[Bailliage de Nemours.] 215 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Etats gén. 1789. Cahiers.] N’en adopter aucun dont la recette et la dépense ne puissent être parfaitement claires ; instituer pour l’une et pour l’autre un ordre qui dispense de tirer des provinces l’argent qui peut y être employé, et qui mette à portée de pouvoir rendre compte de l’état des finances, toutes les fois qu’il plaira au Roi ou à la nation de le demander ; Réformer le code civil, le code pénal, et les ordonnances qui doivent en régler les procédures, de manière qu’ils garantissent en tous les points la liberté, la propriété et la sûreté de quiconque habite dans l’Etat, ou a des droits à y réclamer ; Rendre l’agriculture et le commerce libres; Leur procurer toutes les instructions et tous les encouragements qui peuvent leur être utiles. Préparer entre tous les citoyens une correspondance mutuelle de bons offices et de secours réciproques ; En assurer de gratuits pour tous ceux qui sont dans l’impuissance de fournir la réciprocité. Le développement de la plus grande partie des institutions et des abus qui sont contraires à un régime si simple a demandé des discussions et des détails que le fiers-état du bailliage de Nemours aurait désiré pouvoir s'épargner, et dans lesquels il craint de n’avoir pu éviter des omissions très-importantes, et de n’avoir pas exprimé ses réflexions et son vœu avec la précision, !a clarté, la dignité qui auraient convenu à une province invitée par la nation à exposer ses principes sur les plus grands intérêts de l’humanité. Il oserait demander, pour dernière pétition , que dans les convocations suivantes des Etats généraux, on assemblât les paroisses à une époque moins rapprochée de celle de l’ouverture des Etats. Les questions si importantes et si multipliées qu’on avait à traiter, auraient exigé un temps au moins quadruple de celui dont les ordres ont pu disposer. Le zèle fait de grands efforts; mais ils ne peuvent suppléer à la faiblesse, à l’imperfection humaines. Le tiers-état du bailliage de Nemours supplie donc les Etats généraux de pardonner aux défauts sans nombre qui doivent se trouver dans un travail aussi hâté que celui que le Roi a ordonné qu’il leur envoyât. IL aurait voulu pouvoir le rendre moins indigne d’être mis sous leurs yeux. Les faits y sont vrais; les principes salutaires; l’amour de' la patrie, qui les a rassemblés, a été très-ardent et très-pur. Il espère ne pas implorer en vain l’indulgence des concitoyens qui verront combien ils sont chers à ceux qui habitent le bailliage de Nemours. Fait et unanimement arrêté par l’ordre du tiers-état du bailliage de Nemours, séant en la salle ordinaire d’assemblée, église des Récollets de Nemours, le 16 mars 1789. Et par l’acclamation la plus générale, l’ordre a chargé les commissaires présents de le signer au nom de l’ordre, enjoignant, au surplus, auxdils sieurs commissaires de relire ledit cahier, de le comparer de nouveau avec les cahiers des paroisses du bailliage, et d’y faire les additions et corrections indiquées par la lettre et l’esprit des cahiers. Et ont signé, conformément à la mission à eux donnée par l’ordre, MM. Bouvery, cultivateur à Grez, et syndic; Bourry, échevi’n de Pont-sur-Yonne; Mi’ger, notaire royal à Puiseaux; Blondeau, procureur à Château-Landon; Du Pont, propriétaire et cultivateur dans la paroisse de Chevannes; Auger, notaire royal à Landon; Ber-thier, ancien avocat et bailli de Puiseaux; Be-sout l’aîné, avocat; Aussenard, lieutenant de la prévôté de Beaumont; Petit, prévôt de Château-Landon; Bordier, lieutenant particulier et maire de Nemours; Prieur de La Comble, avocat à Nemours; Charrier de Couchard. notaire royal à Saint-Maurice-sur-Fessard; Le Petit, président de l’ordre, et lieutenant général du bailliage. Et le 16 avril 1789, iesdits sieurs commissaires se sont rassemblés en l’hôtel du sieur lieutenant général, président de l’ordre, et ont arrêté et pa-ragraphé les additions et corrections nécessaires, conformément à la mission à eux donnée par l’ordre, en sa séance du 16 mars 1789, et ont signé, à l’exception de messire Résout le jeune, qui n’a comparu en aucune séance, et de messire Fau-quet, qui s’est absenté les deux derniers jours du travail. Signé Bourry, échevin de Pont-sur-Yonne ; Mi-ger, notaire royal de Puiseaux ; Bouvery, cultivateur à Grez, et’ syndic ; Du Pont, propriétaire et cultivateur dansla paroisse de Chevannes ; Auger, notaire royal à Landon; Besout l’aîné, avocat; Berthier, ancien avocat et bailli de Puiseaux; Aussenard, lieutenant au baillige de Beaumont ; Prieur de La Comble, avocat à Nemours; Blondeau, procureur à Château-Landon; Petit, prévôt de Château-Landon; Bordier, lieutenant particulier et maire de Nemours; Charrier de Conchard, notaire royal à Saint-Maurice-sur-Fessard; Le Petit, président de l’ordre et lieutenant général du bailliage. INSTRUCTIONS Que les propriétaires et habitants de la paroisse de Saint-Sulpice-de-Chevannes donnent à leurs députés pour l'assemblée baillivale , convoquée à Nemours par M. le grand bailli d'épée de Nemours , à l'effet de rédiger les remontrances , moyens et avis du bailliage , et de nommer les députés aux Etats généraux, au désir des lettres de convocation données par Sa Majesté , le 24 janvier 1789 (1). Les propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes, assemblés ce 1er mars 1789, par l’ordonnance de M. le vicomte de Noailies, grand bailli d’épée de Nemours, en date du 18 février dernier, conformément aux lettres données par Sa Majesté, le 24 janvier précédent, pour la convocation des Etats généraux, ont unanimement arrêté les instructions suivantes, pour les dépu tés qu’ils sont autorisés à envoyer à l’assemblée qui se tiendra, en présence de 'M. le grand bailli de Nemours, le 9 du présent mois, à l’effet d’v concourir à la rédaction des remontrances , plaintes , doléances, moyens et avis, que le Roi demande à ses sujets domiciliés dans le ressort de ce bailliage, et d’y procéder ensuite à l’élection des députés que le bailliage a droit d’envoyer aux Etats généraux. Les propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes ne feront point de plaintes et doléances, non pas qu’il n’v ait beaucoup de choses qu’ils croient devoir être" autrement qu’elles n’ont été jusqu’à ce jour, mais parce que, voyant par le résultat du conseil du Roi, du 28 décembre ;l) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de lp. Bibliothèque du Sénat,. 246 [États gén, 1789. Cahiers.]! dernier, et par les lettres de convocation pour les Etats généraux, que Sa Majesté le juge comme eux, ils ne peuvent que mettre aux pieds du Roi leur reconnaissance de la bonté que Sa Majesté témoigne à son peuple, en cherchant la vérité jusque dans les campagnes. Ils ne donneront pas beaucoup de moyens et avis , se rapportant à ce que la sagesse du Roi et des Etats généraux trouveront juste et raisonnable, pour animer l’agriculture, réparer le mal qu’on lui a fait, et rendre tous les sujets heureux. Mais puisque le Roi demande qu’ils exposent leurs remontrances, et que c’est leur devoir de bons Français, au moment où l’on cherche à remédier à tous les abus, ils diront ceux dont ils ont souffert, et autant qu’ils en peuvent juger par leurs lumières bornées, d’où ces abus leur paraissent venir. DE L’EXPOSITION DES DROITS DE TOUS LES CITOYENS. Art. 1er. M. le curé de Chevalines, dans les sages instructions qu’il n’a cessé de donner à ses paroissiens, leur a souvent dit que tous les hommes sont frères ; et comme c’est un article de foi, ils n’en doutent pas. Ils pensent même qu’on a cru qu’il suffisait de le répéter aux honnêtes gens, et à ceux qui ont du bon sens, pour que les frères vécussent ensemble, avec une amitié fraternelle, et s’entr’aidassent au lieu de se dépouiller mutuellement. Gomme il y a longtemps que la famille dure, ils ne trouvent point mauvais que ceux qui ont été les plus habiles, les plus utiles, ou seulement les plus heureux, aient amélioré leur sort et celui de leurs descendants, lorsqu’ils l’ont fait sans nuire à autrui : et ils croient que, même quand il y en aurait beaucoup dont la fortune se serait faite en nuisant, elle devrait seulement en être moins honorable, et qu’il y aurait un trop grand désordre et une trop grande confusion à rechercher scrupuleusement d’où elle vient. Mais iis jugent qu’il doit y avoir quelque chose qui appartienne naturellement, par raison et justice, même aux frères les moins favorisés du ciel et du hasard, et que si cela était bien exposé, bien reconnu, bien déclaré dans l’assemblée de la nation, et bien souvent rappelé aux grands et aux petits, tout le monde en serait meilleur et plus sage, et il serait beaucoup plus difficile de mal faire ét d’opprimer le peuple. Ils chargent donc leurs députés de dire à l’assemblée du bailliage, et de demander que le bailliage requière du Roi dans les Etats généraux que, par les hommes les plus capables et les plus honnêtes qu’on pourra trouver, il soit fait une exposition de tous les droits qui sont communs à tous les hommes, et dont les plus pauvres et les moins illustres doivent jouir paisiblement, comme les plus grands et les plus riches; et que, lorsque cette exposition aura paru bonne et claire aux Etats généraux et au Roi, il en soit fait une déclaration de Sa Majesté, enregistrée dans tous les parlements et les bailliages, et que l’on devra lire au prône dans toutes les paroisses, tous les premiers dimanches de chaque mois. Ils ne sont pas bien habiles pour dire ce qu’ils croient qu’il faudrait mettre dans cette déclaration. Ils ont seulement pensé à quelques articles qui pourraient y entrer, à ce qu’ils imaginent : Que tous les hommes doivent être libres de faire ce qui ne nuit pas aux autres hommes ; [Bailliage de Nemours.] I Qu’ils ne doivent en aucune manière être in-I terrompus ni gênés dans leur travail ; Qu’ils ne doivent pas être obligés à travailler sans salaire, ni pour un salaire qui leur paraîtrait insuffisant ; Qu’ils ne doivent pas être maltraités ni emprisonnés arbitrairement; Que tous ceux qui sont emprisonnés doivent être jugés, dans le plus court délai possible, par les juges que désigne la loi; Que s’il est reconnu par le jugement qu’ils ne sont point coupables, ils doivent être dédommagés aux dépens de leurs accusateurs, si ceux-ci sont solvables, ou de l’Etat, s’il n’y a pas d’autre moyen ; Qu’ils doivent conserver ce qu’ils possèdent et ce qu’ils ont légitimement acquis. Que l’on ne doit pas pouvoir prendre leur héritage, même pour les chemins et le service public, sans le leur payer à sa plus grande valeur ; Qu’ils ne doivent pas être imposés au delà de ce qui est nécessaire pour procurer la défense de l’Etat, les frais de la justice, la dépense de l’instruction publique, là construction des chemins, des canaux, des ponts, des ports et des forteresses reconnus utiles, le soulagement des pauvres, et le maintien de la dignité du Roi ; Qu’à cet effet, les impositions ne doivent être établies et levées qu’après que les Etats généraux, composés des députés de tous les bailliages ou autres divisions semblables des provinces, en auront reconnu la nécessité, réglé la forme, et offert l’hommage au Roi. Que les impositions ainsi établies doivent porter dans une juste proportion, et sans exemption quelconque, sur tous ceux qui ont des propriétés à conserver, et relativement à chacune d’elles, en raison du revenu qu’elle produit. Les propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes sont persuadés qu’on pourra beaucoup ajouter de choses très-utiles à ce qu’ils vien ¬ nent de dire; mais, si l’on n’eût pas oublié celles-là, ils sont convaincus que le Roi aurait eu bien moins des chagrins dont il se plaint dans le résultat de son conseil, et que lui cause son amour pour son peuple; et que ce peuple en général, et eux, pauvres cultivateurs, en particulier, auraient été bien moins malheureux. DES PRIVILÈGES RELATIFS AUX IMPOSITIONS, ET NOTAMMENT DE LA TAILLE. Art. 2. Actuellement l’impôt porte principalement sur les plus misérables, et il ne faut pas être surpris s’ils sont accablés en faisant la plus grande partie des frais qu’exige la conservation des biens des riches, qui, jusqu’à ce jour, ont refusé de contribuer en proportion de leur richesse. La taille sur les terres affermées est, en général, réglée d’après le fermage et produit des terres; et à cet égard, il peut y avoir de l’erreur quelquefois, mais il n’y a point d’injustice; le propriétaire, de quelque rang qu’il soit, est obligé de tenir compte à son fermier de la taille qu’on demande à celui-ci. qui ne peut payer son bail qu’en raison de ce qui reste, après que ses frais de culture sont remboursés et que la taille est acquittée. Mais si le propriétaire est noble, ecclésiastique ou privilégié, il se trouve quitte lorsque la taille d'exploitation du fermier est payée, et on ne lui demande rien à raison de sa propriété > Si, au contraire, il n’est pas dans les classes favorisées, il porte une cote de taille à raison du ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nemours.] 217 revenu qu’il tire de ces mêmes terres, qui ont déjà payé, par les mains du fermier, la taille d'exploitation. Les terres labourables affermées payent donc deux tailles lorsque leur propriétaire est de l’ordre le plus nombreux, mais le plus pauvre de la nation; elles n’en payent qu’une seule, lorsque leur propriétaire est ecclésiastique, noble, ou pourvu de quelque charge qui donne des privilèges. Les bois, les prés, les étangs, et autres biens de pareille nature, ne payent point de taille d'exploitation , mais sont soumis à une taille de propriété, lorsqu’ils appartiennent à l’ordre laborieux. Ils ne sont soumis à aucune taille, lorsque le propriétaire est noble, ecclésiastique ou privilégié, et cette espèce de biens forme la plus grande partie de la richesse des deux ordres supérieurs, et par conséquent, une partie considérable de la richesse de la nation, puisque proportionnellement ces ordres sont de beaucoup les plus riches. Il paraît aux propriétaires et habitants de la paroisse de Ghevann.es, que c’est en cela que consiste le privilège de la noblesse et du clergé le plus onéreux au peuple, et qu’il n’y a pas de comparaison entre la surcharge que ce privilège cause aux taillables, et celle qui résulte de l’exemption de la taille, pour le labourage de quatre charrues, dont jouissent également les citoyens de ces deux ordres, qui font valoir par eux-mêmes ou par leurs régisseurs et domestiques; car il n’y a pas un très-grand nombre de propriétaires ecclésiastiques ou nobles qui fassent valoir un labourage, et il n’y en a presque point qui n’aient beaucoup de bois'etde prairies. Ce n'est pas cependant que lorsqu’un noble ou un ecclésiastique prend par ses mains l’exploitation de quelques terres labourables, il ne résulte de son privilège à leur égard une surcharge pour les propriétaires taillables. Cette surcharge a été autrefois très-considérable, quand on obligeait les autres contribuables de la paroisse d’acquitter l’imposition que la ferme du cultivateur privilégié avait acquittée ou aurait dû acquitter. Le mal est moins grand, depuis qu’on a conçu qu’il fallait en ce cas diminuer la taille de la paroisse, dans laquelle un propriétaire ecclésiastique, noble ou privilégié, prenait une exploitation, de la taille que son domaine payait ou aurait payée en d’autres mains. Mais cet adoucissement à l’ancienne injustice ne fait paraître la surcharge moins pesante qu’en la partageant et la rendant générale pour tous les taillables de la province; puisque la taille étant une imposition en somme déterminée, on ne peut en exempter un seul individu, sans augmenter nécessairement la cote de tous les autres qui sont forcés de suppléer à la somme qu’il ne paye pas. Et ce privilège devient plus nuisible, lorsque les propriétaires des deux ordres supérieurs qui en jouissent ne se bornent pas à l’exploitation d’une seule ferme, mais en font valoir plusieurs en différentes parties de la province ou du royaume ; ce qui est contre l’esprit de l’institution même du privilège, qui, étant personnel, n’a jamais pu être applicable qu’à un seul manoir pour chaque noble ou ecclésiastique, chacun d’eux n’ayant qu’une seule personne. Les propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes pensent qu’il est de l’équité du Roi et de la sagesse des Etats généraux d’établir une entière égalité et uniformité dans la contribution, puisque le privilège de la noblesse, à cet égard, a cessé d’être fondé� en titre depuis qu’elle ne fait plus à ses frais le service militaire. Ils chargent leurs députés de demander qu’il soit fait mention de leur vœu à cet égard dans les remontrances et instructions à donner par le bailliage de Nemours aux députés que le bailliage enverra aux Etats généraux, et que le Roi et les Etats généraux soient requis d’v pourvoir. Iis espèrent que les deux ordres réunis ne s’op-poseront pas à cette égalité, qui devient, dit-on, le vœu général des princes, des pairs, des gentilshommes les plus distingués, des magistrats et des prélats. 11 leur paraît que ce sera en “même temps un honneur pour les deux premiers ordres et une justice pour tout le monde ; que c’est un devoir à tous ceux que le Roi et la nation protègent, de contribuer selon leur fortune aux frais de cette protection, et que l’on ne pourra jamais regarder comme un avilissement de se montrer juste et généreux. DE LA CONTRIBUTION POUR LES CHEMINS. Art. 3. Les propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes ont vu avec reconnaissance la déclaration du 27 juin 1787, par laquelle le Roi ordonne que les travaux des routes seront payés par une contribution en. argent, ce qui certainement est bien préférable aux corvées, qui prenaient le temps du pauvre et dérangeaient les chevaux et les voitures du laboureur, au grand détriment de l’agriculture. Mais ils ont remarqué avec peine que l’imposition ordonnée ne serait répartie que sur les taillables. Ils prendront la liberté de dire, puisque le Roi les y autorise, que c’est suppléer à une injustice énorme et ruineuse, par une autre injustice encore très-grande. Ils invoqueront le retour aux premières intentions que le Roi a manifestées sur cette matière, dans son édit de février 1776, qui voulait que la dépense des routes fût répartie sur tous les ordres de citoyens. Ils observeront que la principale utilité des routes est de servir à voiturer, à ceux qui les achètent, les productions de la terre, qui sans cela n’auraient point de valeur; que c’est donc au profit de tous ces propriétaires de terres, sans distinction de rang, mais en raison des productions de leurs terres, que l’on fait et que l’on prépare les routes et autres chemins ; qu’il n’y a par conséquent ni convenance ni justice à exempter en totalité de la contribution pour les routes presque tous les bois et les fourrages, qui sont au nombre des productions dont le poids et le volume gâtent le plus les chemins, et pour la moitié, les blés qui croissent sur les terres des privilégiés : et que c’est ce qui arriverait, si les dispositions de la déclaration de 1787 étaient préférées à celles de l’édit de 1776, puisque les ecclésiastiques, les nobles et les privilégiés sont exempts de la taille de propriété sur leurs terres labourables affermées, et de toutes tailles sur leurs bois, leurs prés et leurs étangs, et que ce sont eux qui possèdent presque tous les bois et la plus grande partie des prés du royaume. Les propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes se souviennent des larmes de joie qu’ils ont versées, lorsque, dès le commencement du règne du Roi, on leur a dit qu’il s’occupait d’eux dans sa justice et dans sa bonté, qu’il voulait supprimer la corvée et trouver dans la construction et l’entretien des chemins un objet de travail, de salaire et de soulagement pour les pauvres journaliers, et en faire payer la dépense aux propriétaires des terres, sans aucune exception. Ils recommandent à leurs députés de dire à Rassemblée du bailliage, et de demander que le bailliage expose aux Etats généraux que l’on ne 248 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. IRailliage de Nemours.] peut rien faire de mieux, relativement aux travaux publics, que ce que le Roi avait d’abord pensé. DE LA DIME. Art. 4. Les propriétaires et Habitants de la paroisse de (lhevannes ont encore eu occasion de remarquer, par rapport à la dîme," que c’est un impôt qui ne remplit pas son objet. Dans la plus grande partie du' royaume, et notamment dans leur canton, cet impôt ne donne pas une aisance suffisante aux curés et n’assure pas au saint ministère et aux œuvres de charité les moyens convenables, parce que ce sont des décimateurs devenus étrangers aux fonctions religieuses dans les paroisses qui en enlèvent par les dîmes le revenu le plus clair, qui n’a été concédé que pour le service divin, tandis que les curés sont réduits à une indigence qui ne leur permet de suivre qu’imparfaitement les mouvements de leur zèle et de leur charité. La dîme est donc un impôt dont la destination est violée : ce qui est certainement un grand abus très-visible. Elle est de plus un impôt dont la destination est imparfaite, c’est-à-dire n’embrasse pas toute l’étendue des besoins auxquels il doit pourvoir, môme dans les paroisses où les curés en ont la jouissance. Lorsque dans un âge avancé ils sont contraints par des infirmités de résigner leurs bénéfices, la dîme passe à leurs successeurs, sans leur procurer aucune retrai te; et le repos, accompagné d’une juste récompense, paraît cependant devoir être montré et assuré comme un dernier asile à toute vie consumée dans des travaux utiles et honorables (1). (1) Plusieurs propriétaires et habitants de la paroisse de Chevannes avaient pensé qu’il fallait ajouter en cet endroit les considérations et les idées qui vont être rapportées ici. « Quand cet impôt serait généralement appliqué à sa k véritable destination, et serait propre à récompenser « les services passés, comme à défrayer les services pré-« sents, les propriétaires et habitants de la paroisse de « Chevannes trouvent que ce serait encore un impôt « nuisible et dangereux par sa nature, et qu’on pour-« rait remplir cette destination avec plus d'économie et « d’une manière moins fâcheuse pour l’agriculture, qui « est la source de la subsistance et le soutien de la « société. a Ils se sont aperçus que la dîme a une injustice na-« turelle, parce qu’elle se lève au même taux sur les « bonnes terres qui donnent un gros produit avec de a médiocresfrais de culture, et sur les mauvaises terres cc qui ne donnent qu’un faible produit qui, pour le faire cc naître, exige des frais de culture considérables; de « sorte qu’il n’y a pas deux champs où l’impôt de la a dime soit dans la même proportion avec le revenu cc qui reste au propriétaire, lorsque les frais de culture « sont payés. cc II y a des endroits où la dime, qui est au vingt-cin-cc quième dans leur paroisse, ne coûtera qu’un dixième cc du revenu net, le plus grand nombre où elle en prend « réellement le sixième, et d'autres où elle emporte jus-cc qu’au tiers ou à la moitié de ce qui reste au proprié-cc taire, au delà des frais de culture, selon que ces frais cc sont plus ou moins grands relativement à la force ou cc à la faiblesse de la récolte.