SÉANCE DU 24 BRUMAIRE AN III (14 NOVEMBRE 1794) - N° 14 195 l’attention de tous les bons citoyens, il a été arrêté : 1°. Que la municipalité serait invitée d’enjoindre aux instituteurs et institutrices de cette commune, en quelque genre ils soient, de faire passer dans trois jours au comité d’instruction publique leurs noms, le genre d’instruction dont ils s’occupent, avec le nom de tous les jeunes gens qu’ils instruisent. 2°. Qu’à la séance de la société du lendemain de chaque décade, chaque instituteur ou institutrice sur l’indication de ce comité présenterait l’eleve qui se serait le plus distingué dans le cours de la décade, pour y donner un compte sommaire de son travail et recevoir par cette admission, la récompense qu’il aura méritée et donner par là de l’encouragement aux autres élèves. 3°. Que le citoyen Le Corre qui a déjà donné un cours public sur les nouveaux poids et mesures serait invité de venir en donner des instructions à quelques séances de la société populaire. 4°. Qu’il serait écrit au comité d’instruction publique de la Convention à l’effet de lui demander les moyens et les ressources nécessaires pour rendre les décades utiles, non seulement par des fêtes civiques, la célébration des grands hommes et des grands événements de la révolution, mais encore par des exercices militaires, des jeux publics, des spectacles instructifs, et autres choses capables d’éclairer les citoyens et de les attacher à la vertu. 5°. La société populaire fixant ensuitte ses regards sur la cherté massive des denrées ; sur les difficultés multipliées de s’en procurer, n’a pu s’empêcher de partager les inquiétudes de tous les citoyens sur cet objet ; elle y a vu les efforts d’un projet combiné de la part de la malveillance; et en même tems qu’elle s’efforce de tranquilliser ses concitoyens sur les conséquences funestes que les ennemis du peuple voudraient en faire naitre, mais que le génie national qui préside à la Convention saura prévenir, elle a arrêté que ses comités réunis pèseraient mûrement les moyens propres à rendre aux denrées une circulation plus active et a en faire diminuer le prix; que le résultat de leur réflexion serait envoyé à la Convention à la commission des Approvisionnements et de commerce, ainsi qu’aux administrations. 6°. Enfin elle a terminé sa délibération par s’occuper des moyens de soulager l’indigence et l’humanité et dans ce moment ou les travaux de la campagne vont cesser et rendre dans les villes surtout des bras à l’inactivité et à l’arrivée d’une saison où les besoins du pauvre se multiplient; elle a considéré qu’il était nécessaire de leur offrir du travail ; qu’un grand intérêt publique exigerait d’ailleurs l’établissement d’atteliers et de manufactures dans une commune qui présente pour cela de grands avantages ; que le comité de bienfaisance n’a pas par lui-même assés de ressources pour y parvenir avec les succès désirables; arrêté. 1°. Que pour mettre en activité les atteliers de bienfaisance désignés dans chaque section de cette commune, des négociants seraient invités de se réunir aux membres de ce comité pour seconder ces établissements, y fournir des matières premières qui leur seront remises après l’exploitation en payans de leur part le prix commun de la filature ou fabrication, sauf au comité à ajouter au profit des pauvres ce qui leur serait nécessaire pour leurs besoins audela du prix de leur travail. 2°. Que pour le compte que le comité de Bienfaisance va rendre de l’emploi des fonds qui lui ont été confié et de ce qui existe encore maintenant dans la caisse des pauvres, les citoyens aisés seront invités de venir a leur secours cette année comme ils se sont empressés de le faire l’an dernier. Séance du 18 vendémiaire. Ces différents arretés ont été pris après avoir été discutés successivement et séparément. La rédaction en a été présentée a la séance d’aujourd’hui. Elle a été approuvée et il a été arrêté qu’ils seroient imprimés et envoyés à la Convention nationale avec une adresse et aux différents comités de la Convention. Fait et arrêté en séance publique pour être signé individuellement. Bascon, président, Meville, officier de santé et 145 autres signatures. DU BOIS DU BAIS (38) : La société populaire de Caen, qui s’est toujours montrée fidèlement attachée à toutes les vertus qui caractérisent le vrai républicanisme, qui n’a cessé de prêcher dans son sein et par son exemple, l’obéissance aux lois, le respect à la représentation nationale, guerre aux tyrans et aux contre-révolutionnaires de tous les genres, indulgence pour l’erreur, sévérité pour le crime, et justice rigoureuse pour tous les citoyens indistinctement; cette société, dis-je, me charge de présenter à la Convention nationale l’extrait du procès-verbal de quelques-unes de ses séances. Il contient, citoyens, l’expression vive des sentimens qui l’animent pour la Convention nationale, seule autorité légitime et hors de laquelle, dit-elle, il n’y a point de salut; elle regarde comme ennemie de la patrie toute association qui, sous quelque dénomination que ce puisse être, contrarieroit ses travaux, et préten-droit rivaliser de puissance avec elle ; elle jure haine aux royalistes, aux aristocrates et aux terroristes; elle adhère à tous les principes de justice et d’humanité d’après lesquels la Convention nationale a pris la ferme et invariable résolution de gouverner le peuple français ; elle promet de les défendre et de les maintenir dans toute leur vigueur, au prix de tout son sang, car il ne doit jamais couler que pour et par la justice protectrice des bons et la terreur des méchans. (38) Débats, n° 782, 759-761. Moniteur, XXII, 497-498. Résumés dans J. Fr., n° 780 ; Gazette Fr., n° 1048 ; Ann. R. F., n° 54. 196 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Elle demande en outre que la Convention nationale, aujourd’hui bien convaincue du bon esprit qui dirige les citoyens de la commune de Caen, de son attachement imperturbable à la République une et indivisible, veuille bien rapporter le décret par lequel il étoit ordonné d’élever une colonne infamante sur les ruines du château de cette commune. Citoyens, j’adjure ici la justice qui vous anime, et dont la pratique invariable que vous vous êtes promise depuis que la tyrannie a été abattue pour la félicité du peuple français ; résolution digne de vous, qui va vous faire combler de bénédictions, en même temps qu’elle va anéantir les dernières espérances de nos ennemis : J’invoque dis-je, cette justice, en faveur des citoyens de la commune de Caen, et en général de ceux du département du Calvados. Ce que vous avez fait pour la commune de Lyon, vous le devez, à plus forte raison, pour celle de Caen, dont l’égarement n’a été purement que le résultat de l’ardent patriotisme de ses habitans. Inquiets sur le sort de la représentation nationale, ils prirent les armes dès qu’on leur eut persuadé qu’elle n’étoit pas libre. Ils les mirent bas sans effort, dès qu’on les eut convaincus du contraire. Je vous demande, citoyens, s’il est une conduite qui caractérise mieux le vrai patriotisme. Ce qui prouve encore qu’ils n’étoient guidés que par des vues pures, c’est que tous agis-soient ensemble et spontanément, par le désir unanime de sauver la représentation nationale qu’ils croyoient en danger; c’est qu’en même temps ils contenoient et menaçoient les rebelles de la Vendée, et se disposoient à combattre les Anglais, s’ils eussent approchés de leurs côtes. Oui, citoyens, j’ose ici le dire avec cette assurance qu’inspire à un vrai républicain la vérité dans toute son exactitude, l’erreur des citoyens du Calvados n’a été qu’une erreur patriotique, et conséquemment une erreur honorable par ses motifs. Notre collègue Robert Lindet, et je lui dois cet hommage, ce collègue dis-je, dont le nom sera toujours si cher aux citoyens de ce département, et à tous les amis de l’humanité, a tellement senti cette vérité, que loin d’avoir provoqué des châtimens contre les malheureux patriotes du Calvados, il les a, au contraire, toujours regardés comme dignes de son estime, et il a sans cesse travaillé à détourner de dessus leurs têtes la foudre qui les menaçoit. J’en appelle aujourd’hui à la plupart de nos collègues qui ont été successivement dans ce département depuis cette malheureuse époque ; ils vous assureront, comme ils l’ont déjà fait à la Convention nationale et à moi-même, que le meilleur esprit règne, que l’on aime de bonne foi, et que l’on veut la république une et indivisible ; que l’on chérit la Convention nationale ; que le fanatisme feroit de vains efforts; que l’aristocratie y est nulle; que tous les citoyens indistinctement n’y forment qu’une seule et même famille; que le règne de la liberté et de l’égalité est parfaitement établi; que la société populaire, loin de former une corporation particulière, n’y est plus que le peuple tout entier, et que le peuple y forme la société populaire, puisque c’est lui qui l’a épurée, et qui a prononcé sur tous les membres qui étoient dignes d’être conservés ou d’en être rejetés ; en un mot, cette section d’un peuple toujours bon, toujours juste, toujours magnanime et humain, quand il n’est livré qu’à sa propre impulsion, est l’image de ce bon peuple de Paris, dégagé de ces meneurs perfides, livré à son propre sentiment, de ce bon peuple qui vous témoigne chaque jour avec une effusion si touchante, son horreur pour les mesures sanguinaires que des tyrans trop justement abhorrés avoient mises en pratique, et qui vous comble de bénédictions et de témoignages de confiance depuis que vous avez remplacé la terreur par la justice ; depuis que vous laissez aux despotes seuls le système barbare de se faire craindre, et que vous ne voulez que vous faire aimer; depuis que vous n’avez plus pour unique objet que de faire chérir le gouvernement avec autant de soin qu’on en pre-noit sous le règne de la tyrannie de Robespierre et de ses suppôts, pour le faire abhorrer ; depuis enfin que vous avez résolu de conquérir les autres peuples, plus encore par l’image séduisante de notre bonheur, que par la force irrésistible de nos armes. C’est alors, citoyens, que vos noms révérés passeront à la postérité, accompagnés d’amour et d’admiration, et que vous pourrez sûrement prétendre à une glorieuse immortalité, tandis qu’un système contraire, que vous avez repoussé avec autant d’indignation que d’énergie, et qu’on a tant fait d’efforts pour relever, vous eût rendus l’horreur et le mépris des générations présentes et futures ; en un mot, le système de la représentation nationale libre, ne doit plus être celui de la représentation nationale comprimée, gémissante et captive sous la plus effroyable tyrannie. Je convertis donc en motion la réclamation de la société populaire de la commune de Caen, et je demande que la Convention nationale décrète qu’elle rapporte le décret par lequel il étoit ordonné qu’il seroit élevé une colonne sur les ruines du château de Caen, injurieuse aux intentions pures qui n’ont cessé de diriger les citoyens de cette commune, et, en général, ceux du département du Calvados. Je demande aussi la mention honorable des sentimens que ladite société exprime, et l’insertion, par extrait, de l’extrait de ses séances adressé à la Convention. La proposition de Du Bois Du Bais est décrétée. DU ROY : Si le décret est rendu, je n’ai plus rien à dire : mais j’aurois préféré un renvoi au comité de Salut public, qui vous en feroit un rapport. DU BOIS DU BAIS observe qu’un renvoi n’est bon que quand il s’agit d’une question douteuse. Or, dit-il, rien n’est moins douteux que le patriotisme de la commune de Caen, et je ne vois pas pourquoi vous seriez plus sévères pour Caen que pour Lyon. Un membre : J’appuie le renvoi. Le patriotisme de la commune de Caen ne peut que