SÉANCE DU 4 FLORÉAL AN II (23 AVRIL 1794) - N08 76 et 77 215 respect à la décision du comité, sur le rapport duquel a été rendue la loi, dont il lui est si important de connaître la véritable latitude. Elisabeth Couture, veuve Lesourd. Renvoyé au comité de législation (1). 76 [La Mun. de Pont-Croix, au présid. de la Conv.; 19 vent. II] (2). Citoyen président, «La raison règne sur nous avec le plus doux empire. Son flambeau nous éclaire et nous marchons d’un pas assuré partout où sa lumière nous devance. Nous voyons et nous t’annonçons avec plaisir que des épouses à qui l’âge ou la nature ne permet pas de se reproduire dans leurs enfants, abandonner par amour pour la patrie des époux dont l’âge et la nature promettent encore, et les voient, avec la plus gaie indifférence, s’associer à des filles plus jeunes, qui n’écoutant que la voix de la raison, concourent à augmenter le nombre des défenseurs de notre liberté. Le citoyen Allain, juge du Tribunal de ce district, nous a fourni le premier exemple de cette vertu républicaine. Inutilement uni depuis nombre d’années à une femme aujourd’hui plus que sexagénaire, un divorce mutuellement consenti a été prononcé et notre juge aussitôt forme de nouveaux liens avec M.A. Legoff, jeune campagnarde, à qui le célibat eut été un titre de reproche. Les prêtres n’ont pas fait valoir ce nouvel engagement. La Raison seule a tout scellé. Cette journée a été une fête pour notre commune. Les applaudissements n’ont guère été interrompus, on a dansé et mille fois répété Vive la République, vive la Montagne ! S. et F. » Le Blouche (agent nat), Le Bouclain (secret. greffier), Boulain (off. mun.) [et 3 signatures illisibles] . Renvoyé au Comité d’instruction publique (3). 77 [La C’ie Cabarrus-Fontenay ( 4), à la Conv.; Bordeaux, s.d.] (5). « Citoyens représentants, lorsque la morale est plus que jamais à l’ordre de vos grandes (1) Mention marginale datée du 4 flor. et signée Ruelle. (2) F17 1010®, pl. 1, dos. 2752. Pont-Croix, Finistère. (3) Mention marginale datée du 4 flor. et signée Reidet. Voir la séance du 11 floréal au Comité d’instruction publique; Procès-verbaux, T. IV, p. 296. , (4) La citoyenne Cabarrus-Fontenai ne tarda pas a épouser en secondes noces le représentant du peuple Tallien. Sa beauté remarquable, son extrême bienveillance et les nombreux services qu’elle rendit dans ces temps malheureux lui firent donner le surnom de Notre-Dame de Thermidor. Après son divorce avec Tallien elle épousa le prince de Chimay. (5) Mon., XX, 306. Bin, 4 flor.; Audit, nat., n° 579; J. Matin, n° 612; J. Perlet, n° 580; J. Lois, n° 571; Débats, n° 584, p. 85; Batave, n° 434; Mess, soir, n° 612. Mention dans J. Guillaume, P.V. du Comité d Instruction publique. T. IV, p. 371. délibérations; lorsque chacune des factions que vous terrassez vous ramène avec une force nouvelle à cette vérité si féconde que la vertu est la vie des Républiques et que les bonnes mœurs doivent maintenir ce que les institutions populaires ont créé, n’a-t-on pas raison de croire que votre attention va se porter avec un pressant intérêt vers la portion du genre humain qui exerce sur les mœurs une si grande influence ? « Malheur sans doute aux femmes qui, méconnaissant la belle destination à laquelle elles sont appelées, affecteraient, pour s’affranchir de leurs devoirs, l’absurde ambition de s’approprier ceux des hommes, et perdraient ainsi les vertus de leur sexe sans acquérir celles du vôtre. « Mais ne serait-ce pas aussi un malheur si, privées au nom de la nature de l’exercice des droits politiques, d’où naissent et les résolutions fortes et les combinaisons sociales, elles se croyaient en droit de se regarder comme étrangères à ce qui doit en assurer le maintien, et même à ce qui peut en préparer l’existence ? « Ah ! dans une République, tout sans doute doit être républicain, et nul être doué de la raison ne peut sans honte s’exiler par son vœu de l’honorable emploi de servir la patrie... Les compagnes de l’homme ne doivent pas, il est vrai, en être les rivales, car elles en sont et les consolateurs, et souvent les appuis; mais il est d’intéressantes fonctions que la nature même semble leur avoir départies, et dont, j’en suis certaine, vous ne vous offenserez pas si elles se plaisent à vous en entretenir. « Pardonnez toutefois, législateurs, si elles vous parlent par ma voix de leur destinée et de leurs devoirs; nulle d’entre elles n’a le ridicule orgueil de prétendre vous les faire connaître; mais peut-être leur sied-il bien de vous dire qu’elles les sentent vivement, qu’elles sont pressées d’impatience de les voir convertis par vous en décrets bienfaiteurs pour l’humanité, qu’enfin elles sont prêtes pour l’instant précis où, au nom de la patrie, vous les appellerez dans vos belles institutions. « Vous leur permettez sûrement d’espérer qu’elles occuperont une place dans l’instruction publique; car pourraient-elles se résoudre à croire qu’elles ne seraient comptées pour rien dans les soins particuliers que vous réservez à l’enfance ? Pourraient-elles penser que vous ne leur confierez pas surtout l’éducation de leurs jeunes compagnes que le malheur aura privées du bienfait de l’instruction maternelle ?... « Ce n’est pas à vous qu’on aura à reprocher un jour d’avoir méconnu la pudeur et sa vertueuse influence; et qui peut enseigner la pudeur si ce n’est la voix d’une femme qui peut la persuader si ce n’est son exemple ? « Mais ce que je viens aujourd’hui particulièrement réclamer en leur nom avec la plus forte confiance, c’est l’honorable avantage d’être appelées toutes dans les asiles sacrés du malheur et des souffrances, pour y prodiguer leurs soins et leurs plus douces consolations. «Dois-je craindre de m’abuser, citoyens représentants, lorsque je pense que là doit être le véritable apprentissage de la vie d’une femme; que c’est dans cette école que les filles, avant de devenir épouses, doivent aller développer, éclairer leurs premiers sentiments, et s’instruire par la pratique de la bienfaisance à tous les SÉANCE DU 4 FLORÉAL AN II (23 AVRIL 1794) - N08 76 et 77 215 respect à la décision du comité, sur le rapport duquel a été rendue la loi, dont il lui est si important de connaître la véritable latitude. Elisabeth Couture, veuve Lesourd. Renvoyé au comité de législation (1). 76 [La Mun. de Pont-Croix, au présid. de la Conv.; 19 vent. II] (2). Citoyen président, «La raison règne sur nous avec le plus doux empire. Son flambeau nous éclaire et nous marchons d’un pas assuré partout où sa lumière nous devance. Nous voyons et nous t’annonçons avec plaisir que des épouses à qui l’âge ou la nature ne permet pas de se reproduire dans leurs enfants, abandonner par amour pour la patrie des époux dont l’âge et la nature promettent encore, et les voient, avec la plus gaie indifférence, s’associer à des filles plus jeunes, qui n’écoutant que la voix de la raison, concourent à augmenter le nombre des défenseurs de notre liberté. Le citoyen Allain, juge du Tribunal de ce district, nous a fourni le premier exemple de cette vertu républicaine. Inutilement uni depuis nombre d’années à une femme aujourd’hui plus que sexagénaire, un divorce mutuellement consenti a été prononcé et notre juge aussitôt forme de nouveaux liens avec M.A. Legoff, jeune campagnarde, à qui le célibat eut été un titre de reproche. Les prêtres n’ont pas fait valoir ce nouvel engagement. La Raison seule a tout scellé. Cette journée a été une fête pour notre commune. Les applaudissements n’ont guère été interrompus, on a dansé et mille fois répété Vive la République, vive la Montagne ! S. et F. » Le Blouche (agent nat), Le Bouclain (secret. greffier), Boulain (off. mun.) [et 3 signatures illisibles] . Renvoyé au Comité d’instruction publique (3). 77 [La C’ie Cabarrus-Fontenay ( 4), à la Conv.; Bordeaux, s.d.] (5). « Citoyens représentants, lorsque la morale est plus que jamais à l’ordre de vos grandes (1) Mention marginale datée du 4 flor. et signée Ruelle. (2) F17 1010®, pl. 1, dos. 2752. Pont-Croix, Finistère. (3) Mention marginale datée du 4 flor. et signée Reidet. Voir la séance du 11 floréal au Comité d’instruction publique; Procès-verbaux, T. IV, p. 296. , (4) La citoyenne Cabarrus-Fontenai ne tarda pas a épouser en secondes noces le représentant du peuple Tallien. Sa beauté remarquable, son extrême bienveillance et les nombreux services qu’elle rendit dans ces temps malheureux lui firent donner le surnom de Notre-Dame de Thermidor. Après son divorce avec Tallien elle épousa le prince de Chimay. (5) Mon., XX, 306. Bin, 4 flor.; Audit, nat., n° 579; J. Matin, n° 612; J. Perlet, n° 580; J. Lois, n° 571; Débats, n° 584, p. 85; Batave, n° 434; Mess, soir, n° 612. Mention dans J. Guillaume, P.V. du Comité d Instruction publique. T. IV, p. 371. délibérations; lorsque chacune des factions que vous terrassez vous ramène avec une force nouvelle à cette vérité si féconde que la vertu est la vie des Républiques et que les bonnes mœurs doivent maintenir ce que les institutions populaires ont créé, n’a-t-on pas raison de croire que votre attention va se porter avec un pressant intérêt vers la portion du genre humain qui exerce sur les mœurs une si grande influence ? « Malheur sans doute aux femmes qui, méconnaissant la belle destination à laquelle elles sont appelées, affecteraient, pour s’affranchir de leurs devoirs, l’absurde ambition de s’approprier ceux des hommes, et perdraient ainsi les vertus de leur sexe sans acquérir celles du vôtre. « Mais ne serait-ce pas aussi un malheur si, privées au nom de la nature de l’exercice des droits politiques, d’où naissent et les résolutions fortes et les combinaisons sociales, elles se croyaient en droit de se regarder comme étrangères à ce qui doit en assurer le maintien, et même à ce qui peut en préparer l’existence ? « Ah ! dans une République, tout sans doute doit être républicain, et nul être doué de la raison ne peut sans honte s’exiler par son vœu de l’honorable emploi de servir la patrie... Les compagnes de l’homme ne doivent pas, il est vrai, en être les rivales, car elles en sont et les consolateurs, et souvent les appuis; mais il est d’intéressantes fonctions que la nature même semble leur avoir départies, et dont, j’en suis certaine, vous ne vous offenserez pas si elles se plaisent à vous en entretenir. « Pardonnez toutefois, législateurs, si elles vous parlent par ma voix de leur destinée et de leurs devoirs; nulle d’entre elles n’a le ridicule orgueil de prétendre vous les faire connaître; mais peut-être leur sied-il bien de vous dire qu’elles les sentent vivement, qu’elles sont pressées d’impatience de les voir convertis par vous en décrets bienfaiteurs pour l’humanité, qu’enfin elles sont prêtes pour l’instant précis où, au nom de la patrie, vous les appellerez dans vos belles institutions. « Vous leur permettez sûrement d’espérer qu’elles occuperont une place dans l’instruction publique; car pourraient-elles se résoudre à croire qu’elles ne seraient comptées pour rien dans les soins particuliers que vous réservez à l’enfance ? Pourraient-elles penser que vous ne leur confierez pas surtout l’éducation de leurs jeunes compagnes que le malheur aura privées du bienfait de l’instruction maternelle ?... « Ce n’est pas à vous qu’on aura à reprocher un jour d’avoir méconnu la pudeur et sa vertueuse influence; et qui peut enseigner la pudeur si ce n’est la voix d’une femme qui peut la persuader si ce n’est son exemple ? « Mais ce que je viens aujourd’hui particulièrement réclamer en leur nom avec la plus forte confiance, c’est l’honorable avantage d’être appelées toutes dans les asiles sacrés du malheur et des souffrances, pour y prodiguer leurs soins et leurs plus douces consolations. «Dois-je craindre de m’abuser, citoyens représentants, lorsque je pense que là doit être le véritable apprentissage de la vie d’une femme; que c’est dans cette école que les filles, avant de devenir épouses, doivent aller développer, éclairer leurs premiers sentiments, et s’instruire par la pratique de la bienfaisance à tous les 216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE détails des devoirs qu’elles auront bientôt à remplir envers leurs enfants, leurs époux, leurs parents; que là leur sensibilité, sans rien perdre de ce qui peut en faire le charme, prendra un caractère et plus auguste et plus pur; que la compassion, ce germe inné de toutes les vertus, ne sera plus en elles une émotion passagère et stérile, mais un sentiment profond et courageusement actif; qu’elles y apprendront surtout à vaincre, ou plutôt à ignorer à jamais les dégoûts impies pour les infirmités de la vieillesse, et qu’ainsi leur délicatesse, loin d’être, comme par le passé, un obstacle à leur vertu, ne sera qu’un nouveau moyen de la rendre et plus utile et plus aimable ? « Eh ! qui ignore combien leur présence est douce aux malheureux ? « Qu’il soit permis à une femme de le dire : les hommes sont destinés à des actions fortes, à des méditations profondes, à d’énergiques vertus; mais, auprès des malades, leurs soins les plus tendres sont brusques et précipités; leur voix radoucie est encore trop rude; leurs attentions même sont distraites, leur patience a l’air trop pénible; ils semblent en quelque sorte fuir l’infortuné qu’ils soulagent... « Les femmes, au contraire, lorsqu’elles soignent un malade, semblent ne plus exister que pour lui; tout en elles porte allégeance et soulagement; elles trouvent bien qu’on se plaigne; elles sont là pour vous consoler; leur voix seule est consolatrice; leur regard est sensible; leurs mouvements sont doux; leurs mains semblent attentives aux plus légères douleurs; leurs promesses donnent de la confiance, leurs paroles font naître de l’espoir... Enfin, lorsqu’elles s’éloignent du malheureux, tout lui dit, tout lui persuade que c’est pour lui qu’elles s’en vont, que c’est pour lui qu’elles s’empresseront de reparaître. « Si ces réflexions, même reportées vers les institutions vicieuses de l’ancien régime, ont encore de la justesse, quelle nouvelle force n’acquerront-elles pas lorsqu’à votre voix, une généreuse émulation s’emparant des femmes, elles brigueront toutes l’avantage de s’élancer dans cette carrière purifiée par la liberté et le saint amour de la patrie; lorsqu’au nom de cette patrie vous promettrez les plus belles récompenses de l’opinion à celles qui auront montré un zèle plus héroïquement sensible, et que, dirigeant vous-mêmes ce mouvement général des âmes vers l’humanité, vous confierez spécialement à la jeunesse l’honneur de servir ce qu’il y a de plus sacré sur la terre après la vertu, l’infortune?... Qui ne sait en effet que les soins attentifs d’une jeune personne ont quelque chose de plus touchant, de plus pur, plus religieux, de plus respectueux pour le malheur ? Ordonnez donc, citoyens représentants, nos cœurs vous en conjurent, ordonnez que toutes les jeunes filles, avant de prendre un époux, iront passer quelque temps dans les asiles de la pauvreté et de la douleur, pour y secourir les malheureux et s’y exercer, sous les lois d’un régime organisé par vous, à toutes les vertus que la société a droit d’attendre d’elles. « Eh ! combien d’une telle institution rejailliront d’avantages sur la société entière ! Qui peut calculer l’influence qui en résultera sur les habitudes, les caractères, les mœurs, et par elles sur la félicité générale ? Que sera-ce surtout si les hôpitaux, perdant jusqu’à leur nom odieux pour que rien ne rappelle le souvenir de ces horribles tombeaux, deviennent désormais des temples consacrés à l’humanité, comme il en existera ailleurs qui seront consacrés à la justice et à la raison; si autour de ces temples on voit s’élever un portique où sera enseignée la théorie des vertus dont l’intérieur offrira la pratique; si enfin on en bannit ces images affreuses, ces impressions horribles dont on a eu jusqu’à ce jour la barbarie d’entourer les derniers instants de la vie humaine, pour y faire naître, au milieu de symboles consolateurs, des idées douces, pénétrantes, mélancoliques, telles enfin que l’homme sensible et affligé puisse venir avec confiance y chercher des consolations sans craindre d’y trouver la terreur ? « Mais est-ce donc à moi d’oser vous développer, vous indiquer même des idées que certes dès longtemps vous avez conçues, et d’une manière bien plus vaste ? « Je m’arrête, citoyens représentants, et me renferme avec une attente respectueuse dans le vœu que j’ai formé de toute l’ardeur de mon âme pour que mon sexe concoure enfin, par les moyens que la nature lui a dispensés, au plus grand bonheur de la république. «L’usage, si souvent précurseur de vos décrets, a décerné aux femmes le beau nom de citoyennes. Que ce ne soit plus désormais un vain nom dont elles se parent, et qu’elles puissent présenter avec orgueil, ou plutôt avec confiance, les titres véritables de leur civisme. « Tous les hommes, les vieillards eux -mêmes, jouissent de l’avantage honorable d’être des sentinelles vigilantes autour de la demeure du paisible citoyen; tous montent la garde dans nos murs pour écarter les dangers dont nos frères peuvent être menacés; elles vous demandent d’être admises toutes à faire la garde autour des malheureux, pour en écarter, par leurs soins tendres et compatissants, les douleurs cruelles, les sombres inquiétudes, et le sentiment anticipé de la mort, plus affreux que la mort même. « Citoyens représentants, celle qui vous adresse en ce moment l’hommage de ses pensées, de ses plus intimes sentiments, est jeune; âgée de vingt ans, elle est mère, elle n’est plus épouse; toute son ambition, tout son bonheur surtout seraient d’être une des premières à se livrer à ces douces, à ces ravissantes fonctions. Daignez accueillir avec intérêt son vœu le plus ardent, et que par vous ce vœu devienne bientôt celui de toute la France ! » La Convention ordonne la mention honorable de cette Adresse, et la renvoie au comité de salut public et à celui d’instruction. 78 [L’agent nat. de la Comm. de Sapicourt, au présid. de la Conv.; 7 germ. W] (1). « Citoyen président, Je t’envoie ci-joint deux délibérations de l’assemblée générale de la commune de Sapicourt que je te prie de vouloir bien faire lire (1) C 302, pl. 1001, p. 39. Marne. 216 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE détails des devoirs qu’elles auront bientôt à remplir envers leurs enfants, leurs époux, leurs parents; que là leur sensibilité, sans rien perdre de ce qui peut en faire le charme, prendra un caractère et plus auguste et plus pur; que la compassion, ce germe inné de toutes les vertus, ne sera plus en elles une émotion passagère et stérile, mais un sentiment profond et courageusement actif; qu’elles y apprendront surtout à vaincre, ou plutôt à ignorer à jamais les dégoûts impies pour les infirmités de la vieillesse, et qu’ainsi leur délicatesse, loin d’être, comme par le passé, un obstacle à leur vertu, ne sera qu’un nouveau moyen de la rendre et plus utile et plus aimable ? « Eh ! qui ignore combien leur présence est douce aux malheureux ? « Qu’il soit permis à une femme de le dire : les hommes sont destinés à des actions fortes, à des méditations profondes, à d’énergiques vertus; mais, auprès des malades, leurs soins les plus tendres sont brusques et précipités; leur voix radoucie est encore trop rude; leurs attentions même sont distraites, leur patience a l’air trop pénible; ils semblent en quelque sorte fuir l’infortuné qu’ils soulagent... « Les femmes, au contraire, lorsqu’elles soignent un malade, semblent ne plus exister que pour lui; tout en elles porte allégeance et soulagement; elles trouvent bien qu’on se plaigne; elles sont là pour vous consoler; leur voix seule est consolatrice; leur regard est sensible; leurs mouvements sont doux; leurs mains semblent attentives aux plus légères douleurs; leurs promesses donnent de la confiance, leurs paroles font naître de l’espoir... Enfin, lorsqu’elles s’éloignent du malheureux, tout lui dit, tout lui persuade que c’est pour lui qu’elles s’en vont, que c’est pour lui qu’elles s’empresseront de reparaître. « Si ces réflexions, même reportées vers les institutions vicieuses de l’ancien régime, ont encore de la justesse, quelle nouvelle force n’acquerront-elles pas lorsqu’à votre voix, une généreuse émulation s’emparant des femmes, elles brigueront toutes l’avantage de s’élancer dans cette carrière purifiée par la liberté et le saint amour de la patrie; lorsqu’au nom de cette patrie vous promettrez les plus belles récompenses de l’opinion à celles qui auront montré un zèle plus héroïquement sensible, et que, dirigeant vous-mêmes ce mouvement général des âmes vers l’humanité, vous confierez spécialement à la jeunesse l’honneur de servir ce qu’il y a de plus sacré sur la terre après la vertu, l’infortune?... Qui ne sait en effet que les soins attentifs d’une jeune personne ont quelque chose de plus touchant, de plus pur, plus religieux, de plus respectueux pour le malheur ? Ordonnez donc, citoyens représentants, nos cœurs vous en conjurent, ordonnez que toutes les jeunes filles, avant de prendre un époux, iront passer quelque temps dans les asiles de la pauvreté et de la douleur, pour y secourir les malheureux et s’y exercer, sous les lois d’un régime organisé par vous, à toutes les vertus que la société a droit d’attendre d’elles. « Eh ! combien d’une telle institution rejailliront d’avantages sur la société entière ! Qui peut calculer l’influence qui en résultera sur les habitudes, les caractères, les mœurs, et par elles sur la félicité générale ? Que sera-ce surtout si les hôpitaux, perdant jusqu’à leur nom odieux pour que rien ne rappelle le souvenir de ces horribles tombeaux, deviennent désormais des temples consacrés à l’humanité, comme il en existera ailleurs qui seront consacrés à la justice et à la raison; si autour de ces temples on voit s’élever un portique où sera enseignée la théorie des vertus dont l’intérieur offrira la pratique; si enfin on en bannit ces images affreuses, ces impressions horribles dont on a eu jusqu’à ce jour la barbarie d’entourer les derniers instants de la vie humaine, pour y faire naître, au milieu de symboles consolateurs, des idées douces, pénétrantes, mélancoliques, telles enfin que l’homme sensible et affligé puisse venir avec confiance y chercher des consolations sans craindre d’y trouver la terreur ? « Mais est-ce donc à moi d’oser vous développer, vous indiquer même des idées que certes dès longtemps vous avez conçues, et d’une manière bien plus vaste ? « Je m’arrête, citoyens représentants, et me renferme avec une attente respectueuse dans le vœu que j’ai formé de toute l’ardeur de mon âme pour que mon sexe concoure enfin, par les moyens que la nature lui a dispensés, au plus grand bonheur de la république. «L’usage, si souvent précurseur de vos décrets, a décerné aux femmes le beau nom de citoyennes. Que ce ne soit plus désormais un vain nom dont elles se parent, et qu’elles puissent présenter avec orgueil, ou plutôt avec confiance, les titres véritables de leur civisme. « Tous les hommes, les vieillards eux -mêmes, jouissent de l’avantage honorable d’être des sentinelles vigilantes autour de la demeure du paisible citoyen; tous montent la garde dans nos murs pour écarter les dangers dont nos frères peuvent être menacés; elles vous demandent d’être admises toutes à faire la garde autour des malheureux, pour en écarter, par leurs soins tendres et compatissants, les douleurs cruelles, les sombres inquiétudes, et le sentiment anticipé de la mort, plus affreux que la mort même. « Citoyens représentants, celle qui vous adresse en ce moment l’hommage de ses pensées, de ses plus intimes sentiments, est jeune; âgée de vingt ans, elle est mère, elle n’est plus épouse; toute son ambition, tout son bonheur surtout seraient d’être une des premières à se livrer à ces douces, à ces ravissantes fonctions. Daignez accueillir avec intérêt son vœu le plus ardent, et que par vous ce vœu devienne bientôt celui de toute la France ! » La Convention ordonne la mention honorable de cette Adresse, et la renvoie au comité de salut public et à celui d’instruction. 78 [L’agent nat. de la Comm. de Sapicourt, au présid. de la Conv.; 7 germ. W] (1). « Citoyen président, Je t’envoie ci-joint deux délibérations de l’assemblée générale de la commune de Sapicourt que je te prie de vouloir bien faire lire (1) C 302, pl. 1001, p. 39. Marne.