208 [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] le mois d’octobre où il laisse, souvent malgré ses soins, sa semaille mal faite et ses terres à blé pleines d’eau, jusqu’au mois de mars suivant, il est obligé de nourrir ses chevaux sans pouvoir les faire travailler, ni même occuper ses ouvriers; qu’il est, en conséquence, obligé d’entretenir une plus grande quantité de chevaux, actuellement très-chers ; que celui qui, au contraire, fait valoir un bon terrain et moins frais, et qui a la facilité de labourer ses terres pendant presque tout l’hiver, en retire un double avantage. Art. 4. Que, jusqu’à ce moment, ils ont fait d’inutiles représentations pour obtenir la destruction du gibier; que, depuis bien des années, ils ont vu avec douleur le prix de leurs sueurs presque entièrement perdu, et l’aliment le plus nécessaire dévoré par d’inutiles animaux qui, depuis longtemps, devraient être exterminés. Art. 5. Qu’il est désespérant pour eux de voir, sitôt les semailles faites, des fourmilières de lapins sortir des bois, dont leur terroir est environné, raser le blé sortant de la terre, et avec quantité de pigeons sortis de leur colombier, depuis les semences jusqu’à la récolte, qui détruisent une quantité de grains, tant en les mangeant, ainsi que les pois et vesces, qu’en couchant le blé, en se jetant dessus, avant et après la maturité, après une année entière des travaux les plus pénibles. Art. 6. Que si, dans l’hiver, la terre se trouve couverte de neige, le lapin se jette sur les vignes, qu’il ronge et coupe en partie par le pied, sans laisser au laboureur vigneron que de faibles espérances ; et il semble que ce qui échappe à leurs dents cruelles ne soit réservé qu’à assouvir la faim des biches et des daims qui, au pied des moissons et des vendanges, ravagent les vignes et dévorent les blés en épis. Art. 7. Qu’ils se regardent bien malheureux que toutes ces pertes, jointes à la mauvaise qualité de leur terrain, les empêchent de remplir leurs vues patriotiques, et de prouver à leur Roi combien ils lui sont dévoués. Art. 8. Qu’ils sont souvent vexés par le procédé injuste et despotique des employés des aides; qu’ils en demandent la réforme générale, pour y substituer un moyen moins onéreux; que la multiplicité de ces droits emportent tout le fruit du travail du vigneron, qui, souvent, après avoir payé ces droits, se trouve sans ressource pour subsister, lui et sa famille, après un travail de toute l’année. Art. 9. Qu’ils désirent que la province de l’Ile-de-France soit régie comme les pays d’Etats. Art.. 10. Que les impositions soient simplifiées dans leur perception, et qu’il règne plus d’égalité dans leur distribution ; que la justice soit rendue plus promptement et à moins de frais. Art. 11. Que la noblesse et le clergé payent toutes espèces d’impositions comme le tiers-état, et qu’aucun privilège ne puisse les en exempter. Art. 12. Que chaque bénéficier soit tenu de résider dans son bénéfice; et que les baux de biens de mainmorte soient continués malgré le décès des bailleurs. Art. 13. Que toutes les capitaineries soient supprimées, parce qu’elles diminuent l’abondance des grains; que chacun soit libre de vendre le sel, le droit de gabelle étant un droit onéreux pour le citoyen. Signé Soliër ; Lanoir ; Chicot ; Magdelain ; Pierre Kornuel;Nicolas Collot;Dandrieux;Pierre Cochois; Bigour; Gobeill, Pouelin ; Hilaire Coubon; Cou-Ion; Bletiers, G. Toin ; Lhuiüier, syndic; Huvier. CAHIER Des doléances, plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Villiers-Adam (1). Art. 1er. Notre vœu est d’avoir, avant tout, un bon établissement de gouvernement, qui rende stables à toujours les mesures que les Etats généraux jugeront convenables pour le' retour du bon ordre. Art. 2. L’impôt sur les terres et immeubles, tel qu’il soit, doit être également réparti entre toutes les classes de citoyens possédant fonds : toute exception pécuniaire ou faveur de tous particuliers, ou corps quelconques, devant être supprimée. Art. 3. La corvée, la milice, la lenteur et frais de justice, les emprisonnements arbitraires, les occupations de terrains pour la confection des chemins, sont autant de maux qui pèsent principalement sur nous, et auxquels il est pressant de remédier. Art. 4. Les assemblées provinciales, dont les membres doivent être nommés par les municipalités, n’ont pas encore toute l’autorité nécessaire pour opérer le bien dont elles sont capables. Art. 5. Il est infiniment intéressant que les Etats généraux prennent les mesures convenables pour assurer aux peuples le prix modéré des grains dans les années de disette, en conciliant la liberté due au commerce, la protection que mérite le cultivateur et la nécessité de mettre des bornes à la trop grande élévation du prix des grains, qui attaque directement la subsistance de l’iftdividu, la première de toutes les considérations. Art. 6. Il est indispensable de porter une loi nouvelle sur les abus de la chasse, telle que toute personne constituée en rang, autorité, ou dignité quelconque, puisse être facilement amenée, avec les moindres frais, au payement du dommage causé par la bête fauve ou meme le gibier. Art. 7. Le droit de chasse est inhérent aux terres nobles, et nos prétentions se réduisent à ne pas perdre, en tout ou partie, le fruit de nos travaux. Art. 8. Les lois existantes sont insuffisantes, et le malheureux cultivateur, frappé par l’intempérie des saisons, ne se voit que trop souvent réduit au désespoir par la fureur, généralement répandue, d’entretenir une grande quantité de gibier, et l’impossibilité de recourir avec fruit aux voies judiciaires. Art. 9. L’habitant des campagnes, qu'il arrose de ses sueurs, ne peut supporter, à la fois, tant de fléaux accumulés. Art. 10. Que les gens de mainmorte, et tous autres seigneurs de fiefs, ayant droit de chasse, ne puissent jouir de ce droit, à titre de conservation ou sous toutes autres dénominations. Art. 11. Qu’il soit permis à tous cultivateurs d’aller, toutes les fois que bon leur semblera, dans leurs terres ensemencées, pour y arracher l’herbe qui nuit à leur grain; qu’ils soient libres de faucher les foins et luzernes quand ils le jugeront à propos; qu’ils ne soient plus assujettis à laisser leur chaume pour servir de retraite au gibier, et bien moins encore à l’épiner. Art. 12. Que les champarts soient convertis en redevance en argent. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrii des Archives de l’Empire . 209 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Art. 13. Que les dîmes en nature soient supprimées et qu’elles soient converties en impôts en argent, Fait et arreté en rassemblée de la commune de Villiers-Adam, le 15 avril 1789. Signé Duchesne, syndic; Godard; Delaune; Rigault; Jean Goret; “ Laurent Rouga ; Garpou; Dannée; Guedon; Antoine Cousin ; Pierre Goret; Ganaprais ; Pierre Lebel; Riché; Brisville ; J. Goret; L. Rousseau; Laudrin; Potu; Roussel, greffier; Jarlet. Paraphé, au désir de notre procès-verbal de cejourd’hui, 15 avril 1789. Signé Potu. CAHIER Des doléances, “plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Villiers-le-Bascle , en conformité des ordres de Sa Majesté , portés par ses lettres données à Versailles le 24 janvier 1789, pour la convocation des Etats généraux (1). Art. 1er. La réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun des sujets de Sa Majesté. Art. 2. Qu’on est dans la plus aifreuse misère, causée tant par la grande cherté des vivres, que par la stérilité des terres, dévastées par la trop grande quantité de lapins, et autres gibiers destructifs des plantations, des blés et autres grains. Art. 3. Que les habitants de ladite paroisse se trouvent dans la position la plus malheureuse dans les grands froids, n’ayant point d’argent pour acheter du bois pour se chauffer, et encore moins pour faire cuire leur pain ; ce qui est très-nécessaire pour la vie des paroissiens. Art. 4. Que les impositions des • tailles et des vingtièmes sont exorbitantes, et sont trop fortes pour la plupart des habitants, môme des fermiers, encore plus pour les tailles que pour les vingtièmes. Art. 5. Que les cultivateurs ont bien de la peine à labourer leurs terres, à cause de la retenue des eaux considérables dans une partie des terres, causée par un étang situé dans ladite paroisse : ce qui est cause qu’une partie des terres toutes cultivées est absolument noyée, et une autre partie inculte. Art. 6. Que la permission doit être accordée par les capitaineries de nettoyer les grains en temps et saison, et notamment jusqu’à ce que les grains se défendent par eux-mêmes. Art. 7. Que les pauvres sont abondants et tourmentent les laboureurs et le public; que chacun doit rester dans sa paroisse. Art. 8. Que les pigeons font une grande perte dans la paroisse; demandent que les colombiers soient renfermés pour la conservation des grains. Art. 9. Que l’abolition des corvées est absolument nécessaire ; que voilà plusieurs années que l’on fait payer à ladite paroisse des corvées en argent, sans avoir de chemins; et que le chemin de Villiers à Versailles est impraticable ; qu’il serait nécessaire qu’il y eût un grand chemin pavé, ou au moins pierré. Fait et arrêté en l’assemblée qui a été tenue à cet effet par les habitants de ladite paroisse, au son de la grosse cloche sonnée en vol, en la manière ordinaire et accoutumée, cejourd’hui vendredi, 17 avril 1789, et avons signé. Signé Pluchet, syndic municipal ; Pigeon ; F. Deshayes ; F. Berrier; E. Haque ; G. Lelièvre ; Leblanc ; F. Gheury ; Gautier. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Villiers-le-Bel (1). La paroisse de Villiers-le-Bel charge expressément ses députés de faire tout ce qui dépendra d’eux pour faire insérer, dans le cahier de la prévôté et vicomté de Paris, les articles ci-après, et de demander, avec tous les efforts de leur zèle : Art. 1er. Que le premier acte des Etats généraux soit de remercier le Roi du bienfait inestimable qu’il vient d’accorder à ses peuples, en convoquant l’assemblée générale de la nation, et de témoigner à Sa Majesté l’attachement inviolable dont ils sont pénétrés pour sa personne sacrée. Art. 2. L’abolition des lettres de cachet, et la liberté individuelle de tous les membres de la nation. Que tout citoyen, actuellement détenu dans les prisons royales, soit remis entre les mains de ses juges naturels, et que les prisons d’Etat soient supprimées. Art. 3. Que les Etats généraux statuent sur leur propre organisation, l’étendue de leurs pouvoirs, leur convocation, l’exécution de leurs résolutions, la liberté des avis, la sûreté des membres, et leur réunion périodique. Art. 4. L’abolition des assemblées provinciales, et l’établissement d’Etats provinciaux uniformes par toutes les provinces qui en son privées. Que les Etats provinciaux, une fois établis, s’occupent de la composition des municipalités de leurs ressorts, lesqueHes seront préalablement consultées. Art. 5. Que, dans les Etats généraux, les matières soient examinées par les trois ordres séparément; mais que les délibérations soient constamment prises par les trois ordres réunis, et que les suffrages soient comptés par tête et non par ordre. Bien entendu que les députés du tiers-état soient en nombre égal à ceux du premier et du second ordre réunis. Art. 6. Qu’aux Etats généraux et provinciaux, la présidence soit accordée alternativement à un membre de la noblesse, du clergé et du tiers-état pris dans chacun des trois ordres, librement élu par la voie du scrutin. Art. 7. Que les Etats généraux concourent à procurer à la France une heureuse constitution qui assure à jamais la stabilité des droits du monarque et ceux du peuple. Que la constitution ainsi déterminée, les Etats généraux ne procèdent à aucune délibération ultérieure avant que la loi n’ait été signée par le Roi et par les représentants de la nation; lesquels en ordonneront.la promulgation au fur et à mesure que les objets en auront été arrêtés. Art. 8. Que les parlement? ou autres tribunaux souverains, avoués parla nation, ainsi que les juges qui leur sont subordonnés, ne soient plus, à l’avenir, troublés dans l’exercice de leurs fonctions. Art. 9. Que les Etats généraux s’occupent seu-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. i*8 SÉRIE, ï. V. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. U