416 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES, j 15 brumaire an II 1 1 \ a novembre 1793 à peu près le parti de l’obéissance. La Commis¬ sion populaire est dissoute, mais ses membres ne sont pas en fuite. J’ai vu, et causé beau¬ coup avec La Vauguyon, principal proscrit. Lyon et Marseille vont bien : Marseille, qui avait d’abord lâchement fui, a repris sa revanche, et frotté d’importance Carteaux. Si nos amis étaient venus ici, peut-être eût-il été possible de rénover tout. On vous désire beaucoup, l⬠chez-vous donc; vous trouverez toujours ici sûreté et même protection. La correspondance avec le Midi est excessivement difficile. On pourra m’écrire ici sous le nom de Leblanc (1), négociant, poste restante, jusqu’au 10 du mois prochain. Le beau-père à Dupierrat est incom¬ modé; il a reçu avec bien du plaisir des nou¬ velles de son gendre; communique-lui cette let¬ tre, si tu sais où il est. » A l’adresse est écrit : pour Boissier. « Je vous réexpédie, mon cher la Hubaudière, par le capitaine Le Scanvic, votre barque la Diligente , et je saisis avec empressement cette occasion de vous réitérer l’expression de ma re¬ connaissance, pour les soins que vous vous êtes donnés pour nous et nos amis. Notre voyage a été très heureux, ils sont tous en sûreté. L’opi¬ nion publique ici n’a pas varié, on y abhorre les tyrans et la tyrannie; mais la Commission po¬ pulaire, cédant aux vœux des sections qu’on a travaillées, s’est dispersée. La majeure partie de ses membres n’est cependant pas en fuite : j’ai vu ici, chez eux, plusieurs des plus proscrits. Faites part de ces nouvelles, les seules inté¬ ressantes, à tous ceux qui veulent bien prendre quelque intérêt à notre sort, et à la cause de la liberté. « Signé : Leblanc. Bordeaux, le 26 août. « Ci-joint une lettre pour Boissier, et une lettre relative à nos affaires, comme de manière à être montrées et à vous servir de titre. » « Bordeaux, le 26 août, l’an II, etc. « Citoyen, « Conformément à l’acte sous seing privé, passé entre nous, le 2 de ce mois, n’ayant pas été content de la mâture de votre barque, dont le recarénage ne l’empêchait pas de faire beau¬ coup d’eau, je vous la réexpédie par le capi taine Le Scanvic. Vous voudrez bien m’en ac¬ cuser la réception. Ci-dessous est notre compte. Doit le citoyen Leblanc au citoyen La Hubau-dierre, pour le fret de la barque la Diligente, quatre cent quatre-vingt livres ci. . . 480 liv. « Plus, pour les droits d’enregis¬ trement de son acte de propriété, quarante livres ci ................. 40 « Total 520 liv. « Doit le citoyen La Hubaudierre au citoyen Leblanc, pour prix de sa barque qu’il lui a soldée, la somme de quatre mille livres, ci ............ 4,000 liv. « Partant, le citoyen La Hubau¬ dierre est redevable au citoyen Le¬ blanc de la somme de trois mille quatre cent quatre-vingts livres, ci . . 3,480 liv. « Sur laquelle somme il lui plaira payer à vue, au citoyen Le Scanvic ou à son ordre, sur la lettre de change qu’il gardera pour sa sûreté, celle de 600 livres, et au citoyen Chauvin, né¬ gociant à Nantes, ou à son ordre, celle de 2380 livres; lesquelles sommes réunies feront bien celle de 3480 livres. « J’ai l’honneur d’être avec fraternité votre concitoyen, « Leblanc. » Pour adresse est écrit : Au citoyen La Hubau¬ dierre, négociant à Quimper. Les Brestois à la Convention nationale. « Bordeaux, 29 août, l’an II de la Képublique. « Citoyen, « Je me ferais un crime de laisser partir le capitaine, sans vous assurer de toute ma sen¬ sibilité pour les bons et affectueux services que j’ai reçus de vous et de vos amis. Veuillez leur exprimer ma reconnaissance et combien je dé¬ sirerais pouvoir vous être utile à tous. Dites, je vous prie, au capitaine, que je le prie de gar¬ der les deux métaux que je lui ai confiés, jus¬ qu’à ce que les citoyen Fleurian, de Nantes, mon beau-frère, les lui fasse demander. On lui pré¬ sentera, de sa part, un papier sur lequel l’ins¬ cription qui est autour de la médaille sera trans¬ crite. J’y joindrai ma signature actuelle; jus¬ qu’à ce moment, je le prie de ne pas s’en des¬ saisir. Recevez, citoyen, l’assurance de mon sou¬ venir éternel. Votre affectionné concitoyen, Jacques Morant. « C’est ici comme chez vous. » A l’adresse est écrit : Au citoyen Dalbrade, procureur syndic du district à Quimper (départe¬ ment du Finistère.) (1) Nous avons appris par nos collègues Tallien et Ysabeau, représentants du peuple à Bordeaux, que ce Leblanc n’est autre que M. Duchâtel, ci-devant membre de la Convention nationale, « Représentants du peuple, « L’acceptation de l’Acte constitutionnel de¬ vait rallier tous les Français autour de l’autel de la patrie; mais, avec de l’or, Pitt a semé parmi nous la trahison et organisé la calomnie. Corrompre les âmes vénales, et quel peuple n’a pas son écume ? altérer notre confiance en vous, vous alarmer sur notre dévouement ; belles sont les combinaisons du système atroce par lequel nos ennemis espèrent dissoudre le faisceau qu’ils essaieraient en vain de rompre. En garde contre ces manœuvres perfides, jugeant tous les Fran¬ çais par nous-mêmes, nous repoussions avec hor¬ reur l’idée de l’insigne trahison qui rendrait nos plus implacables ennemis maîtres de l’escadre et du port de Toulon. Peignez vous donc, s’il est possible, notre fureur et notre indignation, lorsque les députés d peuple nous eurent con¬ firmé cette nouvelle désastreuse ! Non, sans leur témoignage, nous n’eussions jamais cru à cet horrible attentat, à cette infâme perfidie. Ci¬ toyens habitants, marins, militaires, ouvriers, femmes, enfants, tous étaient réunis; un cri una¬ nime s’est élevé : Périssent les traîtres !... Pé¬ rissons tous plutôt que de voir flotter au milieu de nous un pavillon étranger. Vive la Répu¬ blique ! Deux de nos collègues ont recueilli ces sentiments; ils vous diront avec quelle énergie plusieurs milliers de Français les ont exprimés, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. jpno™mbre lTo” " 417 Une adresse brûlante va les faire passer dans le cœur des marins de nos escadres sur l’Océan. Nous leur annoncerons qne vous avez retran¬ ché les monstres de la famille des hommes li¬ bres, et nous leur déclarerons qu’ils ne seront admis dans notre sein, qu’ après avoir rougi du sang des ennemis le pavillon blanc, qui doit de¬ venir pour tous les traîtres le crêpe de la mort. « Punir le crime, c’est croire à la vertu. Écar¬ tez donc, législateurs, déchirez l’absurde tissu des calomnies dirigées contre nous. Auriez-vous oublié ce que nous avons fait pour la liberté, pour l’égalité, pour la République? Notre sang a scellé nos serments, il fume encore sous vos yeux, il a purifié l’enceinte où vous siégez, jadis le repaire du tyran; et si ce n’est pas assez, et si nos détracteurs écoutent encore une inquiète sollicitude, qu’ils apprennent que nous avons sucé avec le lait l’horreur du nom anglais ; qu’ils apprennent qu’une haine éternelle existe entre ce peuple et nous. Elle fut quelque temps as¬ soupie par des principes de fraternité univer¬ selle, fruit d’une douce mais chimérique philan¬ thropie : elle s’est réveillée plus terrible, quand nos espérances ont été déchues; elle s’est tour¬ née en rage, depuis que nous sommes menacés du fléau de la royauté. Des Français recevoir un roi ! et le recevoir de la main des Anglais ! Quel monstre privé de tout sentiment d’hon¬ neur et d’intérêt a pu concevoir un pareil soup¬ çon? Qu’il conduise sous nos murs ses hordes scélérates, il ne les ramènera pas entières. Vous verriez alors les habitants des campagnes réu¬ nis enfin à ceux des villes, se précipiter eh masse sur ces ennemis nés abhorrés par nos pères, exécrés par nous, et déjà détestés par nos en¬ fants. Le fanatisme, il est vrai, désola nos cam¬ pagnes, le cultivateur s’éloigne encore de nous : mais à l’approche des Anglais, confondus dans un seul sentiment, pressés par l’intérêt commun, ils marcheraient à la victoire ou à la mort. « Législateurs, la nature et l’éducation, voilà nos garants : affections, habitudes, besoins, ca¬ ractère, tout devient pour nous autant de gages de nos serments. N’en doutez pas, les ] décombres de Brest, les cadavres de ses habitants pourront combler son port, mais jamais les Anglais n’y entreront. Pour copie conforme : « Signé : Bel val, commissaire; Thomas Raby commissaire ; J. -B. Mériennes, commis¬ saire ; Amable Castelnau, commis¬ saire. » Aujourd’hui sept août mil sept cent quatre-vint -treize, l’an II de la République française. Sur le compte qui nous a été rendu ce matin par le citoyen Jacques Malezac, maître d’équi¬ page du vaisseau de l’Etat le Northumberland, commandé par le citoyen Thomas, capitaine de vaisseau, qu’une partie des manœuvres du vais¬ seau avait été coupée pendant la nuit dernière; Nous capitaine commandant, officiers de l’é¬ tat-major, et officiers composant la maistrance dudit vaisseau, nous sommes transportés de suite sur le gaillard d’avant, pour y vérifier les dégâts annoncés par ledit maître d’équipage, où nous avons unanimement reconnu que toutes les rides des haubans de misaine, une grande partie des rides des galhaubans de petit mât de hune, les garants deiealiorne de bas de mi¬ saine, les drisses du petit hunier, un galhauban du petit perroquet à bâbord, les haubans de bout lre SÉRIE, T. LXXYIII dehors, les écoutes du grand foc, la drisse du perroquet de fougue, et un des bâtards de racage du perroquet de fougue, ont été coupés en plu¬ sieurs endroits; qu’un pareil défit n’ayant pu être commis par un seul homme, nous avons fait des perquisitions pour tâcher de découvrir les coupables, mais qu’aucun d’eux n’est point encore parvenu à notre connaissance. Que néanmoins le citoyen Bazile, timonier, a rapporté avoir entendu dire au nommé Jean Guenezan, matelot de Croisic, à la paye de 33 li¬ vres, que si le vaisseau mettait sous voiles de¬ main, l’équipage serait des sots, et que le même Guenezan a été accusé par Pierre-François Mai-nier, matelot de Rouen, à 27 livres, d’avoir dit le 1er août, jour où nous découvrîmes 26 voiles, « que si nous allions nous fourrer parmi eux, nous étions foutus; que l’armée était trop fai¬ ble »; et qu’il avait aussi témoigné les mêmes craintes en présence de Pierre Duflocq, matelot de Rouen, à 23 livres, et de Pierre Gérard, ma¬ telot du Croisic, à 30 livres en disant « qu’il avait déjà vu plusieurs combats, et qu’il crai¬ gnait d’avoir la gueule cassée ». Que le citoyen Sauvage, aspirant, a accusé avoir entendu dire aussi au nommé Jacques Mes-fin, matelot de Granville à 33 livres, a qu’il n’était pas nécessaire de se battre pour les grosses têtes qui sont à terre; que l’on n’est pas mieux traité actuellement qu’on ne l’était ci-devant; que l’on donnait de la viande salée à l’équipage, au fieu de la soupe qu’il mangeait en place »; et qu’il avait été applaudi dans ses propos par le nommé Jean Devaux, dit Pichon de la Teste ; que le citoyen Jean Lenoir, matelot voilier du département des Vosges à 24 livres, nous a aussi rapporté avoir entendu dire à Jean-Baptiste-Nicolas Hedou, aide-canonnier des classes de Dieppe à 30 livres, le jour que l’on aperçut les 26 voiles : « qu’il voudrait qu’il y eût autant de vaisseaux dans l’escadre anglaise, qu’il y a d’étoiles dans le ciel, pour nous prendre. » Le citoyen Nicolas Marc, soldat du 1er régi¬ ment du détachement de la marine, est venu déposer que le nommé Jean Guenezan (premier accusé), étant attroupé avec cinq ou six autres de l’équipage sur le gaillard d’avant, le 6 août, environ les 8 heures du soir, a dit à un autre qui voulait entrer dans le cercle : « Si vous êtes un mouchard pour rapporter ce que l’on dit, vous allez le savoir. » Le citoyen Joseph Guenec, matelot d’Auray à 27 livres, dépose aussi avoir entendu, le 6 de ce mois, environ les - 7 heures et demie du soir, les nommés Nicolas Lemerle, de Fécamp, à 27 livres, et Jean Dumesnil, timonier de Rouen à 36 livres, faire la conversation le long de la fisse du passe-avant où ils étaient, et que l’un d’eux, nommé Lemerle, avait dit, entre autres choses, « que le capitaine était un bougre; qu’il n’était pas patriote, et que si nous étions sortis sans les ordres du commandant, il aurait refusé l’ouvrage ». Le citoyen Jean-Marie Godec, de Roscoff, à 27 livres, a également déposé avoir vu ensemble les nommés Nicolas Lemerle et Jean Dumesnil, et entendu par le premier (Lemerle) le même propos dont l’a accusé Joseph Guenec; et dire par le second (Jean Dumesnil), que si le bâti¬ ment sortait sans le commandant de l’escadre, il ne ferait pas d’ouvrage; qu’il y avait un gabier qui avait déjà fait campagne avec le capitaine; qu’il était dans le cas de dire qu’il était trop 27