[Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» 1 11 juillet 1791.] sera remis aux commissaires de la trésorerie un résultat général de la comptabilité énoncée dans l’article précédent : tous les comptables de la trésorerie nationale ÿ seront compris en débit et en crédit en une seule ligne, et ces résultats généraux devront cadrer avec ceux obtenus en détail par les comptes ouverts et en parties doubles, établis, soit dans les bureaux de la recette, soit dans ceux des payeurs principaux ; ces mêmes résultats généraux Feront le contrôle et la sûreté de tout le Trésor public. Art. 7. « Il sera établi sur un registre un tableau général de comparaison, qui embrassera un intervalle de 10 années consécutives, sur lequel seront inscrites, à la fin de chacune, toutes les recettes et les dépenses par totaux, de manière qu’on puisse embrasser d’un même coup d’œil les variations qui pourront survenir dans les recettes comme dans les dépenses, et remonter aux causes qui les auront occasionnées. Pour la possibilité des comparaisons, les recettes et les dépenses de même nature seront classées sous les mêmes dénominations ; les commissaires de la trésorerie en présenteront incessamment les divisions qui seront décrétées par l’Assemblée nationale. Art. 8. « G’est dans le bureau central de comptabilité que se prépareront les calculs nécessaires pour les travaux du comité de trésorerie. Titre III. Des cautionnements. Art. 1er. « Il ne sera point fourni de cautionnement en argent, mais seulement en immeubles ou contrats, libres de toute hypothèque, et dont le capital sera évalué sur le pied du denier vingt du revenu. Art. 2. « Seront également admis pour cautionnements les effets publics au porteur portant intérêts, et le capital en sera également évalué sur le pied du denier vingt dü revenu. Lesdits effets seront déposés dans la caisse générale, et les coupons en seront détachés et remis aux comptables, aüx époques des payements. Art. 3. « Les cautionnements seront provisoirement fixés ainsi qu’il suit : « Pour le caissier général 500,000 livres. « Pour chacun des payeurs principaux 200,000 livres. » M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre de l'intérieur, ainsi conçue : « Messieurs, « Les commissaires de la trésorerie nationale demandent à être autorisés provisoirement à faire remettre au commis de la recette générale de Lyon une somme de 127,026 livres 8 sols dont M. d’Ainval, ci-devant receveur général des finances de cette ville paraît être redevable. Ils sollicitent ce remboursement avec la plus vive instance. Je ne pense pas devoir l’ordonner, m qu’autant que l’Assemblée nationale m’y aura autorisé par un décret spécial. « Je vous prie en conséquence, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre cet objet sous les yeux de l’Assemblée et me faire part de ses intentions à cet égard. « Je suis avec respect, etc... » Signé : DE LESSART. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité des finances.) L’ordre du jour est un rapport du comité des monnaies relativement à la fabrication de menue monnaie d'argent. M. Bèlïals-Courménil, au nom du comité des monnaies. Messieurs, vous avez demandé à votre comité des monnaies un projet d’exécution ou de modification de votre décret dü 11 janvier, concernant une émission de menue monnaie; l’Assemblée parut désirer qu’il lui fût offert dès mardi, et je me présentai mardi au nom du comité, pour satisfaire son empressement; d’autres travaux ont éloigné celui-ci. Le décret dtl 1 1 janvier ordonne une fabrication de 15,000,000, en pièces de 30 et 15 sous au même titre que les écus. Le prix excessif des matières d’argent n’a pas permis de hâter l'exécution de cette loi, et lorsqu’il vous a été rendu compte de la suspension momentanée, vous ne l’avez pas désapprouvée ; vous avez senti combien il serait impolitique de livrer celte monnaie aux spéculations des fondeurs. Cependant le besoin d’une menue monnaie se fait sentir de plus en plus ; heureusement qu’il naît en grande partie de l’activité de nos manufactures, et cette circonstance est d’un heureux présage. Il est pressant, Messieurs, de satisfaire ce besoin, mais il faut le faire d’une manière durable; il faut fixer dans le royaume la monnaie que l’on fabriquera, il faut eu faire une pour nous et non pour nos voisins ou nos ennemis; enfin il faut déjouer, s’il est possible, les spéculations des fondeurs puisqu’au milieu de tant de vertus qui honorent aujourd’hui la France, elles subsistent malgré l’excès de leur immoralité. Cette vue a principalement fixé l’attention de votre comité, mais la crainte de retarder la fabrication lui a fait examiner d’abord s’il ne devait pas vous proposer, au moins provisoirement, une émission de pièces de 24, 12 et 6 sous, avec les anciennes empreintes. Cet examen était nécessaire ; car, pour les personnes qui ne se donnent pas la peine de réfléchir, ce projet a quelque chose de séduisant, et semble, au premier coup d’œil, devoir accélérer l’exécution de votre décret. Cependant il n'aurait pas même cet unique avantage, et il est susceptible de très grands inconvénients. D’abord, la fonte de ces nouvelles espèces est effrayante, et l’on doit s’y attendre, puisqu’elle offre un profit considérable et certain à la cupidité des fondeurs. Or, comment s'arrêter à un plan qui ne présente que l’efficacité trompeuse du moment, pour nous mieux faire sentir ensuite notre pénurie et nos besoins? En second lieu, répandre dans la circulation une quantité considérable de pièces neuves en concurrence avec des pièces dégradées qui, pourtant, servent journellement à nos échanges, ce serait paralyser la circulation, lorsque notre ob- 1 24 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. jet doit être de l’alimenter et d’augmenter son activité. Car vous devez vous altendre, Messieurs, que les pièces de menue monnaie d’argent, qui circulent aujourd’hui à cause de leur indispensable nécessité, seront refusées dans le commerce aussitôt que des pièces neuves de la même espèce se trouveront en concurrence; on ne recevra point indifféremment une pièce vieille pour une neuve, qui aura quelquefois le double de valeur réelle; ce n’est pas même exagérer les idées que de vous faire entrevoir une foule de contestations et de rixes dans nos marchés, à l’instant où des pièces d’une valeur si inégale seraient répandues dans le commerce. Tout doit donc nous porter à garder toute notre monnaie actuelle, qui n’est que trop rare, et à ne pas obstruer la circulation par l’imprudente association de pièces neuves, qui loin de nous enrichir augmenteraient notre disette; car, en dernière analyse, tel serait le résultat d’une semblable opération. Une autre considération doit vous déterminer; on a dit, avec raison, que nos pièces de douze ou vingt-quatre sous étaient fort recherchées en Angleterre, et qu’il s’y en trouvait une grande quantité; le fait est vrai, en voici la raison : Il s’est fait en Angleterre une spéculation sur nos pièces frayées, et il y a toute apparence que des Français ont la coupable facilité de favoriser cet agiotage, dont ils partagent sans doute le profit. Il est certain en Angleterre, puisque toute l’opération consiste à répandre dans la circulation une pièce française dont l’empreinte est effacée, pour une pièce anglaise d’une valeur supérieure; c’est ainsi que la Suisse et l’Allemagne ont introduit chez nous une partie de la mauvaise monnaie dont on se plaint depuis si longtemps. On doit d’autant plus compter sur la continuation de cet odieux trafic, que la France n’est pas la seule qui se plaigne de la rareté du numéraire; les nations voisines s’en plaignent également, ce qui les rend moins difficiles sur l’introduction des pièces étrangères. L’Inde absorbe les menues monnaies d’argent de l’Angleterre; on a d’ailleurs négligé d’y en fabriquer, ce qui fait mieux accueillir la circulation des nôtres en concurrence avec les schel-lings et les demi-schellings, lorsque l’empreinte est effacée; et à ces moyens le spéculateur peut faire un profit très considérable sur nos louis qu’il rachète en Angleterre, et qu’il fait revendre à Paris. On pourrait objecter que des pièces neuves, par cela même que l’empreinte n’aurait pas frayé, ne seraient pas un objet de spéculation pour l’Angleterre, mais on se tromperait : en ce genre il est très facile d’anticiper sur le temps et de faire disparaître par un frottement artificiel les empreintes les mieux formées; ainsi la nouveauté de la monnaie n’offrirait qu’une trompeuse sécurité. Tout se réunit donc pour vous détourner de faire fabriquer des pièces de 24, 12 et 6 sous. Et remarquez, Messieurs, qu’en adoptant cette fabrication vous vous écarteriez sans nécessité du décret du 11 janvier, que les mêmes motifs qui vous Font fait rendre doivent vous engager à maintenir, indépendamment de l’inconvénient majeur qu’il y a à changer fréquemment de système et à rapporter des décrets rendus après une discussion éclairée. Je dis sans nécessité, car vous n’auriez pas Jll juillet 1791.) même l’unique avantage de gagner du temps et d’accélérer l’émission. Votre comité a pris à cet égard tous les renseignements que l’on pouvait se procurer ; et il en est résulté que, soit que vous adoptiez les nouvelles empreintes décrétées au mois d’avril, soit que vous ordonniez l’usage des anciennes, dans l’un et l’autre cas, le délai sera court et absolument le même. Ce qui, d’ailleurs, doit vous rassurer, c’est que dans l’un comme dans l’autre système le temps sera utilement employé. Les menues monnaies, soit de 12 et 24 sols, soit de 15 et 30, exigent un temps plus long pour la façon des flaons et pour l’ajustage, car il faut qu’elles soient tellement proportionnées qu’elles forment avec la plus grande précision la division exacte de Vécu, et de plus celle du marc, ce que l’on appelle le recours de la pièce au marc : sans cette attention le désordre s’introduirait dans les monnaies et par suite l’inquiétude et la défiance dans le commerce. Pendant le délai de cette préparation des flaons, les monnaies seront approvisionnées des carrés nécessaires à la fabrication : et à cet égard je dois vous observer que le besoin des écus a ralenti et même fait suspendre dans les hôtels des monnaies la fabrication des petites pièces d’argent et il en est arrivé qu’elles ont cessé d’être approvisionnées de carrés. Mais dans quinze jours à trois semaines il est aisé de leur en fournir, et comme vous le voyez, il n’y aura aucun temps perdu ; or, cette fourniture de carrés sera tout aussi prompte avec les nouvelles que les anciennes empreintes, comme je vous l’expliquerai par la suite : il est donc préférable de se servir des nouvelles. D’après ce que vous venez d’entendre, votre comité a pensé unanimement qu’il ne convenait à aucun égard de vous proposer de faire fabriquer des pièces de 24, 12 et 6 sols; et plus vous y réfléchirez, plus cette mesure vous paraîtra impolitique et dangereuse. Mais, en rejetant un système inséparable de tant d’inconvénients, doit-on exécuter sans modification le décret du 11 janvier? Non, Messieurs, il exposerait aussi à de grands abus-, et il faut les éviter puisque nous le pouvons. Les pièces de 30 et 15 sous, au titre des écus; exciteraient puissamment la détestable cupidité des fondeurs. Le danger est plus grand aujourd’hui qu’il n’était au mois de janvier, puisque la baisse du change et l’accaparement de nos écus ont sensiblement augmenté le bénéfice de la fonte. Un remède se présente, il faut le saisir ; sans manquer à la loyauté qui dirige et décore tous vos travaux, vous pouvez du moins, jusqu’à un certain point, déjouer les spéculations des fondeurs en rendant la fonte plus difficile et plus coûteuse. Pour cela, il suffit d’augmenter l’alliage de votre menue monnaie, non dans ce sens qu’elle perde la plus légère partie de sa valeur réelle, mais au contraire sous ia condition de conserver scrupuleusement dans chaque pièce la même quantité d’argent, le même nombre de grains de fin; de sorte qu’elle aura la même valeur en argent, et de plus la valeur de l’alliage qui ne sera pas comptée, parce qu’il convient que la nation en fasse le sacrifice : ainsi la malignité la plus exercée n’aura pas le triste prétexte de dire que vous avez altéré la monnaie, puisqu’il sera évident que vous l’aurez améliorée. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juillet 1791.] 125 Je tâche de rendre cette idée palpable ; car il ne faut pas qu’une nation qui vient de se montrer si grande puisse être soupçonnée d’adopter un système frauduleux. ' On peut donc, Messieurs, avec loyauté, faire une bonne et très bonne monnaie, à un titre différent de celui de nos écus, et dont Ja fonte plus difficile et plus coûteuse sera beaucoup moins à craindre. Votre comité a fait faire des expériences, il en résulte qu’à 8 deniers d’argent fin alliés avec 4 deniers de cuivre, la monnaie sera belle et conservera bien sa couleur; au-dessous de ce titre la couleur se dégrade par des nuances progressives, de manière que plus on s’éloigne de 8 deniers, plus la pièce rougit, tellement que le simple coup d’œil avertirait du faux monnayage, ce qui offre un avantage digne de considération ; mais en voici d’autres qui ont déterminé votre comité: D’abord, 8 parties d’argent alliées à 4 parties de cuivre offrent un métal plus dur, et qui résiste beaucoup mieux au frai. En second lieu, le volume de la pièce est plus grand, et par là on évite la confusion avec celles de 24 et 12 sous, ce qui est fort désirable : car je ne saurais trop répéter qu’il est d’une extrême importance de conserver à notre menue monnaie actuelle tout son crédit, et qu’il serait infiniment dangereux d’en troubler la circulation par une mesure imprudente, comme serait celle de l’associer avec une monnaie neuve au même titre et à la même taille ; plus vous y réfléchirez, Messieurs, et plus vous vous convaincrez de cette grande vérité. Ce n’est pas le tout que de frapper précipitamment de la monnaie, il faut calculer ses effets et voir si ce qui paraît si simple au premier coup d’œil n’entraîne aucun inconvénient ; c’est ce que votre comité a tâché de faire. Votre décret du 11 janvier, ainsi moditié dans son exécution, offre plusieurs autres avantages. D’abord, vous voyez que vous ne vous écarterez pas de la division décimale, que toutes les compagnies savantes de l’Europe désirent de voir adopter, et à laquelle vous avez déjà accordé la préférence. En second lieu, un plus fort alliage augmentant le volume des pièces, vous obtiendrez la facilité de faire exécuter des pièces de 5 sols dont la grandeur sera assez palpable, en un mot, très suffisante : néanmoins nous ne vous faisons pas cette proposition dans ce moment, parce qu’il faut accélérer la fabrication, et qu’il ne serait pas sage, dans les circonstances où nous nous trouvons, de la ralentir par de petites divisions. Une autre considération très importante est celle dont nous avons déjà parlé; c’est que vos nouvelles pièces ne seront pas accaparées pour l’Angleterre, parce que leur titre ne se trouvera plus en relation avec celui des schellings ou autre monnaie anglaise. Si, en effaçant l’empreinte, on voulait les introduire dans les marchés de l’Angleterre, elles y produiraient nécessairement le désordre et la fraude, de sorte que les Anglais eux-mêmes seront autant de surveillants pour nous : vous aurez donc trouvé le succès d’une monnaie qui, cette fois enfin, sera pour nous et non pour nos voisins. J’ai dit que cette fabrication pouvait commencer avec les nouvelles empreintes aussitôt qu’avec les anciennes. Ceci peut se prouver en peu de mots. Les poinçons et les matrices pour les écus sont pris aux nouvelles empreintes comme aux anciennes ; mais on a vu que les carrés pour les pièces de 24, 12 et 6 sous, feraient attendre. L’académie a prononcé sur le mérite de l’artiste auquel vous devez confier la place de graveur général ; votre comité vous demandera un décret à cet égard, et dans quinze jours de la nomination du graveur général la fabrication peut commencer. Je propose quinze jours, quoiqu’un des graveurs qui a concouru m’ait autorisé à indiquer un plus court délai si la décision lui était favorable (1); mais je vous ai fait voir qu’un délai de quinze jours à trois semaines n’avait aucun inconvénient, puisque tous les jours seront utilement employés pour la préparation des flaons et pour l’ajustage. Je dois même à cet égard vous faire une observation; il convient que la première émission de cette monnaie soit abondante, afin de la soustraire aux spéculations des accapareurs C’est la même vue qui vous a dirigés pour l’émission des petits assignats, et elle est trop sage pour que vous deviez vous en écarter; or, le moyen le plus sur est de préparer un nombre considérable de flaons avant de frapper, parce que la fabrication, plus prompte que l’ajustage, sera ensuite plus soutenue et beaucoup plus rapide. Il est bien déplorable, sans doute, qu’au moment où la nation entière vient d’étonner l’Europe par ses vertus civiques, nous soyons forcés de vous inspirer des inquiétudes sur l’accaparement de vos espèces; mais il est des hommes si corrompus, tellement dépravés, qu’aucun exemple ne peut les rappeler à des sentiments généreux; insensibles à l’honneur, le mépris public ne les affecte pas davantage : ils en sont au point de se mépriser eux-mêmes, et de ne savoir plus en rougir. Est-il besoin d’ajouter qu’en adoptant la modification que vous présente votre comité à votre décret du 11 janvier, vous conservez l’heureuse idée d’une empreinte nationale, que le peuple désire avec raison, puisqu’en lui rappelant ses devoirs elle consacre ses droits? En lisant la légende règne de la loi , il n’y a point de Français qui ne sente à l’instant que ses chaînes sont brisées, et qu’il ne vit plus que pour la liberté. Messieurs, votre comité vous propose enfin une mesure qu’il croit indispensable d’adopter. Le prix courant des matières d’argent n’a aucune proportion avec les tarifs existants, et ce prix est lui-même si mobile par des circonstances dont le détail est étranger ici, qu’il serait dangereux de faire dans ce moment un nouveau tarif; mais il faut saisir tous les moyens d’engager les propriétaires de matières d’argent à les porter aux hôtels des monnaies. lien est un digne d’une grande nation, c’est d’assurer tous ceux qui apporteront à la monnaie des matières d’argent, qu’ils recevront sans aucune retenue la même quantité de grains de fin en monnaie fabriquée. Ne calculez pas, Messieurs, l’étendue d’un pareil sacrifice, soyez sûrs qu’il est minutieux et qu’il peut produire un effet salutaire; tous les bons esprits le désirent ; l’Angleterre nous en donne l’heureux exemple, imitons-la lors même que sous d’autres rapports nous lui en donnons de grands à suivre. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, considérant que (1) C’est le même qui, sur 57 voix, en a obtenu 40.