556 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mai 1791.] siales de Saint-Pierre et de Saint-Nicolas seront conservées provisoirement comme oratoires. Art. 7. « Les curés des paroisses auxquelles sont attachés les oratoires dénommés au présent décret enverront respectivement, les dimanches et fêtes, un vicaire y célébrer la messe, et faire les instructions spirituelles, sans pouvoir y exercer les fonctions curiales. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité diplomatique et d'Avignon sur l'affaire d'Avignon et du Comtat Venais-sin (1). M. Merlin paraît à la tribune. M. Démeunier. Je prie Monsieur le Président de rappeler l’état de la délibération. M. le Président. C’est précisément ce que je vais faire. Hier, après que la discussion sur la question de priorité a été fermée, on a demandé l’appel nominal sur la question de savoir à quel projet de décret serait accordée la priorité. L’Assemblée a ensuite décrété que l’appel nominal se ferait, non pas sur cette question de priorité, mais sur le fond même du projet de décret du comité. Une longue discussion s’tst ensuite engagée sur la manière de poser la question ; mais, en raison de l’heure et conformément au vœu de l’Assemblée, j’ai dû lever la séance, sans qu’une décision ait été prise. Je donne maintenant la parole à M. Merlin sur la manière de poser la question. M. Merlin (2). Il est temps enfin que l’Assemblée nationale sorte de la situation pénible dans laquelle l’a entraînée la discussion d’une affaire qui aurait dû être différée de plusieurs années. C’est pour y parvenir que je vaisdemander qu’en exécution au décret d’hier, par lequel l’Assemblée nationale a décrété qu’elle irait par appel nominal sur le fond du pro;et du comité diplomatique, que le premier article de ce projet soit mis aux voix, et que M. le Président soit autorisé à poser ainsi la question : « Ceux qui seront de l’avis du premier article du comité répondront : Oui ; ceux qui ne seront point de cetavis répondront : Non. » La délibération ne peut rouler que sur cette alternative et tout parti mitoyen offrirait les plus grands dangers, soit en préjugeant une question qu’on ne veut pas décider, soit, par une conséquence nécessaire, en violantun territoii eétranger qu’on se refuserait à déclarer être partie intégrante de l’Empire français. Et je vous demanderai à cette occasion si la France a à se repentir de la conduite loyale qu’elle a suivie à l’égard des Brabançons qui voulaient aussi nous faire partager leur querelle et nous entraîner dans une mesure dangereuse et peut-être funeste pour notre repos. 11 résulte de la discussion qui a eu lieu à la dernière séance et dans les précédentes, que les opinions sont partagées dans cette Assemblée tant sur la question de droit positif, à savoir si (1) Voy. ci-dessus, séance du 3 mai 1791, p. 528et suiv. (2) Le discours de M. Merlin n’a pas été inséré au Moniteur. Avignon et le Comfat sont partie intégrante da l’Empire français, que sur le point de fait, à savoir si le vœu des Avignonais et des Comtadins est suffisamment constaté et s’il peut être légitimement accepté. Les choses étant en cet état, il est certain que le premier article du comité, portant qu’Avignon et le Comtat sont déclarés partie intégrante de l’Empire français, sera adopté par tous ceux qui, soit en vertu au droit positif, soit en vertu du vœu des Comtadins et des Avignonais, considèrent ces deux pays comme appartenant à la France ; il sera rejeté au contraire par tous ceux sur lesquels ni l’un ni l’autre de ces moyens n’ont fait impression. Mais quel que soit le parti qui l’emporie, soit que l’une suit que l’autre opinion triomphe, tout sera terminé. et il faut que tout le soit, ou par l’adoptiou ou par le rejet de l’article du comité. En effet, ou bien l’Assemblée décidera pour l’affirmative et déclarera qu’Avignon et le Comtat sont partie intégrante de l’Empire français. Etalors la réunion de l’un et l’autreà la France devient unesuite nécessaire de cette dé laration, car nous ne pouvons dans cette supposition laisser un instant nos frères dans le trouble de l’anarchie, dans les horreurs de la guerre civile; alors le peuple avignonais et comtadin adroit à tous les avantages de notre association politique et tout ce que nous ferons pour eux aura tous les caractères de la légalité et de la justice. Si au contraire l’Assemblée se décide pour la négative, si elle déclare qu’Àvignon et le Comtat ne sont pas partie intégrante de l’Empire français, par cela même il sera jugé que les Gomta-dins et les Avignonais sont étrangers pour nous; par cela même il sera jugé que nous ne devons pas nous mêler de leurs discussions intestines (Murmures à droite; vifs applaudissements à gauche.)-, par cela même il sera jugé que leurs droits sont indépendants de la France, qu’ils forment une corporation dont les intérêts sont séparés de nos intérêts, et toute démarche que nous nous permettri ns à leur égard serait une violation manifeste du droit des peuples ; par cela même encore il sera jugé que nous devons aujourd’hui renouveler aux yeux de toute l’Europe le grand exemple d’impartialité que nous avons donné l’année dernière au sujet des Brabançons, par cela même il sera jugé que nous devons prier le roi de faire incessamment exécuter sur les frontières du Comtat et d’Avignon la loi sur le reculement des barrières et l’établissement des douanes, de rappeler ou se faire délivrer sans délai les Français déserteurs et prévenus de crime qui se sont réfugiés soit dans le Comtat soit dans Avignon; par cela même enfin il sera jugé, et nous devons le déclarer nettement, que les Avignonais et les Comtadins sont et ont toujours été étrangers à la France et qu’ils doivent être traités comme tels, nonobstant (ous privilèges et usages existants jusqu’à présent. Comment, en effet, Messieurs, souffririons-nous que des étrangers conservassent des privilèges au milieu de nous, quand nous n’avons voulu, ni pu vouloir en conserver aucun à des Français ? Ainsi, point de milieu : les Avignonais et les Comtadins sont ou Français ou étrangers ; il faut que nous le déclarions loyalement. Français, c’est Fadoption du premier article du comité; étrangers, c’est le rejet. Et si cet article est rejeté, nous ne devons plus, fidèles à nos maximes et à nos principes, nous mêler de leurs différends. Nous ne ferons pas comme ces trois puissances qui,ea intervenant dans les querelles de la Pologne, ont 557 l Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES» |4 mai 1T91.] fini par se la partager, ni comme la Russie qui, en s’entremettant dans les guerres de la Crimée, a fini par l’envahir. Enfin, ceci mérite encore une attention sérieuse, nous ne commettrons pas la double imprudence d'enrichir à nos dépens les Avi-gnonais et les Gomtadins en faisant dépenser parmi eux la solde de nos troupes et de sacrifier nos troupes elles-mêmes en les exposant à la tentation de se débander et de prendre parti dans la guerre. Je conclus donc qu’il faut franchement adopter ou rejeter le premier article du projet du comité, et je demande qu’on aille aux voix par oui et par non sur cet article. ( Vifs applaudissements à gauche.) M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Je demande la parole. M. Moreau. Je demande la parole pour combattre la proposition de M. Merlin. (Murmures.) Les membres de l’extrême gauche se lèvent et demandent à aller aux voix. M. le Président. La parole est à M. de La Rochefoucauld-Liancourt. M. de La Rochefoucauld-Liancourt (1). J’ai demandé la parole pour m’opposer à la manière dont le préopinant propose de poser la question ; voici ma raison. Je demande à l’Assemblée de lui rappeler ce qui s’est passé hier. Dans la séance d’hier, il yaeu des incertitudes sur la priorité; on a proposé d’aller aux voix par appel nominal sur cette question, et enfin, pour abréger, on a décidé d’aller aux voix par appel nominal sur le fond même de la proposition du comité. Or de quoi est-il question? 11 s’agit de la réunion actuelle ou de la réunion éventuelle d’Avignon. Plusieurs membres à gauche : Ce n’est pas cela. M. de La Rochefoucauld-Liancourt. 11 n’est personne dans cette Assemblée qui ne sache que cette question est très délicate; qu’elle est très importante; que quelque parti que vous preniez, vous ne pourrez guère en prendre un bon. Il est donc question d’apporter à cette aflaire importante tout le froid de la délibération, et je demande qu’ou m’écoute avec attention. Je dis que la manière dont le préopinant vous propose de poser la question la dénature entièrement; car en somme il vous propose d’aller aux voix article par article et de dire : « L'Assemblée nationale déclare que les terres du Comtat et d’Avignon font partie intégrante de l’Empire français. »> Il y a peut-être dans l’Assemblée beaucoup de personnes à qui il reste de l’incertitude sur les droits de la France et sur le vœu des Avigno-nais et que cette manière de délibérer empêcherait d’émettre leur vœu. ( Murmures à gauche.) Quant à moi, quoiqu’il y ait des intolérants qui ne veulent pas qu’on ait son opinion à soi, je déclare que j’ai du doute et que si je n’en avais pas je voterais avec beaucoup de plaisir pour la réunion. Pltisieurs membres à gauche : Vous direz non. (1) La fin de celte séance est très incomplète au Moniteur. M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Je dis, Messieurs, que ceux qui, la question ainsi posée, diraient non, déclareraient dès à présent qu’ils ne reconnaissent à la nation française aucun droit sur les terres d’Avignon, et qu’ils ne croient pas qu’Avignon puisse jamais être réuni à la France. Or ce n’est pas cela dont il est question ici ; il s’agit de savoir si l’Assemblée déclarera ou non aujourd’hui que le Comtat Venais-sin et la ville d’Avignon font partie intégrante de l’Empire français. Telle est à mon sens, Messieurs, la manière dont la question doit être posée. On vous dit que vous laissez alors Avignon dans la guerre civile et que vous prouverez aux puissances étrangères que vous n’avez pas fait comme les nations qui ont partagé la Pologne et qui ont envahi la Crimée. Or, Messieurs, beaucoup de personnes qui ne croient pas que vos droits ne sont pas incontestables et qui sont persuadées surtout que le vœu des Avignonais n’est ni libre, ni véritablement le vœu de la majorité, s’opposent à la réunion actuelle, mais non pas à la réunion qui, en vertu de droits mieux prouvés, pourrait avoir lieu par la suite. Vous voyez donc que le mode de délibération qui vous est proposé serait d’un très grand danger. Quant à moi, je déclare avoir rencontré plusieurs Avi-gnonais étrangers à c.tte Assemblée, excellents patriotes, partisans de la réunion, qui m’ont assuré que le vœu du Comtat était plutôt contraire que favorable à la réunion. Plusieurs membres à gauche : Ce n’est pas vrai. M. de La Rochefoncauld-Lianconrt. Gela peut être ou n’ètre pas vrai; toujours est-il certain que des gens parfaitement honnêtes me l’ont ait, et je suis fait pour le croire. D’après cela, Messieurs, je continue et je crois que la nation française donnerait un grand exempte de modération en ne se mêlant pas dts affaires d’un pays étranger, et qu’elle donnerait, au contraire, un grand exemple d’immoralité, de lésion du droit des gens, des nations et des peuples en entrant dans un pays où il est extrêmement douteux qu’elle soit appelée. Je voudrais donc que nous nous tenions littéralement au décret rendu hier, et au lieu du premier article du comité tel qu’on le propose de mettre aux voix, je demande que la question soit ainsi posée : « L’Assemblée prononcera-t-elle aujourd’hui qu’elle déclare le Comtat Venaissin et la ville d’Avignon parties intégrantes de l’Empire français. » (Murmures à l'extrêtne gauche.) M. Robespierre paraît à la Iribune. (Murmures.) Un grand nombre de membres : Aux voix! aux voix ! la motion de M. Merlin. Plusieurs membres : Parlez ! parlez 1 Un membre : On ne peut aller aux voix sans fermer la discussion. M. le Président. Messieurs, on fait de toute part la motion expresse d’aller aux voix sur le fioÎDt de savoir si la question sera posée comme e propose M. Merlin ; d’autres disent qu’on ne peut aller aux voix sur cette motion sans décider auparavant que la discussion est fermée; on demande enfin que M. Robespierre soit entendu. Je |, vais consulter l’Assemblée. 538 [Assemblée nationale.) M. MaUuet. Je demande la parole sur cela. Un grand nombre de membres : A l’ordre ! à l’ordre! M. BouUeville-Dnmetz. Vous ne pouvez pas aller ainsi aux voix. M. Dupont. Monsieur le Président, je demande la parole sur la manière dont vous devez remplir vos fonctions. M. Malouet. Je n’ai que quatre phrases à dire. (Murmures.) M. Regnaud (de Saint-Jean d' Angély). Je crois que la manière dont M. Merlin a posé la question a ce grand inconvénient de mettre une partie de l’Assemblée dans l’impossibilité d’émettre son vœu. ( Murmures à gauche .) Un membre à gauche : Pourquoi prenez-vous la parole? Un membre au centre : Laissez donc parler! M. le Président. C’est traiter la question au fond. M. Bouche. Consultez l’Assemblée. M. Chabrond. Je prie l’Assemblée de nous tirer d’embarras et de suivre l’idée de M. Merlin. Plusieurs membres : La discussion fermée. Un grand nombre de membres : Non ! non! M. le Président. Si la discussion continue, M. Robespierre a la parole. M. Robespierre. Nous proposons de déclarer qu’Àvignon et le Comtatfont partie intégrante de PEmpire français : c’est de cette manière que doit être posée la question, par la nature même des choses, puisque la question de la réunion actuelle ou future, et toutes les questions secondaires qui vous ont été proposées, dépendent de cette première question : Aeo?is-nous des droits sur .4id-gnon ? Il est évident que vous ne pouvez prendre à l’égard des Avignonais que deux partis et qu’il n’y a pour eux que deux manières d’exister vis-à-vis de nous : il faut que vous les considériez ou comme sujets de l’Empire français ou comme indépendants. S’ils sont sujets de la France, vous ne pouvez vous dispenser de déclarer leur réunion à l’Empire; s’ils sont indépendants, c’est un abus de vouloir se mêler de régler leur sort et nous ne pouvons y envoyer ni troupes, ni commissaires pour trancher leurs querelles domestiques et faire pencher la balance du côté des ennemis de la liberté. (Murmures.) Plusieurs membres. Ce n’est pas là la question. M. Robespierre. Il faut ou aller aux voix OU me donner du silence. (Murmures à droite.) Il est évident que vous ne pouvez pas prendre d’autre parti que celui que vous propose M. Merlin; je demande, en conséquence, que M. le Président mette aux voix la question de savoir si le peuple avignonais et comtadin fait ou ne fait pas partie du peuple français. (Bmit prolongé.) [4 mai 1791.] M. Legrand. Puisque M. Robespierre ne nous dit rien qui puisse nous éclairer, je demande ue la discussion soit fermée ; c’est le seul moyen ’en sortir. Plusieurs membres : Oui! oui! MM. l’abbé Maury et Regnaud (de Saint Jean-d’ Angély) paraissent à la tribune. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). D’après la proposition de M. Merlin, un quart de l’Assemblée ne peut pas délibérer ..... M. le Président. Vous n’avez pas la paro'e. M. Regnaud (de Saint-Jean-d.' Angély) ..... il est impossible qu’une portion de l’Assemblée (Murmures.) ..... M. le Président agite violemment la sonnette. M. Regnaud (de Saint-Jean-d Angély) . La puissance de votre sonnette ne m’empêchera pas de dire la vérité; le bruit de la sonnette n’avance pas la délibération. (Quelques instants se passent dans le tumulte et au milieu d’altercations particulières.) M. le Président rappelle l’état de la délibération et se dispose à mettre aux voix la motion de M. Merlin. (Interruptions.) M. l’abbé Maury. Je demande la parole contre pour une minute. Plusieurs membres : A votre tour. M. de La Tour-Manbourg. Messieurs, il me paraît impossible de délibérer sur la question posée par M. Merlin, parce que, dans mon opinion, par exemple, je pense que nous avons infiniment plus de droits que le pape sur le Comtat Venais-sin, mais que nous n’en avons pas autant que le peuple. Je pense que nous pouvons, que nous devons même nous mettre en possession d’Avignon et du Comtal; mais nous devons aussi reconnaître les droits du peuple et lui donner les moyens d’émettre un vœu libre, légal et constitutionnel. (Murmures à gauche ; applaudissements au centre.) Nous avons des droits incontestables à protéger ce pays; nous le devons même, parce que la tranquillité des départements voisins est intéressée à ce que nous maintenions l’ordre. Voilà donc vos droits et vos devoirs suffisamment exprimés; mais si vous avez plus de droits sur Avignon que le pape, vous n’en avez pas autant que le peuple. Pour prononcer la réunion, vous devez consulter le vœu des habitants, ce ne sont pas les pièces que vous avez ici qui vous expriment ce vœu; le rapporteur lui-même ne vous les a pas garanties; et j’ajoute qu’elles ne peuvent pas être des preuves pour moi qui ai été sur les lieux et qui ai vu, avec certitude, qu’elles avaient été arrachées. Je dis donc d’après cela, Messieurs, qu’après avoir rétabli l’ordre dans ce pays, en vertu des droits de souveraineté que nous avons sur lui. (Murmures à gauche.) ..... Un membre . Quelle contradiction ! ARCHIVES PABJLEM EM AIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mai 1791.] M. de La Tour-Mau bourg ..... il est de votre géDérosité de consulter le peuple. Je demande qu’on prenne des mesures et qu’on ajourne le décret sur la réunion jusqu’à ce que le vœu du peuple ait été librement exprimé. M. Buiot. Rien ne prouve mieux la nécessité de délibérer d’abord sur le premier article du comité, que ce que vient de aire le préopinant. Puisque c’est en vertu de votre droit de souveraineté qu’on vous propose de prendre des mesures pour rétablir la paix à Avignon, il faut commencer par déclarer vos droits ; c’est là ce que vous avez décrété. Il me semble que ce qui doit régler votre délibération, c’est le procès-verbal ; or, le procès-verbal, lu ce matin, a prouvé à l’Assemblée que tout tenait précisément à la question que vous a proposée M. Merlin. 11 est dit qu’après avoir été longtemps en débats pour savoir si l’on irait à l’appel nominal sur la priorité demandée pour le projet de décret du comité, un membre de ce côté (il désigne la droite) a proposé d’aller aux voix par l’appel nominal sur le fond du projet du comité et que cette mention a été décrétée par l'Assemblée ; or, le fond du projet du comité se trouve dans le premier article; si ce premier article ne passe pas, vous pouvez proposer d’autres projets ; mais vous devez vous en tenir à ce que vous avez délibéré vous-mêmes ; voilà donc rétat de la question : il n’est pas d’autre moyen de sortir de l’embarras où vous êtes. Permettez-moi une dernière réflexion : c’est qu’il est véritablement douloureux de voir que, pour conserver peut-être quelques comtés, quelques marquisats, quelques évêchés, dans le Com-tat Venaissin ( Applaudissements ), on ne veuille pas enfin déclarer un fait qui est véritablement incontestable, et sur lequel personne ne pourra dire non. ( Applaudissements à gauche.) Une 'partie du côté gauche demande que la discussion soit fermée. M. Regnand (de Saint-Jean-d'Angély). Je demande la parole sur la proposition de lermer la discussion. Les membres de l'extrême gauche demandent à aller aux voix. M. Emmery. Je demande la parole pour une motion d’ordre. M. Martineau. J’ai la parole; je la prends si on ne ferme pas la discussion. M. Emmery. Si l’on veut m’écouter un instant, nous en sortirons. M. Rœderer. Je demande à prouver que la discussion doit être fermée. Plusieurs membres : Aux voix, aux voix. (Bruit). M. le Préaident. Je vais consulter l’Assemblée sur la motion de fermer la discussion. (L’épreuve est commencée.) M. Emmery. Voilà un décret comme celui d’hier que l’on n’a pas entendu. M. le Président. On a fait la motion expresse de mettre aux voix de fermer la discussion, elle a été fortement prononcée, je ne pouvais pas me dispenser de la mettre aux voix. (Murmures.) J’exige, au nom de l’Assemblée même, qu’on m’entende jusqu’à la fin. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély) m’a demandé d’un autre côté la parole sur la question de savoir s’il serait entendu avant de fermer la discussion; il s’est depuis réuni et a consenti ?[u’on mette aux voix si la discussion serait ermée. Enfin M. Emmery a demandé la parole pour une motion d’ordre sans s’expliquer sur la question de savoir si la discussion serait fermée ou non. (Murmures.) Je dois consulter l’Assemblée. M. d’André. Vous ne pouvez pas refuser la arole pour une motion d'ordre, M. Emmery doit tre entendu. Une partie du côté gauche se lève pour appuyer la motion de M. d’André. (Bruit prolongé.) M. le Président. Je demande la parole pour moi-même, car le tumulte des discussions empêche même votre président de se faire entendre. La motion a été faite de fermer la discussion sur la proposition de M. Merlin; je ne puis me dispenser de mettre cette proposition aux voix. M. Emmery, C’est une motion d’ordre que je veux faire. M. le Président. Je suis loin de vouloir refuser la parole à M. Emmery; mais on m’observe de toutes parts qu’à la faveur des demandes pour motion d’ordre on prolonge la discussion. (Murmures.) M. Dupont. M. le Président opine... M. le Président. Je ne puis d’ailleurs accorder la parole sur une motion d’ordre sans consulter le vœu de l’Assemblée. Plusieurs membres : Aux voix, aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète que M. Emmery sera entendu.) M. Emmery. J’ai demandé la parole pour une motion d’ordre, parce que je crois que c’est effectivement l’ordre qu’il s’agit de rétablir dans l’Assemblée où l’on ne sait véritablement plus, ce me semble, quel est l’état de la délibération. (Murmures.) Voix diverses : Gela est vrai! — Quelle sottise 1 M. Emmery. Je pense que pour mettre de l’ordre dans la délibération il n’y a pas d’autre mesure à prendre que celle d’aller aux voix sur la motion de M. Merlin. Je m’explique : Que dit M. Merlin? M. Merlin dit : Je fais la motion que l’on aille aux voix par appel nominal sur le premier article du comité. — Il s’agit de savoir si l’on mettra aux voix ce premier article ; beaucoup de membres sont très embarrassés d’émettre un vœu sur le fond de cet article, mais, quelle que soit leur opinion, il faut savoir d’abord s’il sera mis aux voix. Or, Messieurs, remarquez bien que M. Merlin n’engage pas vos opinions sur la question : ceux qui sont d’avis que l’on peut aller aux voix d’une manière nette, précise, en délibérant sur le projet du comité, adopte?* 560 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 mai 1791.J ront la motion de M. Merlin, c’est-à-dire, diront u’il faut aller aux voix sur le premier article u comité; ....... Plusieurs membres à gauche : Ce n’est pas cela. M. Emmery... ceux qui pensent que cet article les gêne , dans leur vœu, rejetteront la proposition de M. Merlio. N'est-il pas vrai que notre embarras actuel naît de ce que les uns veulent, par un motif ou par un autre, que l’appel nominal porte sur le premier article du comité, de ce que les autres ne le veulent pas. La motion de M. Merlio tend à ce qu’on délibère Fur le premier article du comité. Mais, certes, M. Merlin laisse, — quand il ne la laisserait pas, c’est la même chose, — il laisse, dis-je, la liberté de dire oui ou non. S’il est dit oui sur la motion de M. Merlin, nous sommes tous d’accord; la loi est faite; on votera sur L* prunier article du comité, on s’en retirera comme on pourra. (Murmures.) Est-il possible que vous ne distinguiez pas une principale motion et une seconde motion? La motion première est celle-ci : « L’Assemblée nationale décrète que le Comtat Venaissin et Avignon font partie intégrante de l’Empire français. » Plusieurs membres : Et le décret d’hier? M. Emmery. On m’objecte qu’il y a un décret; cela n’empêche pas que M. Merlin n’ait fa t une motion, qui e.-t vraiment une motion d’ordre sur la motion principale. Quant à moi, je professe que j’admets la première et rejette lu seconde. M. lier lin M. Emmery a dénaturé ma motion; tout ce que j’ai demandé, c’est qu’en exécution du décret que vous avez rendu hier d’aller aux voix sur le fond de la question, les voix soient actuellement prises par appel nominal sur le point de savoir si vous admettrez ou si vous rejetterez l’article premier du projet du comité. ( Applaudissements .) M. Emmery. Je ne l’entends pas autrement. M. Brueys d’Aigalliers. La question préalable. (Bruit.) (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. le Président. Je mets aux voix la motion de M. Merlin. (L’épreuve a lieu au milieu du bruit.) M, le Président. L’Assemblée décrète que la délibération sera établie suivant la motion de M. Merlin. Un grand nombre de membres à gauche : On n’a pas entendu. (Bruit.) M. de La Rochefoueault -Liancourt. Je demande à dénoncer à l’Assemblée la mauvaise foi de M. le Président. Plusieurs membres : Oui ! oui I M. Prieur. Je demande la parole pour vous défendre. M. Gombert. Recommencez l’épreuve, Monsieur le Président. Plusieurs membres au centre : Oui 1 oui ! recommencez ! M. le Président. Je vous avoue, Messieurs (Murmures) ....... On fait à chaque instant le reproche à votre président de ne pas faire avancer la délibération (Bruit)-, et cependant quand une motion e t mise aux voix, ou crie, on interrompt, ensuite on dit qu’on n’a pas entendu. Il ne doit pas y avoir ici de délibération par surprise ; il faut donc renouveler l’épreuve. Je pose ainsi la question : Que ceux qui veulent adopter la proposition de M. Merlin se lèvent. (L’épreuve a lieu.) M. le Président. L’Assemblée a décrété qu’elle adoptait la motion de M. Merlin. (Quelques minutes se passent au milieu du bruit.) M. l’abbé llaury. Avant qu’on aille à l’appel nominal, je dois annoncer à l’Assemblée qu’elle n’aura rien fait encore, parce que la Provence, dont le Comtat est partie intégrante, ne veut pas la réunion. M. le Président. Le premier article du comité, sur lequel l’Assemblée a décrété qu’elle irait à l’appel nominal, est conçu en ces termes .- « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d’Avignon, déclare : « Que le Comtat Venaissin et la ville d’Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font parties i ntégrantes de l’Empire français. » Ceux qui sont d’avis d’adopter cét article diront oui ; les autres, non. M. Tronchet. Je demande la parole. M. Bonttevillé-Dumetz. Il y a un décret qui ordonne l’appel nominal, j’en demande l’exécution. Plusieurs membres à droite : L’exécution du décret. M. de La Rochefoucault Liancourt. Jamais on n’a mis aux voix, sans avoir entendu les amendements. C’est une nouvelle jurisprudence que l’on veut introduire dans l’Assemblée. Je demande la parole. M. de Tracy. Je demande la parole contre M. le Président. (Bruit prolongé.) M. Tronchet monte à la tribune. ( Applaudissements répétés au centre ; vives protestations de l’extrême gauche.) M. de llontlosier. Mettez aux voix si M. Tronchet sera entendu : pour moi, je suis d’avis qu'on ne l’entende pas. M. de Clermont-Lodève. Si l’on entend M. Tronchet, je demande à être entendu. M. le Président. M. de Liancourt a demaedé la parole je ne sais pas sur quoi. M. de La Rôche foucault-Liancourt. C’est pour un amendement. M. le Président, û’un autre côté M. de Tracy 561 l Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 mai 1791.] demande la parole contre moi. Enfin M. Troncbet demande également la parole : apparemment c’est pour un amendement ? M. Tronche!. Non, monsieur le Président. M. d’Estourmel. C'est pour une motion d’ordre. Plusieurs membres à droite : A l’ordre! M. le Président. Je n’ai pu prendre sur moi de la leur accorder, la question étant posée par un décret. Je vais consulter l’Assemblée pour savoir si elle veut accorder la parole. Que ceux qui veulent accorder la parole veuillent bien se lever. (Le centre se lève.) Que ceux qui veulent refuser la parole veuillent bien se lever. ( Les deux extrémités droite et gauche de la Chambre se lèvent). L’Assemblée décrète qu’il ne sera plus entendu personne. ( Applaudissements dans les tribunes.) Au nom de l’Assemblée je déclare aux tribunes et aux galeries que je ferai sortir le côté qui le premier donnera le moindre signe d’applaudissement. 11 va être procédé à l’appel nominal. M. Goupil, secrétaire. Je commence l'appel nominal :... M. d’André? Plusieurs membres Il vient de sortir. M. Goupil, secrétaire ..... M. Pochet? Un membre à droite : On n’entend pas, monsieur le Président, faites faire l’appel nominal par un secrétaire qui prononce mieux. M. Prieur. C’est parce qu’on ne dit pas M. le comte, M. le marquis, qu’on feint de ne pas entendre. M. Eavle, secrétaire. Je vais continuer l’appel nominal, j’irai lentement... M.Le François, curé? M. Wieillard. M. Le François est absent de l’Assemblée pendant un an. M. l*a vie, secrétaire... M. Rewbell, président? M. Rewbell. Oui ! M. Lavie, secrétaire... M. Duval-d’Epre-mesnil ? M. Duval-d’Cpremesnil. Je ne suis point député d’un département. Je dis non. (L’appel nominal est continué ; la clôture en est ensuite prononcée et il est procédé au recensement des suffrages.) M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Becherel , évêque du département de la Manche , ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Je me propose d’envoyer à l’Assemblée nationale le proces-verbal de mon installation dans l’évêché du département de la Manche, dès qu’il sera imprimé. En attendant, je m’empresse de lui annoncer qu’on ne peut rien ajouter à l’effusion de cœur avec laquelle j’ai été reçu, et au patriotisme qui anime mes concitoyens. i" Série. T. XXV. ■ Malgré les papiers incendiaires répandus avec profusion, le nombre des réfractaires à la loi diminue tous les jours, Je crois ma présence nécessaire dans ce département pour encore quinze jours ou trois semaines; en conséquence, je vous prie, monsieur le Président, de m’obtenir une prolongation de congé pour ce temps. « Je suis, etc. « Signé : BECHEREL. » M. le Président donne lecture d’une lettre du ministre de la marine , ainsi conçue ; « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous envoyer le compte général sommaire des recettes et des dépenses de la régie des vivres de la marine pour les six années de 1784 inclusivement à 1790 compris; il est accompagné d’une récapitulation générale qui comprend les quinze années dernières, à partir de 1776. « Je dois vous observer, monsieur le Président, que cette dernière pièce, en complétant celle qui a été jointe à une lettre du 22 mars, la rend parfaitement inutile. Je vous supplie de faire connaître à l’Assemblée qu’au moyen de la production de ces nouveaux comptes, ses décrets des 10 mars et 18 octobre derniers se trouvent, en cette partie, entièrement exécutés. « Je suis, etc. « Signé : de FleüRIEü. » M. le Président donne lecture d’une lettre du ministre de la justice, ainsi conçue : Monsieur le Président, « La loi du 27 février dernier, en ordonnant l’envoi daûs le département du Gard et les départements voisins de trois commissaires civils, les a autorisés à se réunir aux corps administratifs de ces départements, pour aviser aux moyens d’assurer l’exécution de la loi, d’arrêter les désordres, d’en faire poursuivre les auteurs devant les tribunaux. En exécution de cette loi, les commissaires envoyés par le roi, après s’être concertés avec les départements du Gard et de l’Ardèche, ont arrêté que les procureurs généraux syndics de ces deux départements dénonceraient aux accusateurs publics près les tribunaux des districts d’Uzès, d’Alais, du Pont-Saint-Esprit, de Tanargue et de Coïron : 1° les auteurs des troubles qui ont éclaté dans la ville d’Uzès le 24 février ; 2° ceux qui ont provoqué la délibération prise à Périas, le 17 du même mois; 3° les auteurs du nouveau rassemblement du camp de Salés, les auteurs des incursions faites dans les départements du Gard et de l’Ardèche, les auteurs de l’évasion du sieur Malbosse, maire de Périas, pour être, par chacun des tribunaux ci-dessus désignés, informé et décrété. « Messieurs les commissaires civils y ont vu un complot contre la Constitution de l’Etat et, par conséquent, un crime de la compétence de la haute cour nationale. Je vous prie donc, monsieur le Président, d’ordonner le renvoi de ma lettre, et du précis historique des événements, qui y est joint, aux trois comités chargés de présenter l’état des prévenus du crime de lèse-nation. « Si ces délits ne sont pas, aux yeux de l’Assemblée nationale, des crimes de lèse-nation, j’aurai l’honneur de vous observer, monsieur le Président, qu’il est indispensable qu’elle attribue la poursuite ultérieure et le jugement de l’affaire 36