196 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Elle demande en outre que la Convention nationale, aujourd’hui bien convaincue du bon esprit qui dirige les citoyens de la commune de Caen, de son attachement imperturbable à la République une et indivisible, veuille bien rapporter le décret par lequel il étoit ordonné d’élever une colonne infamante sur les ruines du château de cette commune. Citoyens, j’adjure ici la justice qui vous anime, et dont la pratique invariable que vous vous êtes promise depuis que la tyrannie a été abattue pour la félicité du peuple français ; résolution digne de vous, qui va vous faire combler de bénédictions, en même temps qu’elle va anéantir les dernières espérances de nos ennemis : J’invoque dis-je, cette justice, en faveur des citoyens de la commune de Caen, et en général de ceux du département du Calvados. Ce que vous avez fait pour la commune de Lyon, vous le devez, à plus forte raison, pour celle de Caen, dont l’égarement n’a été purement que le résultat de l’ardent patriotisme de ses habitans. Inquiets sur le sort de la représentation nationale, ils prirent les armes dès qu’on leur eut persuadé qu’elle n’étoit pas libre. Ils les mirent bas sans effort, dès qu’on les eut convaincus du contraire. Je vous demande, citoyens, s’il est une conduite qui caractérise mieux le vrai patriotisme. Ce qui prouve encore qu’ils n’étoient guidés que par des vues pures, c’est que tous agis-soient ensemble et spontanément, par le désir unanime de sauver la représentation nationale qu’ils croyoient en danger; c’est qu’en même temps ils contenoient et menaçoient les rebelles de la Vendée, et se disposoient à combattre les Anglais, s’ils eussent approchés de leurs côtes. Oui, citoyens, j’ose ici le dire avec cette assurance qu’inspire à un vrai républicain la vérité dans toute son exactitude, l’erreur des citoyens du Calvados n’a été qu’une erreur patriotique, et conséquemment une erreur honorable par ses motifs. Notre collègue Robert Lindet, et je lui dois cet hommage, ce collègue dis-je, dont le nom sera toujours si cher aux citoyens de ce département, et à tous les amis de l’humanité, a tellement senti cette vérité, que loin d’avoir provoqué des châtimens contre les malheureux patriotes du Calvados, il les a, au contraire, toujours regardés comme dignes de son estime, et il a sans cesse travaillé à détourner de dessus leurs têtes la foudre qui les menaçoit. J’en appelle aujourd’hui à la plupart de nos collègues qui ont été successivement dans ce département depuis cette malheureuse époque ; ils vous assureront, comme ils l’ont déjà fait à la Convention nationale et à moi-même, que le meilleur esprit règne, que l’on aime de bonne foi, et que l’on veut la république une et indivisible ; que l’on chérit la Convention nationale ; que le fanatisme feroit de vains efforts; que l’aristocratie y est nulle; que tous les citoyens indistinctement n’y forment qu’une seule et même famille; que le règne de la liberté et de l’égalité est parfaitement établi; que la société populaire, loin de former une corporation particulière, n’y est plus que le peuple tout entier, et que le peuple y forme la société populaire, puisque c’est lui qui l’a épurée, et qui a prononcé sur tous les membres qui étoient dignes d’être conservés ou d’en être rejetés ; en un mot, cette section d’un peuple toujours bon, toujours juste, toujours magnanime et humain, quand il n’est livré qu’à sa propre impulsion, est l’image de ce bon peuple de Paris, dégagé de ces meneurs perfides, livré à son propre sentiment, de ce bon peuple qui vous témoigne chaque jour avec une effusion si touchante, son horreur pour les mesures sanguinaires que des tyrans trop justement abhorrés avoient mises en pratique, et qui vous comble de bénédictions et de témoignages de confiance depuis que vous avez remplacé la terreur par la justice ; depuis que vous laissez aux despotes seuls le système barbare de se faire craindre, et que vous ne voulez que vous faire aimer; depuis que vous n’avez plus pour unique objet que de faire chérir le gouvernement avec autant de soin qu’on en pre-noit sous le règne de la tyrannie de Robespierre et de ses suppôts, pour le faire abhorrer ; depuis enfin que vous avez résolu de conquérir les autres peuples, plus encore par l’image séduisante de notre bonheur, que par la force irrésistible de nos armes. C’est alors, citoyens, que vos noms révérés passeront à la postérité, accompagnés d’amour et d’admiration, et que vous pourrez sûrement prétendre à une glorieuse immortalité, tandis qu’un système contraire, que vous avez repoussé avec autant d’indignation que d’énergie, et qu’on a tant fait d’efforts pour relever, vous eût rendus l’horreur et le mépris des générations présentes et futures ; en un mot, le système de la représentation nationale libre, ne doit plus être celui de la représentation nationale comprimée, gémissante et captive sous la plus effroyable tyrannie. Je convertis donc en motion la réclamation de la société populaire de la commune de Caen, et je demande que la Convention nationale décrète qu’elle rapporte le décret par lequel il étoit ordonné qu’il seroit élevé une colonne sur les ruines du château de Caen, injurieuse aux intentions pures qui n’ont cessé de diriger les citoyens de cette commune, et, en général, ceux du département du Calvados. Je demande aussi la mention honorable des sentimens que ladite société exprime, et l’insertion, par extrait, de l’extrait de ses séances adressé à la Convention. La proposition de Du Bois Du Bais est décrétée. DU ROY : Si le décret est rendu, je n’ai plus rien à dire : mais j’aurois préféré un renvoi au comité de Salut public, qui vous en feroit un rapport. DU BOIS DU BAIS observe qu’un renvoi n’est bon que quand il s’agit d’une question douteuse. Or, dit-il, rien n’est moins douteux que le patriotisme de la commune de Caen, et je ne vois pas pourquoi vous seriez plus sévères pour Caen que pour Lyon. Un membre : J’appuie le renvoi. Le patriotisme de la commune de Caen ne peut que SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N°s 15-16 197 gagner à l’examen, et sa justification en sera plus solemnelle. Le renvoi aux comités de Salut public et de Législation est décrété (39). Sur la proposition d’un membre [DU BOIS DU BAIS] et d’après une adresse de la société populaire de Caen, département du Calvados, la Convention nationale décrète qu’elle rapporte le décret par lequel il étoit ordonné qu’il seroit élevé sur les ruines du château de Caen une colonne injurieuse aux intentions pures qui n’ont cessé de diriger les citoyens de cette commune et ceux en général du département du Calvados, elle décrète aussi la mention honorable et l’insertion au bulletin des sentimens exprimés par la société populaire de Caen sans l’extrait du procès-verbal de ses séances qui lui est communiqué (40). 15 Le quatorzième bataillon de la République, ci-devant des Piques, officiers, sous-officiers et soldats envoient à la Convention la somme de 548 L, produit de la solde d’un jour, pour le soulagement des veuves et des enfans dont les épouses et les pères ont péri à l’explosion de la poudrerie de Grenelle. La Convention nationale accepte le don, et en ordonne la mention honorable et l’insertion au bulletin (41). [Le quatorzième bataillon ci-devant premier des Piques à la Convention nationale, Pont-Cha-ron, le 26 vendémiaire an III] (42) Législateurs, Quoique placés dans les sombres réduits ou les pretres et les nobles allumèrent les torches de la guerre civile au nom du dieu qu’ils avi-lissoient tous les jours en lui prêtant leur fureur et leurs crimes et les tyrans dont votre amour pour la patrie et votre sagesse nous ont délivrés, nous entendons sonner avec enthousiasme par nos frères des différentes armées de la république l’agonie des brigands couronnés : les (39) Moniteur, XXII, 498, indique seulement au comité de Salut public. (40) P.-V., XLEX, 158. J. Paris, n° 55 mentionne l’adresse et le résumé de Du Bois Du Bais, et indique par ailleurs que « La Convention voulant se tenir aux principes qu’elle a consacrés de ne rapporter un décret qu’après s’en être fait rendre compte par un de ses comités, décide le renvoi de cette proposition à ses comités de Salut public et de Législation » ; J. Mont., n° 31, résumé. (41) P.-V., XLIX, 147. Bull., 25 brum. (suppl.). (42) C 323, pl. 1380, p. 1. Mention marginale de la réception du don, signé Ducroisi. lâches voyent que leur [illisible] armés ne peuvent rien contre l’energie des républicains, ils ont recours à l’assassin. Oui, Législateurs, chacun de nous brûle du désir d’exterminer le reste impur de la Vendée, pour voler, vanger dans le sang des tyrans les coups sacrilèges qu’ils dirigent contre les représentons du peuple; Nous avons tous été pénétrés d’indignation en apprenant ces horreurs et quel est donc leur espoir à ces lâches assassins; ils osent attenter à la représentation nationale du peuple français, ne savent-ils que des millions de bayonnettes sont hérissés pour laver dans leur sang l’attentat qu’ils oseroint méditer de faire à la souveraineté du peuple français nous avons juré d’être libres, qu’ils apprennent que les sermens des sans-culottes sont terribles envers les scélérats qui voudroient faire renaître le despotisme. Robespierre fût assez lâche de vouloir trahir sa patrie, il a subi le sort du a son crime, hé bien, périssent également tous ceux qui comme lui voudroient attenté à notre souveraineté, vous avez démasqué les traîtres sous toutes les formes qu’ils avoient prises, nous vous invitons fidèles soutiens de nos droits de rester à votre poste. Vous nous avez délivrés des tyrans des prêtres et des nobles, continuez votre surveillance, détruisez le despotisme telle forme qu’il puisse prendre, pour nous notre mot de ralliement sera toujours la Convention. Nous désirons, Législateurs contribuer au soulagement des veuves et des enfans dont les époux et pères ont perdu la vie à l’explosion qui eut lieu à la poudrière de Grenelle, nous consacrons la somme de cinq cents quarante huit livres produit d’une journée de solde pour subvenir à leurs besoins. Nous sommes Législateurs avec les sentimens de véritables républicains, les officiers, sous-officiers et soldats dudit bataillon. Nohanlt, commandant temporaire du bataillon, Allain, quartier maitre provisoire, Vergeron, lieutenant, NéGUIA, sous-lieutenant, Thaboret, Chibley, capitaines et 73 autres signatures. 16 Les administrateurs du district de Lons-le-Saunier, département du Jura, écrivent à la Convention que la vertu triomphe, que le crime est dans les fers, que les représentai du peuple, Foucher (du Cher), Besson, Sevestre et Pelletier, ont partout trouvé la stupeur et la désolation et ont laissé partout la joie et le bonheur; que le premier cri des victimes de la scélératesse rendues à la liberté, a été Vive la Convention ! N’ajoutez aucune foi, disent ces administrateurs, à ces cris, que l’aristocratie et le modérantisme lèvent la tête, il n’en est rien, ce sont les aboiemens de l'intrigue qui voudroit ramener le meurtre et la proscription; les égorgeurs de Nantes, Marseille, Lyon, ne cessent de crier que le