[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juin 1790.] 389 à l’état de domesticité, attache quelque intérêt à ce changement; mais il occasionnera le désœuvrement d’un grand nombre d’ouvriers adonnés à la fabrication des galons et des rubans qui composent ces livrées. Les principales manufactures en ce genre sont à Paris, et les consommations certaines qu’offrait la capitale avaient mis en état d’étendre ces établissements au degré nécessaire pour entretenir un assez grand commerce extérieur. On croit devoir terminer les observations contenues dans ce mémoire par une réflexion générale : c’est qu’en poursuivant, dans les plus petits détails, tous les signes de distinction, on court peut-être le risque d’égarer le peuple sur le véritable sens de ce mot : égalité , qui ne peut jamais signifier, chez une nation civilisée et dans une société déjà subsistante, égalité de rang ou de propriété. La diversité des travaux et des fonctions, les différences de fortune et d’éducation, l’émulation, l’industrie, la gradation des talents et des connaissances, toutes ces disparités productrices du mouvement social entraînent inévitablement des inégalités extérieures, et le seul but du législateur est, en imitation de la nature, de les réunir toutes vers un bonheur égal, quoique différent dans ses formes et dans ses développements. Tout s’unit, tout s’enchaîne dans la vaste étendue des combinaisons sociales, et souvent les genres de supériorité qui paraissent un abus aux premiers regards de la philosophie sont essentiellement utiles pour servir de protection aux différentes lois de subordination, à ces lois qu’il est si nécessaire de défendre, et qu’on attaquerait avec tant de moyens, si l’habitude et l’imagination cessaient jamais de leur servir d’appui. Projet pour la lettre du roi. Le décret de l’Assemblée nationale concernant les titres, les noms et les armoiries, afflige, avec de justes motifs, une classe nombreuse de la société, sans procurer aucun avantage au peuple; et comme, malgré son importance, il a été adopté dans une seule séance, ces diverses considérations m’ont déterminé à communiquer à l’Assemblée nationale quelques observations à ce sujet. Je lui demande de les examiner, et, si elle persiste en tous les points dans son opinion, j’accepterai le décret et par déférence pour les lumières de l’Assemblée nationale, et parce que j’attache un grand prix à maintenir entre elle et moi UDe parfaite harmonie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS, EX-PRÉSIDENT. Séance du dimanche 20 juin 1790 (1) . La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Camus, ex-président, occupe le fauteuil en l’absence de M. l’abbé Sieyès, président en fonctions. M. l'abbé Dumouchel , secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. Plusieurs membres demandent la parole. M. Chabroud. Je demande que la mention de la démission de M. de Lévis, député de Dijon, soit retirée du procès-verbal, parce que cette démission n’a pas été donnée avec maturité, et je propose en même temps qu’il soit fait de nouvelles listes des membres de l’Assemblée nationale, dans lesquelles chacun sera dénommé conformément au décret d’hier. (Ges propositions sont adoptées.) M. de Firieu. J’observe que l’époque de la fédération du 14 juillet est peut-être trop rapprochée, que les voitures ne seront pas repeintes, que le décret d’hier pourrait faire croire au peuple qu’il entraîne la destruction des titres, et que, dans un moment de chaleur, il pourrait se porter à des excès ; cependant, il faut considérer que ces titres sont précieux pour les généalogies, qu’ils sont nécessaires à la conservation des propriétés, et, par tous ces motifs, je demande le renvoi au comité de Constitution. M. Fréteau. Le renvoi est inutile, et il suffit d’ajouter après ces mots : « sans que, sous pré-« texte du présent décret, aucun citoyen puisse « se permettre d’attenter aux monuments placés « dans les temples», ceux-ci : aux chartes, titres , et autres renseignements intéressant les familles ou les propriétés, ni aux décorations d’anciens lieux publics ou particuliers. (Cette addition est adoptée et sera insérée dans le procès-verbal qui vient d’être lu.) Le procès-verbal est adopté. M. de Talleyrand-Pérîgord , archevêque et député de Reims, demande un congé pour aller aux eaux. Ce congé est accordé. M. Bouche. Il est, dans le département dont j’ai l’honneur d’être le représentant, plusieurs villages auxquels les ci-devant seigneurs ont voulu donner leur nom; les habitants ont résisté; mais des arrêts du conseil, en blâmant cette résistance légitime, ont consacré les prétentions orgueilleuses des seigneurs. Je suis chargé de demander un décret qui rende à ces villages le nom qu’ils n’auraient pas dû cesser de porter. Cette motion est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que les villes, bourgs, villages et paroisses auxquels les ci-devant seigneurs ont donné leurs noms de famille, sont autorisés à reprendre leurs noms anciens. » M. d’Harambure . Mes commettants m’avaient défendu de faire scission avec les Etats généraux ; en conséquence, je me suis réuni à T Assemblée nationale dès que j’ai reconnu qu’elle formait les Etats généraux. Mes commettants m’ont recommandé en même temps de m’opposer à tout ce qui porterait atteinte à leur état civil. Je ne pouvais m’attendre à ce qui s’est passé hier. J’étais au comité des finances, et je m’étonne qu’on n’ait pas averti les membres qui se trouvaient alors dans les différents comités. L’Assemblée ne reçoit pas les protestations ; je n’en fais pas une en ce moment, mais... (On demande à passer à l’ordre du jour.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.