{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. £1S avril 1790.} 719 M. de Clermont-Lodève retire son amendement et se réfère à celui de M. l’abbé Maury. M. Muguet demande la question préalable sur tous les amendements. Elle est mise aux voix. A la première partie, la majorité se lève. — A la contre-partie, personne ne se lève. L’Assemblée décide donc unanimement qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements. La motion de M. de La Rochefoucauld est décrétée de la même manière. La partie droite de l’Assemblée se lève. M. le vicomte de Mirabeau, M. de Faucigny, M. Duval d’Eprémesnil, et tous les autres membres placés dans cette partie de la salle, lèvent les mains au ciel, et disent : Nous jurons, au nom de Dieu et de la religion, que nous professons.. (Le reste n’est point entendu.) M. de Lafayette monte à la tribune aux applaudissements d’une partie de l’Assemblée. M. le marquis de Foucault. Vous ne m’avez pas permis de finir mon opinion... M. le Président demande à lever la séance. La gauche de l’Assemblée s’y oppose. M. le marquis de Foucault. Avant d’entamer la discussion, je vous prierai de demander à M. le marquis de Lafayette, mon collègue, si c’est sur l’interpellation que j’ai eu l’honneur de lui faire qu’il veut parler. M. de Lafayette. Oui. M. le marquis de Foucault. Je m’adressais à M. lemairedeParisetàM.lecommandantdela garde nationale ; je disais à l’un : Pourquoi ne dissipez-vous pas les citoyens attroupés? Je disais à l'autre, comme l’Assemblée nationale au roi : Faites retirer vos soldats. Si on me répond, mais c’est pour votre sûreté; je dirai, mais on aurait dû nous prévenir, afin de ne pas nous effrayer ..... L’improbation que je viens de recevoir me prouve que la frayeur ne prend pas sur l’esprit de cette Assemblée ..... Je suis forcé en même temps de dire que je partage cette sécurité : la crainte et la terreur n’ont jamais eu de prise sur moi, et n’en auront jamais. {On rit.) Mais il me semble cependant que ceux qui nous ont envoyés pour les représenter, ne nous ont pas envoyés pour faire des lois le sabre à la main. {On rit.) Il me semble de plus qu’il n’est pas toujours donné à un législateur d’avoir le courage de ne pas s’effrayer. La preuve qu’il existait un danger, c’est que le commandant de la garde nationale a fait environner cette salle de soldats. Je fais donc la motion qu’à l’avenir, l’Assemblée nationale prenne pour exemple le parlement d’Angleterre, et que jamais les troupes ne puissent approcher Paris de plus de trois lieues. {On rit.) M. le marquis de Lafayette. Messieurs, quelques personnes ayant témoigné à M. le maire de Paris, des inquiétudes sur la tranquillité de la capitale, inquiétudes que ni lui ni moi n’avons cru en aucune manière être fondées, il a pensé néanmoins devoir m’ordonner quelque augmentation à la garde citoyenne dont l’Assemblée nationale a daigné s’entourer. Permettez-moi, Messieurs, de saisir cette occasion pour répéter à l’Assemblée, au nom de la garde nationale, qu’il n’est aucun de nous qui ne donnât jusqu’à la dernière goutte de son sang pour assurer l’exécution de ses décrets, la liberté de ses délibérations, et garantir l’inviolabilité de chacun de ses membres. (M. l’abbé Maury monte à la tribune.) M. le Président. Le décret que vous venez de rendre porte qu’on reviendra à l’ordre du jour. Il faut ou décréter le contraire, ou reprendre l’ordre du jour, ou lever la séance. L’Assemblée est consultée, et la discussion concernant les biens ecclésiastiques est remise à demain. Les membres de la partie droite se lèvent, s’agitent et sortent peu à peu. — Il est quatre heures. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 13 avril 1790. Nota. La pièce ci-dessous se rattache, à la séance de l’Assemblée nationale du 13 avril 1790; c’est à ce titre quenous l’insérons dansles Archives parlementaires. ' M. de Cazalès et le vicomte de Mirabeau, insultés en sortant de U Assemblée nationale , le 13 avril 1790, croient devoir au public le récit de cet événement, de peur que les journaux ne le dénaturent et ne V exagèrent. Nous sortions de l’Assemblée nationale par la grande porte; nous étions parvenus à la moitié de l’allée qui conduit à la cour du Manège, lorsque nous avons rencontré deux dames; nous leur avons offert le bras. A peine avions-nous fait quelques pas, que nous avons vu venir une grande quantité d’hommes sortant des Tuileries et du passage qui mène à la rue Saint-Honoré. Il était difficile de distinguer l’objet de leur course ; mais ils couraient tous. Nous étions précédés de 25 ou 30 grenadiers qui avaient été de garde à la salle et s’en retournaient. L’officier qui les commandait leur a ordonné de se mettre en ligne, ce qui a été exécuté ; cela en a imposé au peuple. Cependant un bourgeois ayant un sabre au côté, s’est approché du vicomte de Mirabeau, et a dit ; ces gueux-là sont très heureux d’avoir une garde. Le vicomte de Mirabeau a désigné cet homme à la garde, ne pouvant quitter le bras de la dame qu’il conduisait. L’homme s’est perdu dans la foule. Nous avons alors engagé les dames à entrer dans une maison et nous avons voulu poursuivre seuls notre route. Les grenadiers nous ont offert de nous reconduire; nous leur avons répondu que nous n’en avions pas besoin, que nous étions d’un métier où on bravait le danger, mais que nous étions reconnaissants de leur offre ; ils ont insisté avec infiniment d’honnêteté. Au moment où nous percions la foule pour gagner le passage, nous commencions à être fort serrés ; un homme est venu mettre le poing sous le nez du vicomte de Mirabeau et lui a dit : Infâme gueux, tu périras! Le vicomte de Mirabeau a mis l’épée à la main et il s’est fait une escarre dans le peuple. MM. les officiers de la garde nationale ont profité de ce moment pour nous entourer et nous offrir de nouveau leur sauvegarde. Nous avons mar-