[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES (7 avril 1791.] 635 intérieur actuel, le sort des aveugles était amélioré ! Suspendons donc notre jugement sur la véracité de ces faits, et reposons-nous au surplus sur la surveillance des corps administratifs que vous allez provisoirement commettre. Quant au second objet de la pétition, le compte des administrateurs, point de' difficulté, Messieurs, que l’administration soit obligée de faire apurer ses comptes. Tout administrateur est comptable ; mais, Messieurs, une question s’élève, c’est celle de savoir si vous soumettrez le compte de toute l’administration, depuis 1779, à une révision, ou si, au contraire, vous ne jugerez comptables que les administrateurs qui régissent depuis le 22 avril 1786; et c’est ici le grand point de la difficulté qui doit particulièrement occuper l’Assemblée. 11 est bon de vous observer que, à l’époque du 22 avril 1786, il a été rendu un arrêt du conseil qui a reçu le compte présenté par le cardinal de Rohan, de l’administration tenue jusqu’alors. Les Quinze-Vingts prétendent que ce compte n’a jamais été bien établi et que cet arrêt n’eût d’autre objet que de couvrir les injustices qui avaient été commises. Le cardinal de Rohan, au contraire, soutient que ce compte a été rendu, qu’il a été examiné dans tous ses détails ; et la preuve qu’il en donne c’est qu’il était alors à la Bastille, qu’il n’avait plus, par conséquent, de -crédit, et que c’était le baron de Breteuil, son plus grand ennemi, qui présidait à cette reddition de compte. Tel est le véritable point de la difficulté. Le cardinal peut-il être assujetti à un compte, ou ne peut-il pas y être assujetti? Voilà, Messieurs, ce que vous allez décider. Quant à nous, nous vous avouerons que nous n’avons pas vu dans cet arrêt, qui est le seul titre invoqué par M. le cardinal, Jes caractères d’un apurement définitif. Cet arrêt ordonne seulement la transcription, sur les registres de l’hôpital, de l’état présenté par le cardinal, comme formant son compte; et c’est sur un de ces états qu’est porté le fameux emploi des 2 millions versés par les entrepreneurs dans la main du cardinal aux termes du contrat. Cet arrêt du 22 avril devait être revêtu de lettres patentes pour être ensuite enregistrées au Parlement, et elles n’ont jamais été obtenues. Ces considérations ont fait sentir à vos comités que le compte du cardinal de Rohan ne pouvait être regardé comme véritablement apuré et qu’il ne pouvait être dispensé de rendre un nouveau compte s’il en était requis. La seconde réclamation est des sieurs Meynier, Laugier et d’Espelle. Les deux premiers prétendent qu’ils sont parle fait destitués deleurs places d’administrateurs, mais qu’ils étaient inamovibles et irrévocables; qu’ainsi ils n’ont pu être privés de cette administration. La demande du sieur abbé d’Espelle a le même objet. U se plaint d’avoir été destitué de la place d’aumônier qu’il occupait dans cette maison. Rien, Messieurs, de plus simple que la question que ces deux réclamations semblent amener. Les sieurs Meynier et Laugier qui ne sont qu’un, pouvaient-ils être destitués ? L’arrêt du conseil qui a prononcé cette destitution peut-il être regardé comme acte arbitraire? Voilà la question. Y a-t-il lieu à destitution dans la place du sieur abbé d’Espelle? Quant aux deux premiers c’est, Messieurs, en principe général, un système assez singulier que celui qui a pour objet de soutenir qu’un administrateur peut en cette qualité être irrévocable et inamovible. Le mot d’administrateur fait au contraire naître l’idée de la révocabilité. Les statuts de l’hôpital nous apprennent qu’à la place de maître n’était pas inhérente à celle d’administrateur dont on ne pouvait jouir que tant qu’il plairait au roi. Lors de la translation des Quinze-Vingts à l’hôtel des Mousquetaires, le sieur Meynier n’a jamais voulu s’y rendre. Il y avait donc nécessité de commettre un autre administrateur à sa place. La place de maître fut supprimée par un arrêt du conseil du 22 avril 1789. Le sieur Meynier qualifie cet arrêt d’acte du pouvoir arbitraire et il en demande l’anéantissement. Vos comités, Messieurs, n’eu ont pas jugé ainsi. Ils ont unanimement regardé que, nommé par le roi, sous cette clause d’en jouir comme ses prédécesseurs, c’est-à-dire révocable à-volonté, le sieur Meynier avait pu être révoqué par le roi et qu’au surplus sa conduite avait nécessité sa révocation. Quant au sieur abbé d’Espelle, il était un des aumôniers de l’hôpital ; alors il y en avait 13 dans cette.maison. Ginqfurent supprimés, dont le sieur d’Espelle. Cette réforme fut un acte de justice; à cela quel crime y a-t-il donc? Et comment trouver dans cette destitution des traces de pouvoir arbitraire qui mérite réclamation? Il n’y en a pas sans doute. Aussi vos comités ont-il pensé que sur cet objet il n’y avait pas lieu à délibérer. Voici notre projet de décret : Art 1er. L’hôpital des Quinze-Vingts sera administré conformément à la loi du 5 novembre 1790. « Art. 2. Les administrateurs de ladite maison rendront compte de leur administration, en conformité de l’article 14 du même titre de la même loi. « Art. 3. Les administrateurs pourront en tout temps prendre connaissance des pièces justificatives des comptes par un conseil et sans déplacer. « Art 4. L’arrêt du conseil de 1786 ne contenant qu’une présentation des comptes offerts par le cardinal de Rohan tenu, en sa qualité d’administrateur, de rendre compte de sa gestion depuis le 31 décembre 1779 inclusivement, est renvoyé au département de Paris, lequel donnera sou avis pour être statué ce qu’il appartiendra. « Art. 5. Sur la pétition des sieurs Meynier, Laugier et d’Espelle, l’Assemblée déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. Martineau. Je vous avoue que le rapport que vous venez d’entendre a de quoi surprendre ceux qui ont quelque connaissance sur cette affaire; je n’ai rien à dire sur les trois premiers articles qui ne concernent que la régie et administration de l’hôpital des Quinze-Vingts actuellement établis dans l’ancien hôtel des Mousquetaires; mais sur les articles 4 et 5, j’ai peine à concevoir quels sont les motifs qui peuvent avoir déterminé votre comité. Quel est l’objet capital de cette affaire? C’est la vente de l’ancien enclos de Quinze-Vingts. L’hôpital a porté ses plaintes au Châtelet contre cette vente, contre tout le brigandage dont elle a été accompagnée, sa voix a été étouffée par un acte arbitraire, par une évocation au conseil. Il vient de paraître un mémoire des acquisitions, qui déclare qu’elles se sont montées à 6,500,000 livres. Combien a-t-il été versé au Trésor public? Quelle somme est restée dans les mains de M. le grand-aumônier? Combien de personnes ont pris part à ce brigaudage? Voilà ce 636 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 avril 1791.] que la justice aurait éclairci, si on n’avait pas enchaîné son ministère; et moi, je demande que la justice reprenne son cours et que les premières demandes de l’hôpital des Quinze-Vingts soient renvoyées devant les tribunaux, nonobstant toutes les évocations qui ont pu être rendues ou plutôt surprises à la religion des magistrats. On vient de vous proposer de renvoyer au département de Paris la liquidation des comptes de M. le cardinal de Rohan; mais, Messieurs, per-mettez-moi de vous dire que c’est là nous proposer de ra'ifier tout ce qui a été fait, de ratifier la vente et l’emploi des deniers. Ce compte sera bien aisé à rendre : On présentera des mémoires faits par desadministrateurs quiétaient desagents de M. le cardinal de Rohan. C’est lui qui a forcé tous les administrateurs à se retirer, et les membres du Parlement, et les maîtres de la Chambre des comptes, et les conseillers au Châtelet, et tous ceux qui avaient part à cette administration. Quand ils ont vu le pouvoir arbitraire qu’exerçait le grand aumônier, ils ont tous donné leur démission. Voilà un fait dont M. le rapporteur a oublié de parler, ils ont à l’instant donné leur démission, avec des protestations dont on ne vous a pas davantage rendu compte. Le sieur Meynier n’est resté dans l’hôpital des Quinze-Vingts que parce qu’il ne voulait pas approuver le brigandage dont il était témoin, que parce qu’on avait donné à un autre le logement qui lui était destiné. Je demande donc que sur tous ces points vous renvoyiez aux tribunaux qui en doivent connaître. M. Cranltier-Biauzat. J’appuie la motion du préopinant. M. Merle, rapporteur. Nous n’avons pas proposé le renvoi aux tribunaux parce que nous n’avons trouvé nulle trace d’une demande judiciaire formée contre la vente. Sans doute, toute personne qui croit avoir à se plaindre peut se pourvoir devant les tribunaux, puisque nous avons vérifié que l’arrêt du conseil de 1786 ne peut pas y mettre un obstacle. Je conviens avec le préopinant que M. le cardinal de Rohan a commis de grandes dilapidations, car toutes les parties s’accordent à s’en plaindre ; mais toutes ces plaintes ne peuvent être portées que devant les tribunaux; et vous auriez été fort surpris que j’en eusse fait le détail dans mon rapport. En conséquence, je crois que vos comités onteu raison de vous proposer leur projet de décret. M. Martineau. Je persiste à demander que l’affaire soit renvoyée devant les tribunaux. C’est là que la collusion, que la complicité des personnes qui ont coopéré à cette manœuvre sera dévoilée, et que les Quinze-Vingts et la nation obtiendront la justice qui leur est due. M. Dionis du Séjour. J’appuie la motion qui est faite, que, sans avoir égard aux arrêts du conseil intervenu dans cette affaire , elle soit renvoyée aux tribunaux qui doivent en connaître. M. Moreau de Salnt-Méry. On peut toujours décréter les trois premiers articles du projet du comité. M. Merïe, rapporteur , donne lecture de ces articles : Art. 1er. <: L’hôpital des Quinze-Vingts sera administré conformément à la loi du 5 novembre 1790. » (Adopté.) Art. 2. « Les administrateurs de ladite maison rendront compte de leur administration, en conformité de l’article 14 du même titre de la même loi. » (Adopté.) M. Merle, rapporteur. L’article 3 est ainsi conçu : « Les administrateurs pourront en tout temps prendre connaissance des pièces justificatives des comptes par un conseil et sans déplacer. » Un membre demande de passer à l’ordre du jour sur cet article, en ce qu’il se trouve suppléé par les précédents. (L’Assemblée, consultée, décrète l’ordre du jour sur l’article 3). M. Gaultier-Bianzat. Voici, d’après la motion de M. Martineau, la rédaction que je propose à la place des articles 4 et 5 du projet du comité: Art. 3 (nouveau). « L’Assemblée nationale déclare nuis tous les arrêts du conseil rendus sur l’administration des Quinze-Vingts postérieurement aux lettres patentes qui autorisaient la vente de l’enclos des Quinze-Vingts; en conséquence, leurs anciens administrateurs, les administrés, les aejuéreurs de l’enclos des Quinze-Vingts et tous autres réclamants, pourront se pourvoir par-devant les tribunaux ainsi qu’ils aviseront. » (Adopté.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 7 AVRIL 1791, AU SOIR. Réponse de M. de Bonfflers aux objections élevées contre la loi du 7 janvier 1791, au nom du comité d'agriculture et du commerce (1). — (Imprimée par ordre de l’Assemblée nationale.) Da quesla instanza pur doliberati esperienza, (se giammai la provi) che esser suol fonte a i rivi di nostri arti. üaihte. Messieurs, Beaucoup d’objections tardives se sont tout à coup élevées contre la loi solennelle qui consacre le droit naturel de l’inventeur sur son invention, et quelques personnes ont proposé de renvoyer à la prochaine législature l’examen d’une question que vous avez décidée. Attendrons-nous en silence que sur ce point l’Assemblée consulte sa propre dignité; et, tranquilles sous votre égide, nous contenterons-nous d’opposer à ces attaques imprévues la plus victorieuse de toutes les armes, votre décret? ou (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.