barère termine par la lecture d’une lettre écrite par l’agent de la République à Gênes. Elle con¬ tient les détails d’un attentat commis par des Anglais et des Espagnols envers l’Etat de Gênes. Ils se sont emparés de vaisseaux suédois et da¬ nois dans ce port, et ont compromis ainsi les intérêts de Gênes vis-à-vis ces deux puissances. Sur la proposition de Chénier, la Convention décrète l’impression du rapport de Barère, l’en¬ voi à toutes les armées de la République et la distribution aux membres de la Convention. III. Compte rendu de V Auditeur national (1). De bonnes nouvelles de la Vendée avaient été annoncées au commencement de la séance et de meilleures encore étaient impatiemment atten¬ dues. Barère s’est présenté à la tribune, au nom du comité de Salut public. Avant de communiquer les dépêches, il a fait un rapport très détaillé sur la conduite que le comité a tenue à l’égard de cette infernale guerre du royalisme et du fa¬ natisme, soutenue et alimentée par le plus per¬ fide de nos ennemis, le gouvernement anglais. Par sa correspondance active avec les repré¬ sentants du peuple et les généraux, par les me¬ sures vigoureuses qu’il a prises dans toutes les circonstances pour détruire enfin cette horde de brigands qui dévastent depuis trop longtemps le territoire de la liberté, le comité de Salut pu¬ blic a répondu aux calomnies que les agents de Pitt répandent avec une lâche perfidie pour ap¬ peler la défiance sur la marche du gouvernement, diviser les patriotes et fatiguer, s’il était pos¬ sible, le peuple français de la liberté. Mais tous les scélérats, qui s’agitent autour de l’édifice de la République, pour la détruire, périront et la souveraineté du peuple sortira triomphante de toutes les vaines attaques. Leurs projets contre-révolutionnaires, ourdis tout nou¬ vellement à Rennes, dans quelques ports, aux environs de Paris, dans cette ville même, sont encore une fois déjoués. Ils avaient voulu faire tourner à leur profit, l’élan de la raison contre les pratiques du fana¬ tisme et de la superstition; mais leur perfidie s’est bientôt décelée, là comme ailleurs. Dans quelques communes peu éloignées de Paris, on a vu les mêmes hommes qui étaient venus à la barre de la Convention faire offrande de l’ar¬ genterie des églises et les prêtres qui avaient renoncé au sacerdoce, se mettre à la tête d’at¬ troupements et prendre les armes pour s’opposer (1) Auditeur national [n° 450 du 26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793), p. 6]. 33 514 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j " décT rnbr 8I1793 au passage des subsistances destinées pour Pa¬ ris. Le comité de Salut public a si bien pris ses mesures pour réprimer ces mouvements qu’il a fait arrêter, la nuit dernière, quarante de ces contre-révolutionnaires, la plupart prêtres, agents de ci-devant seigneurs et hommes de loi. Le comité, par tous les renseignements qu’il s’est procurés, s’est bien convaincu que le gouverne¬ ment anglais avait formé le projet d’une des¬ cente sur les côtes de France, pour prévenir sans doute celle dont il est menacé. La victoire de Granville sur les rebelles, les grandes précau¬ tions prises pour les empêcher de pénétrer vers Cherbourg et Saint-Malo, si convoités par les Anglais ont fait échouer ce projet. Ce qui le fera bien mieux échouer encore, c’est la victoire qui terrasse de toutes parts les hordes de rebelles. Une lettre des représentants du peu¬ ple à l’armée de l’Ouest, écrite du Mans le 23 fri¬ maire, rend compte que dans la ville même, il s’est livré la veille un combat dont le succès est le plus beau, le plus complet que les troupes de la République aient eu depuis dix mois sur les brigands. L’action qui a eu lieu dans les places, dans les rues, dans les maisons, a duré depuis neuf heures du soir jusqu’à deux heures du matin. Les mon¬ ceaux de cadavres des rebelles, parmi lesquels étaient des abbesses et des évêques, des marqui¬ ses, des comtes, des barons, etc. favorisaient seuls la fuite des autres. Us ont abandonné ca¬ nons, caissons, fusils, carrosses, trésors, reliques, crosses, mitres, croix, etc. Les représentants assurent que nous n’avons pas perdu 30 défenseurs dans cette affaire et que nous avons au plus 100 blessés. Deux autres lettres écrites, l’une de Saumur, l’autre de Nantes, apprennent que les brigands abandonnent La Flèche, se séparent par bandes pour s’enfoncer dans les bois et que leurs chefs cherchent à se sauver. La Rochejaquelein, l’un d’eux, fait prisonnier, est conduit à Angers sous bonne et sûre garde. Une partie des troupes de l’armée du Nord a été employée à ces heureuses expéditions. Il a été décrété, au milieu de vifs applaudissements, qu’elles ont, ainsi que l’armée de l’Ouest, bien mérité de la patrie. Barère a ensuite donné connaissance des let¬ tres du général de l’armée du Rhin, annonçant que, le 18 et le 19, les troupes de la République se sont emparées des hauteurs en deçà d’Hague-nau, de plusieurs villages, et ont pris deux dra¬ peaux à l’ennemi. Le 1er bataillon de l’Indre ayant remporté plusieurs redoutes au pas de charge, le général voulut lui donner une preuve de satisfaction en lui envoyant 1,200 livres, mais ces généreux soldats ont non seulement refusé ce don, mais y ont encore ajouté 640 livres pour le soulagement des veuves et enfants de leurs frères d’armes. Une dernière lettre, communiquée par le rap¬ porteur, annonce que les Anglais et les Espagnols ont abandonné le port de Gênes, arrêté et con¬ duit à Livourne treize vaisseaux danois et sué¬ dois richement chargés et destinés pour Gênes. Le feu a été mis au vaisseau Le Scipion ; 150 traî¬ tres qui le montaient ont péri. IV. Compte rendu du Mercure universel (1). Barère présente un rapport général sur la Ven¬ dée : « 20,000 hommes, dit-il, seront détachés de l’armée du Nord, et sans délai, pour marcher contre les hordes de la Vendée. Duquesnoy en prendra le commandement en chef contre les brigands. » Le rapporteur retrace l’état des départements de la Vendée et environnants. Il donne lecture des arrêtés pris par le comité de Salut public pour déterminer les mesures nécessaires. « Déjà, dit-il, un prétendu régent se prome¬ nait sur les mers de Venise ; à côté de Courtalin, cette manufacture de papier d’assignats, s’éle¬ vaient des troubles ; des communes, qui vou sont apporté leur argenterie du culte, se soulèvent, et des prêtres qui sont venus à votre barre faire leur abdication, sont les chefs de la révolte. ( Etonnement .) Plus de 40 de ces conspirateurs viennent d’être arrêtés, et le comité a pris des mesures pour dissiper ces attroupements qui menacent les convois de subsistances de Paris. Les représentants de Nantes nous marquent qu’un nouveau complot existait pour faire égor¬ ger les députés, ouvrir les prisons et s’emparer de divers lieux; mais ces projets sont déjoués, et les auteurs ont subi la peine due à leur crime. « Durant ce temps, on calomniait le général Rossignol ; on lui refusait toute espèce de talent militaire. Sepher refusait de servir sous lui, comme si le service de la patrie ne rendait pas tous les emplois dignes d’un homme. Nous n’at¬ tribuerons pas à Rossignol les talents d’un Tu-renne ; mais nous dirons qu’il est brave, que, lui présent, jamais les troupes n’ont été battues. Il a gagné la bataille du 18, et nous dirons qu’ après, la Vendée pourra commencer le procès par écrit que l’on a tenté déjà de faire. Ces petites jalou¬ sies, soi-disant en passant, ajoute le rapporteur, ne devraient jamais entrer dans la tête de sans-culottes. » Barère ajoute que le comité a pris un arrêté par lequel il sera établi des courriers journaliers pour instruire la Convention de ce qui se passe, et les dépêches seront transmises de proche en proche. Les généraux feront connaître chaque jour la position de l’armée de la République et celle des rebelles. « Le génie de la liberté est de triompher de tous ses ennemis, ajoute Barère, et voici une lettre du 23 frimaire écrite par les représentants Turreau, Prieur, Bourbotte, à sept heures du soir. « A force de courir après la horde infernale des brigands, nous les avons enfin atteints sous les murs du Mans. Notre cavalerie, depuis plu¬ sieurs jours, les suivait .de près, et elle les serra. Secondés d’une colonne d’infanterie, ils fondi* rent avec impétuosité sur les brigands qui tin¬ rent ferme. Notre avan -garde fut repoussée, et ce premier échec semblait décider la victoire; mais l’espoir des rebelles fut trompé. Appuyé par les soldats arrivés de Cherbourg, ils furent poursuivis, forcés; une redoute leur fut enlevée sur le pont. La bayonnette en avant, les répu-(1) Mercure universel [26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793), p. 412, col. 2].