(Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (6 novembre 1790.J 29$ ils ont tenté la surprise des places fortes de Calvi, d’Ajaccio, Bonifacio et de Gorte. Les bons citoyens dévoués à la Constitution et au roi, qui n’aspiraient qu’à voir les décrets en vigueur, livrés alors aux impostures et à la diffamation, aujourd’hui à la haine et à l’animosité, sont dans la consternation, exposés aux outrages, aux cachots, à l’exil et à la barbarie d’un despotisme révoltant, pour le crime honorable d’être partisans de la France. Gomment l’Assemblée nationale, comment les ministres du roi ont-ils pu être induits en erreur, et penser que des hommes, qui ont été plus de vingt ans a la solde de l’Angleterre, qu’elle entretient peut-être encore en secret, deviendront tout à coup bons Français ? Est-il juste, est-il convenable, est-il politique de leur accorder la confiance qu’on refuse à ceux dont les sentiments, les principes, la conduite n’ont jamais varié, et qui nelpeuvent avoir d’autre intérêt que de partager la liberté avec vous et d’en jouir sous vos auspices ? Cependant l’on sacrifie au ressentiment de M. Paoli, toute espèce de considération envers d’autres citoyens, qui ont mérité de la patrie et qui sont en état de la servir. Par une telle combinaison l’on prépare de grands malheurs à la Corse et des regrets à la France. L’on se flattait, Messieurs, que l’arrivée de M. Paoli, en Corse, serait le terme des troubles de cette île et l’époque delà paix, de la concorde, de la fraternité entre des citoyens divisés. Vous ignoriez qu’il était le moteur de toutes les nouveautés qui s’y introduisaient, des distributions d’armes qui s’y faisaient exclusivement à ses partisans, sous prétexte de favoriser la Révolution , de toutes les tentatives contre les places de guerre. Enhardis par une lettre du roi, par votre accueil à l’Assemblée, par la confiance des ministres, il a tout osé pour satisfaire son animosité, il osera tout pour assouvir son ambition qu’on n’a pas assez connue. Les moyens d’une force d’opinion qu’on lui donne ici, réunis à ceux qu’il a par lui-même, sont employés pour lui, assurer, et à ses sectateurs, toute l’influence dans les affaires de l’île. La tyrannie la plus barbare est celle qui s’exerce au nom de la loi que l’on élude. Elle est d’autant plus dangereuse en lui, qu’il ne se montre que comme un particulier qui n’aspirait à rien et qui, sous cette forme, modeste en apparence, se met en état de commander en maître et d’aller à son but. Vous ne voudrez pas, Messieurs, que les maux de la Corse se perpétuent. Vous protégerez la liberté et la sûreté des individus. Connaissant parfaitement le prix de votre bonne Constitution, vous la ferez exécuter sans mélanges, sans modifications, sans distinctions, à tous les Corses. Vous ne souffrirez pas que ceux qu’on décrie auprès de vous, qu’on veut rendre suspects, pour que leurs justes réclamations deviennent impuissantes, soient opprimés ; vous ne souffrirez pas qu’une population de 150,000 âmes, qu’une portion intégrante de la monarchie française devienne le jouet et la proie d’une douzaine d’ambitieux, qui la regardent comme leur patrimoine. Plus on a marqué de confiance à M. Paoli, plus il devait y correspondre avec justice et modération. Ce qu’il fait envers ceux qui tiennent à la France ne décèle que trop ses projets. Sans les mouvements que ses agents ont excités, sans les armes qu’ils ont distribuées, sans les maximes u’ils ont répandues, ces peuples seraient passés e l’ancien régime à la nouvelle Constitution, sans aucune commotion ; tous attendaient vos lois avec transport et reconnaissance. La prudence et la politique yous dictent, Mes�- sieurs, des précautions pour la tranquillité et pour la sûreté de cette île. L’exécution fidèle des décrets ralliera les peuples à la loi faite pour les protéger : une surveillance immédiate de votre part, contiendra les novateurs et les fera rentrer dans de justes bornes. En faisant garnir les places fortifiées avec des troupes suffisantes, cette île sera à l’abri des événements qu’une guerre peut occasionner, qu’il est sage de prévoir et qu’il serait prudent de prévenir ; car, si une nation puissante sur mer, profitait des circonstances, qui font tout en affaires politiques, pour faire un établissement dans cette île, où elle trouverait des ports, des bois, des vivres et un peuple aguerri, il n’est pas douteux qu’elle ne nuisît a votre navigation et à votre commerce, dans FItalie, dans le Levant, même en Afrique, et qu’elle ne pût vous donner des inquiétudes continuelles sur les côtes de Provence et de Languedoc ; tandis qu’en vous maintenant en Corse, vous évitez ces inconvénients, vous aplanissez, si je puis m’exprimer ainsi, les Alpes, et vous tenez, par la Corse, un passage ouvert et facile en Italie. En conséquence, je propose de décréter ce qui suit : PROJET DE DÉCRET. 1° L’Assemblée nationale décrète que le roi est supplié d’envoyer des commissaires en Corse, pour écouler les doléances des peuples, sur les illégalités, les injustices et les violences qai y ont été commises, et j pour faire renouveler, s’il en est besoin, les assemblées primaires, du département et des districts, afin de rétablir l’ordre et la liberté des suffrages prescrits par les décrets ; 2° Que Sa Majesté sera également suppliée de faire garnir de troupes suffisantes, les places de Bastia, Calvi, Ajaccio, Bonifacio, et surtout celle de Corte, pour les mettre en état de sûreté et de défense. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE Dü 6 NOVEMBRE 1790. Lettres de M. Buttafkoco à M. Paoli et à d'autres particuliers dans l'ile de Corse (1). OBSERVATIONS. Je ne puis me dispenser de publier une lettre que j’ai écrite à M. Paoli. Les moyens malhonnêtes qu’il met en usage, en Corse,' pour me décrier dans l’esprit de mes concitoyens, et pour les provoquer contre moi, exigeaient que je lui en marquasse mon ressentiment. Il devait se rendre mon accusateur; la calomnie est odieuse et devrait faire frémir un homme d’honneur. Je fais encore imprimer les extraits de quelques-unes de mes lettres, envoyées successivement dans cette île. L’on m’en a renvoyé, sur ma demande, (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.