\\\ [Assemblée nationalo.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 février 1791.) français des frères, des amis, des cousins. Si l’on n’adoptait pas ce mode-là, il faudrait réformer en totalité ces régiments étrangers, et ce serait entièrement contraire à l’esprit de quelques-uns des départements. Un des départements de la ci-devant province de Bretagne vient de prier le roi de mettre le plus tôt possible le régiment de Walsh au complet de 1,500 hommes, parce qu’il a toujours fait l’éditication et la sûreté d’une partie de ce pays. M. de Clioisenl-Praslin. Quand l’Assemblée a décrété qu’il y aurait des troupes étrangères, elle a décrété qu’il n’y aurait que 26,000 hommes ; mais, constitutionnellement, elle n’a point décrété qu’il y aurait des troupes étrangères au service de France. D’après cela, les régiments qui y sont ne peuvent être regardés comme étrangers et le projet du comité doit être posé tel qu’il est. M. de Crillon le jeune. Je conviens que les régiments étrangers ont toujours servi avec distinction; mais, en même temps, je crois que, dans une nation aussi nombreuse que la nôtre, il n’est nullement nécessaire d’avoir des troupes allemandes. Nous avons des régiments suisses, nous avons des provinces où l’on parle allemand; et par ces provinces nous aurions le même moyen de recruter en temps de guerre des déserteurs étrangers, si jamais, contre mon avis, il était nécessaire d’avoir des étrangers pour défendre le royaume de France. Je conclus, d’après ceâ différentes réflexions, que les régiments étrangers ne doivent se recruter qu’avec des Français et être assimilés à des régiments français. "J’excepte les régiments suisses, que je regarde comme étant d’une nation alliée de tout temps à la nôtre, plutôt que comme des troupes étrangères à notre service. M. le Président. Pour fixer la discussion à ses vrais termes , je dois à l’Assemblée une observation de fait. Il existe un décret constitutionnel, accepté par le roi, qui porte qu’aucune troupe étrangère ne sera admise au service de France, autrement que par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. Je ne connais aucun décret qui ait admis au service de France d’autres troupes étrangères que les régiments suisses. M. de Foucault de Lardimalie. Il est sûr que l’Assemblée a rendu un décret; mais je vous demande s’il est vrai qu’elle a cru réformer un seul régiment étranger ? Plusieurs membres ; Non ! non l M. SMllon. D’abord, Monsieur le Président, je crois que vous devez quitter le fauteuil; je vous invite à engager un autre président à le prendre, car, avant que vous le prissiez, vous avez déclaré vous-même que vous étiez fort fâché d’être président actuellement, parce que vous comptiez parler précisément dans la question des régiments étrangers. Je vous prie donc de céder le fauteuil à quelque autre ex-président ; aiors vous aurez la bonté de donner votre opinion, afin que je puisse vous répondre. M. Voidel. Les difficultés qui viennent de s’élever prouvent que cette question n’est pas suffisamment éclaircie; en conséquence, j’en demande l’ajournement et le renvoi au comité militaire. M. de Croy. Vous avez paru former des doutes pour savoir si l’Assemblée connaissait au service de France les régiments allemands. Un fait me paraît le prouver d’une manière invincible, puisqu’en décrétant les principes d’avancement, vous avez dit que la cavalerie ferait une arme, que les dragons feraient une arme, que les régiments français feraient une arme, que les régiments suisses feraient une arme, que les régiments allemands feraient une arme. M. de Bouthillier, rapporteur. Monsieur le Président , je demande que cet article soit ajourné jusqu’à ce que vous puissiez porter la parole, parce que dans ce moment. Monsieur le Président, vous êtes gêné. M. Etmuery, président, quitte le fauteuil. M. Merlin, ex-président, le remplace. M. de Croy. Je demande l’ajournement, attendu le petit nombre de membres qui se trouvent à présent dans l’Assemblée. M. Treilhard. J’appuie l’ajournement. M. Emmery, à la tribune. Messieurs, je ne m’oppose pas à l’ajournement ; je demande au contraire qu’une question de l’importance de celle-ci ne soit pas décidée ou plutôt enlevée dans une séance du soir. Je ne dissimule point que mon opinion est que, dans les circonstances actuelles, nous ne devons avoir à notre service d’autres troupes étrangères que les Suisses. On ne répondra pas à cette question; un décret constitutionnel porte qu’aucune troupe étrangère ne pourra être admise au service de France sans un décret du Corps législatif. Vous avez décrété qu’en attendant le renouvellement de la capitulation avec les Suisses, les régiments suisses jouiraient des mêmes avantages qu’autrefois, et même de plusieurs autres, Il n’y a pas de décret pour l’admission des troupes allemandes. Vous avez seulement décrété ià proportion étrangère avec le reste de l’armée. Avec une armée de 100,000 hommes, vous ne pouvez avoir que 26,000 hommes de troupes étrangères. Vous avez déjà 11,000 Suisses, et la Suisse est dans le cas de vous fournir au premier moment, et en cas de besoin, encore 6,000 hommes, conformément aux traités : 17,000 hommes sont bien près de 26,000. Si vous admettiez les régiments actuellement dits Allemands, comme troupes étrangères, vous excéderiez le non bre que vous avez fixé. Comment serait-il d’ailleurs possible d'appeler ces régiments troupes étrangères? Quelle est la puissance qui les avoue, quel est le traité, quelle est la capitulation eu vèrtu desquels ils vous sont soumis? Quand vous avez ôté la propriété de ces régiments à ceux qui l’avaient, au prince des Deux-Ponts, par exemple, au prince de Salm, au prince d’Armstadt; je vous demande si vous n’avez pas été déterminés par la considération qu’aucune puissance ne vous donnait ces régiments, qu’aucune puissance ne les avouait, et qu’ils ne pouvaient pas plus être la propriété de quelques individus, que tous les autres régiments français? Vous avez sagement rompu ce 115 (Assemblée nationale.] lien qui les attachait, en quelque sorte, à des puissances étrangères. 11 avait été arrêté dans le comité militaire de mettre tous les régiments actuellement appelés allemands, sur un pied parfaitement égal à celui des autres régiments français, et de dire : tel régiment portant tel numéro aura la liberté de se recruter en partie d’étrangers. De cette manière, ils seront en tout Français; mais, recrutés en partie dans yos départements où la langue allemande est en usage, ils présenteront l’avantage de pouvoir, en temps de guerre, se recruter aux dépens de l’ennemi. Mais je ne vois pas que, sans l’aveu des princes, sans capitulation, vous puissiez dire que vous avez un régiment des Deux-Ponis, un régiment liégeois, et autres choses semblables. (. Applaudissements .) M. de Bouthillier, rapporteur. Nous sommes parfaitement d’accord, M. Emmery et moi; ce n’est qu’une affaire de mots. Il ne s’agit que de dire : Les régiments ci-devant connus sous le nom d'allemands, irlandais et liégeois. M. Emmery. Tout ce que je demande, c’est que vous ne donniez pas de prétextes aux princes étrangers. M. du Châtelet. Je pense que les régiments allemands doivent faire arme à part en France et je le demande. M. Dillon. Je conviens qu’on a bien fait d’ôter à des particuliers la propriété de ces régiments, et en cela je ne suis pas suspect, puisqu’on m’a ôté la propriété d’un régiment que ma famille a levé il y a cent ans. Je pense ainsi qu’il faut cesser de donner aux régiments allemands et irlandais des noms d’étrangers ; mais il est très intéressant qu’ils conservent et Ja faculté de se recruter d’étrangers et leur uniforme. L’armée ennemie reconnaît ces régiments; et les déserteurs viennent se ranger parmi ces corps où ils trouvent leurs frères, leurs amis, leurs compatriotes, et des gens qui parlent leur langue. Je me trouvai dans la dernière guerre en Amérique avec mon régiment. Dans la prise de Saint-Ëustache nous prîmes une garnison anglaise de 940 hommes, dont o30 Irlandais s’engagèrent dans le régiment de Dillon, de Walsh. Ce fait prouve combien il est important que vous ayez des régiments qui puissent recruter des étrangers. M, «le Crillon, le jeune. 100,000 Français servent en pays étrangers; et cependant les puissances étrangères, l’Autriche, par exemple, n’a pas de régiment français, ni de régiments spécialement destinés à recruter les Français; elle les admet dans tous ses régiments. Je ne crois as qu’une puissance telle que la France ait esoin de troupes étrangères pour sa défense. Je crois môme que le système d’en admettre ne serait pas sans danger, comme on l’a vu en Amérique lorsque les troupes hessoises étaient à la solde du congrès au nombre de 16,000 hommes. M. de üoailles. Ne nous parlez pas de ces marchés d’hommes. Je ne dirai rien sur la manière dont les régiments hessois ont servi en Amérique ; ces événements ne seraient pas arrivés, si les régiments hessois eussent déjà existé eu Amérique, et qu’ils ne se fussent recrutés que moitié d’étrangers, Je demande donc que cette faculté soit accordée (Il février 1791.] aux régiments ci-devant appelés étrangers; cen’est pas dans un moment où il manque 33,000 hommes à l’armée, où les avantages que vous accordez aux soldats ne l’ont pas complétée, qu’on peut refuser d'admettre la moitié d’étrangers dans les régiments qui sont susceptibles d’en recevoir sans inconvénient. M. de Croy. L’Assemblée n’est pas assez nombreuse en ce moment pour prononcer sur ces questions ; j’en demande l’ajournement, nous ne sommes pas 200. Un membre : Je m’oppose à l’ajournement; lorsqu’on ne voudra pas prendre une délibération, on présentera toujours un prétexte. Plusieurs membres appuient l’ajournement. (L’ajournement est décrété). M. le Président lève la séance à 10 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RIQUETTI DE MIRABEAU L’AINÉ. Séance du vendredi 11 février 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté. M. le Président donne lecture de la pétition suivante adressée à l’Assemblée nationale par le sieur Sage, membre de l’Académie des sciences et professeur de minéralogie: « Messieurs, c’est avec autant d’empressement que de plaisir que je vous ai fait, il y a un an, l’hommage patriotique de plus de la moitié de ma fortune pour concourir à l’amélioration de la chose publique, dont vous vous occupez avec tant de courage. « Aujourd’hui, Messieurs, j’ai recours avec confiance à votre justice ; il me restait une rente de 5,000 livres pour la cession que j’ai faite au roi de tout ce qui compose le cabinet et le laboratoire de l’école des mines. Celui qui a rédigé le brevet a mis pension, et depuis 13 mois je n’ai pu rien recevoir. « J’ai, à ce que je crois, tous les titres que vous requérez pour mériter votre attention; voici la 33e année que je professe publiquement et sans interruption une science utile que j’ai naturalisée en France, la chimie métallurgique ; tous mes ouvrages ont toujours eu pour but le bien public ; mais il ne me reste plus de quoi continuer mes travaux, si vous n’avez pas la bonté d’avoir égard à ma pétition et de décréter qu’on me fasse jouir de ce qui est si légitimement à moi. « Signé : SAGE. » (L’Assemblée renvoie cette demande au commissaire liquidateur et ordonne qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal). ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.