154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE point d’alternative, les juges n’ont pas le droit de changer la loi, de l’interpréter et d’adoucir la peine y portée; si l’accusé est convaincu d’être réfractaire à la loi, la punition prescrite doit-être prononcée : si au contraire l’accusé n’est point convaincu de délit inséré au décret, les juges loin de prononcer aucune peine, doivent l’acquitter de son accusation. Or, il n’existe dans le procès aucune preuve de connivence, aucune preuve de faveur, aucune preuve d’intérêt, aucune preuve de négligence de la part du concierge lors de l’évasion des prisonniers Moreau et Mercier. Par une conséquence naturelle, le décret qui semble avoir autorisé le jugement attaqué, devoit au contraire s’opposer à ce qu’il fut rendu. Mettons sous les yeux du Tribunal de cassation et de tous nos lecteurs, la conduite tenue par l’accusé depuis plusieurs années, et notamment depuis deux ans. La maison d’arrêt de Compiègne est en si mauvais état qu’en 1792, on procéda à sa visite, l’architecte rédigea un procès-verbal, contenant l’estimation des réparations et constructions nécessaire pour rendre cette prison sûre et saine, le devis en fût fait, le décret du 21 janvier 1793 (vieux style), vient à l’appui; l’article 4 est ainsi conçu : il est enjoint aux Corps administratifs et Municipaux, de veiller à l’exécution des Loix concernant les maisons de justice, d’arrêt et de correction, et à les faire disposer de manière à les rendre sûres et saines. Les District et Municipalité de Compiègne ont été journellement importunés par le concierge, pour parvenir à l’exécution de ces lois, et du plan dressé à cet effet par leurs ordres; ses observations et ses invitations, quelques fondées qu’elles étoient, ont été inutiles, l’évasion de deux prisonniers enchaînés, arrivés le 14 février 1793 (vieux style) par les mêmes voyes dont Mercier et Moreau paroissent s’être servi, évasion dont il fut dressé procès-verbal par la Municipalité même, n’a pas reveillé ces Corps constitués de leur assoupissement à cet égard, le concierge a pris la liberté de confier ses craintes et doléances, non seulement au Président de la Convention, mais encore aux Ministre de la Justice et de l’Intérieur; l’on trouvera aux Bureaux, dans les cartons, les lettres du concierge, en date du 25 septembre 1792, et 24 avril 1793 (vieux style), relatives à ces pétitions. Par quelle fatalité ces Corps constitués ont-ils épargné le concierge sur le fait de la première évasion, et l’ont-ils rendu victime de la dernière, lorsque toutes deux ont été occasionnées par les mêmes causes et de la même manière ? Pourquoi le décret du 13 frimaire, concernant les concierges, recevoit-il une exécution plus exacte que le décret du 31 janvier 1793 ? Quelle raison apporteront les Corps constitués, pour ne s’être pas conformé à cette loi ? Qu’ils avouent que l’inexécution de ce décret vient de ce que les législateurs n’ont ajouté aucune peine à l’injonction consignée dans l’article 4. Si l’accusé osoit, il répondroit aux Corps constitués, aux Juges, à la République entière, qu’est devenue cette égalité qui constitue en partie les droits de l’homme ? Si vous me condamnez en vertu d’un décret qui n’est ni promulgué ni parvenu à ma connoissance pour un délit imaginaire, pour une évasion qui ne doit son origine qu’à la négligence des Corps constitués, auxquels un décret antérieur enjoignoit de mettre le concierge à l’abri de semblable accusation; quel sera le sort de ces Corps constitués que j’ai mis en demeure de remplir leurs devoirs ? La Convention nationale a imaginé que le décret du 31 janvier étoit pleinement exécuté; sans cette présomption, le décret impératif et sévère rendu contre les gardiens de prisons n’auroit pas été rendu, c’est l’idée que nous inspirent la sagesse, la prévoyance et la justice de nos législateurs; et les Corps constitués qui sont les seuls auteurs de mon esclavage, de mon malheur, de celui de ma femme et de mes en-fans, par leur résistance à exécuter une loi qui me préservoit de l’infortune qui m’accable, demeurent impunis, et sont les délateurs d’un délit dont j’ai toujours été incapable. Arrivons au reproche le plus amer que Rosoy est en droit de faire à ces Corps constitués; pourquoi lui ont-ils refusé des gardes aux endroits peu sûrs de la prison, lorsqu’il en étoit gardien, tandis qu’ils ont placé des sentinelles pour la sûreté et la tranquillité de son successeur ? L’on sent aisément que Rosoy ne devoit point s’attendre à une décision aussi bizarre qu’injuste; aussi, espère-il que les Juges éclairés et impartiaux auxquels il s’adresse, le restitueront à sa liberté, à son bonheur, à sa réputation et à sa famille, qui a le plus pressant besoin de ses travaux pour subsister (1) . Jean-François Rosoy. Il fait rendre le décret suivant : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de OUDOT, au nom] de son Comité de législation sur la pétition de Jean-François Rosoy, tendante à faire réviser le procès à la suite duquel il a été condamné le 19 nivôse dernier, par forme de police correctionnelle, à deux ans de détention par le tribunal criminel du département de l’Oise; «Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (2). 14 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition de la citoyenne femme du nommé Monins, tendante à obtenir la révision du procès à la suite duquel son mari a été condamné à vingt ans de fers, «Passe à l’ordre du jour. » Le présent décret ne sera point imprimé » (3). (1) D III 191, dos. Compiègne. (2) P.V., XXXVII, 55. Minute de la main de Ou-dot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9055. Mention dans J. Sablier, n° 1306. (3) P.V., XXXVn, 55. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9056. 154 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE point d’alternative, les juges n’ont pas le droit de changer la loi, de l’interpréter et d’adoucir la peine y portée; si l’accusé est convaincu d’être réfractaire à la loi, la punition prescrite doit-être prononcée : si au contraire l’accusé n’est point convaincu de délit inséré au décret, les juges loin de prononcer aucune peine, doivent l’acquitter de son accusation. Or, il n’existe dans le procès aucune preuve de connivence, aucune preuve de faveur, aucune preuve d’intérêt, aucune preuve de négligence de la part du concierge lors de l’évasion des prisonniers Moreau et Mercier. Par une conséquence naturelle, le décret qui semble avoir autorisé le jugement attaqué, devoit au contraire s’opposer à ce qu’il fut rendu. Mettons sous les yeux du Tribunal de cassation et de tous nos lecteurs, la conduite tenue par l’accusé depuis plusieurs années, et notamment depuis deux ans. La maison d’arrêt de Compiègne est en si mauvais état qu’en 1792, on procéda à sa visite, l’architecte rédigea un procès-verbal, contenant l’estimation des réparations et constructions nécessaire pour rendre cette prison sûre et saine, le devis en fût fait, le décret du 21 janvier 1793 (vieux style), vient à l’appui; l’article 4 est ainsi conçu : il est enjoint aux Corps administratifs et Municipaux, de veiller à l’exécution des Loix concernant les maisons de justice, d’arrêt et de correction, et à les faire disposer de manière à les rendre sûres et saines. Les District et Municipalité de Compiègne ont été journellement importunés par le concierge, pour parvenir à l’exécution de ces lois, et du plan dressé à cet effet par leurs ordres; ses observations et ses invitations, quelques fondées qu’elles étoient, ont été inutiles, l’évasion de deux prisonniers enchaînés, arrivés le 14 février 1793 (vieux style) par les mêmes voyes dont Mercier et Moreau paroissent s’être servi, évasion dont il fut dressé procès-verbal par la Municipalité même, n’a pas reveillé ces Corps constitués de leur assoupissement à cet égard, le concierge a pris la liberté de confier ses craintes et doléances, non seulement au Président de la Convention, mais encore aux Ministre de la Justice et de l’Intérieur; l’on trouvera aux Bureaux, dans les cartons, les lettres du concierge, en date du 25 septembre 1792, et 24 avril 1793 (vieux style), relatives à ces pétitions. Par quelle fatalité ces Corps constitués ont-ils épargné le concierge sur le fait de la première évasion, et l’ont-ils rendu victime de la dernière, lorsque toutes deux ont été occasionnées par les mêmes causes et de la même manière ? Pourquoi le décret du 13 frimaire, concernant les concierges, recevoit-il une exécution plus exacte que le décret du 31 janvier 1793 ? Quelle raison apporteront les Corps constitués, pour ne s’être pas conformé à cette loi ? Qu’ils avouent que l’inexécution de ce décret vient de ce que les législateurs n’ont ajouté aucune peine à l’injonction consignée dans l’article 4. Si l’accusé osoit, il répondroit aux Corps constitués, aux Juges, à la République entière, qu’est devenue cette égalité qui constitue en partie les droits de l’homme ? Si vous me condamnez en vertu d’un décret qui n’est ni promulgué ni parvenu à ma connoissance pour un délit imaginaire, pour une évasion qui ne doit son origine qu’à la négligence des Corps constitués, auxquels un décret antérieur enjoignoit de mettre le concierge à l’abri de semblable accusation; quel sera le sort de ces Corps constitués que j’ai mis en demeure de remplir leurs devoirs ? La Convention nationale a imaginé que le décret du 31 janvier étoit pleinement exécuté; sans cette présomption, le décret impératif et sévère rendu contre les gardiens de prisons n’auroit pas été rendu, c’est l’idée que nous inspirent la sagesse, la prévoyance et la justice de nos législateurs; et les Corps constitués qui sont les seuls auteurs de mon esclavage, de mon malheur, de celui de ma femme et de mes en-fans, par leur résistance à exécuter une loi qui me préservoit de l’infortune qui m’accable, demeurent impunis, et sont les délateurs d’un délit dont j’ai toujours été incapable. Arrivons au reproche le plus amer que Rosoy est en droit de faire à ces Corps constitués; pourquoi lui ont-ils refusé des gardes aux endroits peu sûrs de la prison, lorsqu’il en étoit gardien, tandis qu’ils ont placé des sentinelles pour la sûreté et la tranquillité de son successeur ? L’on sent aisément que Rosoy ne devoit point s’attendre à une décision aussi bizarre qu’injuste; aussi, espère-il que les Juges éclairés et impartiaux auxquels il s’adresse, le restitueront à sa liberté, à son bonheur, à sa réputation et à sa famille, qui a le plus pressant besoin de ses travaux pour subsister (1) . Jean-François Rosoy. Il fait rendre le décret suivant : «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de OUDOT, au nom] de son Comité de législation sur la pétition de Jean-François Rosoy, tendante à faire réviser le procès à la suite duquel il a été condamné le 19 nivôse dernier, par forme de police correctionnelle, à deux ans de détention par le tribunal criminel du département de l’Oise; «Déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé » (2). 14 «La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de législation sur la pétition de la citoyenne femme du nommé Monins, tendante à obtenir la révision du procès à la suite duquel son mari a été condamné à vingt ans de fers, «Passe à l’ordre du jour. » Le présent décret ne sera point imprimé » (3). (1) D III 191, dos. Compiègne. (2) P.V., XXXVII, 55. Minute de la main de Ou-dot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9055. Mention dans J. Sablier, n° 1306. (3) P.V., XXXVn, 55. Minute de la main de Oudot (C 301, pl. 1071, p. 7). Décret n° 9056.