[Etats gen. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Saintes.] 0@5 3° D’assurer la fixité des dépenses de chaque département, et d’obliger les ministres à rendre un compte annuel de leurs dépenses, compte qui sera soumis à l’examen des Etats généraux ; 4° D’assurer la liberté de tous les citoyens, d’une manière qui les mette à l’abri de tout acte d’autorité arbitraire, et d’assurer leurs propriétés mobilières ou immobilières, en quelques mains qu’elles reposent, soit qu’elles soient possédées par des particuliers, soit qu’elles soient possédées par des corps laïques ou ecclésiastiques, séculiers ou réguliers, de quelque sourceûqu’elles proviennent, d’acquisitions, échanges, fondations, donations ou toute autre voie autorisée par les lois : toutes ces diverses propriétés ont un droit égal à la protection du gouvernement ; toutes sont également sacrées, et aucune ne peut être entamée, diminuée ou enlevée, même pour les besoins de l’Etat et pour l’utilité publique, à moins que le propriétaire ne soit dédommagé sur-le-champ, et en totalité, d’après le dire d’experts. Lorsque le Roi, ami de son peuple, aura sanctionné ces lois qui sont conformes à la sagesse de Sa Majesté, et nécessaires pour établir la base d’une bonne constitution, le clergé autorise ses représentants à accorder tout impôt qui sera jugé nécessaire par la nation assemblée pour combler le déficit des finances, après qu’il aura été bien connu et prouvé, lequel impôt sera supporté également et sans distinction par les trois ordres de l’Etat. Le clergé donne, sur tout le reste, pouvoir à ses députés de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, l'établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, et le bien de chacun des sujets. 11 leur défend toutefois expressément de prendre la moindre part, directe ou indirecte, à aucune délibération qui pourrait blesser les intérêts de la religion sainte, qui, depuis plus de treize siècles, est la religion du royaume de France, ou qui pourrait entamer la dignité du trône, les lois constitutionnelles de l’antique monarchie française, et l’inaltérable respect dû à la personne sacrée de Sa Majesté. Quant à la manière de voter aux Etats généraux, le vœu particulier et le désir formel du clergé de la sénéchaussée de Saintonge est de conserver dans les Etats l’ancienne distinction des ordres et la manière de voter par ordre; mais si le Roi et la nation décident qu'il faut opiner par tête, il autorise ses députés à y voter dans cette forme, bien persuadé qu’ils opineront en citoyens éclairés et en sujets fidèles, et qu’ils ne se permettront rien qui puisse compromettre l’intérêt général de la France, ni l’intérêt particulier de la province dont ils sont les représentants. POUVOIRS De la noblesse de la sénéchaussée de Saintonge , à ses députés aux futurs Etats généraux (1). La noblesse de la sénéchaussée de Saintonge, pleine de confiance dans la bonté du Roi, et rassurée par les promesses solennelles que Sa Majesté a faites à la nation, a cru devoir donner à ses représentants les pouvoirs suivants ; Nous déclarons à nos députés aux Etats géné-(1) Nous empruntons ce document à l’ouvrage intitulé: Archives de l’Ouest , par M. A. Proust. aux qu’ils ne sont que nos mandataires, que les porteurs de notre procuration, que les interprètes de nos volontés. D’après ces principes, qui seront toujours les nôtres, nous ordonnons à nos députés aux Etats généraux de ne s’écarter en rien des ordres et des instructions que nous allons leur donner; et dans le cas où ils ne s’y conformeraient pas en tout point, nous les désavouons et les déclarons à jamais indignes de notre confiance. Nous défendons à nos députés de consentir aucune espèce de subsides, aucune espèce d’impôt, aucune espèce d’emprunts, sous quelque nom et dénomination que ce soit, avant d’avoir obtenu la promulgation authentique des lois suivantes : La première de ces lois sera celle qui assurera notre liberté personnelle et nos propriétés ; et cette loi sera telle, relativement à la sûreté personnelle, qu’abolissant jusqu’au nom de lettre de cachet, le ministre qui fera arrêter un citoyen en vertu de quelque ordre que ce soit, se verra forcé de le remettre sans délai à son juge naturel, pour être jugé selon les lois du royaume, et que tout emprisonnement en infraction de cette loi, sera réputé vexatoire, donnant droit à la partie civile d’en poursuivre l’auteur pour ses dommages-intérêts, et à la partie publique de le poursuivre aussi comme perturbateur du repos des citoyens. Quant à l’acception du mot propriété, l’ordre de la noblesse l’entend de toutes possessions mobilières et immobilières de chaque individu, notamment de tous les droits inhérents aux fiefs, tels que ceux de chasse, sauf le temps prohibé, de pêche, de banalités, de corvées, de fuie, de garenne, lods et ventes, de cens, de rentes, d’agriers, de retraits, de dîmes inféodées, enfin de tous les biens, soit réels, soit fictifs, que l’on pourra justifier appartenir, ou par succession, ou par titres, ou par possession, ou enfin par la seule disposition de la loi ; voulant qu’aucune autorité ou aucune force ne puisse enlever, même au plus faible des citoyens , sa propriété , de quelque genre qu’elle soit, si ce n’est pour l’utilité absolue de l’Etat et à la charge d’estimer, en ce cas, au plus haut prix, et de payer comptant au propriétaire la chose dont il faudra qu’il se prive. La seconde loi sera celle qui rétablira la nation dans le pouvoir dont on l’a privée quelquefois, mais quelle n’a jamais pu perdre, celui de n’êlre soumise à aucuns subsides , impositions , emprunts, qu’à ceux qu’elle aura librement consentis par l’organe de ses Etats généraux légalement assemblés. La troisième loi sera celle qui accordera à la province de Saintonge des Etats provinciaux dont l’existence sera permanente, et organisés, quant à leur constitution, de la manière qu’il plaira au Roi et aux Etats généraux d’ordonner ; lesquels seront seuls compétents pour répartir l’impôt consenti par la nation. La quatrième loi sera celle qui fixera, d’une manière positive, le retour périodique des Etats généraux aux époques qu’il plaira au Roi et à l’assemblée nationale de déterminer. Après avoir obtenu la promulgation de ces lois dans la manière la plus solennelle, nous permettons à nos députés de consentir l’impôt, s’ils le jugent à propos, et dans ce cas, d’ajouter au consentement qu’ils y donneront, les modifications que leur honneur et leur conscience leur dicteront. Nous défendons à nos députés de jamais consentir à ce qu’aucun corps, de quelque espèce qu’il soit, aucune commission, soit permanente, 6Ô6 (Etats gên. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée de Saintes.] soit intermédiaire, sous quelque dénomination que ce puisse être, puisse s’arroger le droit de consentir l’impôt, ce droit ne pouvant résider que dans la plénitude des Etats généraux, dont ils ne peuvent se dessaisir en faveur de personne. INous défendons à nos députés de jamais commettre la décision d’aucune affaire ayant rapport à l’impôt ou à la législation, à aucun comité pris dans un seul ou dans les trois ordres réunis, quelque nombreux qu’il puisse être, la nation ne pouvant être liée que par le consentement et la totalité de ses représentants. Nous défendons à nos députés de consentir aucune loi, de reconnaître aucun règlement, d’adhérer à aucune décision qui tendrait à ordonner, même à faire croire que la noblesse française ait pu et puisse jamais être divisée en deux ou plusieurs classes distinctes et séparées. Enfin nous ordonnons à nos députés de ne jamais perdre de vue qu’il ne leur sera permis, dans aucun cas, de s’écarter en rien des articles ci-dessus ; qu’ils ne pourront, sous aucun prétexte, y faire aucun changement, y apportèr aucune modification, voulant que, dans le cas où la pluralité des députés de l’ordre de la noblesse aux Etats généraux serait d’un avis différent de celui que nous avons exprimé, nos députés protestent contre toute décision qui pourrait passer en opposition aux présents pouvoirs ; et nous donnons sur tout le reste, pouvoir à nos députés de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, et le bien de chacun des citoyens. INSTRUCTIONS Données par la noblesse de la sénéchaussée de Sain - tonge à ses députés aux Etats généraux. Le premier sentiment de la nation française, en recevant l’annonce des Etats généraux, a été celui de la reconnaissance, et c’est le premier que nous devions charger nos députés d’exprimer à l’ouverture de cette auguste assemblée. Le Roi, touché des maux qu’une longue suite d’administrations négligentes ou vicieuses avait accumulés sur la nation, a eu recours au remède seul juste et seul efficace pour extirper jusqu’au germe de ces maux. 11 l’appelle elle-même; les représentants qu’elle aura librement choisis vont sonder les plaies de l’Etat, et prendre, avec le monarque, les moyens d’établir les bases de la constitution et de l’administration sur les fondements solides de la justice et de la confiance. Après avoir rendu, par son édit de novembre 1787, l’existence civile à une partie de la nation, que des lois injustes en avaient privée, Louis XVI rend à la nation entière l’existence politique, et deux années auront suffi pour opérer ces heureux changements. Qu’il reçoive donc le juste hommage que nous lui devons, et surtout qu’il jouisse de la douce satisfaction de voir tous les ordres, unis pour le bien commun, travailler de concert à la régénération de l’Etat. Nous recommandons à nos députés d’entretenir cette harmonie si nécessaire, et nous attendons de leur zèle que, justifiant par leur conduite la confiance dont nous les avons honorés, ils se pénétreront de l’esprit patriotique qui a dicté nos instructions. Il résulte des pouvoirs que nous avons donnés à nos députés, plusieurs conséquences nécessaires que nous leur recommandons de faire prendre en considération aux Etats généraux. Sut la liberté. — Nous pensons que nulle puissance n’a le droit de nous priver de la propriété de notre pensée ; que tout citoyen doit avoir la faculté de dire et d’imprimer ce qu’il pense; que toutes lettres confiées à la poste sont un dépôt sacré dont les violateurs devraient être à jamais déclarés infâmes ; que la presse doit jouir de la plus grande liberté, comme étant de droit naturel; que la loi qui établira cette liberté, déterminera les délits auxquels elle peut donner lieu, et ordonnera aux imprimeurs de mettre leur nom au bas des ouvrages sortis de leurs presses, afin que ces délits arrivant, ils puissent être poursuivis, sauf à eux à déclarer l’auteur. Nous déclarons avoir entendu par le mot propriété, tous les biens que nous avons pu détailler, et tous ceux dont nous avons pu oublier l’énu-inération. Si cependant la noblesse croyait devoir faire abandon du droit de lods et ventes sur les arbres épars, situés dans les fonds à rentes, nos députés pourront y consentir. Ils pourront aussi, d’après ce même aveu, consentir que les corvées seigneuriales soient servies en argent. Sur la loi qui remettra à la nation le droit de consentir l'impôt, nous recommandons à nos députés de faire tous leurs efforts pour obtenir en même temps la promulgation de celles qui en sont les conséquences nécessaires. Quant aux impôts et emprunts , le droit imprescriptible qu’a la nation de pouvoir seule les consentir, authentiquement reconnu par le Roi, ne souffrira plus d’atteintes ; cependant nous pensons que les Etats généraux doivent, dès leur ouverture, faire acte de ce droit, et déclarer tous les impôts actuellement existants nuis et caducs, comme ayant été incompétemment établis, étendus, ou continués, et dans la même séance les recréer, pour le temps seulement de la durée de la tenue. Nous recommandons à nos députés de demander la responsabilité des ministres, des ordonnateurs, administrateurs et comptables en tous genres, et la publication annuelle, par la voie de l’impression, des dépenses de chaque département, et l’obligation de ne consentir Uimpôt que pour un temps déterminé et qui ne pourra jamais excéder que de trois mois l’époque fixée pour la tenue des Etats généraux suivants. Sur l’obtention des Etats provinciaux, nos députés ne perdront pas de vue qu’il serait à peu près inutile que la nation eût le droit de consentir l’impôt, si la distribution s’en faisait d’une manière arbitraire ; ils doivent avoir toujours présents les inconvénients du régime contre lequel on réclame de toutes parts. Ils demanderont donc qu’il soit établi dans toutes les provinces, aujourd’hui pays d’élection, des Etats provinciaux, dont tous les membres soient librement élus, et pour un temps limité, sauf la possibilité des réélections, pour lesquelles il sera peut-être utile d’exiger une pluralité des deux tiers ou des trois quarts des voix; et si la circonscription de ces Etats provinciaux est d’une certaine étendue, qu’il soit formé des assemblées secondaires ou de district, qui établissent entre les Etats provinciaux et les assemblées municipales une communication qu’il serait dangereux de laisser entre les mains d’hommes isolés qui, sous quelque dénomination qu’ils fussent institués, auraient à peu près tous les inconvénients des subdélégués actuels. Ces Etats devront être chargés, sous l’autorité des Etats généraux, de toutes le§ parties d’administration, de fa répartition de tous les impôts et de tous les travaux publics, d’après les règlements [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Saintes.] f]H7 qui leur seront donnés; mais ils seront purement administratifs, et ne pourront consentir ni impôt ni emprunt, cette faculté devant être privative-ment réservée à l’assemblée nationale, qui seule pourra les autoriser. La noblesse de Saintonge demande que nulle forme exclusive à un seul ordre ne soit adoptée dans les Etats provinciaux pour la répartition de l’impôt ; si le clergé pouvait faire recevoir une exception en sa faveur, il ne serait plus juste que les membres de cet ordre entrassent dans l’organisation de la commission destinée à régler la quotité des subsides que devra supporter chaque particulier, puisqu’il se serait réservé de s’imposer séparément. Cette manière, très-vicieuse, doit être absolument rejetée, et les Etats généraux seront sollicités par nos députés d’y porter la plus grande attention. Sur la périodicité des Etats généraux, nous pensons qu’il serait avantageux de la fixera deux ans ; mais quelle que soit l’époque qui sera déterminée, nous enjoignons à nos députés de faire leurs efforts pour que la seconde tenue soit indiquée un an au plus tard après la clôture de celle qui va s’ouvrir ; nous pensons aussi que les formes de convocation doivent être corrigées, améliorées, et réglées de manière qu’ils puissent s’assembler aux termes prescrits, et en outre, les cas de régence arrivant, pour y statuer, Comme ce seront les affaires de la nation qui seront traitées aux Etats généraux, il est juste qu’elle en soit instruite, et le meilleur moyen d’en répandre la connaissance est de faire imprimer un journal de l’assemblée, qui paraisse chaque jour, et qui puisse mettre tous les citoyens au fait de leurs délibérations et opérations, Toutes actions civiles demeureront sursises dans tous les tribunaux en faveur des membres des Etats généraux pendant la durée de leur tenue, et un mois après leur clôture. Toute action criminelle ne pourra être poursuivie contre lesdits membres, que d’après le compte qui aurait été rendu aux Etats généraux des motifs de la poursuite, et la permission donnée par eux de la continuer. Lesdits membres des Etats généraux ne pourront être attaqués ni poursuivis par aucun tribunal, ni pendant la tenue des Etats, ni dans aucun autre temps, pour discours tenus ou pour écrits lus dans les assemblées, les Etats généraux devant être seuls juges de leur police intérieure. Les ecclésiastiques et les officiers civils et militaires, membres des Etats généraux, jouiront, pendant .. leur tenue, et un mois après, de tous leurs appointements et droits de présence. La noblesse de Saintonge, animée du même esprit qui a dicté ses délibérations dans l’assemblée des trois ordres, tenue à Saintes, du 5 au 7 février 1789, charge ses députés d’annoncer authentiquement son vœu pour l’égalité de la répartition des impôts, renonçant à tous privilèges pécuniaires; mais considérant qu’après ce sacri-lîice, il ne lui restera plus que quelques prérogatives d’opinions, témoignages honorables, mais stériles, du courage et de la vertu de ses ancêtres, qu’on s’efforcerait peut-être, avec le temps, d’anéantir, elle enjoint à Ses députés de déclarer à la noblesse française qu’elle n’entend, dans aucun Cas, faire l’abandon des distinctions particulières à son ordre, et que si, par la suite, le tirage à la milice était converti en une prestation pécuniaire, elle ne pourra jamais y être assujettie, ne devant d’autre service personnel que celui du ban, à raison de ses fiefs. Considérant déplus que ses possessions, déjà fort médiocres, éprouvent journellement une diminution sensible par la subdivision des héritages ; que sa pauvreté et son éloignement de la cour ne lui permettent guère d’en espérer les emplois lucratifs qu’elle dispense et qui viennent si rarement trouver le mérite caché dans les provinces, et désirant enfin s’occuper utilement d’améliorer sa condition par tous les moyens qui s’allient avec la générosité et le désintéressement qui la caractérisent, elle charge ses représentants aux Etals généraux de solliciter de la bonté du Roi l’érection en chapitres nobles des principales abbayes de filles du royaume, où seraient reçues les pauvres demoiselles de chaque province dans lesquelles sont situées ces riches et pieuses fondations. Nos députés insisteront pour que la noblesse, en aucune circonstance, ne puisse être acquise ni par charges ni à prix d’argent, et pour qu’il ne puisse être créé de nouveaux nobles que lors de la tenue des Etats généraux, lesquels seuls auront le droit de présenter au Roi les sujets jugés les plus dignes de cette éminente prérogative, d’après les attestations qui leur en auront été données par les Etats provinciaux, excepté le cas de guerre, où le mérite d’une belle action ne permettrait pas d’observer les formalités de la loi. Nous recommandons à nos députés d’engager l’ordre de la noblesse à fixer un regard attentif sur la pauvre noblesse du royaume, à prévoir quel sera son sort lorsqu’elle aura fait l’abandon de tous ses privilèges pécuniaires, et à prendre en considération s’il y aurait de f’inconvénient à lui laisser la faculté de s’adonner au commerce en tout genre, et d’aviser aux moyens qui, dans ce cas, concilieraient le mieux sa délicatesse et son peu de fortune. Nous n’entendons par le mot loi que les actes émanés des Etats généraux et revêtus du consentement du Roi, et nouspensons que ces lois, portant dans le préambule les mots suivants : De Va - vis des gens des trois ordres du royaume et du consentement du Roi , doivent être, non pas vérifiées, mais transcrites, pour leur publication, sur les registres des cours souveraines, qui seront chargées d’en maintenir l’exécution par elles et par les tribunaux inférieurs, et responsables aux Etats généraux de leur exécution. Mais dans l’intervalle d’une tenue d’Etats généraux à l’autre, il se présentera nécessairement des circonstances qui exigeront des règlements momentanés et provisoires ; nous chargeons nos députés d’attirer l’attention des Etats généraux sur cetobjet important, lesquels devront, de concert avec le Roi , statuer sur la manière dont ces réglements devront être faits, publiés et exécutés. Ces divers règlements devront être présentés à la tenue suivante des Etats généraux pour y prendre, s’il est jugé nécessaire, le caractère de loi. Nous enjoignons à nos députés de demander qu’il soit fait, dans l’administration de la justice civile, les réformes que nécessitent les abus qui s’y sont glissés. Nous n’en ferons pas ici la longue énumération. Nous nous contentons d’insister pour que la justice soit rapprochée du justiciable, que l’usagedes commissions extraordinaires et des évocations soit entièrement aboli, à moins qu’elles ne soient demandées par toutes les parties intéressées dans l’affaire à juger. Que les droits de committimus soient à jamais abrogés, que les cours soient tenues de motiver leurs arrêts, et tous les juges obligés d’afficher à la porte du palais la liste des causes qui doivent être appelées dans le mois. 668 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Saintes.] Les lois criminelles ne doivent avoir pour objet que de servir d’exemple et de frein aux hommes que leurs mauvaises inclinations peuvent porter à nuire à leurs semblables ; et la liberté et la vie d’un citoyen, quoique accusé, étant infiniment plus précieuse à la société que le châtiment d’un coupable convaincu ne lui est profitable, nos députés demanderont une nouvelle ordonnance criminelle qui puisse garantir les citoyens des erreurs et de l’injustice des jugements. Ils insisteront surtout pour que tout homme prévenu de crime ait un défenseur ; que la procédure soit publique, les arrêts motivés, et que la peine de mort soit réservée à l’assassinat ou autre crime équivalent; enfin, ils feront prendre en considération les avantages inestimables de la méthode du jury, qui fut jadis connue de nos ancêtres ; et pour parvenir à cette réformation, aussi importante que nécessaire, nos députés proposeront qu’il soit établi par les Etats généraux une commission composée de magistrats et autres personnes capables, de toutes les classes, pour s’en occuper dans l’intervalle de la première à la seconde tenue. L’honneur a toujours été le véritable caractère national, et devrait être la base de la constitution militaire. L’oubli de ce principe a occasionné le régime variable auquel ont été soumises, depuis quelques années, nos armées de terre et de mer ; nous chargeons nos députés d’attirer l’attention des Etats généraux sur la nécessité d’établir des règles fixes et mieux conçues, qui puissent rendre aux défenseurs de lapatrie l’énergie si nécessaire pour la bien servir. L’économie portée dans ce département assurera sans doute aux soldats et. aux matelots des moyens de subsistance plus proportionnés au prix actuel des denrées. Les Etats généraux devant s’occuper principalement de l’état actuel des finances du royaume, nous recommandons à nos députés d’apporter la plus scrupuleuse attention à la recherche des abus en toutgenre qui ont eu lieu dans ce département. De se faire rendre le compte le plus exact de la totalité des revenus, de la totalité de la dépense à laquelle ils doivent faire face, et des différents articles qui composent l’un et l’autre. Nos députés engageront les Etats généraux à vérifier Pétât de la dette par un examen attentif et scrupuleux des différents titres sur lesquels elle est appuyée, et à en assurer les intérêts jusqu’à la prochaine tenue, époque où les Etats généraux, mieux instruits et du mal et des ressources, pourront y statuer définitivement. Ils recommanderont l’établissement d’une caisse particulière, dont les administrateurs, nommés par les Etats généraux et responsables aux Etats généraux seuls, recevront directement des fermiers, régisseurs, trésoriers de province ou autres, les parties de revenu destinées, par les Etats généraux, au payement des créances de l’Etat, et en distribueront les fonds suivant les ordres de l’assemblée nationale. Nos députés observeront encore que la dette du clergé ne doit pas être réputée dette nationale ; elle est le capital de l’impôt dont cet ordre n’a souvent payé que les intérêts. C’est donc le clergé seul qui peut être tenu de l’acquitter, et la vente des biens ecclésiastiques sera le moyen économique et juste d’y pourvoir. Mais il ne faut pas que cette opération grève les titulaires actuels qui vont être soumis à l’impôt général dans la même proportion et de la même manière que tous les autres citoyens. La plus scrupuleuse économie doit être établie dans chaque partie de l’administration. Mais nos députés ne perdront point de vue qu’elle cesse d’être un bien lorsqu’elle nuit à la force publique. Ils proposeront, sans crainte de courir ce risque, l’aliénation de tous les domaines corporels de la couronne, dont la vente, confiée à la sagesse des administrations provinciales, produira de grandes ressources, le rachat du droit de franc-fief offert à ceux qui jouissent de biens nobles, sans être nobles eux-mêmes, la suppression de toutes charges ou emplois soit civils, soit militaires, qui paraîtront inutiles, et qui, n’ayant aucunes fonctions, jouissent cependant d’émoluments ou de privilèges onéreux au reste de la société ; et quant à ceux qui ont des fonctions utiles et nécessaires, une proportion plus exacte entre le traitement qui leur sera accordé et l’importance du travail qui leur sera confié ; la révision des pensions, leur publication annuelle et motivée par la voie de l’impression. C’est encore une grande économie que la conversion de tous les impôts, dont la régie est nécessairement dispendieuse, en d’autres impositions dont la recette plus facile présentera moins de déductions. En donnant moins d’appât à la fraude, à la contrebande, il sera permis de diminuer le nombre des agents employés à les surveiller, et celte diminution est encore un grand objet d’économie. Enfin, lorsque tous les moyens que leur sagesse leur suggérera seront épuisés, s’il leur paraît nécessaire de consentir quelque nouvelle imposition, nous leur recommandons de ne jamais perdre de vue que si quelque chose peut en alléger le fardeau, c’est l’égalité de répartition, non-seulement entre les contribuables, mais encore entre les provinces, de donner la préférence à ceux qui porteront le moins sur le pauvre ; que si l’établissement d’une nouvelle constitution nous est avantageux, le soulagement du malheureux est de nécessité rigoureuse, et que les louanges qu’ils recevront des premières classes de citoyens ne seront jamais aussi flatteuses pour eux que les bénédictions que le pauvre, dans sa chaumière, ne cessera de leur donner. Nos députés feront attention à tous les objets qu’ils croiront propres à augmenter les facultés des contribuables, à donner de la vie au commerce, par une plus grande liberté, et de l’encouragement à l’agriculture. De ce nombre sont sans doute la suppression des aides et gabelles, des eaux et forêts, impôts et régimes destructeurs pour le propriétaire, et vexatoires pour le consommateur. La suppression des droits d’amirauté, si gênants pour le commerce maritime. La suppression des droits de contrôle et autres droits domaniaux ; établissements utiles peut-être dans leur principe, mais devenus, par l’extension fiscale qu’on leur a donnée, une véritable inquisition pour les familles. Le reculement de toutes les traites aux frontières, et le commerce par mer de province à province aussi libre que s’il se faisait par terre. La suppression de tout privilège exclusif pour l’industrie, les nouvelles découvertes, quand elles sont importantes, ne devant avoir qu’une récompense momentanée. La suppression des charges d’huissier-priseur, dont l’établissement nouveau ne présente que des inconvénients et des vexations continuelles. La modification du privilège de minorité accordé au Roi et à l’Eglise. Nous bornerons ici cet article important de nos instructions, ne doutant pas que les députés de [États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Saintes.] 069 chaque province n’apportent de grandes lumières sur ces objets, qui auront sans doute mérité leur attention ; mais nous ne pouvons nous dispenser de leur ordonner de dénoncer aux Etats généraux les abus qui pèsent le plus sur la nôtre. Ils se plaindront surtout du droit connu sous le nom de traites de Charente et de Mortagne, des péages établis sur les différentes rivières de Sain-tonge et d’Angoumois, des entraves mises au commerce de nos sels par les droits dont ceux des salines de Saintonge sont surchargés ; de la gêne u’éprouve encore le commerce des vins et eaux-e-vie. Mais c’est surtout contre ceux qui ont régné dans la confection des travaux publics, que nos députés devront fixer l’attention des Etats généraux. Le gouvernement a fait de grandes dépenses pour cette province. Il avait droit d’attendre que les canaux qu’il avait ordonnés, en contribuant à la salubrité de l’air, rendraient à l’agriculture un terrain précieux et fertile. Nos députés diront que de ces ouvrages, mal entrepris dans le principe, presque aucun n’est encore parachevé ; que ce qui reste à faire rend les dépenses précédentes presque inutiles. Ils diront que l’on a ouvert tout à la fois des chemins dans toutes les parties de la province , que leur largeur démesurée ne ferait que rendre plus dispendieux; que presque aucun n’est praticable dans son entier ; que les propriétaires riverains n’ont point encore été dédommagés des terrains qui leur ont été enlevés, soit par les chemins, soit par les canaux. Et si les Etats généraux, frappés d’un aussi grand désordre, jugent à propos d’en découvrir la cause, nos députés indiqueront l’administrateur qui les a ordonnés, et les sous-ordres qui les ont dirigés, comme les seuls en état de donner sur cet objet les éclaircissements nécessaires. Le clergé n’aura sans doute pas négligé le sort intéressant de ces pasteurs utiles qui, placés près du pauvre, sont souvent hors d’état de le secourir et même de pourvoir à leur propre subsistance. Le tiers-état aura sûrement aussi plaidé leur cause ; ainsi nous nous contenterons de joindre notre vœu à celui des deux autres ordres, pour attirer les regards des Etats généraux sur ces hommes dont les soins et les exemples importent tant aux mœurs et à l’ordre public. La distribution bien entendue du revenue des bénéfices simples paraîtrait le meilleur moyen ; mais rassemblée nationale sera seule en état de déterminer celui qui remplira le mieux cet objet important. Elle portera sûrement aussi son attention sur les établissements d’éducation publique qui, manquant absolument dans plusieurs parties du royaume, sont presque partout imparfaits. Ces fondations, presque toutes anciennes, ont conservé la routine des siècles reculés qui les ont vu naître. Il serait temps de les faire participer aux lumières acquises, de leur donner un régime plus propre à former des citoyens de tous états, et surtout de propager, jusque dans les campagnes, les moyens' d’une instruction suffisante à ceux qui les habitent, et qui pût s’étendre même jusqu’aux pauvres. Nous recommandons à nos députés de représenter aux Etats généraux notre vœu pour l’établissement d’une commission spécialement chargée de s’occuper de l’instruction publique, et qui, composée d’hommes aussi vertueux qu’éclairés, de diverses classes, sache combien les lumières influent sur les mœurs des citoyens et sur le bonheur public. Nous recommandons à nos députés d’être toujours unis de cœur, d’esprit et d’opérations avec tous ceux qui vont former l’auguste assemblée qui va s’ouvrir ; de se concilier surtout avec ceux des bailliages d’Aunis, d’Angoumois et de Saint-Jean-d’Angély, dont les intérêts pourront un jour être confondus avec ceux de la Saintonge, dans les mêmes Etats provinciaux ; d’appuyer auprès des Etats généraux le vœu que le bas Angoumois a déjà formé sur cette réunion, afin qu’ils sollicitent de la bonté du Roi l’obtention de cette demande. L’intention de la noblesse de Saintonge est que l’on opine par ordre aux Etats généraux, soit en matière d’impôts, soit en matière de législation. Nos députés soutiendront notre opinion de tout leur pouvoir, et nous leur ordonnons de ne l’abandonner que dans le cas où la pluralité des suffrages, pris dans l’ordre de la noblesse, présenterait un avis contraire. C’est par ce dernier article que nous finissons les instructions que nous donnons à nos députés, afin qu’ils ne le perdent pas de vue, et qu’ils n’oublient pas que de la manière dont ils répondront à notre confiance, dépend le jugement que portera d’eux la postérité. CAHIER Des doléances du tiers-état de la sénéchaussée de Saintes (1). AU ROI ET AUX ÉTATS GÉNÉRAUX. Sire, le meilleur des rois, touché de l’état fâcheux de ses finances et des abus en tous genres qui désolent son royaume, convoque dans ce moment ses fidèles sujets, pour les consulter sur le moyen de remédier à tant de maux. Ce n’est pas le chef de la nation la plus florissante, qui, hasardant tout, ordonne à son peuple de lui fournir des secours, et lui commande d’obéir et se taire. C’est le plus modéré, le plus juste, le plus tendre des pères, qui, affligé du malheur de son peuple et du désordre de ses affaires, rassemble ses enfants, dont il connaît l’attachement, la soumission et le respect, pour épancher sa douleur, les entretenir de ses sollicitudes, les interroger sur les leurs, et prendre enfin avec eux des mesures promptes et sages pour procurer à la famille entière un sort plus digne d’elle. Une démarche aussi attendrissante, aussi précieuse pour les Français, de la part de leur souverain, doit, s’il est possible, redoubler leur amour pour sa personne sacrée, et comme il ne met aucune borne à sa tendresse pour eux, ils ne doivent en mettre aucune à leur reconnaissance, leur vénération et leur zèle pour lui. Tels sont, Sire, les sentiments des habitants de la Saintonge, sentiments qu’ils publient hautement et qu’ils s’efforcent de transmettre à leur postérité. Pour première preuve de leur attachement au Roi et à la patrie, ils exposent ici avec franchise leurs observations et leurs doléances sur les principaux abus dont ils ont à se plaindre, et, pour mettre plus d’ordre dans le détail qu’ils en font, ils les divisent en chapitres d’abus généraux et I d’abus particuliers à leur province. M) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Archives de l’Ouest, par M. A. Proust.