[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Novembre ito" 199 III. Compte rendu de Y Auditeur national (1), La Convention a entendu Baudot, l’un des représentants du peuple envoyés à Bordeaux pour y faire triompher les principes de la Répu¬ blique une et indivisible. Bandot a d’abord rfait le tableau de la révo¬ lution qui s’est opérée dans cette commune. La Commission dite de Salut 'public, établie à Bor-y était rendue puissante sous le masque !du patriotisme. Jugeant du danger de son influence, les représentants du peuple pensèrent qu’il ne fallait pas d’abord l’attaquer directement; mais s’emparer de tous les forts qui défendent la place. Ils se rendirent donc successivement maîtres de Blaye, de Médoc, du Château-Trom¬ pette et des autres forteresses. Après cette expé¬ dition, ils déclarèrent ouvertement la guerre aux fédéralistes, et rien ne leur a résisté. Déjà, plu¬ sieurs membres de la Commission, mis hors de la loi, ont subi la peine due à leurs crimes, et huit l’attendent dans les prisons de l’Abbaye, à Paris. Birotteau, l’un des chefs, était, lorsqu’il a été saisi, sur le corsaire le Sans-Culotte, prêt à faire campagne. « Il nous a tenu, a dit Baudot, un propos précieux à recueillir. Il nous a dit qu’il s’en allait parce que le gouvernement actuel de la France n’était pas de son goût ; et il a ajouté que si son parti avait triomphé, il nous aurait fait guillotiner. » Cussy, du Calvados, mis hors la loi, le maire de Bordeaux, puissant par ses richesses et ses autres moyens de séduction, ont subi, avec Lavauguyon, la peine de mort. Ce dernier a, jusque sur l’éohafaud, attesté que son intention était de produire une contre-révolu¬ tion, Les représentants ont pensé qu’un pays, où des projets de trahison avaient pris autant de consistance, devait être régénéré jusque dans son nom. En conséquence, ils ont appelé la Gironde, département du Bee-d’ Ambez. La Con¬ vention a, sur-le-champ, confirmé oette nou¬ velle dénomination. En continuant son rapport, Baudot a rendu compte que le désarmement s’était effectué à Bordeaux avec la plus grande facilité; qu’il avait produit le nombre de 20,000 fusils et qu’une des salles du Château-Trompette était remplie d’armes de toute espèce qui pouvaient être don¬ nées aux volontaires partant pour aller com¬ battre les Espagnols. Le représentant a ajouté que Bordeaux était maintenant tout entier à la République, et que par leurs vertus et leur dévouement à la Con¬ vention, les citoyens de cette commune efface¬ raient bientôt les crimes de quelques individus ; mais il faut les encourager en les éclairant. Ysabeau et Tallien sont restés au milieu d’eux, et le comité de Salut public examinera les pro¬ jets d’instruction et autres mesures qu’ils ont (1) Auditeur national [n° 407 du 13 brumaire an II (dimanche 3 novembre 1793), p. 2], concertées. Baudot a terminé par demander que les huit membres de la Commission populaire de Bordeaux, actuellement détenus à l’Abbaye, fussent transférés dans le lieu du délit pour y subir la peine de leur crime. Cette proposition a été décrétée, ainsi que celle de Gauthier, qui a demandé que la même disposition fût étendue aux contre-révolution¬ naires de Lyon. IV. Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires (1). Baudot, l’un des représentants du peuple dans le département de la Gironde, se présente à la tribune et rend compte de ce qui s’est passé à Bordeaux. « La Commission populaire, dit-il, était toute puissante dans cette ville. Nous crûmes devoir user de ménagements avant d’entrer dans cette place et nous nous rendîmes successivement maîtres des forteresses qui la défendent. Des troupes sont arrivées peu à peu, et nous avons été à même de presser nos opérations. Nous sommés entrés dans Bordeaux au milieu des acclamations du peuple, et nous avons com¬ mencé à exécuter à la rigueur vos justes décrets. Des chefs des contre-révolutionnaires ont bientôt porté sur l’échafaud leurs têtes crimi¬ nelles. Huit membres de la Commission popu¬ laire avaient été envoyés aux prisons de l’Ab¬ baye de Paris, sans cela ils auraient déjà subi le sort de leurs infâmes complices. Je demande que ces huit individus soient traduits à Bor¬ deaux, où leur jugement sera fait et exécuté dans huit minutes. Cet exemple produira plus d’effet dans cette ville que dans Paris, où ils ne sont pas connus. Cette proposition, mise aux voix, a été adoptée. Sur la motion d’un autre membre, cette me¬ sure est étendue aux scélérats de Lyon. Baudot continue. Nous vous avons écrit l’ar¬ restation et le supplice de Birotteau. Il a été pris sur le corsaire le Sans-Culotte, sur lequel ü se disposait à faire une campagne au profit de la République. En montant à la guillotine, il a proféré ces paroles qui méritent d’être recueil¬ lies : « Le gouvernement actuel de la France ne nous convenait pas. Si notre parti eût triom¬ phé, nous aurions fait guillotiner tous ceux qui nous envoient au supplice aujourd’hui. » Cussy, député du Calvados, mis hors de la loi, a été arrêté et guillotiné. Le maire de Bor¬ deaux, homme dangereux par ses immenses ri¬ chesses, évaluées à 10 millions, et par ses talents, un des plus fermes appuis de la Commission populaire, a payé de sa tête tous ses forfaits. Nous avons tout régénéré dans Bordeaux; nous avons changé provisoirement jusqu’au nom du département; nous lui avons donné celui de département du Bec-d' Ambess. (1) Annales patriotiques et littéraires [n° 306 du 13 brumaire an II (dimanche 3 novembre 1793). p. 1424, col. 1). m [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Novembre fm Cette dénomination est définitivement consa¬ crée par nn décret. Le désarmement de tons les Bordelais sus¬ pects s’est fait sans aucun obstacle. La quan¬ tité des armes des rebelles sera très utile à nos armées du Midi. Il existe dans Bordeaux un nombre considé¬ rable de vrais patriotes, de sans-culottes ardents. Leur civisme effacera tous les délits politiques de leurs concitoyens. La Convention peut comp¬ ter sur le zèle de nos collègues Tallien et Ysa-beau. La République a fait une acquisition im¬ portante en régénérant cette ville; cette régéné¬ ration est assurée. Baudot descend de la tribune au milieu des applaudissements. CONVENTION NATIONALE Séance du 13 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. (Dimanche, 3 novembre 1793.) La séance s’ouvre à 10 heures du matin. Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance du 27 du mois dernier. La Convention nationale en approuve la rédac¬ tion (1). La citoyenne Rapigeon renvoie, pour être annulés, les anciens titres qui établissaient en sa faveur une exception contraire aux principes constitutionnels, et dépose une pièce de 6 livres sur l’autel de la patrie. Mention honorable, insertion au « Bulle¬ tin » (2). La commune de Gonesse, admise à la barre, fait offrande d’une grande croix d’argent des¬ tinée au payement des frais de la guerre. Le Président en accepte l’hommage au nom de la Convention, et l’Assemblée en décrète la men¬ tion honorable et l’insertion au « Bulletin » (3). Compte rendu du Moniteur universel (4). Une députation de la commune de Gronesse apporte et dépose sur l’autel de la patrie, une croix d’argent. Les citoyens Salleron frères, marchands tan¬ neurs au faubourg Saint-Marcel, à Paris, de¬ mandent que la Convention suspende le cours de la procédure dirigée contre eux au tribunal cri-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 283. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Moniteur universel |n° 45 du 15 brumaire an II (mardi 5 novembre 1793), p. 183, col. 3]. minel, comme prévenus de n’avoir pas satisfait à la loi sur les accaparements. La Convention nationale passe à l’ordre du jour (1). Suit la 'pétition des citoyens Salleron (2) : (Pétition des citoyens Salleron frères , tanneurs à Paris, à la Convention nationale : « Législateurs, , « Voulant faire disparaître tous les maux que des spéculations meurtrières faisaient à la so¬ ciété, vous avez soumis les fabricants, par la loi du 26 juillet dernier, sous peine d’être répu¬ tés accapareurs, à déclarer la nature et la quan¬ tité des matières premières qu’ils ont dans leurs ateliers, et d’en justifier l’emploi. « Obéissant à cette disposition de la loi, les frères Salleron ont déclaré au comité révolu¬ tionnaire de leur section, les matières premières qu’ils avaient dans leurs ateliers, et depuis, un commissaire nommé par la section a vérifié l’existence des objets déclarés, et la déclaration s’est trouvée exacte. « Dans leur déclaration, étaient comprises les matières premières qu’ils étaient dans le cas d’employer, pour la manipulation et fabrication de marchandises qui étaient dans les fosses d’une tannerie qu’ils exploitent, appartenant à la veuve Cornisset, et située aux environs de leur propre tannerie. « Les frères Salleron, appliqués à faire fleurir leur fabrique qu’ils ne font valoir que depuis 15 mois environ, ce qui exclut toute idée d’acca¬ parement qu’on pourrait leur supposer, avaient lieu de croire qu’ils avaient pleinement satis¬ fait à la loi qui n’exige pas d’eux, d’autre décla¬ ration que celle qu’ils ont faite. La veuve Cor¬ nisset, qui se trouvait dépositaire des marchan¬ dises qui étaient en fabrication chez elle appar¬ tenant aux frères Salleron, avait cru devoir pareillement en faire la déclaration, quoique la loi n’eût astreint les fabricants à déclarer que la nature et la quantité des matières pre¬ mières. « Un commissaire de la section s’est présenté chez elle, et, malgré la représentation qu’elle fit du double de sa déclaration reçue au comité révolutionnaire, il fut dressé un procès-verbal tendant à constater une prétendue contraven¬ tion, de ce que la déclaration avait été faite après l’expiration du délai accordé par la loi pour la faire. La veuve Cornisset a été traduite devant le directeur du Juré du 5e arrondisse¬ ment; elle subit interrogatoire, et répéta ce qu’elle avait déjà déclaré. « Les frères Salleron furent pareillement tra¬ duits; rendant hommage à la vérité, mais éloi¬ gnés de l’idée du crime qu’on leur imputait, ils ont déclaré, qu’il était vrai que les marchan¬ dises qui étaient chez la veuve Cornisset leur appartenaient ; qu’il ne pouvait y avoir de con¬ travention ; d’abord, parce que, d’après la loi, étant encore en fabrication, elles n’étaient pas susceptibles d’être déclarées, et en second heu, parce que la veuve Cornisset, encore qu’elle n’y (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 283. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 763,