[21 février 1791.] 391 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les régiments coloniaux leur sera compté conformément à ce qui a été prescrit pour ces différents corps. » (Adopté.) M. Camus, au nom du comité des finances . Messieurs, vous ayez ordonné qu’il serait distrait des assignats de 2,000 livres, la quantité de 100 millions pour être fabriqués d’une autre manière que par assignats de 2,000 livres. De ces 100 millions, il y en a déjà 50 dont la coupure a été exécutée, comme vous l’avez ordonné, en assignats de 50 et 100 livres -, mais il reste encore 50 millions. Il est donc question de savoir, Messieurs, en quelle nature ces assignats seront fabriqués. Ce ne sera certainement pas en assignats de 2,000 livres, dont l’incommodité se fait sentir journellement ; ce sera en assignats de moindre valeur, de 100 livres par exemple, de 50 livres, ou même de sommes moindres, si vous le jugez à propos. D’après les observations qui furent faites hier, je propose de couper ainsi les 50 millions : de faire 30 millions d’assignats de 100 livres et 20 millions de 50 livres. M. de Crillon le jeune. L’empressement avec lequel le public a reçu les premiers petits assignats qui ont été fabriqués et le soulagement qu’ils ont apporté dans le commerce peuvent vaincre la répugnance que l’on a à employer cette mesure et à l’étendre encore. J’ai souvent entendu affirmer que les assignats d’une valeur inférieure à 50 livres auraient l’inconvénient de rendre l’argent plus rare; mais jamais je n’en ai entendu donner de preuves; je suis d’une opinion contraire, et voici mes raisons. L’argent devient plus rare, parce qu’il passe à l’étranger, ce qui peut arriver, soit par les émigrations, ce qui est toujours d’un effet borné, soit par la balance désavantageuse du commerce ; enfin l’argent resserré par la méfiance peut disparaître de la circulation. Je ne crois pas qu’on puisse attribuer aucun de ces effets aux assignats de 30 et de 25 livres que j’aurai l’honneur de vous proposer. Il me paraît évident que la circulation d’assignats d’une valeur moindre sera plus facile, et qu’ainsi, loin de nuire aux fabriques et à l’agriculture, elle ne pourra que servir ces deux grandes sources de productions, et par là favoriser notre balance de commerce. On ne peut pas non plus objecter qu’ils pourraient inspirer de la méfiance ; ce n’est pas une nouvelle émission, ce n’est qu’une division plus adaptée aux besoins journaliers de la société, et comme la valeur des domaines nationaux est incontestablement supérieure de plusieurs centaines de millions aux assignats décrétés, on ne peut pas avoir la moindre iuquiétude. J’ajouterai que la coupe d’assignats de 30 et de 25 livres diminuera le besoin des écus; car par leur moyen on pourra payer 5 livres, et leur fabrication ne faisant point sortir de numéraire, il deviendra moins cher; l’exemple des assignats de 50 livres le prouve suffisamment; tout le monde sait que tandis qu’on trouve à les échanger contre des écus à 2, 2 1/2 0/0, il en coûte 5 0/0 lorsqu’on veut échanger contre des écus les assignats de 200 et 300 livres. Je conclus, Messieurs, en vous proposant de décréter que les 50 millions de nouveaux assignats soient divisés ainsi : 25 millions d’assignats de 30 livres; 25 millions d’assignats de 25 livres. M. d’André. Je m’oppose à l’amendement du préopinant. Si vous adoptez des assignats au-dessous de 50 livres, vous ferez totalement disparaître le numéraire du royaume. Je sais bien que le principal avantage du fabricant, de l’entrepreneur, des gens qui emploient beaucoup de monde, serait d’avoir de petits billets ; je le sais, puisqu’ils sont obligés de faire chercher de l’argent pour payer leurs ouvriers et leurs travaux : et c’est là ce qui fait encore circuler de l’argent. Mais il n’est pas douteux que vous feriez le malheur de la classe indigente, de celle qui n’a pas 25 livres à sa disposition. Je donne un exemple : je suppose un ouvrier qui gagne 25 livres par semaine; le fabricant lui donnera un assignat de 25 livres. Je vous demande comment cet ouvrier ira chercher du pain le dimanche; il faudra qu’il change son assignat et qu’il perde pour cela 10 ou 12 sous. Il est évident que par là vous feriez un préjudice énorme à la classe des pauvres. L’argent renchérira par les besoins de ceux-ci; il deviendra chaque jour plus rare. On dira : qu’importe à la société, pourvu qu’il y ait des assignats en circulation? J’en conviendrais, si vous pouviez et si vous osiez créer des assignats de 2 liards. Les billets de 50 livres servent à acquitter des sommes de 10 livres lorsque l’on donne un assignat de 60 livres pour un assignat de 50 livres. Cet échange ne peut se faire qu’entre des personnes aisées, et c’est justement ce qu’il faut ; car la circulation des assignats, dans-fes classes les plus pauvres du peuple, ne peut jamais avoir que les plus grands inconvénients. Je demande la question préalable contre l’amendement de M. de Grillon et l’adoption de la proposition du comité. M. Rewbell. C’est favoriser la classe des riches. M. Bousgion. Il est facile de répondre aux objections de M. d’André, car il est évident que si l’Assemblée adoptait la proposition de ne pas faire d’assignats de 30 et de 25 livres, elle favoriserait par là la seule classe des hommes fortunés et les vendeurs d’argent. L’amendement que propose M. de Crillon, et dont j’avais fait moi-même la proposition à l’Assemblée, me paraît le plus utile à adopter, attendu que l’Assemblée ayant décrété la fabrication d’une monnaie de billon et de la menue monnaie d’argent, il serait alors facile de changer les assignats de 30 et de 25 livres, et de favoriser par ce moyen la classe la plus nombreuse, qui réclame de petits assignats, et surtout les habitants des départements qui n’en ont pas encore reçu. En adoptant l’amendement deM. de Grillon, je demande que l’Assemblée ordonne à son comité des monnaies de lui soumettre, sans délai, le modèle d’empreinte de la monnaie qui doit être frappée. Un membre : Le pauvre se trouverait exposé, en possédant un assignat qu’il pourrait facilement égarer, déchirer, ou qui pourrait lui être dérobé. Plusieurs membres demandent l’ajournement. 392 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 février 1791.] (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande d’ajournement.) Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. de Mirabeau. Si l’on veut fermer la discussion, je demande qu’une question très simple et très essentielle soit mise à l’ordre du jour: peut-il y avoir contre les petits assignats un autre intérêt que celui des vendeurs d’argent ? M. d’André. Et moi je demande qu’on mette à l’ordre du jour cette question : peut-il y avoir, en faveur des petits assignats, un autre intérêt que celui des fabricants contre la nation ? M. Delandine. Je demande qu’on mette à l’ordre du jour si l’Assemblée peut discuter de nouveau ce qu’elle a formellement jugé déjà; elle a décrété expressément qu’il ne serait point fabriqué d’assignats au-dessous de 50 livres. M. de Mirabeau. Je porte le défi de me citer ce décret. M. de Cholseul-Praslin. Voici ce décret ; il est du 8 octobre 1790. L’article 1er est ainsi conçu : « Les nouveaux assignats créés par le décret du 29 septembre dernier seront de 2,000,500,100,90,80,70,60,50 livres et non au-dessous. » (L’Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à l’avis du comité.) M. Long. Je propose, par amendement à l’avis du comité, de décréter que la totalité des 50 millions sera faite en assignats de 50 livres ; et je vous prie de considérer que si notre plus forte pièce de monnaie a été de 48 livres, la différence de là à 50 livres n’est pas considérable. M. Tuaut de La Bouverie. Je demande à M. le rapporteur si, parmi les assignats qu’on brûle et qui vont l’être incessamment, il en existe un seul de 50 livres. M. Camus, rapporteur. Oui, Monsieur, il en existe; je n’en sais pas le nombre, mais comme le registre a été remis à la Bourse, vous verrez qu’il y en a de 50 livres. M. Tuaut de La Bouverie. Le plus grand ennemi de l'Etat c’est l’agiotage. Il est reconnu qu’on accapare les assignats de 50 livres; c’est une vérité constante. Le meilleur moyen de déjouer les accaparements, c’est de faire un grand nombre de billets de 50 livres. J’appuie l’amendement de M. Long; on ne doit pas balancer à le décréter. (L'Assemblée adopte l’amendement de M. Long.) M. Camus, rapporteur. D’après le décret que vous venez de rendre, nous demandons l’adjonction de 6 nouveaux signataires pour accélérer la fabrication. (Cette motion est décrétée.) Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète queles assignats qui restent à fabriquer pour la somme de 50 millions, sur les 1,200 millions décrétés le 20 septembre dernier, seront fabriqués en assignats de 50 livres et que, pour accélérer ladite fabrication, il sera nommé 6 nouveaux signataires. » M. Camus, rapporteur. Il serait nécessaire, je crois, pour suivre et éclairer la marche de la comptabilité, que le directeur du Trésor public fût tenu de remettre toutes les semaines au comité des finances un état du numéraire et des différentes valeurs d’assignats qu’il aura délivrés. Je crois que c’est le moyen de le mettre à couvert de toute sollicitation et de toute inculpation. (Cette motion est adoptée.) L’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que le directeur du Trésor public sera tenu de remettre chaque semaine, au comité des finances, qui en rendra compte à l’Assemblée, l’état des pensions et distributions des sommes qui auront été faites dans la semaine, tant en numéraire qu’cn assignats de différentes coupures. » M. le Président donne lecture : 1° d’une lettre du maire de Paris, en date du 21 février, qui annonce l’adjudication de deux maisons; la première sise rue de Bourgogne, louée 2,600 livres, estimée 26,700 livres, adjugée 59,300 livres; la seconde, sise quai Saint-Bernard, louée 1,900 livres, estimée 27,400 livres, adjugée 56,300 livres. 2° D’une lettre de M. Montmorin, qui fait passer à l’Assemblée deux prestations de serment : l’une de M. Genet, chargé des affaires du roi auprès de l’impératrice de Russie, et l’antre de M. Ménageot, directeur de l’Académie de France à Rome. L’ordre du jour est un projet d'articles additionnels au décret sur la contribution foncière , présentés par le comité des contributions publiques. M. Dauchy, au nom du comité des contributions publiques, donne lecture des articles additionnels suivants : Art. 1er. « Les droits de péages et autres de même nature, non supprimés par l’article 13 du titre II du décret concernant les droits féodaux, en date du 24 mai 1790, seront soumis à la contribution foncière à raison de leur revenu net. » (Adopté.) «Art. 2. Le revenu net des canaux sera de même soumis à la contribution foncière. » Un membre demande par amendement qu’on ajoute après le mot : canaux , ceux-ci : de navigation, et qu’on rédige ainsi l’article : Art. 2. « Le revenu net des canaux de navigation sera de même soumis à la contribution foncière. » (Adopté.) Art. 3. « L’évaluation du revenu des canaux qui traversent le territoire de plusieurs communautés d’un même district sera faite par le directoire, et la contribution sera fixée par le même directoire, au taux moyen de celle qui sera supportée par les autres propriétés du district. Cette fixation sera faite en même temps que la répartition de la contribution foncière entre les diverses communautés. » (Adopté.)