SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 58 31 plus de 100 hommes tués, et beaucoup de blessés. Le général Anhait-Pleis a été du nombre, ainsi que plusieurs officiers; nous avons perdu peu. « Aujourd’hui nous harcelons encore l’ennemi. Aussitôt que les traits d’héroïsme de cette journée seront recueillis, je vous les transmettrai; ils sont nombreux : les troupes en général étaient animées du plus grand courage; elles ont fait aux Prussiens et aux Autrichiens l’application de la loi qui porte qu’il ne sera point fait de prisonniers anglais; très-peu ont échappé. « Michaud. » 58 Le même rapporteur [BARÈRE] fait connaître les traits sublimes de valeur et de civisme qui ont éclaté dans le combat naval du 13 prairial. Les Anglais eux-mêmes n’ont pu les dérober à l’histoire; leurs papiers nous rapportent que leurs matelots, de retour dans leur île, comparoient les Français à des cailloux qui, plus on les frappe, plus ils rendent de feu. L’ame des républicains s'élève à mesure des progrès de la révolution; elle devient encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs : la passion de la liberté les suit par-tout, elle les console dans les fers, elle les encourage dans l’adversité. Le matin, de très-bonne heure, disent les journaux anglais, les prisonniers des prises françaises commençoient à débarquer : ils chantèrent pendant leur débarquement et pendant toute la route leurs hymmes républicains, avec leur gaieté ordinaire. Leur enthousiasme, au doux souvenir de la patrie, fut si grand, que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvements de rébellion, et qu’ils eurent la barbarie de faire cesser ces chants consolateurs par un signal de mort; un Français fut tué par un soldat de l’escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuée dans le silence. Le rapporteur détourne l’attention de l’assemblée des atrocités de ces exécrables insulaires, pour la reporter aux traits sublimes du courage et du développement patriotique dont l’Océan fut témoin le 13 prairial. Le combat le plus terrible venoit d’être livré, le feu le plus vif, la fureur la plus légitime, de la part des Français, augmentoit les horreurs et le péril de cette journée; trois vaisseaux anglais étoient coulés bas, quelques vaisseaux français étoient désemparés, la canonnade ennemie avoit entr’ouvert un de ces vaisseaux, et il réunissoit la double horreur d’un naufrage certain et d’un combat à mort. Mais le vaisseau étoit monté par des hommes qui avoient reçu cette intrépidité d’ame qui fait braver le danger, et l’amour de la patrie qui fait mépriser la mort. Une foule de pièces d’artillerie tonne sur le Vengeur; les mats rompus, les voiles déchirées, les membrures de ce vaisseau couvrent la mer : les Français républicains ne se remettront pas en des mains perfides, ils ne transigeront pas avec de vils Anglais ; la République les contemple, ils sauront vaincre ou mourir pour elle. Plusieurs heures de combat n’ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore, l’ennemi reçoit leur dernier boulet, et le vaisseau fait eau de toutes part. Les républicains qui montent ce vaisseau sont encore plus grands dans l’infortune que dans les succès; une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat : imaginez le vaisseau le Vengeur, percé de coups de canons, s’entr’ouvrant de toutes parts, et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourants, luttant contre les flots et les canons; tout-à-coup le tumulte du combat, l’effroi du danger, les cris de la douleur des blessés cessent, tous montent ou sont portés sur le pont; tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés : les cris de vive la République ! vivent la liberté et la France se font entendre de tous côtés : c’est le spectacle touchant et animé d’une fête civique, plutôt que le moment terrible d’un naufrage. Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort ; mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus; ils voient les Anglais et la patrie; ils aimeront mieux s’engloutir que de la déshonorer par une capitulation : ils ne balancent point, leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la République; ils disparoissent !... Le récit de cet événement héroïque excite dans l’assemblée et dans les tribunes des senti-mens d’admiration, de reconnoissance et d’attendrissement qui ne peuvent être rendus. Le rapporteur propose de suspendre à la voûte du Panthéon français un vaisseau qui sera l’image du Vengeur, et d’inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composoient l’équipage de ce vaisseau, avec l’action courageuse qu’ils ont faite (l); BARÈRE : Citoyens, le comité m’a chargé de faire connaître à la Convention des traits sublimes qui ne peuvent être ignorés d’elle ni du peuple français. Depuis que la mer est devenue un champ de carnage, et que les flots ont été ensanglantés par la guerre, les annales de l’Europe n’avaient pas fait mention d’un combat aussi opiniâtre, d’une valeur aussi soutenue, et d’une action aussi terrible, aussi meurtrière que celle du 13 prairial, lorsque notre escadre sauva le convoi américain. Vanstabel, en conduisant la flotte américaine dans nos ports, a passé à travers des flots teints de sang, des cadavres et des débris de vaisseaux. L’acharnement du combat qui avait précédé l’arrivage du convoi a prouvé combien nos escadres sont républicaines, puisque la haine du nom anglais a dirigé les coups; et plus les forces étaient inégales de la part des Français, plus la résistance a été grande et courageuse. Les matelots anglais revenus dans leur île n’ont pu dérober à l’histoire cet aveu remarquable. Voici ce que leurs papiers rapportent des matelots de l’escadre anglaise : « Les Français, disaient-ils à leurs camarades restés dans les ports, sont comme les cailloux : plus on les frappe, plus ils rendent de feu. » (On applaudit.) L’âme des républicains s’élève insensiblement à mesure des progrès de la révolution; elle devient (1) P.V., XLI, 140. SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 58 31 plus de 100 hommes tués, et beaucoup de blessés. Le général Anhait-Pleis a été du nombre, ainsi que plusieurs officiers; nous avons perdu peu. « Aujourd’hui nous harcelons encore l’ennemi. Aussitôt que les traits d’héroïsme de cette journée seront recueillis, je vous les transmettrai; ils sont nombreux : les troupes en général étaient animées du plus grand courage; elles ont fait aux Prussiens et aux Autrichiens l’application de la loi qui porte qu’il ne sera point fait de prisonniers anglais; très-peu ont échappé. « Michaud. » 58 Le même rapporteur [BARÈRE] fait connaître les traits sublimes de valeur et de civisme qui ont éclaté dans le combat naval du 13 prairial. Les Anglais eux-mêmes n’ont pu les dérober à l’histoire; leurs papiers nous rapportent que leurs matelots, de retour dans leur île, comparoient les Français à des cailloux qui, plus on les frappe, plus ils rendent de feu. L’ame des républicains s'élève à mesure des progrès de la révolution; elle devient encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs : la passion de la liberté les suit par-tout, elle les console dans les fers, elle les encourage dans l’adversité. Le matin, de très-bonne heure, disent les journaux anglais, les prisonniers des prises françaises commençoient à débarquer : ils chantèrent pendant leur débarquement et pendant toute la route leurs hymmes républicains, avec leur gaieté ordinaire. Leur enthousiasme, au doux souvenir de la patrie, fut si grand, que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvements de rébellion, et qu’ils eurent la barbarie de faire cesser ces chants consolateurs par un signal de mort; un Français fut tué par un soldat de l’escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuée dans le silence. Le rapporteur détourne l’attention de l’assemblée des atrocités de ces exécrables insulaires, pour la reporter aux traits sublimes du courage et du développement patriotique dont l’Océan fut témoin le 13 prairial. Le combat le plus terrible venoit d’être livré, le feu le plus vif, la fureur la plus légitime, de la part des Français, augmentoit les horreurs et le péril de cette journée; trois vaisseaux anglais étoient coulés bas, quelques vaisseaux français étoient désemparés, la canonnade ennemie avoit entr’ouvert un de ces vaisseaux, et il réunissoit la double horreur d’un naufrage certain et d’un combat à mort. Mais le vaisseau étoit monté par des hommes qui avoient reçu cette intrépidité d’ame qui fait braver le danger, et l’amour de la patrie qui fait mépriser la mort. Une foule de pièces d’artillerie tonne sur le Vengeur; les mats rompus, les voiles déchirées, les membrures de ce vaisseau couvrent la mer : les Français républicains ne se remettront pas en des mains perfides, ils ne transigeront pas avec de vils Anglais ; la République les contemple, ils sauront vaincre ou mourir pour elle. Plusieurs heures de combat n’ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore, l’ennemi reçoit leur dernier boulet, et le vaisseau fait eau de toutes part. Les républicains qui montent ce vaisseau sont encore plus grands dans l’infortune que dans les succès; une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat : imaginez le vaisseau le Vengeur, percé de coups de canons, s’entr’ouvrant de toutes parts, et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourants, luttant contre les flots et les canons; tout-à-coup le tumulte du combat, l’effroi du danger, les cris de la douleur des blessés cessent, tous montent ou sont portés sur le pont; tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés : les cris de vive la République ! vivent la liberté et la France se font entendre de tous côtés : c’est le spectacle touchant et animé d’une fête civique, plutôt que le moment terrible d’un naufrage. Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort ; mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus; ils voient les Anglais et la patrie; ils aimeront mieux s’engloutir que de la déshonorer par une capitulation : ils ne balancent point, leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la République; ils disparoissent !... Le récit de cet événement héroïque excite dans l’assemblée et dans les tribunes des senti-mens d’admiration, de reconnoissance et d’attendrissement qui ne peuvent être rendus. Le rapporteur propose de suspendre à la voûte du Panthéon français un vaisseau qui sera l’image du Vengeur, et d’inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composoient l’équipage de ce vaisseau, avec l’action courageuse qu’ils ont faite (l); BARÈRE : Citoyens, le comité m’a chargé de faire connaître à la Convention des traits sublimes qui ne peuvent être ignorés d’elle ni du peuple français. Depuis que la mer est devenue un champ de carnage, et que les flots ont été ensanglantés par la guerre, les annales de l’Europe n’avaient pas fait mention d’un combat aussi opiniâtre, d’une valeur aussi soutenue, et d’une action aussi terrible, aussi meurtrière que celle du 13 prairial, lorsque notre escadre sauva le convoi américain. Vanstabel, en conduisant la flotte américaine dans nos ports, a passé à travers des flots teints de sang, des cadavres et des débris de vaisseaux. L’acharnement du combat qui avait précédé l’arrivage du convoi a prouvé combien nos escadres sont républicaines, puisque la haine du nom anglais a dirigé les coups; et plus les forces étaient inégales de la part des Français, plus la résistance a été grande et courageuse. Les matelots anglais revenus dans leur île n’ont pu dérober à l’histoire cet aveu remarquable. Voici ce que leurs papiers rapportent des matelots de l’escadre anglaise : « Les Français, disaient-ils à leurs camarades restés dans les ports, sont comme les cailloux : plus on les frappe, plus ils rendent de feu. » (On applaudit.) L’âme des républicains s’élève insensiblement à mesure des progrès de la révolution; elle devient (1) P.V., XLI, 140. 32 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs. La passion de la liberté les suit en tous lieux; elle les console dans les fers, elle les encourage dans l’adversité; et les chants par lesquels nous célébrons nos victoires et notre indépendance les consolent d’être condamnés à vivre au milieu de ces implacables ennemis de la république. Les Anglais se sont emparés de leurs personnes et de leurs vaisseaux; mais les vertus républicaines, ce courage altier d’un patriote, cet amour de son pays, l’idole d’un guerrier français, cette âme fière et élevée d’un républicain, ne furent jamais au pouvoir de ce vieil ennemi de la France; et, malgré l’adversité, l’homme libre impose aux tyrans, même dans les fers. « Ce matin, de très-bonne heure, disent les journaux anglais, les prisonniers des prises françaises qui sont arrivées à Spithead commencèrent à débarquer, et un certain nombre est déjà cantonné à Hillsea. Les Français chantaient, pendant leur débarquement et pendant toute la route, leurs hym-mes républicains avec leur gaîté ordinaire. » Leur enthousiasme au doux souvenir de leur patrie fut si grand que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvements de rébellion, et qu’ils eurent la barbarie de faire cesser les chants consolateurs par un signal de mort. Un Français fut tué par un soldat de milice de l’escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuée dans le silence. Citoyens, quittons des insulaires aussi exécrables; revenons sur l’Océan, nous y verrons des traits bien plus sublimes du courage et du dévouement patriotiques. Les armées navales de la république française et de la monarchie anglicane étaient en présence depuis longtemps, et le combat le plus terrible venait d’être livré le 13 prairial; le feu le plus vif, la fureur la plus légitime de la part des Français, augmentaient les horreurs et le péril de cette journée. Trois vaisseaux anglais étaient coulés bas, quelques vaisseaux français étaient désemparés; la canonnade ennemie avait entr’ ouvert un de ces vaisseaux, et réunissait la double horreur d’un naufrage certain et d’un combat à mort. Mais ce vaisseau était monté par des hommes qui avaient reçu cette intrépidité d’âme qui fait braver le danger, et l’amour de la patrie qui fait mépriser la mort. Une sorte de philosophie guerrière avait saisi tout l’équipage; les vaisseaux du tyran anglais cernaient le vaisseau de la république, et voulaient que l’équipage se rendît; une foule de pièces d’artillerie tonne sur le Vengeur, des mâts rompus, des voiles déchirées, des membrures de ce vaisseau couvrent la mer : tant de courage, tant d’efforts surnaturels vont-ils donc devenir inutiles ? Misérables esclaves de Pitt et de Georges, est-ce que vous pensez que des Français républicains se remettront entre des mains perfides, et transigeront avec des ennemis aussi vils que vous ? non, ne l’espérez pas; la république les contemple, ils sauront vaincre ou mourir pour elle; plusieurs heures de combat n’ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore; l’ennemi reçoit leurs derniers boulets, et le vaisseau fait eau de toutes parts. Que deviendront nos braves frères ? Ils doivent ou tomber dans les mains de la tyrannie, ou s’engloutir au fond des mers. Ne craignons rien pour leur gloire ; les républicains qui montent le vaisseau sont encore plus grands dans l’infortune que dans les succès. Une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat : imaginez le vaisseau le Vengeur, percé de coups de canon, s’ entr’ ouvrant de toutes parts et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourants, luttant contre les flots et les canons : tout à coup le tumulte du combat, l’effroi du danger, les cris de douleur des blessés cessent : tous montent ou sont portés sur le pont. Tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés ; les cris de vive la république ! vivent la liberté et la France ! se font entendre de tous côtés ; c’est le spectacle touchant et animé d’une fête civique plutôt que le moment terrible d’un naufrage. Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort. Mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus; ils voient l’anglais et la patrie, ils aimeront mieux s’engloutir que de la déshonorer par une capitulation; ils ne balancent point; leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la république ; ils disparaissent. - (Un mouvement unanime d’admiration se manifeste dans la salle; des applaudissements et des cris de vive la république ! expriment l’émotion vive et profonde dont l’assemblée est pénétrée; les acclamations des tribunes se mêlent à celles des représentants). Qui nous a donc révélé le secret de notre grandeur ? Quel ami de la liberté nous a transmis ce trait héroïque, qui semble appartenir aux temps fabuleux ? Qui nous a tout découvert ? nos ennemis, les anglais, leurs journaux, leur manie de contester notre gloire. Entendez le récit du journal anglais, en date du 16 juin, vieux style. « Les partisans de la guerre actuelle, par suite de leur respect pour la vérité, et avec leur bonne foi ordinaire, continuent d’assurer que la crainte seule produit dans l’âme des Français cet étonnant enthousiasme et cette puissante énergie dont nous sommes tous les jours les témoins. Voici une preuve de ce qu’ils avancent. « Il est certain que, dans la brillante action navale qui vient d’avoir lieu, l’équipage d’un des vaisseaux français, au moment où il coulait bas, fit entendre unanimement les cris de vive la république ! vive la liberté ! Cette expression d’attachement à la république, cette passion dominante pour la liberté, qui l’emporte sur l’horreur même de la mort, est-elle ici l’effet de la force ou de la crainte ? ». Un autre papier anglais, du 14 juin, rapporte ce trait, et dit que c’est l’équipage du Terrible qui a donné cette preuve mémorable de grandeur d’âme et de constance. « Il s’est abîmé avec tous ses pavillons et flammes aux couleurs nationales flottant de toutes parts, et aux cris redoublés de vive la république !». Dans une lettre particulière d’un officier de l’escadre de Howe, ce trait sublime est attribué au vaisseau le Vengeur. Et selon le représentant du peuple Jean-Bon Saint-André, cette dernière version est la plus assurée; c’est le Vengeur à qui appartient cette belle 32 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE encore plus énergique, et leur courage est plus exalté en raison des dangers et des malheurs. La passion de la liberté les suit en tous lieux; elle les console dans les fers, elle les encourage dans l’adversité; et les chants par lesquels nous célébrons nos victoires et notre indépendance les consolent d’être condamnés à vivre au milieu de ces implacables ennemis de la république. Les Anglais se sont emparés de leurs personnes et de leurs vaisseaux; mais les vertus républicaines, ce courage altier d’un patriote, cet amour de son pays, l’idole d’un guerrier français, cette âme fière et élevée d’un républicain, ne furent jamais au pouvoir de ce vieil ennemi de la France; et, malgré l’adversité, l’homme libre impose aux tyrans, même dans les fers. « Ce matin, de très-bonne heure, disent les journaux anglais, les prisonniers des prises françaises qui sont arrivées à Spithead commencèrent à débarquer, et un certain nombre est déjà cantonné à Hillsea. Les Français chantaient, pendant leur débarquement et pendant toute la route, leurs hym-mes républicains avec leur gaîté ordinaire. » Leur enthousiasme au doux souvenir de leur patrie fut si grand que les conducteurs anglais prirent les expressions brûlantes de la liberté pour des mouvements de rébellion, et qu’ils eurent la barbarie de faire cesser les chants consolateurs par un signal de mort. Un Français fut tué par un soldat de milice de l’escorte, et la marche vers le lieu du cantonnement fut continuée dans le silence. Citoyens, quittons des insulaires aussi exécrables; revenons sur l’Océan, nous y verrons des traits bien plus sublimes du courage et du dévouement patriotiques. Les armées navales de la république française et de la monarchie anglicane étaient en présence depuis longtemps, et le combat le plus terrible venait d’être livré le 13 prairial; le feu le plus vif, la fureur la plus légitime de la part des Français, augmentaient les horreurs et le péril de cette journée. Trois vaisseaux anglais étaient coulés bas, quelques vaisseaux français étaient désemparés; la canonnade ennemie avait entr’ ouvert un de ces vaisseaux, et réunissait la double horreur d’un naufrage certain et d’un combat à mort. Mais ce vaisseau était monté par des hommes qui avaient reçu cette intrépidité d’âme qui fait braver le danger, et l’amour de la patrie qui fait mépriser la mort. Une sorte de philosophie guerrière avait saisi tout l’équipage; les vaisseaux du tyran anglais cernaient le vaisseau de la république, et voulaient que l’équipage se rendît; une foule de pièces d’artillerie tonne sur le Vengeur, des mâts rompus, des voiles déchirées, des membrures de ce vaisseau couvrent la mer : tant de courage, tant d’efforts surnaturels vont-ils donc devenir inutiles ? Misérables esclaves de Pitt et de Georges, est-ce que vous pensez que des Français républicains se remettront entre des mains perfides, et transigeront avec des ennemis aussi vils que vous ? non, ne l’espérez pas; la république les contemple, ils sauront vaincre ou mourir pour elle; plusieurs heures de combat n’ont pas épuisé leur courage; ils combattent encore; l’ennemi reçoit leurs derniers boulets, et le vaisseau fait eau de toutes parts. Que deviendront nos braves frères ? Ils doivent ou tomber dans les mains de la tyrannie, ou s’engloutir au fond des mers. Ne craignons rien pour leur gloire ; les républicains qui montent le vaisseau sont encore plus grands dans l’infortune que dans les succès. Une résolution ferme a succédé à la chaleur du combat : imaginez le vaisseau le Vengeur, percé de coups de canon, s’ entr’ ouvrant de toutes parts et cerné de tigres et de léopards anglais; un équipage composé de blessés et de mourants, luttant contre les flots et les canons : tout à coup le tumulte du combat, l’effroi du danger, les cris de douleur des blessés cessent : tous montent ou sont portés sur le pont. Tous les pavillons, toutes les flammes sont arborés ; les cris de vive la république ! vivent la liberté et la France ! se font entendre de tous côtés ; c’est le spectacle touchant et animé d’une fête civique plutôt que le moment terrible d’un naufrage. Un instant ils ont dû délibérer sur leur sort. Mais non, citoyens, nos frères ne délibèrent plus; ils voient l’anglais et la patrie, ils aimeront mieux s’engloutir que de la déshonorer par une capitulation; ils ne balancent point; leurs derniers vœux sont pour la liberté et pour la république ; ils disparaissent. - (Un mouvement unanime d’admiration se manifeste dans la salle; des applaudissements et des cris de vive la république ! expriment l’émotion vive et profonde dont l’assemblée est pénétrée; les acclamations des tribunes se mêlent à celles des représentants). Qui nous a donc révélé le secret de notre grandeur ? Quel ami de la liberté nous a transmis ce trait héroïque, qui semble appartenir aux temps fabuleux ? Qui nous a tout découvert ? nos ennemis, les anglais, leurs journaux, leur manie de contester notre gloire. Entendez le récit du journal anglais, en date du 16 juin, vieux style. « Les partisans de la guerre actuelle, par suite de leur respect pour la vérité, et avec leur bonne foi ordinaire, continuent d’assurer que la crainte seule produit dans l’âme des Français cet étonnant enthousiasme et cette puissante énergie dont nous sommes tous les jours les témoins. Voici une preuve de ce qu’ils avancent. « Il est certain que, dans la brillante action navale qui vient d’avoir lieu, l’équipage d’un des vaisseaux français, au moment où il coulait bas, fit entendre unanimement les cris de vive la république ! vive la liberté ! Cette expression d’attachement à la république, cette passion dominante pour la liberté, qui l’emporte sur l’horreur même de la mort, est-elle ici l’effet de la force ou de la crainte ? ». Un autre papier anglais, du 14 juin, rapporte ce trait, et dit que c’est l’équipage du Terrible qui a donné cette preuve mémorable de grandeur d’âme et de constance. « Il s’est abîmé avec tous ses pavillons et flammes aux couleurs nationales flottant de toutes parts, et aux cris redoublés de vive la république !». Dans une lettre particulière d’un officier de l’escadre de Howe, ce trait sublime est attribué au vaisseau le Vengeur. Et selon le représentant du peuple Jean-Bon Saint-André, cette dernière version est la plus assurée; c’est le Vengeur à qui appartient cette belle SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 58 33 gloire; et si elle a été l’admiration de nos lâches ennemis, quel Français pourrait la lui contester ? Ne plaignons pas les Français composant l’équipage du Vengeur, ne les plaignons pas; ils sont morts pour la patrie. Honorons leur destinée, et célébrons leurs vertus. (On applaudit). Un Panthéon s’élève au milieu de la commune centrale de la république ; ce monument de la reconnaissance nationale est aperçu de toutes les frontières; qu’on l’aperçoive donc aussi du milieu de l’Océan. Nous n’avons jusqu’à présent décerné aucun honneur aux héros de la mer ; ceux de la terre seuls ont obtenu des hommages. Pourquoi ne nous propo-serait-on pas de suspendre à la voûte du panthéon français un vaisseau qui serait l’image du Vengeur, et d’inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composaient l’équipage de ce vaisseau, avec l’action courageuse qu’ils ont faite ? C’est par de tels honneurs qu’on perpétue le souvenir des grands hommes, et qu’on jette sur les terres de la république des semences de courage et de vertu. C’est ainsi que le panthéon, par un seul décret de la Convention nationale, se changera en un atelier terrible où se formeront, à la voix de le république, des vaisseaux et des marins; mais ce n’est pas assez de former des héros par des récompenses nationales, il faut encore rendre à la marine française le vaisseau que la mer a englouti. Non, il ne périra pas parmi nous le souvenir du Vengeur ! et ce nom glorieux va être donné par vos ordres au vaisseau à trois ponts qui, dans ce moment, est en construction dans le bassin couvert de Brest. Il faut conserver ainsi le souvenir de ce vaisseau qui a été le théâtre de la gloire et de la vertu républicaines. Qu’il paraisse donc sur la mer le vaisseau le Vengeur, et que bientôt il aille justifier son nom et sa renommée en se réunissant à une escadre qui devienne victorieuse de ces cruels insulaires qui ont voulu anéantir la liberté de la France et détruire les droits de l’homme ! Mais n’est-il pas encore des monuments plus durables de la gloire ? Le temps, qui démolit des montagnes et détruit les ouvrages de l’homme, ne respectera pas toujours ceux que la république élève, et des débris succéderont encore à des débris. N’avons-nous pas d’autres moyens d’immortaliser les traits que nous admirons ? Les actions des hommes célèbres de l’antiquité, qui obtinrent aussi des temples qui ne sont plus, ne sont-elles pas encore vivantes dans des tableaux, dans des écrits ? C’est aux poètes et aux peintres à tracer et à peindre l’événement du Vengeur; c’est à leurs vers consolateurs, c’est à leurs pinceaux reconnaissants à répéter à la postérité ce que les fondateurs de la république trouvèrent grand, généreux ou utile. Les monuments élevés aux héros d’Homère ne sont plus que dans ses vers; la célébrité d’Agricola ne repose plus dans l’urne faite par un artiste célèbre, elle respire encore dans les écrits de Tacite. Ouvrons donc un concours honorable à la poésie et à la peinture, et que des récompenses nationales, décernées dans une fête civique, régénèrent les arts et encouragent les artistes; ou plutôt, David, ressaisis tes pinceaux, et que ton génie arrache au sein des mers le vaisseau célèbre dont les marins ont arraché l’admiration des Anglais mêmes. Que ne puis-je faire entendre ma voix de tous ceux qui défendent la patrie sur les mers ! Je leur dirais : Marins de la république, quand vous irez confier ses destinées à cet élément terrible, tournez un instant vos regards vers le Panthéon; voyez-y la patrie reconnaissante ; souvenez-vous surtout du Vengeur, alors que vous recontrerez les tyrans de la mer. La marine des rois n’était qu’un luxe dispendieux ; la marine de la république est une arme sûre pour parvenir à l’affranchissement des mers; la liberté a une autre ambition que le commerce : celui-ci veut des esclaves, et qu’un seul peuple y domine ; la liberté ne veut pas plus de tyrans sur les mers que sur la terre. Ce n’est pas pour être esclaves maritimes que la nature nous a donné tout ce qui est nécessaire à la construction, des ports nombreux recevant des vaisseaux, et des mers baignant nos côtes. Ce n’est pas pour être tyrannisés par des banquiers et des marchands de Londres, que la révolution a remis dans nos mains une fortune énorme, des bois immenses, une population guerrière et des mains habiles. Français, soyez braves et grands comme les républicains qui montaient le Vengeur, et bientôt l’Angleterre sera détruite; rendez la mer libre de ces pirates et de ces marchands d’hommes, et les ombres des marins qui se sont immortalisés sur le Vengeur se réjouiront encore dans leur tombeau, creusé par leur courage dans l’abîme des mers. (Applaudissements) (l). Le décret est rendu dans les termes sui-vans : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BARÈRE, au nom] du comité de salut public, décrète : « Art. I. - Une forme du vaisseau de ligne le Vengeur sera suspendue à la voûte du Panthéon, et les noms des braves républicains composant l’équipage de ce vaisseau seront inscrits sur la colonne du Panthéon. « Art. II. - A cet effet, les agens maritimes des ports de Brest et de Rochefort enverront sans délai à la Convention nationale le rôle d’équipage du vaisseau le Vengeur. Art. III. - Le vaisseau à trois ponts qui est en construction dans le bassin couvert de Brest, portera le nom du Vengeur. Le commissaire de la marine donnera les ordres les plus prompts pour accélérer la contruction de ce vaisseau. Art. IV. - La Convention nationale appelle les artistes, peintres, sculpteurs et poètes à concourir, pour transmettre à la postérité le trait sublime du dévouement républicain des citoyens formant l’équipage du Vengeur. Il sera décerné dans une fête nationale des récompenses au peintre, au poète et au sculpteur qui auront le plus dignement célébré la gloire de ces républicains (2). (1) Mon., XXI, 173. (2) (l) P.V., XLI, 142. Minute de la main de Barère. Décret n° 9860. Bm, 21 mess. (2e suppl1); J. Sablier, n° 1427 ; J. S. Culottes, nos 510, 511, 512 ; J. Univ., n° 1690 ; J. Fr., nos 653, 654 ; J. Lois, nos 649, 650 ; J. Matin, n° 715 ; F.S.P., n° 370 ; J. Paris, n° 556 ; Mess, soir, nos 689, 691 ; M.U., XLI, 350 ; Rép., n° 202 ; J. Perlet, n° 655 ; C. Univ., n° 921; Audit, nat., n° 654; Ann. patr., n° DLV; Débats, n° 657; Ann. R.F., nos 221, 223. 3 SÉANCE DU 21 MESSIDOR AN II (9 JUILLET 1794) - N° 58 33 gloire; et si elle a été l’admiration de nos lâches ennemis, quel Français pourrait la lui contester ? Ne plaignons pas les Français composant l’équipage du Vengeur, ne les plaignons pas; ils sont morts pour la patrie. Honorons leur destinée, et célébrons leurs vertus. (On applaudit). Un Panthéon s’élève au milieu de la commune centrale de la république ; ce monument de la reconnaissance nationale est aperçu de toutes les frontières; qu’on l’aperçoive donc aussi du milieu de l’Océan. Nous n’avons jusqu’à présent décerné aucun honneur aux héros de la mer ; ceux de la terre seuls ont obtenu des hommages. Pourquoi ne nous propo-serait-on pas de suspendre à la voûte du panthéon français un vaisseau qui serait l’image du Vengeur, et d’inscrire sur la colonne du Panthéon les noms des braves républicains qui composaient l’équipage de ce vaisseau, avec l’action courageuse qu’ils ont faite ? C’est par de tels honneurs qu’on perpétue le souvenir des grands hommes, et qu’on jette sur les terres de la république des semences de courage et de vertu. C’est ainsi que le panthéon, par un seul décret de la Convention nationale, se changera en un atelier terrible où se formeront, à la voix de le république, des vaisseaux et des marins; mais ce n’est pas assez de former des héros par des récompenses nationales, il faut encore rendre à la marine française le vaisseau que la mer a englouti. Non, il ne périra pas parmi nous le souvenir du Vengeur ! et ce nom glorieux va être donné par vos ordres au vaisseau à trois ponts qui, dans ce moment, est en construction dans le bassin couvert de Brest. Il faut conserver ainsi le souvenir de ce vaisseau qui a été le théâtre de la gloire et de la vertu républicaines. Qu’il paraisse donc sur la mer le vaisseau le Vengeur, et que bientôt il aille justifier son nom et sa renommée en se réunissant à une escadre qui devienne victorieuse de ces cruels insulaires qui ont voulu anéantir la liberté de la France et détruire les droits de l’homme ! Mais n’est-il pas encore des monuments plus durables de la gloire ? Le temps, qui démolit des montagnes et détruit les ouvrages de l’homme, ne respectera pas toujours ceux que la république élève, et des débris succéderont encore à des débris. N’avons-nous pas d’autres moyens d’immortaliser les traits que nous admirons ? Les actions des hommes célèbres de l’antiquité, qui obtinrent aussi des temples qui ne sont plus, ne sont-elles pas encore vivantes dans des tableaux, dans des écrits ? C’est aux poètes et aux peintres à tracer et à peindre l’événement du Vengeur; c’est à leurs vers consolateurs, c’est à leurs pinceaux reconnaissants à répéter à la postérité ce que les fondateurs de la république trouvèrent grand, généreux ou utile. Les monuments élevés aux héros d’Homère ne sont plus que dans ses vers; la célébrité d’Agricola ne repose plus dans l’urne faite par un artiste célèbre, elle respire encore dans les écrits de Tacite. Ouvrons donc un concours honorable à la poésie et à la peinture, et que des récompenses nationales, décernées dans une fête civique, régénèrent les arts et encouragent les artistes; ou plutôt, David, ressaisis tes pinceaux, et que ton génie arrache au sein des mers le vaisseau célèbre dont les marins ont arraché l’admiration des Anglais mêmes. Que ne puis-je faire entendre ma voix de tous ceux qui défendent la patrie sur les mers ! Je leur dirais : Marins de la république, quand vous irez confier ses destinées à cet élément terrible, tournez un instant vos regards vers le Panthéon; voyez-y la patrie reconnaissante ; souvenez-vous surtout du Vengeur, alors que vous recontrerez les tyrans de la mer. La marine des rois n’était qu’un luxe dispendieux ; la marine de la république est une arme sûre pour parvenir à l’affranchissement des mers; la liberté a une autre ambition que le commerce : celui-ci veut des esclaves, et qu’un seul peuple y domine ; la liberté ne veut pas plus de tyrans sur les mers que sur la terre. Ce n’est pas pour être esclaves maritimes que la nature nous a donné tout ce qui est nécessaire à la construction, des ports nombreux recevant des vaisseaux, et des mers baignant nos côtes. Ce n’est pas pour être tyrannisés par des banquiers et des marchands de Londres, que la révolution a remis dans nos mains une fortune énorme, des bois immenses, une population guerrière et des mains habiles. Français, soyez braves et grands comme les républicains qui montaient le Vengeur, et bientôt l’Angleterre sera détruite; rendez la mer libre de ces pirates et de ces marchands d’hommes, et les ombres des marins qui se sont immortalisés sur le Vengeur se réjouiront encore dans leur tombeau, creusé par leur courage dans l’abîme des mers. (Applaudissements) (l). Le décret est rendu dans les termes sui-vans : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de BARÈRE, au nom] du comité de salut public, décrète : « Art. I. - Une forme du vaisseau de ligne le Vengeur sera suspendue à la voûte du Panthéon, et les noms des braves républicains composant l’équipage de ce vaisseau seront inscrits sur la colonne du Panthéon. « Art. II. - A cet effet, les agens maritimes des ports de Brest et de Rochefort enverront sans délai à la Convention nationale le rôle d’équipage du vaisseau le Vengeur. Art. III. - Le vaisseau à trois ponts qui est en construction dans le bassin couvert de Brest, portera le nom du Vengeur. Le commissaire de la marine donnera les ordres les plus prompts pour accélérer la contruction de ce vaisseau. Art. IV. - La Convention nationale appelle les artistes, peintres, sculpteurs et poètes à concourir, pour transmettre à la postérité le trait sublime du dévouement républicain des citoyens formant l’équipage du Vengeur. Il sera décerné dans une fête nationale des récompenses au peintre, au poète et au sculpteur qui auront le plus dignement célébré la gloire de ces républicains (2). (1) Mon., XXI, 173. (2) (l) P.V., XLI, 142. Minute de la main de Barère. Décret n° 9860. Bm, 21 mess. (2e suppl1); J. Sablier, n° 1427 ; J. S. Culottes, nos 510, 511, 512 ; J. Univ., n° 1690 ; J. Fr., nos 653, 654 ; J. Lois, nos 649, 650 ; J. Matin, n° 715 ; F.S.P., n° 370 ; J. Paris, n° 556 ; Mess, soir, nos 689, 691 ; M.U., XLI, 350 ; Rép., n° 202 ; J. Perlet, n° 655 ; C. Univ., n° 921; Audit, nat., n° 654; Ann. patr., n° DLV; Débats, n° 657; Ann. R.F., nos 221, 223. 3