SÉANCE DU 6 FRIMAIRE AN III (26 NOVEMBRE 1794) - N° 32 217 À leur retour, ils rendirent à la tribune un compte exact et détaillé de ces faits ; leur rapport ne contient absolument rien sur le district ; on en a vu la raison. Le conseil général de la commune de Sedan, qui aurait pu chercher un motif d’excuse dans l’exemple d’une administration supérieure, garda le silence; les patriotes les plus zélés se turent également sur ce fait, parce qu’encore une fois, il était parfaitement ignoré. Les commissaires terminèrent leur rapport par demander «l’approbation provisoire des mesures qu’ils avaient prises dans le département des Ardennes ». L’Assemblée par son décret du 1er septembre 1792, approuva (purement et simplement) la conduite de ses commissaires et «les mesures qu’ils avaient prises à l’égard des administrations ». Le rapporteur conclut de ces faits, qu’il développe, que les administrateurs de Sedan ont été depuis injustement incarcérés. Il lit ensuite la lettre suivante : [Charles Delacroix à son collègue Collombel, Sedan, le 3 brumaire an III\ Citoyen collègue, J’ai appris que tu étais chargé du rapport à faire à la Convention de l’affaire concernant les administrateurs du district de Sedan en août 1792 (vieux style). Toutes les autorités constituées de cette commune réclament ces citoyens, la plupart pères de familles, cultivateurs, et dont plusieurs n’ont depuis 1792, cessé d’être, à la satisfaction publique, membres des différentes autorités constituées, épurées et conservées par les représentants du peuple qui m’ont précédé dans cette mission. Accélère, je t’en prie, ce rapport et fais en sorte que ces citoyens ne languissent pas plus longtemps privés de la liberté. Signé, Ch. Delacroix. Le rapporteur termine par proposer un décret qui est adopté en ces termes : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Sûreté générale, décrète : Art. 1er.- Les onze administrateurs du district de Sedan en août 1792 (vieux style) seront mis sur-le-champ en liberté. Art. IL-Les scellés apposés sur leurs lettres, papiers, meubles et effets, seront levés par les agents nationaux de leurs communes respectives» (112). Le rapporteur propose et la Convention adopte le projet suivant : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Sûreté générale, décrète : (112) Moniteur, XXII, 610. Rép., n° 68 ; Débats, n° 794, 942 ; Ann. Patr., n° 695 ; F. de la Républ., n° 67 ; J. Fr., n° 792 ; M.U., n° 1354 ; J. Univ., n° 1826 ; Mess. Soir, n° 831 ; J. Perlet, n° 794. Art. Premier-. Les onze administrateurs du district de Sedan en 1792 (vieux style), seront mis sur-le-champ en liberté. Art. II-. Les scellés apposés sur leurs titres, papiers, meubles et effets, seront levés par les agens nationaux de leurs communes respectives (113). 32 Un membre [GIRAUD], au nom des comités de Commerce et des Approvisionne-mens, de Salut public et des Finances, présente un projet de décret dont le but est de provoquer l’importation dans la République, des marchandises et denrées non-prohibées, en les laissant à la libre disposition des propriétaires (114). GIRAUD : Toutes les vues de la Convention nationale doivent se tourner vers les moyens de faire cesser quelques mesures que la force des circonstances et des événements l’ont contrainte d’adopter. Sans doute que ceux qui peu à peu vous ont amenés à concentrer dans une même main, dans une seule maison, toutes les denrées, toutes les marchandises, toutes les subsistances de la République, avaient des vues moins pures que celles qu’ils paraissaient vous présenter. Mais le vœu bien prononcé des Français pour la République a fait surmonter des difficultés sans nombre ; si le peuple, dans cette circonstance comme dans beaucoup d’autres, a su, par son énergie, faire tourner à bien un état des choses dont ses ennemis espéraient profiter pour le conduire à sa perte, il est de la prudence du législateur de ne pas trop forcer ce bon esprit et de le réserver pour les grandes crises de la Révolution. Vous entendez tous les jours des réclamations sur les besoins des matières premières nécessaires à nos manufactures; on vous demande de toutes parts des subsistances, dont l’intempérie des saisons a privé beaucoup de nos districts, à la veille de la plus riche récolte. Vos comités voudraient vous proposer de remédier à tous ces maux à la fois; mais si le mal vient, pour ainsi dire, spontanément, il faut appliquer avec prudence les remèdes nécessaires au corps politique comme au corps humain. La difficulté des charrois, par la pénurie de chevaux et de bras que le service des armées de la République exige, multiplie les empêchements de satisfaire aux demandes faites par différents districts. Vos comités se sont occupés des moyens d’atténuer ces circonstances impérieuses ; ils croient les avoir trouvés en engageant le commerce particulier à importer des denrées dont l’arrivée, par ce canal, diminuera d’autant sur les ports les besoins, et contribuera à y entretenir une abon-(113) P.-V., L, 130. C 327 (1), pl. 1431, p. 47. Rapporteur Collombel selon C*ll, 21. (114) P.-V., h, 131. 218 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE dance dont l’heureux effet se fera sentir de proche en proche, et permettra à votre comité de Salut public de secourir avec plus d’efficacité les municipalités éloignées de ces secours maritimes. La Convention doit être bien convaincue que, pour faire prospérer le commerce et l’agriculture, il faut la plus grande liberté dans les spéculations de ceux qui s’y livrent: la liberté est la pierre fondamentale de tous les bonheurs. Il est donc nécessaire que le négociant soit libre de toutes les entraves depuis le commencement de ses opérations jusqu’à ce qu’elles soient entièrement consommées. Il ne doit pas seulement être libre pour traiter avec l’étranger, il faut qu’il soit libre lorsqu’il distribue dans l’intérieur les subsistances et les matières qu’il a fait importer; vous devez lui garantir la liberté la plus ilbmitée d’en disposer par des traités, par des contrats, par des échanges, et par tous les moyens que le commerce et l’industrie peuvent lui procurer; des entraves dans la distribution suspendraient le fruit de ses opérations, et l’obligeraient d’abandonner les spéculations les plus hardies et les plus utiles. Vous avez hautement proclamé l’encouragement du commerce; ce principe ne demande point de longs commentaires pour son application; liberté sur deux points, dans l’achat chez l’étranger, et la distribution dans l’intérieur; garantissez la circulation, et laissez agir. Nous avons apprécié les déclamations contre les commerçants ; nous savons actuellement que ceux qui les propageaient ne désiraient que le déplacement des fortunes. Le gouvernement doit protection à toutes les classes du peuple. Il faut enfin mettre en action cette vérité que l’expérience des siècles a burinée dans le cœur de ceux qui veulent et désirent sincèrement le bonheur de la Répubhque: c’est que son bien-être général ne se forme que du bien-être particuher des individus qui la composent. Vos comités, pénétrés de la vérité de ces assertions, les ont prises pour base du décret que j’ai à vous proposer en leur nom, décret dont le but est d’attirer dans nos ports des denrées tirées de l’étranger par le commerce particulier, et par cela même d’alléger les opérations de la commission de commerce. Ce décret sera un bienfait pour les communes maritimes. Mais en même temps que nous avons cru nécessaire de prendre quelques précautions, non pas contre les abus, il n’en est point à craindre, mais contre les ennemis du peuple, qui l’égarent en le trompant ; contre les agitateurs, qui craignent de perdre leur influence par le retour de l’ordre naturel des choses. Tels sont les motifs du projet de décret que je soumets à la Convention nationale, au nom des comités de Salut public, de Finances, de Commerce et d’approvisionnements réunis. Voici le décret : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut pubbc, des Finances, de Commerce et des Approvision-nemens, décrète : Art. Premier-. Toutes les denrées et marchandises de première nécessité importées dans la République par la voie du commerce extérieur seront à la libre disposition des propriétaires, et ne pourront être soumises à la réquisition. Art. II-. Lors de l’arrivée de ces denrées et marchandises dans les ports de France ou dans les commîmes de leur destination, quand cette arrivée aura lieu par les frontières de terre, il sera fait à la municipalité la déclaration de leur quantité et leur qualité. Art. III-. Il sera donné par la municipalité au déclarant une copie certifiée par elle de sa déclaration ». Ce décret est adopté (115). Après une courte discussion, le projet est adopté ainsi qu’il suit : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Salut public, des Finances, de Commerce et des Approvisionnemens, décrète : Art. Premier-. Toutes les denrées et marchandises non prohibées, importées par la voie du commerce extérieur, seront à la libre disposition du propriétaire, et ne pourront être soumises à la réquisition. Art. II-. Lors de l’arrivée de ces denrées ou marchandises dans les ports de France ou dans les communes de leur destination, quand cette arrivée aura lieu par les frontières de terre, il sera fait à la municipalité la déclaration de leur quantité et leur qualité. Art. IÏI-. Il sera donné, par la municipalité, au déclarant, une copie certifiée de sa déclaration. La Convention décrète en outre l’insertion au Bulletin de ce décret, ainsi que du rapport de ses comités (116). 33 Un membre [CAMBON], au nom du comité des Finances, propose les moyens de faire rentrer dans le Trésor public le produit des taxes révolutionnaires. On demande, de toutes parts, l’impression du rapport, ainsi que du projet de décret, et l’ajournement de la discussion dans un court délai. Ces propositions sont adoptées (117). (115) Moniteur, XXII, 610-611. Bull., 6 frim. ; Débats, n° 794, 942-943, n° 795, 949-951; Gazette Fr., n° 1059; Ann. Pair., n° 695; C. Eg., n° 830; M.U., n° 1354, 1355; J. Univ., n° 1828 ; Mess. Soir, n° 831. Moniteur, XXII, 618-619 et Débats, n° 795, 962 précisent que dans la séance du 7 frimaire, « Ramel, rappelle la loi rendue hier, qui affranchit les réquisitions des denrées de première nécessité introduites par la voie du commerce extérieur; il craint que ces mots de première nécessité n’élèvent des difficultés sans fin, vu toutes celles qu’il y a à fixer quelles denrées sont de première nécessité. Il propose de substituer aux termes de première nécessité, ceux-ci, non-prohi-bées. Cette proposition est adoptée. » (116) P.-V.,L, 131-132. C 327 (1), pl. 1431, p. 48 .Rép., n° 68 ; F. de la Républ., n° 67 ; J. Fr., n° 792. Rapporteur Giraud selon C*II, 21, la titulature du décret précise que «les marchandises et les denrées pourront être soumises à la réquisition». (117) P.-V., L, 132. Moniteur, XXII, 611, mention.