[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (31 juillet 1791*] 73 À J’égard du décret de l’admission au service dont M. Lanjuinais provoque sans cesse la reddition, je dis que sa demande est tout à fait intempestive, car comme il est question ici d’un mode de remplacement immédiat de remploi dans l’armée, il ne peut pas être question en même temps d’un mode de remplacement constitutionnel par la voie de l’examen. Il faut premièrement que l’armée soit complète, et ensuite on avisera aux moyens de la compléter ultérieurement. M. d’André. Je demande que le comité militaire nous présente un moyen immédiat de correspondance entre les corps administratifs et les ministres relativement au départ des gardes nationales pour les frontières. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. le Président met successivement aux voix les motions de MM. Fréteau-Saint-Just , d’André et Lanjuinais qui sont adoptées. En conséquence, le décret suivant est soumis à l’Assemblée : « L’Assemblée nationale décrète que les ministres seront tenus de se rendre dorénavant à ses séances de deux jours l’un, à 2 heures, à l’effet de l’informer des progrès des mesuras tendant à assurer la défense du royaume, et de donner les éclaircissements qui leur seront demandés, ou qu’ils croiraient devoir communiquer, sur les obstacles qui peuvent traverser l’exécution des décrets, et les moyens les plus convenables pour accélérer le rassemblement de la force nationale, sa meilleure organisation, le rétablissement de la discipline et des exercices militaires, et autres objets d’un intérêt pressant. « Le comité militaire proposera un projet de décret qui fixera les moyens de correspondance active entre le ministre et les départements, au sujet de la levée des gardes nationales qui doivent marcher, et sur la nature des ordres que les départements devront recevoir des ministres ; il présentera demain un projet de décret qui fixe le mode de remplacement aux places vacantes dans l’armée. » (Ce décret est adopté.) M. Chasset, au nom des 3 commissaires envoyés dans les départements du Rhin et des Vosges (1), fait un rapport sur l’état dans lequel ils ont laissé ces départements. Il s’exprime ainsi : Messieurs, lorsque vous nous avez confié la mission dont vous avez bien voulu nous honorer, sans doute vous n’avez pas eu pour unique objet la prestation du serment des troupes de ligne : vous avez voulu, de plus, connaître l’état des places et la disposition des esprits dans les départements frontières où vous nous avez envoyés ; vous avez encore désiré d’instruire, par le compte de notre mission, que vous nous avez ordonné de rendre publiquement, tous les citoyens de l’Empire, combien vous vous occupiez de leur sûreté contre les attaques du dehors, après avoir maintenu au dedans le calme que le plus violent des orages était venu troubler. Pour remplir votre attente, Messieurs, nous ne vous rapporterons que des faits simples. Si d’abord nous fixons votre attention sur les (1) Ces commissaires sont MM. Chasset, de Custine et Régnier. villes de guerre, nous ne vous en parlerons qu’avec peu d’étendue. Après avoir visité, avec les ingénieurs, les différentes places fortifiées, M. de Custine a fait un mémoire qui renferme les ouvrages à ajouter, ceux à compléter, et les réparations à faire. Il embrasse encore, avec une esquisse d’un plan de défense, le nombre et la qualité des troupes nécessaires au succès, et la nature de leur subsistance. On y trouve aussi l’indication des moyens de garder les passages, les défilés et les vides d’une place à une autre. Ce mémoire, qui, par sa nature, ne peut être rendu public, sera déposé au comité militaire. Cependant, Messieurs, nous ne pouvons nous dispenser de vous en présenter un aperçu. Entre les villes situées sur la rive gauche du Rhin, que l’art de Yauban s’est étudié à rendre fortes, domine singulièrement celle de Strasbourg. L’on sait qu’au moyen des eaux, elie ne présente qu’un front d’attaque. Son matéritl ne laisse rien à désirer. Sa garnison est suffisante pour le moment : elle est renforcée de 6,000 gardes nationaux, qui, de l’aveu des troupes de ligne, ne leur cèdent rien dans les manœuvres qu’ils font ensemble deux fois la semaine. Nous avons été témoins d’une défense contre une attaque simulée; on a fait des sortie-*, et tout s’est exécuté dans le meilleur ordre. Une nuit on a supposé une alerte; on a battu la générale; chacun a pris son poste; et, dans toutes ces évolutions, la garde nationale a égalé les troupes de ligne. Les arsenaux sont complètement fournis d’artillerie : à la vérité ils sont, dans ce moment, dégarnis de fusils, parce qu’on a distribué presque tous ceux qui y étaient. Mais, d’après les commandes d’armes que vous avez ordonnées, et celles que sans doute vous ferez encore, ils seront bientôt remplis. Landau tient un rang très distingué. En achevant les ouvrages commencés, en faisant ceux projetés, cette place sera dans l’état imposant qui lui appartient. 11 faudra décréter de nouveaux fonds; mais, dans sa situation actuelle, on ne doit pas avoir la moindre inquiétude. Il en est de même des postes du Fort-Louis et de Lauterbourg.Nous ne parlerons pas des places de seconde ligne : nous nous arrêterons un instant à Neuf-Brisach et à Huningue ; ces deux villes sont dans le meilleur état, if n’y a presque plus qu’à les palissader. Belfort a un château très nécessaire; on travaille sans relâche à le réparer. Ici, des moyens particuliers de défense sont commandés parles localités : le mémoire en présente le développement. Les garnisons de toutes ces villes sont suffisantes dans le moment actuel; mais, en cas de guerre, il est indispensable de les augmenter. Nous pensons même qu’outre les 8,000 gardes nationaux que vous avez ordonné d’y faire passer, il en faut encore au moins 4,000. Si une guerre à venir laisse quelque chose à désirer sur la défense de ces places, leur sûreté, dans cet instant, ne doit inspirer aucune crainte. Pour attaquer des places, il faut des armées, et il n’y en a aucune sur la rive droite du Rhin; car on ne comptera pas sans doute pour une armée capable d’une attaque de ce genre, ni les aventuriers qui sont à Ettenheim, ni le rassemblement des fugitifs à Worrns. Si, de l’état des places, nous passons à la disposition des esprits, trois classes d’hommes sont à considérer : les ecclésiastiques, les administrateurs, les militaires. Ceux des premiers qui s’opposent à l’établisse-