672 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1791. J M. Barnave. Je ne m’oppose point à ce que la discussion soit continuée. Seulement je demande à répondre dans le cas où l’on soutiendrait l’avis du comité. M. Démeunier, rapporteur. J’ai déjà prévenu l’Assemblée que Je comité n’insistait pas sur cette division ; et, sans donner mon avis, je vais résumer les raisons pour et contre. (On demande à aller aux voix.) Il est de l’impérieux devoir du comité de vous faire remarquer que dans l’état d’agitation où se trouvent les colonies, agitation qui a sa source dans la croyance que vous n’apporterez aucune modification à vos lois; il est, dis-jo, du devoir du comité de vous proposer d’examiner si ce préjugé, perpétué par les malveillants, ne serait pas une source de désordres. La réunion à d’autres époques serait sans inconvénients; mais en ce moment peut-être les colons verraient-ils avec intérêt que l’Assemblée nationale a classé dans un département particulier tout ce qui les regarde. La seconde observation que j’ai à faire sera encore plus courte que celle-ci. Elle est relative à la comptabilité et à la dépense. Peut-être serait-il bon que l’Assemblée examinât si, pour prévenir les dissipations de fonds publics, il ne serait pas convenable de diviser les deux départements de la marine et des colonies. M. Barnave. Je demande que l’Assemblée aille aux voix sur cette question : « Le ministère des colonies sera-t-il séparé de celui de la marine? » (L’Assemblée décrète que la marine et les co-onies ne formeront qu’un seul département.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de deux lettres de M. de Fleurieu, ministre de la marine, qui sont ainsi conçues ; Première lettre. « Paris, le 9 avril 1791. « Monsieur le Président, « Je suis informé que j’ai été dénoncé hier à l’Assemblée nationale, sur la déclaration d’un commis en sous-ordre des bureaux de la marine, pour avoir ordonné le payement d’un premier quartier des appointements de cette année des ci-devant directeur et intendants des bureaux de la marine, supprimés par le décret du 29 décembre dernier, sanctionné par le roi, le 5 de janvier. Mon respect pour l’Assemblée nationale, l’ambition de mériter son estime et de justifier la confiance du roi, le zèle qui ne m’abandonnera jamais pour la prompte et entière exécution des lois; l’amour de mes devoirs, et peut-être ce que je me dois à moi-même et au poste que j’ai l’honneur d’occuper, me prescrivent également de ne pas attendre le délai de 3 jours, qui m’est fixé pour rendre compte de ma conduite. J’ose assurer l’Assemblée nationale que je n’aurai jamais besoin d’un délai quand il s’agira de répondre à une dénonciation. « Je m’empresse donc de répondre à celle qui a été faite hier. « Il a été rendu le 29 décembre, sur le rapport du comité de la marine, un décret sanctionné le 5 janvier qui porte : « 1° A compter du 1er janvier 1791, le conseil de la marine sera supprimé : il l’a été; «2° Les places de directeur et d’intendants des bureaux de la marine seront supprimées, sauf aux titulaires actuels de ces places à continuer de servir avec les qualités et le traitement qui seront déterminés par l’organisation nouvelle des bureaux de ce département, s’il y a lieu ; « 3° Enfin, le ministre de la marine présentera incessamment le plan de l’organisaiion de ses bureaux. « Le second article est le seul qui soit relatif à l’objet de la dénonciation; mais il importait de n’en pas séparer le troisième. « Par ce dernier, le ministre de la marine doit présenter le plan de l’organisation de ses bureaux. Il serait inutile de faire observer à l’Assemblée nationale que l’organisation des bureaux ne peut être proposée, qu'après que celle du ministère aura été décrétée, puisqu’il est certain que celle-ci peut déterminer de grandes réductions dans certaines parties des bureaux, et peut-être des augmentations dans quelques autres. « L’article 12 annonce, sans terme fixe, la suppression du directeur et des intendants, et ajoute, sauf aux titulaires actuels de ces places , à continuer de servir avec les qualités et le traitement qui seront déterminés par V organisation nouvelle des bureaux. Mais cette organisation n’étant pas encore faite, et n’ayant pu l’être, en supprimant les titres, j’ai dû conserver provisoirement les fonctions nécessaires; et en conservant les fonctions, je n’ai pas pu supprimer les appointements qui y étaient attachés. Si j’ai mal interprété le décret, je suis prêt à me réformer; mais je ne dois pas penser que dans le temps où l’exécution des fois exige la plus grande activité dans toutes les parties de mon département, l’ intention de l’Assemblée nationale ait été de supprimer tout à coup les 4 personnes qui s’en partagent tous les détails, et qui, par leurs services, leurs connaissances, leur intégrité et leur patriotisme, méritent la confiance publique. « J’ai l’honneur d’observer au surplus à l’Assemblée nationale, que ces 4 personnes qui étaient membres du conseil de la marine, ne jouissent plus, depuis le 1er janvier, des appointements qui étaient attachés à cette fonction, et que les pensions que les services antérieurs de quelques-unes d’entre elles leur avaient acquises, ont été également supprimées. * Je joins ici, Monsieur le Président, la copie certifiée de la pièce qui a donné lieu à la dénonciation. « Il fut dit hier à la tribune que cette pièce a été communiquée et remise en original. Je ne puis me dispenser d’observer, au nom des ministres du roi, que toutes nos décisions, ainsi que les bons et les approuvés de Sa Majesté, étant déposés et dispersés dans nos divers bureaux, l’infidélité d’un commis qui se permet de déplacer une pièce originale, est une violation de dépôt. Ces pièces ont toujours été et doivent être considérées comme des minutes de notaires; et s’il pouvait être libre au dépositaire de les déplacer sans une autorisation supérieure, les intérêts et la fortune des citoyens seraient sans cesse compromis; et la responsabilité des ministres, cette égide contre les abus, ne pourrait être exigée sans injustice. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : FLEURIEU. » Deuxième lettre. « Monsieur le Président, « Il est de mon devoir de donner, le plus tôt [9 avril 179 1. J 673 [Assemblée nali-:-i>-a!e.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’il m’est possible, à l’Assemblée nationale les édaircissemenis qui ont été demandés hier à la tribune par un de MM. les députés, et qu’elle peut désirer, sur les fonds qui doivent rester en caisse, de ceux qui avaient été affectés annuellement au conseil de la marine, supprimé par la loi du 5 janvier dernier. « Je joins une note qui entre dans des détails dont il suffit ici de présenter les résultats. « Conformément au règlementdn conseil de la marine, dont un exemplaire accompagne cette lettre, il avait été affecté à ce conseil un fonds annuel de 150,000 livres. Sur ce fonds, 90,000 livres devaient être prélevées pour les honoraires des membres et des secrétaires et les fi ais de bureau. Les 60,000 livres restantes étaient remises, d’après le règlement, à la disposition du conseil, pour les missions qu’il lui plairait donner, soit à des officiers militaires ou d’administration, soit à des artistes. Le montant de ce fonds annuel produit pour 2 ans et 9 mois, durée de l’établissement du conseil, la somme totale de 165,000 livres, sur laquelle il a été employé pour les objets do dépense autorisés par le règlement celle de 42,1091ivres. Il ne devrait donc rester en caisse que 122,891 livres; mais le restant, par l’effet de’ quelques épargnes sur les honoraires, expliquées dans la note ci-jointe, s e!ève à la somme de 128,275 1. 17 s. 6 d. « Cotte somme existe dans la caisse, où, en conformité du dernier arrêté du conseil de la marine dans sa séance de clôture, elle doit rester en dépôt, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné par le roi. La reconnaissance du trésorier, dont copie est à la suite de la note, en constate l’existence. L’emploi de cette somme n’a point encore été déterminé : j’avais le projet de proposer au roi de la destiner à soulager la caisse des invalides de la marine, qui, eu conséquence d’une décision de 1785, a été chargée de pourvoir à toutes les dépenses de l’expédition de M. Lapeyrouse. L’incertitude du sort de cet officier a décidé à publier le journal qu’il a adressé, et qui comprend sa navigation jusqu’à Botany-Bay. « A ce journal est joint un grand nombre de cartes, de plans et de dessins dont il importe de faire jouir les navigateurs et les savants. Il pouvait être pris sur les épargnes du conseil de la marine les fonds nécessaires pour la� dépense de la gravure et de l’impression, sauf à remplacer ces avances sur le produit de la vente, à moins que la nalion française à qui l’on n’a point à citer des exemples, quand il s’agit d’un acte, de générosité et de bienfaisance, n’eùt voulu en faire don à M. Lapeyrouse, t si les recherches de ses concitoyens le rendent à sa patrie; ou, si nous devons y renoncer, à la personne à qui sa perte rendrait plus nécessaires les consolations de tous genres. Au surplus, quelle que soit la destination de ces fonds, ils peuvent ètreremis aussitôt qu’elle sera connue. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé: FLEURIEU. » M. Bouche. Je demande que ces deux lettres soient renvoyées au comité de la marine pour en rendre compte incessamment à l’Assemblée. M. Garat aîné. Je demande en même temps que désormais aucun membre de l’Assemblée ne puisse recevoir d’un commis des bureaux des ire Série. T. XXIV. ministres les originaux des actes qui n’en doivent jamais sortir et qui doivent rester en dépôt. ( Vifs applaudissements .) M. Reguaud {de Saini-Jean-d' Angéhj). Autant je crois important de traiter avec sévérité les ministres, lorsqu’ils sont coupables, et de les poursuivre rigoureusement lorsqu’ils font un u-age funeste de leur autorité, autant je crois dangereux de donner à des dénonciations vagues une attention qui ne tend qu’à affaiblir ensuite le poids et �'importance des dénonciations bien fondées et à diminuer la confiance due aux ministres du pouvoir exécutif, confiance sans laquelle il est impossible que l’administration puisse marcher. Il ne faut pas habituer les agents du pouvoir exécutif à se jouer d’une dénonciation. Ce doit être une chose extrêmement regrettable pour eux ; et lorsqu’on en fait sans fondement, sans motif, on les y habitue ; on accoutume le peuple à les regarder comme peu importantes. Ce n’est point dans l’intérêt du ministre que je parle, Messieurs ; c’est dans ce lui de la nation, qui doit passer auparavant ; c’est oour elle que je demande que les agents nommés par le roi ne soient point vainement accusés et ne s’accoutument pas à l’être ainsi vainement. C’est pour cela que je dis que la première lettre qui vient de vous être lue me parait justifier pleinement le ministre de l’imputation qui lui est faite. M. Prieur. Je demande la parole pour prouver le contraire. _M. Reguaud. {de Saint-J ean-d’ Angèly .) J’insiste sur la motion de M. Garat, car ce serait un très grand danger qu’on put s’emparer des pièces originales. La conduite du commis qui, suivant la lettre du ministre, s’est permis de déplacer une pièce originale déposée dans son bureau constitue un délit. Il faut que le comité vérifie le fait et fasse au plus tôt son rapport sur cet objet. M. Prieur. Je demande à parler pour la liberté publique... {Murmures et interruptions .) Quand on parle contre le ministre, il y a toujours cent voix qui interrompent. Un grand nombre de membres demandent à aller aux voix sur la motion de renvoi au comité. M. Prieur. Je demande la parole pour proposer un amendement. J’ai vu dans la lettre du ministre... {Murmures et interruptions.) Plusieurs membres : Votre amendement ! M. Camus. Vous ne voulez pas entendre que le décret que cite le ministre n’est pas exact; faites-vous le rapporter. M. Prieur. Est-il donc vrai qu’on ne peut pas parler quand MM. d’André, Martineau et de Beaumetz nous défendent.. .?(ü/Mrmwmj9rotow�s.) Plusieurs membres : A l’ordre 1 M. Prieur. J’ai entrevu, dans l’opinion des deux préopmants, que l’affaire qui est dénoncée à l’Assemblée nationale menace une victime. Cette victime, c’est le citoyen généreux... Plusieurs membres à droite : Allons donc I généreux ? 43