[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | || "i 7gs par lequel il destitue provisoirement le citoyen Lucas, procureur syndic, lui désigne un succes¬ seur, et ordonne qu’il sera conduit dans la mai¬ son d’arrêt de Moulins. Cette arrestation a été suivie à’ une autre sur la personne d’un adminis¬ trateur. Vos comités de Salut public et de sûreté géné¬ rale ont dÜ fixer leurs premiers regards sur la pièce même qui a excité la surveillance du comité central. En la jugeant le plus rigoureuse¬ ment possible, ils n’ont pu y apercevoir un projet formé par l’administration d’anéantir le mouvement révolutionnaire, ou de ressusciter le fédéralisme. L’administration s’est en effet bornée à offrir des vues législatives, dans l’objet de rappeler les acquéreurs que les instigations de la malveillance avaient pu éloigner quelques instants de concourir à l’acquisition des pro¬ priétés nationales. Il est, au surplus, possible qu’à l’égard de cet évènement, l’administration se soit livrée à des conjectures erronées; mais il y aurait encore loin de l’erreur au crime. Quant an comité, ci-devant dit central, nous ne traiterons pas défavorablement les motif» qui l’ont fait agir. Son patriotisme se sera alarmé sans doute de l’idée où il a été que l’on comprimerait le ressort révolutionnaire par l’adoption de mesures dont il craignait l’abus dan& les mains du riche égoïste, Quoi qu’il en soit, citoyens, nous ne saurions plus longtemps laisser subsister un acte qui contrarierait les premières notions de la justice. Le comité central a exercé contre deux adminis¬ trateurs une autorité qui n’était point com¬ mandée par les circonstances. Il est donc naturel de s’empresser de les rendre à leurs fonctions, pour qu’ils continuent de les remplir en citoyens zélés pour les intérêts, de la République. Voici le projet de décret. ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal. ) Ce projet de décret est adopté. Sur la dénonciation faite par un membre [Laurent Lecointre (1)] de mauvais traite¬ ments et cruautés exercés sur le citoyen Gilbon, laboureur à Tigery, district de Corbeil, sa femme et ses domestiques, ainsi que de vols commis avec effraction, dans son domicile, par des gens armés se disant de l’armée révolutionnaire; La Convention nationale renvoie la dénoncia¬ tion et le procès-verbal des faits à ses comités de Salut public et de sûreté générale réunis,, pour en faire leur rapport dans trois jours (2). Suit le texte de la dénonciation et du procès - verbal d’après les originaux qui existent aux Archives nationales. (lj D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton G 282, dossier 793, et d’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de lalConveniian, t. 27, p. L89. Dénonciation-(T). Citoyens, Dans les-premiers jouis do brumaire dernier, plusieurs dénonciations vous ont été faîtes contre une force armée se disant révolutionnaire, commandée par Türlot, aide de camp du général Hanriot, se disant chargé des ordres de Maillard. Les communes de Thieux, de J-uilly et nombre d’autres du district de Meaux ont été victimes de leurs brigandages; dans celui de Corbeil, les mêmes infamies ont eu lieu, mais avec des par¬ ticularités qui font horreur. Le 9 du même mois, un détachement de force armée, composé de 25 hommes, faisant une espèce d’avant-garde, portant, la majeure partie, l’habit de garde nationale, tous armés de sabres et de pistolets à la ceinture, se disant de l’armée révolutionnaire, s’est introduit, sur les 7 heures du soir, chez le citoyen Gilbon, père de six enfants, vieillard âgé de 71 ans, laboureur à Tigery, près de Corbeil, faisant valoir 3 charrues. Entrés dans la cuisine, le ehef de la b an do a ordonné qu’un piquet de 50 hommes, composant sa réserve, restât dehors pour garder la maison et une voiture qui les suivait ; il a demandé les noms des citoyens présents, et où était le maître., Sur la réponse qu’il était couché, il va au ht, l’oblige de s’habiller, demande que les armes lui soient livrées ; la femme Gilbon remet un fusil de chasse, seule arme de la maison. Alors la troupe saisit au corps le vieillard Gilbon, l’enlève dans la salle voisine, le frappe, le lie, le garrotte, les mains derrière le dos et attachées avec les pieds, lui couvre la tête d’un sac ; sa femme, ses domes¬ tiques au nombre de 10, dont 2 femmes, tou; éprouvent le même sort. Alors, ces scélérats demandent à Gilbon les clefs de ses armoires pour vérifier, disent -ils, s’ils ne trouveraient pas de fleurs de lis ou quelques autres objets en contravention à la loi. Gilbon promet d’obéir, pourvu qu’on le délie, ils refusent, le fouillent, lui arraehent ses clefs : les portes ne sont pas assez tôt ouvertes, ils les brisent, saisissent et emportent 26 couverts, 1 écuelle, 3 cuillers à potage et à ragoût, 3 gobe¬ lets marqués Louis Gilbon, 2 tabatières, 40 je¬ tons et deux montres, le tout d’argent; une 3e montre à boîte d’or et plusieurs autres effets, notamment une croix d’or et son clavier d’argent que portait la femme Gilbon, et qu’ils lui ont arrachée du col, disant qu’ils en dresseraient procès-verbal lorsqu’ils seraient tranquilles à Melun, et qu’il fallait porter ces effets dans la voiture qui était à la porte avec l’escorte. Cet enlèvement fait, ils ont demandé à Gilbon : - « Qù est ton argent monnayé? Si tu ne le déclares, la guillotine est à la porte; c’est moi qui serai ton bourreau », dit l’un d’eux. Gilbon demande à être délié pour l’indiquer; ils l’enlèvent de nouveau et le portent dans la cuisine, en lui di¬ sant : « Nous allons te faire chanter. » Là, lais¬ sant les autres liés dans la salle, ils approchent Gilbon du feu, lui mettent la plante des pieds sur le brasier ardent : il jette un cri affreux, la désolation et la terreur s’emparent de toute la (1) Archives nationales, carton AFu 28, pla quette_226, pièce 29. . 452 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j JJ J™naire "} ” maison; ces scélérats le retirent, cassent et bri¬ sent les portes d’une autre armoire indiquée; ils y trouvent et emportent également 72 livres en*numéraire, ainsi qu’ environ 5 à 6,000 livres en assignats, qu’il venait de recevoir du prix de son blé en réquisition, qu’il envoie tous les jours à Corbeil pour l’approvisionnement de Paris. Ces monstres, contents de leur capture, bri¬ sent les portes de la cave, lâchent une pièce de vinaigre, prennent du vin et le souper des gens de la maison; et, à minuit, rassasiés de cruautés, enivrés de vin, ils se sont retirés, laissant toute cette famille dans les liens dont ils l’avaient accablée. Un procès-verbal, dressé par le juge de paix du canton, accompagné des officiers municipaux de Tigéry, ainsi que du chirurgien de Corbeil, appelé pour soigner les plaies et contusions dont étaient accablés Gilbon et ses gens, cons¬ tate l’authenticité des faits dont je viens d’es-�uisser le tableau. Je dois vous le dire, citoyens, la stupeur est telle dans les campagnes, que les malheureux qui éprouvent des vexations de ce genre n’osent s’en plaindre « trop heureux, disent-ils, d’avoir échappé à la mort ! » Tout ce qui porte le nom de force armée leur imprime la plus grande terreur aujourd’hui ; et vos oreilles ne seraient pas même frappées de ce récit affreux, si le fils Gilbon, qui est mon fermier, n’avait eu occasion de venir à moi pour un autre objet. Citoyens, vous devez un grand exemple; quels que soient les coupables, ils doivent être punis. Je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant : ( Suit le projet de décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal.) L. Lecointre. Procès-verbal (1). Procès-verbal qui constate plusieurs vols et effrac¬ tions en la ferme de la Tour, chez le citoyen Gilbon, et attentats commis en la personne dudit Gilbon, sa femme et plusieurs autres per¬ sonnes de chez lui. 9 brumaire, 2 e de la République française. Extrait des minutes du greffe de la justice de paix du canton de Corbeil hors la ville. Ce jourd’hui, neuf du second mois de l’an deux de la République, vers les midi, Nous, Jean-Joseph Yergne, juge de paix et officier de police du canton de Corbeil hors la ville, ayant été informé qu’il avait été commis un vol avec effraction à main armée en la ferme de la Tour, municipalité de Tigery, et diverses violences envers les personnes qui habitent ladite ferme, nous sommes transporté aveo le citoyen Yiard, notre secrétaire-greffier, en ladite ferme, et y avons trouvé les officiers municipaux de Tigery qui, ayant été avertis avant nous, étaient déjà occupés à dresser pro¬ cès-verbal des faits dont il s’agit. (I) Archives nationales , carton AFn 28, pla¬ quette 226, pièce 30. Avons d’abord fait comparaître par-devant nous le citoyen Gilbon et sa femme, fermiers de ladite ferme, que nous avons requis de nous indiquer et de faire venir en notre présence tous ceux qui ont été témoins des faits dont va être question, et sont, en conséquence, comparus : François-Joseph Bonnard, journalier, tra¬ vaillant habituellement en ladite ferme ; Marie-Sophie Paysan, fille de ladite ferme, âgée de vingt-un ans; Charles -Antoine Savary, batteur en grange de ladite ferme; Mathurin Blanchard, charretier de ladite ferme ; Philippe Bernard, jardinier de ladite ferme; François Marmot, charretier de ladite ferme ; Joseph Doré, compagnon vacher de la même ferme ; Jean Gambé, garçon de cour de ladite ferme; Charles Cézar, premier charretier, aussi de ladite ferme; Et enfin Marie Pillias, fille domestique aussi de ladite ferme, âgée de seize ans. Ladite Paysan, parlant la première, a déclaré qu’hier, sur les sept heures et demie du soir, ayant entendu frapper à la principale porte de la ferme de la Tour, comme elle était chargée des clefs de la porte, elle a demandé avant d’ou¬ vrir qui était là; et, sur la réponse : « Amis », n’ayant pas reconnu la voix de celui qui parlait, elle a refusé d’ouvrir; mais qu’une voix au dehors ayant dit : « Je veux parler au citoyen Gilbon », ladite Paysan a ouvert la porte; qu’ aussitôt est entré un grand homme, cheveux et sourcils noirs, les sourcils grands et paraissant se joindre, âgé d’environ vingt-cinq ans, armé d’un sabre nu et de pistolets à la ceinture, qui a été aussitôt suivi d’environ vingt-cinq autres, la majeure partie vêtus d’habits de garde nationale et tous également armés de sabres nus et de pistolets, les uns à la main et les autres à la ceinture, se disant de l’armée révolution¬ naire et cherchant un nommé François, déser¬ teur; que, lorsque ces hommes ont été entrés, le premier entré, qui paraissait le chef des autres, a donné ordre au dehors de laisser un piquet de cinquante hommes pour garder la maison au dehors, qu’ensuite ceux qui étaient entrés dans la maison se sont d’abord introduits dans la cui¬ sine et ont demandé la quantité de personnes qu’il y avait dans la maison et ont fait déclarer les noms de plusieurs d’entre eux, et où. était le maître. A quoi il a été répondu par l’un de ceux qui étaient présents qu’il était prêt à se coucher, et aussitôt plusieurs d’entre lesdits délin¬ quants étant allés au lit du citoyen Gilbon, l’ont forcé de se rhabiller. Tous les susnommés nous ont ensuite fait le récit de ce qui s’est passé de la manière sui¬ vante : Les délinquants ont demandé à la citoyenne Gilbon si elle avait des armes, et qu’elle eût à les livrer, ce que la citoyenne Gilbon a fait en leur remettant un fusil de chasse ; ensuite ils se sont emparés dudit Gilbon qu’ils ont maltraité de plusieurs coups et l’ont fait passer dans la salle voisine de la cuisine, lui ont couvert la tête de linge qu’ils ont trouvé sous la main, lui ont lié les mains derrière le dos et attachées aveo les pieds de manière qu’il ne pouvait marcher; qu’ils