350 | Assemblée nationale*) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 avril 1791.) dront aux étrangers, que ceux-ci nous payeront en écus et que, par conséquent, la magie des petits assignats consiste, non pas à faire fuir les écus, mais à les faire revenir. Je propose donc des assignats de 5 livres. L’on m’a fait l’objection que l’on ne voudrait pas rendre au citoyen pauvre la monnaie de 5 livres. Je réponds qu’on lui rendra bien moins celle de 50. Je réponds qu’on lui rendait bien la monnaie des coupons. Je réponds que bientôt il va paraître pour 15 millions de menue monnaie, ce qui l'ait tomber l’objection ; et surtout que j’espère que vous en décréterez davantage, si mes principes vous paraissent vrais; car il faut suppléer, par une quantité de monnaie fixe et prisonnière dans le royaume, à toute celle qui s’enfuit ; et cetie monnaie, en redonnant l’activité au commerce, rendra bientôt les étrangers nos tributaires. Je propose donc des assignats de 5 livres. Ces assignats, un peu inférieurs en valeur à ceux de 6 livres, rétabliront jusqu’à un certain point l’inégalité qui existe entre l’argent et le papier; ils se mettront assez naturellement au pair. La raison en est qu’on échange plus facilement une pièce de 100 sols qu’une pièce de 6 livres, parce que le vendeur a moius de monnaie à rendre. On me dira peut-être que je propose une trop forte émission de petits assignats. Je réponds que je voudrais qu’elle fut trop forte, car elle donnerait tout à coup une activité salutaire. Quand elle le serait, elle ne sera que successive, ses effets ne seront pas brusques, ils ne déplaceront ni les rapports ni les prix, et l’on peut enfin les brûler à l’instant où cela devient nécessaire. Mais il s’en faut de beaucoup que ce mal soit réel, et que dans notre pauvreté nous devions craindre la surabondance du numéraire. On m’opposera enfin la loi de l’économie, et que les frais des petits assignats seront presque aussi considérables que ceux des gros. Et moi j’oppose la loi plus puissante encore de la nécessite qui ne marchande pas avec les besoins. Je réponds que la déperdition des petits assignats compensera ces frais pour le Trésor public. Je conclus donc, Messieurs, à ce qu’il soit décrété une émission d’assignats de 100 sols, en échange des assignats de 2,000 livres même si vous le jugez nécessaire, et en remplacement de ceux qui ont été brûlés en vertu de vos décrets. N’ayons point de regret à ce changement de système, à ce mouvement nouveau donné à votre théorie des assignats ; c’en est, je crois, le complément, c’était leur destination primitive. Les assignats, tels qu’ils sont, ont rempli vos intentions, ils ont réveillé les espérances et l’activité du commerce : un système plus complet le vivifiera; et les peuples qui ont respecté, qui ont partagé votre prudence, applaudiront à ce nouvel acte de votre vigilance pour leurs intérêts. Je vous propose donc, Messieurs, le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Qu’il sera formé des assignats de 5 livres; « 2° Que ces assignats seront échangés à la volonté des porteurs, contre ceux de 2,000 livres, qui seront en émission lors et après la publication du présent décret, lesquels seront retirés et brûlés ; « 3° Que les nouvelles créations d’assignats que l’Assemblée pourra décréter en remplacement des assignats brûlés, seront également formées en assignats de 5 livres; « 4° Qu’il sera envoyé desdits assignats dans tous les départements, où ils seront répartis dans les proportions convenables; « 5° Que son comité des finances lui proposera inces-amment ses vues sur l’entière exécution des dispositions du présent décret. « L’Assemblée nationale charge en outre son comité des finances de lui présenter des vues claires et sûres, d’après lesquelles elle puisse juger s’il est nécessaire de fabriquer une plus grande quantité de menue monnaie, de quelle espèce et en quelle qualité. ( Applaudissements .) Plusieurs membres demandent l’impression du discours et du projet de décret de M. Rabaud Saint-Etienne. M. Buzot. J’appuie la demande de l’impression et je propose l’ajournement du projet de décret à jour fixe. Vous n’avez pas encore permis qu’on traitât cette question avec toute la maturité dont elle est susceptible et toutes les fois qu’elle a été présentée, on a mal à propos refusé l’entrée en discussion. Permettez-moi de vous dire que les choses sont plus pressantes que jamais; il faut, de quelque manière que ce soit, prendre une mesure convenable pour que chacun puisse avoir l’argent qui lui revient et qu’il paisse s’en servir aisément pour ses besoins de chaque jour et ses affaires. Je pense que l’on peut ajouter de irès bonnes raisons à celles qui ont été données par le préopinant et qu’il ne faudra pas très longtemps pour se préparer sur cet objet. Je demande donc l’impression du discours et l’ajournement de la discussion à vendredi, séance du matin. ( Applaudissements .) M. de Crillon. Il y a des orateurs qui sont prêts à parler; on pourrait, tout en ajournant la délibération à vendredi, commencer dans l’instant même la discussion. M. îllalouet. 11 est très important de ne pas commencer sur cette matière qui n’a pas encore été assez approfondie avant que l’Assemblée ait pu recueillir toutes les lumières nécessaires. (Murmures.) Je demande que les commissaires de la trésorerie, le ministre des contributions publiques, les députés extraordinaires du commerce soient consultés. Je demande que la discussion soit fixée à huitaine. Plusieurs membres : Non! non! M. Cérard (de Rennes). Consultez plutôt les campagnes. M. Illalouet. Si vous vous décidez à décréter de petits assignats, il est nécessaire que vous connaissiez l’influence que cette innovation peut avoir non seulement dans la capitale, mais dans les provinces. Il est nécessaire que vous connaissiez par quelles précautions on peut préserver les petits assignats d’une altération inévitable qu’ils éprouveront dans le commerce. M. Cïgongne. Il en coûterait plus pour contrefaire des petits assignats qu’il n’en coûterait pour fabriquer des gros; ainsi, Monsieur, votre observation tombe. (Applaudissements.) M. Malouet. Je me borne à demander que le