I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [25 août 1791.] 705 « Paris, le 24 août 1791. « Monsieur le Président, » L'Assemblée nationale est instruite de l’état de résistance à la loi dans lequel persévèrent le 38e régiment d’infanterie, ci-devant Dauphiné; le 17e, ci-devant Auvergne ; et le 26 bataillon du 68e régiment, ci-devant Beauce; je lui en ai adressé les détails dans divers temps. Les chefs militaires ont fait depuis tous leurs efforts pour rappeler ces corps à leur devoir : toutes leurs représentations sont restées sans effet; ces soldats enivrés de licence n’entendent plus la voix delà raison; il n’y a donc plus à employer que la rigueur des lois. Mais c’est en vain, Monsieur le Président, que le pouvoir exécutif cherche celle applicable à de pareils cas. « L’Assemblée nationalea fait des lois militaires qui peuvent servir à juger un certain nombre d’individus : les cours martiales remplissent cet objet. Mais comment tenir des cours martiales contre des bataillons, des régiments entiers ? Il faut donc ici d’autres lois. Il y a d’ailleurs le plus grand inconvénient à ce que des affaires de cette nature traînent en longueur; en paraissant balancer sur la punition du crime, on donne lieu au coupable de douter s’il a vraiment commis un crime; et c’est ainsi que, par l’impunité, on les voit se répéter de tous côtés. Il est donc extrêmement urgent de prononcer sur les corps en question. « Ce serait bien inutilement, Monsieur le Président, que nous travaillerions à rétablir nos forteresses, que nous préparerions des camps; ils nous défendraient mal, si nous n'avions à y rassembler q>e dts troupes livrées à l’indiscipline, et par conséquent (car telles sont les suites de l’indiscipline) sans instruction, sans ensemble, sans volonté constante, et rendues bientôt, par le libertinage, incapables de soutenir avec patience et résignation les fatigues, les travaux de la guerre, et les privations de toute espèce. Il nous faudra donc toujours craindre, comme à présent, non pas les efforts nés puissances de premier et de second ordre, mais les mauvaises dispositions des princes les moins considérables; les projets (insensés dans toute autre circonstance) d’une poignée de transfuges, tiendront tout l’Empire dans de continuelles alarmes. « Il faut sortir de cet état humiliant, et le moyen est de rétablir la discipline dans notre armée, et de lui rendre les qualités qui peuvent seules lui mériter ce nom; avec ce moyen fondamental, tous tes autres que nous employons sont bons et utiles ; sans lui, ils sont insuffisants, illusoires. « Permettez-moi, Monsieur le Président, de le dire; s’il est des hommes qui désirent, ou qui du moins, voient sans peine la dissolution de notre armée, ce ne peut être que des gens malintentionnés, qui croient trouver leur avantage dans la subversion totale de l’Etat ; des gens sans jugement, incapables de prévoir l’avenir et de profiter des leçons de l’histoire de tous les pays et de tous les temps. « Je suis, etc. « Signé : DüPORTAlL. » Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire ! M. de Hoailles. On ne peut pas se borner au simple renvoi au comité militaire; je demande qu’il lui soit enjoint de faire demain un rapport sur ces régiments. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de 1" Série. T. XXIX. la lettre du ministre de la guerre au comité militaire et lui enjoint d’en faire le rapport demain.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Boullé, commissaire de l’Assemblée, dans le département du Nord, ainsi conçue ; « Valenciennes, le 21 août 1791. « Monsieur le Président, « J’ai reçu avec soumission la nouvelle marque de confiance dont l’Assemblée nationale a daigné m’honorer, et qu’elle vous a chargé de me transmettre. Depuis que, par les suffrages du peuple, j’ai été revêtu du caractère de représentant de la nation, j’ai dû m’oublier moi-même, et j’ai fait à ma patrie le sacrifice de toute mon existence. L’Assemblée nationale vient de prolonger et d’étendre la commission dont elle m’avait chargé, et elle m’impose par là des devoirs bien au-dessus de mes forces : mais elles seront du moins consacrées tout entières à les remplir ; c’est le seul engagement qu’il soit en mon pouvoir de contracter. Déjà l’on m’avait laissé seul chargé d’un fardeau trop pénible, et le moment où la suspension du décret relatif à l’envoi de nouveaux commissaires dans les départements, me fit perdre l’espoir du prompt retour de mes collègues, aurait été celui de mon départ, si le général de l’armée du Nord ne m’avait témoigné le plus vif désir de me retenir, et si je n’avais été convaincu moi-même que ma présence dans son commandement pouvait encore être utile. J’avais vu la manière dont l’Assemblée nationale avait accueilli les demandes de M. de Rochambeau, qui lui avaient été transmises par mes collègues ; je partageais ses dispositions et ses sentiments pour ce général, je crus m’y conformer par ma déférence. Il m’en coûtait d’être séparé de l’As emblée, lorsque l’acte constitutionnel allait lui être soumis; mais il ne devait être que la collection de ce qui avait déjà été divisément décrété, et je devais me reposer sur nos serments. N’était-ce pas, d’ailleurs, participer encore à ce nouveau travail sur la Constitution, que de concourir de tout mon pouvoità assurer le succès des mesures qui doivent en affermir l’établissement? C’est vers ce but que mes efforts se sont constamment dirigés : ce n’est pas à moi d’apprécier ce qu’ils ont produit; j’ai seulement rendu compte au comité militaire de quelques incidents dont il pouvait être utile que l’Assemblée nationale fût informée. « L’Assemblée nationale m’a environné de toute la confiance qui lui est due; j’en ai fait mon principal moyen : c’est le seul que je me plaise à employer, et je dois lui rapporter tout le bien qui a pu s’opérer par mon ministère. « L’infatigable activité de notre général rend chaque jour plus respectable l’état de défense de cette frontière, et nous ne connaissons rien au-dehors qui puisse en altérer la sécurité. C’est jusqu’à présent, dans l’intérieur que se trouvent nos plus dangereux ennemis. Ce n’est pas qu’on n’y ait étouffé bien des germes de désorganisation; que le patriotisme n’y ait fait de grands progrès, et que l’ordre public ne tende partout à se rétablir ; mais on n’est pas encore toujours assez en garde contre les vaines terreurs, contre les injustes défiances, contre les faux bruits que la malveillance ne cesse de répandre, et contre les perfides insinuations. L’on s’apercevra enfin qu’elle ne cherche que la confusion et l’anarchie; on achèvera alors de se rallier autour de la loi, 45