28 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l«r juin 1190. circonstances, s’il s’était contenté de surseoir à la contrainte par corps décernée par la municipalité actuelle contre les anciens officiers municipaux. Il règne des divisions entre ceux-ci et les nouveaux officiers ; l’élection est contestée et le comité a renvoyé cette contestation à l’assemblée du département. Il serait convenable d’y renvoyer aussi la reddition des comptes. J’adopte cependant le projet de décret présenté par le comité des rapports. Ce projet est décrété. M. l’abbé Grégoire demande à faire une motion tendant à suspendre l'activité des anciens tribunaux. L’orateur annonce qu’à la première séance du soir il rendra compte de l’adhésion de plus de deux cents curés aux décrets de l’Assemblée nationale, ainsi que des vexations que la plupart éprouvent en diverses parties du royaume à causes des preuves d’attachement qu’ils donnent à la nouvelle Constitution. 11 rend compte qu’un de ses confrères, entre autres, curé de Mondeville, diocèse de Sens, a été saisi au collet par le maire, qu’on lui a déchiré ses vêtements, qu’on a fini par lui laisser le choix ou d’être massacré, ou de faire l’abandon de deux contrats d’acquisition qu'il venait de faire. L’orateur annonce ensuite que depuis le décret de suppression des anciens tribunaux, la défiance s’est tellement répandue sur leurs jugements que les plaideurs emploient toutes sortes des moyens pour éloigner la décision des affaires. Eu conséquence, il demande que le jugement des affaires qui n’exigent pas beaucoup de célérité soit suspendu jusqu’à la nouvelle organisation judiciaire. L’Assemblée renvoie au comité des rapports l’affaire du curé de Mondeville et rejette la motion relative aux tribunaux. M. Le Chapelier, rapporteur du comité de Constitution, fait un rapport sur les irrégularités des assemblées primaires de la ville de Colmar et dit : Le comité de Constitution m’a chargé de vous rendre compte des illégalités qui ont eu lieu dans les assemblées primaires de Colmar. Les décrets rendus sur la contribution patriotique et sur le serment civique n’ont pas été exactement observés. Ou a bien affiché les noms des citoyens qui ont fait leur contribution patriotique, mais on n’a pas publié la quotité des sommes pour lesquelles les citoyens ont fait leur soumission. Le serment civique qui doit être prêté individuellement en faisant prononcer à chaque citoyen, je le jure , a été prêté collectivement. Le commissaire du roi a pris pour les élections des dispositions propres à favoriser l’intrigue et la cabale ; ces assemblées ont été convoquées chacune à deux jours de distance, de manière que la seconde pùt connaître les opérations de la première. Le comité pense que les opérations de ces assemblées doivent être déclarées nulles et que l’on doit ordonner qu’une convocation nouvelle sera faite et indiquée pour le même jour. Voici le projet de décret que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, et avoir examiné les ordonnances du commissaire du roi pour l'établissement des districts et du département du Haut-Rhin, le réquisitoire du procureur de la commune de Colmar, et la délibération de la municipalité de la même ville : « Décrète que les assemblées primaires, dans lesquelles n’ont pas été littéralement exécutés les décrets relatifs à la contribution patriotique, et au serment civique que doit individuellement prêter chaque votant dans les assemblées primaires, sont irrégulières, et que les élections qui y ont été faites sont nulles ; « Qu'en conséquence, lesdites assemblées primaires se réuniront de nouveau pour procéder à de nouvelles élections ; que tout citoyen jouissant de plus de 400 livres de rente, et paraissant auxdites assemblées primaires, ne sera admis à y voter qu’en représentant l’extrait des rôles d’impositions auxquelles il est assujetti, et le certificat de sa déclaration pour la contribution patriotique, lesquels seront lus à haute voix dans les assemblées: qu’avant le scrutin, tous les citoyens prêteront, chacun individuellement, le serment civique dans les mêmes termes et dans la forme décrétés par l’Assemblée nationale ; « Que les assemblées primaires de la ville de Colmar se tiendront toutes le même jour et à la même heure, et procéderont dans le même temps aux élections, et que les derniers décrets rendus le 28 mai relativement aux assemblées primaires, seront littéralement exécutés. » M. le Président consulte l’Assemblée et le projet de décret est adopté. M. de Montesquiou, au nom du comité des finances , rend compte du travail des commissaires chargés de veiller à la fabrication des assignats ; il dit que les précautions les plus minutieuses ont été imaginées et prises pour la sûreté de ce papier-monnaie. Le comité de Constitution propose un projet de décret. Plusieurs membres proposent de discuter et de voter le décret article par article. M. de Montesquiou répond qu’une discussion sur l’ensemble est suifisant parce qu’il y a urgence à prendre une détermination et à ne pas perdre un temps précieux. M. le Président consulte l’Assemblée qui ordonne que la discussion aura lieu sur l’ensemble. Il est fait une nouvelle lecture du projet de décret. M. Moreau (de Tours). Je propose de décréter qu’il y aura des bureaux de vérification dans toutes les principales villes du royaume. M. Rœderer. J’appuie l’amendement qui vous est proposé, car l’assurance que l’on prendra au bureau de vérification facilitera la circulation des assignats. Il faut également que les personnes qui signeront les assignats répondent de leur sincérité. M. Martineau. Si l'on adoptait la vérification, il faudrait établir des bureaux dans toutes les villes et dans tous les bourgs du royaume, ce qui serait créer des obstacles à la circulation, sous prétexte de procurer des assurances. Je désapprouve également l’obligation que M. Rœderer veut imposer aux endosseurs , parce que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er juin 1790.] 29 l’endossement n’est proposé par le comité des finances que pour assurer la propriété de l’effet à la personne qui y sera nommée et pour éviter les interceptions. Je demande la question préalable sur les amendements. La question préalable est prononcée. Le projet de décret est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : >< L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des commissaires du comité des finances chargés de surveiller la fabrication des assignats, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les 400 millions d’assignats créés par les décrets des 19 et 21 décembre 1789, 16 et 17 avril 1790, seront divisés en douze cent mille billets, savoir : « 150 mille billets de mille livres; « 400 mille billets de trois cents livres ; « 650 mille billets de deux cents livres. « Les billets de mille livres seront divisés en six séries, de 25,000 billets chacune, numérotés depuis un jusqu’à 25,000. « Les billets de trois cents livres seront divisés en huit séries, de 50 mille billets chacune, numérotés depuis 1 jusqu’à 50,000. «< Les billets de deux cents livres seront divisés en treize séries, de 50,000 billets chacune, numérotés depuis 1 jusqu’à 50,000. Art. 2. « Les billets de mille et de deux cents livres seront imprimés sur du papier blanc, et ceux de trois cents livres sur du papier rose. « Le3 billets de mille livres seront imprimés en lettres rouges ; ceux de trois cents et de deux cents livres, en lettres noires. Art. 3. « Chaque assignat aura pour titre : Domaines nationaux hypothéqués au remboursement des assignats décrétés par l'Assemblée natio-lale les 19 et 21 décembre 1789; 16 et 17 avril 1790, sanctionnés par le roi. « Le corps de l’assignat contiendra un billet à ordre sur ta caisse de l’Extraordinaire, signé au bas dudit billet, par le tireur, et au reovers par l’endosseur, lesquels tireur et endosseur auront été nommés par le roi. Art. 4. « Au-dessus du billet à ordre sera imprimée l’effigie du roi ; et au-dessous dudit billet, un timbre aux armes de France, avec ces mots : la Loi et le Roi. Art. 5. « Trois coupons d’une année d’intérêt chacun seront placés au bas de chaque assignat; et au revers des lignes qui les séparent, seront imprimés les mots Domaines nationaux et Caisse de T Extraordinaire. Ces mots seront disposés de manière qu’on ne puisse séparer le coupon de l’assignat, sans en couper une ligne entière dans sa longueur. « Un timbre sec, aux armes de France, sera frappé sur le revers desdits coupons. Art. 6. « Le revers de l’assignat sera divisé en plusieurs cases, dont la première recevra la signature de l’endosseur nommé par le roi. Les autres cases serviront aux autres endosseurs, s’il y a lieu. Art. 7. « Il pourra être établi dans chaque ville chef-lieu de département, et dans toutes autres villes principales du royaume, sur leur demande, un bureau de vérification sous la surveillance, soit des municipalités, et d'après le règlement que le roi sera supplié de rendre. « D’après les demandes qui seront faites par lesdites assemblées de département ou municipalités, il leur sera adressé les instructions nécessaires pour la personne commise à la vérification. « Un double de cette instruction sera déposé au greffe du tribunal du département. Art. 8. « Les vérificateurs seront tenus, toutes les fois qu’ils en seront requis, de procéder, sans frais, à la vérification des assignats qui leur seront présentés et de les certifier. Art. 9. * Lorsque les assignats seront envoyés par la poste, ils pourront être passés à l’ordre de celui à qui ils seront adressés ; et dès lors, ils n’auront plus de cours que par sa signature. Art. 10. « Les formes qui auront été employées pour la fabrication du papier, ainsi que les lettres majuscules, les planches gravées et les différents timbres qui auront été employés à leur composition, seront déposés aux archives de l’Assemblée nationale, et ne pourront en être déplacés que par un décret spécial .» M. le Président annonce que M. Henrion de Bussy fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : De la destruction de la mendicité. L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention de cet hommage au procès-verbal et que le projet de M. de Bussy sera renvoyé au comité de mendicité. M. le Président. M. de Cernon demande à faire un rapport , au nom du comité des finances, sur les besoins actuels du Trésor public. M. de Cernon. C’est au commencement du mois que nous devons vous rendre compte de l’état du Trésor public. La section du comité des finances, chargée de recevoir semaine par semaine les états de recette et de dépense du Trésor royal, m’a confié le soin de vous présenter ce rapport. Le3 dépenses du mois se sont élevées à 31 millions 607,000 livres. Il reste en caisse 13 millions 160,000 livres, dont la plus grande partie est en argent. Le mois qui commence se trouve chargé de l’acquittement des anticipations. Cet acquittement ne peut se faire qu’avec des assignats ou des billets de caisse qui les remplace provisoirement. Le comité propose, en conséquence, le décret suivant : « L}AssembIée nationale, considérant le délai indispensable pour la fabrication des assignats et la nécessité de réunir un grand nombre de précautions pour éviter les contrefaçons ; considérant également que leur emploi est urgent pour le service du mois de juin, a décrété et décrète que la Caisse d’escompte fournira au Trésor publie 20 millions de billets portant promesse d’assignats, lesquels seront remplacés par des assignats sitôt leur fabrication. » J’observe que ce n’est point ici un nouveau prêt de la Caisse d’escompte, mais un emploi que vous faites des assignats suivant leur destination. J’ajoute que la section chargée de suivre les opérations du Trésor royal ne peut encore offrir le compte des dépenses depuis le mois de mai 1789 jusqu’à ce moment. Ce travail immense fait au Trésor public ne lui a pas encore été remis. M. Rewbell. Je m’oppose à ce qu’on accorde les 20 millions demandés; il faut fournir aux dépenses nécessaires du Trésor public ; mais s’il est aisé de connaître les dépenses, il n’en est pas de même de la recette. Nous avons demandé l’état du recouvrement des impositions et de l’arriéré des receveurs généraux et particuliers. Ce décret n’est point exécuté.