Séance du 29 Thermidor an II (samedi 16 août 1794) Présidence de MERLIN (de Douai) La séance est ouverte à onze heures. 1 Le rapporteur du comité de correspondance fait lecture des lettres et adresses ci-après énoncées. Les membres du tribunal criminel du département de la Charente rendent hommage à la Convention nationale pour l’énergie qu’elle a déployée contre les conspirateurs Robespierre et complices; l’invitent à continuer de rechercher les factions jusque dans leurs racines, et faire tomber la tête des factieux sous le glaive de la loi. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [Les membres du tribunal criminel du départ 1 de la Charente, à la Conu.; Angoulême, 22 therm. II] (2) Représentans, Oui, vous êtes dignes de la confiance d’un peuple libre, de cette nation puissante qui a secoué le joug des tyrans. Vos noms immortels passeront à la postérité; ils seront gravés dans le coeur des Français vertueux. Frappés, représentans, soyés inexorables, recherchés les factieux jusques dans leurs racines, que les conspirateurs tombent sous le glaive de la loi. Annéantissés jusqu’à leurs noms, voués-les à l’infamie, qu’ils soient un objet d’horreur et d’exécration pour la postérité la plus reculée. Nous lui transmettrons le spectacle imposant que présente la France à l’univers étonné : partout victorieuse des puissances coalisées contr’elle, au milieu des trahisons et des conspirations intérieures, et en même tems régie par d’équitables loix, la propriété respectée, les conventions observées, l’égalité rétablie, la justice civile et criminelle administrée, la probité et la vertu à l’ordre du jour. Doche, Delisle, Léridon ( présid .), Mallet (accusateur public), Ladiot, Hazard, Thibaud ( greffier ) et 2 signatures illisibles. (1) P.V., XLIII, 243-244. (2) C 313, pl. 1252, p. 1. Mentionné par Bin, 2 fruct. 2 Les citoyens du canton de Mouy, district de Clermont, département de l’Oise, adressent à la Convention nationale l’expression de leur haine profonde pour le plus grand scélérat des conspirateurs, et de leur inviolable dévouement à la représentation nationale; ils protestent de ne courber jamais un front servile devant un tyran. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [Les c“ de Mouy, à la Conv.; s.d. ] (2) Législateurs fidèles, C’est sous la voûte du ciel, sur une montagne couverte de républicains, dans la célébration solemnelle du 10 aoust, après avoir renversé au pas de charge le trône représentatif, et brûlé, aux cris de vive la République, l’effigie colossale du dernier de nos despotes couronnés, que tous les citoyens du Mouy, d’un concert unanime, vous addressent l’expression de leur haine profonde pour le plus scélérat des conspirateurs, et de leur inviolable dévouement à la Convention nationale. Vous avez prouvé que vous méritiez d’être les représentans d’un peuple héroïque. Comme nous, la postérité se rappellera avec admiration ce courage inébranlable, cette intrépidité prévoyante et calme, et surtout cette union imposante avec lesquelles vous avez sauvé la liberté des mains de son perfide oppresseur. Le fer et la foudre alloient vous frapper, et la patrie seule vous occupoit. Certes on est digne de rester à son poste quand on s’est montré résolu d’y mourir. Continuez donc, législateurs, d’affermir la République sur les trophées de la victoire et sur les bases du bonheur national. Déjà nous éprouvons que l’ennemi du peuple ne reigne plus et que ses vrais amis triomphent, que le char de la liberté, désormais conduit par des mains pures, entraîne après lui tous les coeurs vertueux. Rallions-nous aux principes, et non aux personnes, et s’il nous faut une idolâtrie, que la patrie seule en soit l’objet. (1) P.V., XLIII, 244. (2) C 316, pl. 1267, p. 33. Bm , 2 fruct. (suppl1). 128 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Au reste, citoyens législateurs, nous n’avons pas à nous reprocher des hommages rendus à l’infâme despote, et notre société populaire se rappelle avec un orgueil républicain que jamais le nom du dominateur Robespierre n’a été entendu dans nos discussions publiques. L’insensé ! Qu’il interprétoit mal nos senti-mens ! Quand la représentation nationale eût tombée sous sa main parricide, pensoit-il que nous eussions courbé un front servile, que nous l’eussions laissé couper à loisir les veines de la patrie et s’abreuver de son sang le plus pur ? Ah, nos bras vengeurs se fussent levés et mille poignards eussent été dirigés sur sa tête odieuse. Nous avons conquis la liberté et quand l’Europe conjurée n’a pu nous la ravir, seroit-elle la proie d’un lâche conspirateur ? Non, nous renouvelions le serment de vivre libres ou mourir et nous y serons fidèles. Fait sur la montagne de Mouy, signé le 10 aoust, an 2 e de la République française. P. -S. Nous vous annonçons que, malgré l’infertilité de notre sol, l’attelier du salpêtre du canton de Mouy vient d’ajouter 800 livres du plus beau salpêtre au 1 400 livres déjà produites. [suivent 23 signatures]. 3 La société populaire de Brienne, département de l’Aube, écrit à la Convention nationale que d’abord elle a reçu avec la plus vive indignation la nouvelle de la conspiration d’un nouveau Cromwel; mais que bientôt la joie a succédé à la douleur en apprenant que pour sauver la patrie elle a bravé tous les dangers et enfin livré au supplice tous les conjurés; elle termine par l’inviter à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (1). [La sté popul. et régénérée de Brienne, à la Conv.; 21 therm. II[ (2) Nous avons appris avec la plus vive indignation le nouveau complot tramé par Robes-piere et ses complices contre la République, mais la douleur a bientôt fait place à la joye lorsque, bravant tous les périls pour sauver la patrie, vous avés sans désemparer livrés au supplice ces modernes Catilina. C’est à votre fermeté enfin que la France doit son salut. Représen-tans, restés à un poste aussi beau et conservés toujours cette attitude majestueuse qui fait pâlir les tyrans. La société n’a plus qu’un désir, plus qu’un voeu : la liberté ou la mort, et le seul cry qu’elle fasse entendre c’est celui de vive la République, vive la Convention ! Un cavalier jacobin pris dans son sein, armé et équipé à ses frais, part à l’instant grossir nos (1) P.V., XLIII, 244. (2) C 316, pl. 1267, p. 34. Mentionné par B‘n , 2 fruct. escadrons et partager les lauriers de nos braves deffenseurs. S. et F. ! Joffroy ( présid .), Crevelle ( secrét .), Theise ( secrét .), Petit ( trésorier ), Mavrin ( secrét.-ar - chiviste). 4 L’agent national près la commune de Roanne (1) informe la Convention nationale que ses concitoyens ont célébré avec toute l’allégresse de la liberté l’anniversaire du 10 août; un cri unanime s’est fait entendre : Mort aux rois , fidélité inviolable à la Convention nationale, vive la République une et indivisible ! Mention honorable, insertion au bulletin (2). [L’agent nat. de la comm. de Roanne, à la Conv.; Roanne, 24 therm. II] (3) Citoyens représentans, Le 10 aoûst apprit aux tyrans que quand un peuple veut être libre il le devient toujours, et qu’il triomphe, et des trames secrètes de l’aristocratie, et des crimes des tyrans coalisés contre sa liberté. Aussi avec quels transports a-t-on célébré dans cette commune cette fête du triomphe de la liberté sur le despotisme ! Un cri unanime s’est fait entendre : mort aux roix, fidélité inviolable à la Convention, vive la République une et indivisible ! L’indignation profonde excitée par les nouveaux complots contre la représentation nationale a donné une nouvelle énergie à tous les sans-culottes qui ont terminé la fête en jurant une haine éternelle aux tyrans sous quelque dénomination qu’ils se présentent. S. et F. ! Vignon {agent nat.). 5 Le combat étoit rude, écrit à la Convention nationale la société populaire de Charly-sur-Marne (4); c’étoit la vérité contre le mensonge le plus raffiné, la vertu contre le vice le plus déguisé; c’étoit enfin la simplicité et la bonne foi contre la perfidie et l’ambition scélérate : et cependant tous ces crimes ont été précipités en un instant de la roche Tarpéïenne qu’ils faisoient semblant d’oser affronter. Elle termine par inviter la Convention nationale à rester à son poste, et jure de lui être inviolablement attachée. Mention honorable, insertion au bulletin (5). (1) Loire. (2) P.V., XLIII, 244. (3) C 313, pl. 1252, p. 2. (4) District d’Egalité, Aisne. (5) P.V., XLIII, 244-245.