250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Rentré en France dénué de tout, l’exposant se hâta de dénoncer ces faits à la Convention nationale, et, dans 2 pétitions successives, il demanda que les effets et créances constituées en France au profit des Espagnols fussent employés au payement de 284 437 livres à quoi montent ses réclamations. Le comité de salut public, auquel ces pétitions ont été renvoyées, est en état de faire son raport : le travail est préparé. L’exposant observe que la séquestration de ses effets en Espagne est un acte purement politique, puisqu’on les a retenus pour garantie des effets des agens espagnols en France. Ce fait est constaté par la correspondance des affaires étrangères. Or, pendant que la nation françoise a dans sa main les effets espagnols, dont les effets particuliers de l’exposant sont garans en Espagne, il n’est pas juste que l’exposant, outre la perte de son état et des émolumens qui le faisoient vivre, soit privé de sa fortune et des moyens de subsister. La Convention nationale sçaura bien venger l’offense qui lui a été faitte dans la personne de l’exposant. Mais en attendant, l’exposant et sa famille périssent de misère; ils sont maintenant sans pain comme sans ressource. Si la Convention n’ordonne pas que l’exposant soit payé sur le champ, il ne lui restera que le désespoir; et à son épouse, née Espagnole, il ne restera que le regret d’être venue avec son époux habiter la terre de la liberté, puisqu’elle n’y seroit venue, après la perte de ses biens par notre mémorable révolution, que pour y mourir de faim. Ce n’est pas là l’intention de la Convention nationale. L’exposant invoque donc la justice. Il l’invoque avec toute la confiance qu’elle inspire à tous les citoyens opprimés, à tous les Français qui ont juré la guerre aux tyrans et qui se vouent de tout leur coeur et de toute leur force à la gloire et à la prospérité de la République, mais il l’invoque avec l’espoir très légitime qu’elle voudra bien y faire droit sans retardement. Il demande donc que la Convention nationale veuille bien décréter que le comité de salut public lui fera le raport de ses pétitions sous deux jours. A Paris, le 19 thermidor l’an 2 e de la République françoise une et indivisible. Jean-Baptiste Puyou. Renvoyé au comité de salut public (1). P Pétition de la citoyenne veuve Hugot à l’effet d’obtenir une pension comme veuve d’un receveur de la ci-devant régie des aydes, mort dans le cours de son service public après plus de 52 ans d’exercice (2). A la Convention nationale. Hugot Joseph Nicolas (Marie Marguerite Colinet, sa veuve), née le 5 septembre 1733, réclame les bontés de la Convention nationale (1) Mention marginale du 30 therm. signée P. Barras. (2) C 316, pl. 1269, p. 53. pour qu’elle lui accorde une pension qui la mette en état de subsister. La veuve Hugot n’a aucun patrimoine; la maladie de son mari a épuisée toutes ses ressources; elle a été forcée, pour subvenir à ses plus pressants besoins, de vendre son mobilier, ses hardes; il lui reste à peine de quoi se couvrir. Nombre de mémoires et d’attestations qui prouvent que le citoyen Hugot a été au service des Fermes pendant plus de 52 ans, qu’il a toujours rempli ses fonctions avec exactitude et intégrité, sont au comité des pensions et dans les bureaux de la liquidation (1). Sans protection, sans appui, la position de la veuve Hugot n’a sûrement pas été présentée telle qu’elle est à la Convention. On n’y aura pas fait valoir le dénûment absolu dans lequel elle se trouve et qui est attesté par la copie ci-j ointe de la délibération de la commune de Mont-challier, où elle s’était réfugiée et logée dans une espèce de grenier. Ce sont ces mémoires, ces attestations qu’on refuse de lui remettre à la liquidation, qui éclairciraient les dignes représentans d’une nation bienfaisante sur la justice des réclamations de la veuve Hugot. Il lui a été accordé le 14 pluviôse, sur le rapport du comité de la liquidation, une pension de 400 livres, la modicité de cette pension établit de manière la moins équivoque que, dans les bureaux de la liquidation, on a négligé des détails qui étaient bien importans à la veuve Hugot. On n’aura pas dit que le citoyen Hugot avait contracté beaucoup d’infirmités dans l’exercice de ses fonctions, qui l’assujetissaient à être continuellement exposé aux injures du tems. On n’aura pas dit qu’enfin le citoyen Hugot est tombé en apoplexie et paralisie, état qui lui a conservé une existance souffrante et malheureuse environ 4 ans qu’il a succombé et terminé sa carrière. On aura omis d’exposer que les certificats produits par la veuve Hugot attestaient qu’il ne lui restait absolument aucun moien d’existance, qu’elle a plus de 60 ans et qu’elle a beaucoup d’infirmités. La citoyenne veuve Hugot prie la Convention nationale de prendre en considération ses représentations. La détresse dans laquelle elle se trouve n’est pas un titre de la faire repousser comme elle l’est, non pas par le liquidateur général, mais dans les bureaux de ce liquidateur, où elle n’a même pas pu obtenir jusqu’à ce jour le brevet de cette modique pension décrétée dès le 14 pluviôse et scellée le 13 ventôse sous le n° 5616. Le décret d’ailleurs n’explique pas depuis quelle époque cette pension doit lui être payée. Elle observe que son mari est décédé le 25 janvier 1790 et que, depuis ce tems, elle n’a reçu des ci-devant régisseurs, en secours provisoire, qu’environ 420 livres. Renvoyé au comité de liquidation (2). (1) N. B. : A la comission à pied à Meaux et à Dammar-tin... 7 ans; commis à cheval dans le district de Cressi-en-Brie... 9 ans; dans le même emploi à Lisy, près Meaux... 5 ans; Id à Vely, près Soissons... un an et demi; controlleur et receveur des aydes à Abbeville... 30 ans. [Total :] 52 ans et demi. (2) Mention marginale du 30 therm. signée Fréron. SÉANCE DU 30 THERMIDOR AN II (17 AOÛT 1794) - N° 36 251 Extrait des registres des délibérations de la commune de Belleville, département de Paris. Du 7 frimaire l’an 2e de la République une et indivisible. Après que, sur le rapport du citoyen Fulche, chargés de prendre des renseignements sur la position de la citoyenne veuve Hugot, domicilié à Belleville, sur le réquisitoire du procureur de la commune, le conseil général a arrêté, d’après les renseignement pris sur la position et la situation de la citoyenne veuve Hugot, dite Marie, Marguerite Colinette, et d’après le rapport des commissaires, [qu’]il seroit représenté aux citoyens administrateurs du directoire du distrix de Franciade que la citoyenne veuve Hugot est sans fortune, sans domestique, réduite dans un très petit logement, annonçant la plus affreuse misère, manquant de tout, et ne subsistant que des aumônes et charités des citoyens et citoyenne humain de la commune, et qu’el est portée sur le rôle de contribution mobiliaire pour la somme de 16 livre dont il est impossible de réaliser le payement, attendut son extrême misère. Arrête que la présente délibération sera, à la diligence du procureur de la commune, envoyé au directoire du dixtrict de Franciade, conformément à ses intentions ennoncés en sa lettre dudit mois de brumaire, afin de l’engager et de le solliciter à tendre une main secourable à laditte citoyenne veuve Hugot, infortuné et très malheureuse. Signé Livoir, secrétaire-greffier pour ampliation littéralement conforme (1). Q [ Les créanciers de la veuve Perichon, aux cns représentons du peuple à la Conv.; 30 therm. Il] (2) Citoyens représentants, Les créanciers de la veuve de Martial Péri-chon, au nombre de plus de 40, tous fournisseurs voituriers, ouvriers et même journailliers ont l’honneur de vous exposer que feu Perichon, qui depuis longtems étoit l’entrepreneur général de l’hôpital de la Salpétrière de Paris, ayant entrepris la construction des loges et batimens accessoires pour les folles de cet hôpital, les exposans ont fourni audit Perichon les matériaux de chacun leur état, et les autres leurs mains d’œuvres, en voiturant, travaillant et préparant et mettant lesdits matériaux en œuvre, et cela dans l’expectative d’un payement prochain et certain, ainsy que cela a toujours été d’usage pour les travaux des hôpitaux. Que l’administration des hôpitaux, pendant les travaux de ladite construction, ayant arrêté divers changements et augmentations non prévu par les plans et devis, cela a donné lieu à une contestation sérieuse entre ladite administration et Perichon, entrepreneur, et sa veuve depuis son décès; laquelle contestation a empêché le payement des exposants, qui ont été (1) En marge : à joindre à la pétition de la veuve Hugot. (2) C 316, pl. 1269, p. 63. conseillé de former des oppositions sur ledit Perichon et sa succession, entre les mains de laditte administration, et même d’intervenir dans la contestation. Que cette contestation ayant été jugée en faveur de la veuve Perichon et des exposants par jugement du tribunal du 5 e arrondissement du département de Paris du 17 ventôse dernier, qui déclare bonnes et vallables les oppositions des exposants. Ils étoient sur le point d’être payés de leurs salaires et fournitures par la veuve Perichon, sur les sommes dont la condamnation est prononcée à son proffit contre ladite administration, lorsque la Convention a, le 23 messidor dernier, décretté dettes nationalles touttes les dettes passives arriérées des hôpitaux, ce qui semble les destiner à l’inscription sur le Grand livre. Que la créance de la veuve Périchon sur les hôpitaux de Paris présentant une masse importante d’environ 280 000 livres pourroit paroître à la Convention dans le cas de l’inscription au Grand livre; mais les exposants croyent devoir observer à la Convention que cette créance n’apartient pas à la veuve Périchon, mais bien à eux exposans qui sont ses créanciers, pour raison de leurs fournitures, de leurs travaux, charrois, mains d’œuvres et autres objets journailliers. La propriété des exposans est même établie par le jugement du 17 e ventôse dernier, qui déclare bonnes et vallables les oppositions par eux formées entre les mains de l’administration de l’hôpital, de sorte que cette créance de la veuve Périchon est la propre chose des exposants. C’est le prix de leur fournitures, de leurs travaux avec chevaux et voitures; en un mot c’est le fruit de leurs salaires et de leurs sueurs; elle est destinée à leur payement, elle doit se contribuer et se subdiviser en plus de 40 portions, entre eux qui sont tous pères de famille, et des fournisseurs ouvriers qui vivent au jour le jour, n’ont absolument que leur travail pour ressource et le prix de leurs salaires pour se procurer, ainsy qu’à leurs familles, leur existence journaillière. Dans cet état les exposants qui attendent leur payement déjà depuis longtems sont conseillés de recourir à la justice et à l’authorité de la Convention pour la suplier de considérer la position fâcheuse et malheureuse dans laquelle ils se trouvent et de peser dans sa sagesse leurs justes représentations. Ils prient la Convention de voir qu’assimiller la veuve Périchon à une créancière arriérée et la porter au Grand livre pour la somme à elle due par l’administration des hôpitaux pour les constructions dont est question, ce seroit la mettre dans l’impossibilité de payer ses créanciers fournisseurs, ouvriers et manœuvres, et, par suitte, ce seroit réduire les exposans à un état de genne, de besoin et même de misère, qui tendroit au désespoir. Car, déjà épuisés par une longue attente de ce qui leur est dû par cette malheureuse veuve, il ne leur reste plus de ressource que dans un prochain payement de cet objet sacré. A ces causes ils requièrent qu’il plaise à la Convention ordonner qu’ils seront payés sur les sommes dues à la veuve Périchon nonobstant le