[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.} ft§ la seconde, qui promet une indemnité à la famille de Brancas, je la repousse, parce qu’on ne peut accorder d'indemnité à un possesseur que lorsque le titre du premier propriétaire est juste, ce qui n’est point dans l'hypothèse proposée. M. Dupont (de Nemours ). J’observe que la protection se doit et ne se vend pas. M. Vieillard. Il faut séparer la condition de la famille de Brancas de celle du gouvernement. La première ne peut être frustrée du prix de services rendus, par la suppression pure et simple du droit qui lui avait été concédé en récompense de ses services. M. Bouche. Je ne trouve dans la somme que payent les juifs ni un droit de protection, ni un droit de domaine, ni une servitude personnelle; je n’y vois qu’un cadeau fait par le souverain à des favoris, a des courtisans corrompus ( Des murmures se font entendre). J’ajoute que je parle des siècles passés et nou du temps présent. Je propose donc d’abolir dans tout le royaume le titre de protecteur des juifs. M. Barnave. Je ferai remarquer au comité qu’une indemnité n’est due que lorsqu’il y a acquisition à titre onéreux. M. Rewbell. Dans tous les cas, cette affaire doit être réduite aux seuls juifs de Metz, sans qu’il soit question des autres qui ne sont pas à Tordre du jour. M. Bouche, Lorsqu’il s’agit de la liberté des hommes, elle est toujours à Tordre du jour. M. Martineau propose un amendement sur les mots possesseurs à titre onéreux , qui est adopté. M. Merlin. En supprimant les droits féodaux, on a supprimé aussi toute espèce de recherche commencée, ou à commencer à leur égard. Je demande qu’il en soit de même pour le droit de protection des juifs. (Cet amendement est adopté.) Le projet de décret, avec les modifications qui y ont été apportées est ensuite mis aux voix et adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que la protection de la force publique est due a tous les habitants du royaume indistinctement, sans autre condition que celle d’en acquitter les contributions communes; « Après avoir oüï le rapport de son comité des domaines, « A décrété et décrète qüe la redevance annuelle de 20,000 livres levée sur les juifs de Metz et du pays Messin, sous la dénomination de droit d’habitation, protection et tolérance, est et demeure supprimée et abolie, sans aucune indemnité pour le concessionnaire et possesseur actuel de ladite redevance ; « Décrète, en outre, que les redevances de même nature, qui se lèvent partout ailleurs sur les juifs, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies et supprimées sans indemnité de la part des débiteurs, soit que lesdites redevances se perçoivent au profit du Trésor public, ou qu’elles soient possédées par des villes, par des communautés ou par des particuliers; sauf à statuer, ainsi qu’il appartiendra, sur les indemnités qui pourraient être dues par la nation aux concessionnaires du gouvernement à titre onéreux, d’après l’avis des directoires des départements dans le territoire desquels lesdites redevances se perçoivent ; à l’effet de quoi les titres concédés seront représentés 'dans l’année par les possesseurs et concessionnaires; « Décrète enfin qu’il ne pourra être exigé aucun arrérage desdites redevances, et que les poursuites qui seront exercées pour raison d’iceux, sont et demeurent éteintes. » (La séance est levée à dix heures trois quarts.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRE1LHARD. Séance du mercredi 21 juillet 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin, M. Dupont (de Nemours ), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. M. Rewbell. Je demande à présenter une observation sur le décret rendu hier concernant les juifs. L’intention de l’Assemblée est-elle de les décharger de tous impôts? car je la préviens que les juifs d’Alsace n’en payent pas d’autres que ceux qu’elle supprima hier à dix heures trois quarts. Je crois que les membres qui proposent de pareils décrets devraient au moins s’instruire au préalable de ce qui s'appelle les localités. Dans nos campagnes, où les juifs sont répandus comme les sauterelles qui mangent les moissons, ou ne pave point de capitation. Gomment fera-t-on afin de les imposer, surtout pour les années précédentes, puisque vous déclarez les arrérages non exigibles ? M. Rcgnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Certainement il est juste que les juifs soient imposés, aussi le seront-ils comme les autres citoyens des campagnes s’ils y ont des possessions foncières, sinon ils seront traités comme les non-propriétaires. Quant aux arrérages échus, ce droit était si odieux que je regarde comme souverainement juste d’en détruire toutes les traces. M. Dupont (de Nemours ). On peut mettre dans l’article : A la charge d’acquitter les imposition� comme les autres citoyens. M. Rewbell. Un moment : ne préjugez pas une question qui mérite une discussion sérieuse. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angely). Ne perdons pas le temps à une discussion qui est étrangère à Tordre du jour. Les juifs doivent, comme tous les individus, acquitter les impôts, et paver en outre leur part pour prix de la protection que leur accorde la loi. Je demande le renvoi au comité des finances. M. Bouttevîlle-Dumct*. Il faut examiner quel serait leur sort, s’ils n’étaieùt pas juifs ; ils ne possèdent pas d’immeubles ; ils ne payent pas d’impositions ; cela est tout simple. N’est-ce pas un honneur que montrer de l’indignation contre un droit perçu sur des hommes comme (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 220 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juillet 1790.] sur des objets de commerce? Ainsi qu’on l’a dit hier, il doit être frappé d’anathème. (L'Assemblée ordonne le renvoi de la motion au comité des finances.) (Le procès-verbal est ensuite adopté.) M. le Président lit la note suivante des expéditions en parchemin, des proclamations ou lettres patentes du roi sur les décrets de l’Assemblée nationale, envoyées pour être remises aux archives. Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de V Assemblée nationale. « 1° D’une proclamation sur le décret du 25 juin , qui autorise le travail des commissaires nommés par les 60 sections, relativement à l’aliénation des domaines nationaux; « 2° De lettres patentes sur le décret du 28, portant que les impositions de 1789 seront payées sur la récolte de 1789, et cellede 1790 sur larécolte de 1790, sans rien préjudicier aux usages locaux, ou aux clauses des baux relativement aux fermiers entrants et sortants, et concernant le payement des impositions assises sur les biens domaniaux ou ecclésiastiques ; « 3° D’une proclamation sur le décret du 29, concernant les oppositions faites à l’échange des billets de la caisse d'escompte contre des assignats ; « 4° D’une proclamation sur le décret du 2 de ce mois, concernant le logement payé par la ville d’Aoul, au sieur de l’Epinau, commissaire des guerres; « 5° D’une proclamation sur le décret du 8, qui autorise M. Gognet, commissaire du roi au département de la Charente-Inférieure, à ne faire procéder à l’élection des officiers municipaux de Saint-Jean-d’Angely, qu’au moment où le district de la même ville aura été terminé, et improuve la conduite des volontaires ou canonniers envers les commissaires de Sa Majesté. » Paris, le 20 juillet 1790. M. le Président lit également une note des décrets présentés à la sanction du roi, en ces termes : Du 7 juillet 1790. « Décret qui fixe, d’une manière précise, les pouvoirs du comité de liquidation, et détermine les fonctions qui lui sont attribuées. » Dudit jour. « Décret qui charge les directoires de district de fixer la somme à attribuer aux députés à la fédération, dans les districts où elle n’a pas été réglée. » Dudit jour. Décret portant que, passé le premier août prochain, l’Assemblée ne recevra aucune députation des municipalités, des cantons ou des districts. » Dudit jour. « Décret qui autorise l’administration du département de la Dordogne, à prononcer 4 divisions sur l’union des trois municipalités de la ville de Riberac.les bourgs de Saint-Martin et de Saint-Martial. » Dudit jour. Décret par lequel Sa Majesté est suppliée de donner des ordres pour qu’il soit envoyé à Orange le nombre de troupes de ligne nécessaire pour le maintien de la tranquillité publique. » Du 18 juillet. « Décret qui proroge le terme de rigueur fixé pour les échanges des billets de caisse d'escompte en assignats au 15 août, se réservant l’Assemblée de déterminer le terme de cette prorogation. » Dudit jour. « Décret portant que le receveur général du clergé continuera de payer à Paris, jusques et compris le 30 septembre prochain, les arrérages de 1789, des pensions et rentes assignées sur le clergé. » Dudit jour. « Décret qui ordonne que les bannières des 83 départements seront placées et transportées dans le lieu où le conseil d’administration de chaque département tiendra ses séances, etc. » Du 19 juillet. « Décret portant que les contributions publiques continueront d’être levées et perçues de la manière accoutumée, notamment que les droits perçus sur les ventes de poissons dans les villes de Rouen, Meaux, etc., auront lieu comme par le passé. » Dudit jour. « Décret qui abolit le retrait lignager, le retrait demi-denier, et les droits de trézain. » Dudit jour. « Décret qui règle l’uniforme que porteront les gardes nationales du royaume. » M. de Hercé, député du département de la Mayenne, demande et obtient un congé d’un mois. M. le Président. L’ordre du jour est la suite des rapports du comité des finances sur toutes les parties des dépenses publiques. M. liebrun, rapporteur. Vous avez décrété sagement la suppression des jurés-priseurs. Il s’agit maintenant de les remplacer et c’est l’objet dii décret que le comité des finances m’a chargé de yous proposer.