[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1791.] 540 contrats qui ne lui faisaient aucun préjudice, et qui assuraient à des tiers des propriétés, elle a rétabli les principes d’un gouvernement libre, mais elle n’a pas entendu leur donner un effet rétroactif. L’abolition du régime féodal n’emportait pas l’annihilation des traités auxquels il avait donné lieu. Ainsi, en nous résumant sur ces premières objections des opinions en faveur de la question préalable, nulle imprudence ne peut être valablement imputée aux officiers seigneuriaux, ils ont traité, sous la foi publique d’offices qui, depuis plusieurs siècles, étaient dans le commerce, et dont rien ne présageait la suppression . On ne peut pas non plus exciper contre eux des ordonnances rendues sur le fait de la vénalité, lorsqu’on en a fait grâce aux officiers royaux qui y étaient plus expressément, plus formellement, et toujours primitivement compris. Enfin les décrets du 4 août, ne parlant que du droit de justice appartenant aux seigneurs ne sauraient s’étendre aux conventions par eux faites pour l’exercice de ce droit avec leurs officiers. Dès lors, on ne peut, sous aucun prétexte, contester qu’il soit dû un remboursement aux titulaires d’offices seigneuriaux supprimés. « La Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés. » (L’opinion de M. Guillaume est interrompue (1) par l’entrée, dans l'Assemblée, des ministres de la guerre, des affaires étrangères et de l’intérieur, mandés par un décret rendu au commencement de la séance.) M. le Président Messieurs, l’Assemblée nationale a décrété ce matin que MM. les ministres de la guerre, des affaires étrangères et de l’intérieur seraient entendus à l’heure de 2 heures; elle désirait savoir deM. le ministrede la guerre l’état actuel de la défense des frontières du côté de l’Espagne, du nombre des troupes de ligne qui y sont employées, ainsi que les mesures à prendre pour fournir à la ville de Bayonne les fournitures qu’elle a demandées en artillerie et munitions. Je prie monsieur le ministre de la guerre de vouloir bien instruire l’Assemblée à cet égard. M. Duportail, ministre de la guerre. Monsieur le Président, au moment où les craintes se sont portées du côté des frontières d’Espagne, les ordres ont été donnés pour mettre les places, autant qu’il serait possible, en état de défense. Il y a plus de 3 mois que j’ai écrit pour cela aux directeurs de l’artillerie et à ceux du génie. J’ai même employé, il y a déjà assez longtemps, une compagnie d’artillerie à Bayonne et une autre compagnie d’artillerie à Perpignan, pour travailler aux opérations de leur ressort. J’ai envoyé également des officiers d’artillerie, pour travailler aux batteries et à tous les autres travaux de ce genre-là. Les moyens de défense ne sont pas très grands sur cette frontière, et ce n’est pas étonnant. Depuis longtemps on était dans la plus grande sécurité du côté de l’Espagne. Jamais le gouvernement n’avait pensé à rien faire aux fortifications : aussi elles ne sont pas en très bon état; mais heureusement le pays se défend par lui-même, et depuis quelque temps on doit travail-(l)Voir la suite de l’opinion de M. Guillaume, séance du 19 août 1791. 1er et l’on travaille effectivement à Bayonne, à Perpignan et à Bellegarde, aux foftifications. Quant aux troupes, elles y sont en fort petite quantité. Il y a 4 bataillons à Perpignan, 2 à Bayonne; des escadrons ont des détachements dans les différents endroits, dans des petits forts dans les Pyrénées. Les moyens de la France sont très grands, mais ils ont des bornes. 150,000 hommes de troupes réglées que nous avons ne peuvent pas être répandus sur toute la surface de la France, c’est-à-dire sur celle de 800 lieues. Si on en voulait mettre partout, on n’en aurait nulle part suffisamment. Il a donc fallu porter la plus grande partie de l’armée sur les frontières des ci-devant provinces de Flandres et d’Alsace. Cependant nous avons des troupes, non pas sur les frontières de l’Espagne, mais sur celles du Dauphiné; en Provence, dans les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône, il y a environ 40 bataillons qui pourraient être portés assez promptement sur les frontières d’Espagne, si cela était nécessaire, ou tout au moins une partie. En effet, une grande partie de ces troupes a été envoyée pour maintenir la tranquillité de l’intérieur et non pas pour la défense extérieure ; on pourrait donc les y porter. Quant aux gardes nationales, les mesures ont été prises dans cette région comme pour tout le reste de la France, dès que l’Assemblée nationale a décrété les 97,000 gardes nationaux et que la répartition en a été faite. Lorsque j’ai été chargé du soin de faire former le corps de gardes nationales, qui est destiné à se joindre aux troupes de ligne, contre les ennemis extérieurs, j’y ai mis toute l’activité possible. J’ai envoyé, 36 heures après le décret qui m’a confié ce soin-là, les ordres aux directoires du département pour qu’ils s’occupent à mettre en exécution le règlement concernant la formation, en un mot toutes les mesures à prendre, ai si qu’une lettre circulaire à tous les commandants de troupes de ligne dans les départements frontières et dans tous ceux qui les avoisinent. Tout cela a été mis à l’impression et envoyé dans toute la France. Les ordres et les instructions sont même faits de manière que, sans qu’ils en reçoivent d’autres d’ici, les directoires, en se concertant avec les officiers généraux, peuvent tout de suite employer ces gardes nationales à mesure qu’elles se formeront en bataillons. Voilà les dispositions qui ont été prises. Je n’ai pu avoir encore de réponse sur le résultat de ces divers objets. J’imagine que l’on y met le même zèle que partout ailleurs, et je pense que les directoires y procèdent avec la même ardeur qu’ils ont manifestée jusqu’à présent, pour tout ce qui intéresse la Constitution et la sûreté de l’Etat. Si donc on s’est porté avec célérité à l’exécution de ces ordres, je pense qu’il y a des moyens suffisants pour être en état de sûreté, surtout d’après les moyens dont les Espagnols peuvent disposer, moyens qui peuvent très facilement s’évaluer et en très peu de temps nous en aurions certainement de supérieurs. Ce matin je me suis fait rendre compte des moyens que nous pouvons avoir en subsistances, et quoique nous ne nous soyons pas occupés de ces objets-là autant que des autres, cependant j’ai vu que nous avions à Perpignan et à Bayonne de quoi entretenir environ 30,000 hommes pendant 3 mois. Gomme la récolte vient de se faire, qu’en cas de besoin on peut aisément faire des approvisionnements à proportion des nécessités,