MARCHE (SÉNÉCHAUSSÉE DE LA BASSE-). CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances du clergé de la province et sénéchaussée de la basse Marche, assemblé en la ville du Dorât , le 20 mars 1789 (1). Nous, soussignés, commissaires nommés par l’ordre du clergé assemblé en la ville du Dorât, en vertu des lettres de convocation des Etats généraux, en date du 24 janvier 1789, à nous dûment signifiées, pour statuer tant sur les remontrances, plaintes et doléances que sur les moyens et avis à proposer à l’assemblée générale desdits Etats, pour porter un remède efficace aux maux de l’Etat et prévenir, par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique, la réforme des abus en tous genres, nous avons arrêté de faire par notre député les demandes et doléances suivantes : 1° Que le Roi sera supplié de conserver la protection à l’Eglise, et soustraire à la liberté de la presse tous les ouvrages irréligieux et contraires a la pureté des mœurs. 2° Que les lois ecclésiastiques et civiles sur l’observation des fêtes et dimanches seront strictement observées et renouvelées en tant que de besoin. 3° Le retour périodique des Etats généraux sera déterminé par un règlement de la prochaine assemblée. 4° Dans l’assemblée des Etats généraux on votera par tête et non par ordre. 5° Les impôts et contributions générales seront supportés par tous et chacun des individus des trois ordres de l’Etat, dans une juste proportion de leur fortune et sans aucune exemption pécuniaire. 6° Dans la dette nationale sera confondue celle que le clergé a contractée pour subvenir aux besoins de l’Etat. 7° Les impôts seront versés dans les coffres du Roi le plus directement et en passant par le moins des mams qu’il sera possible. 8° Les membres des trois ordres seront imposés sur le même rôle dans l’ordre qu’ils ont, toujours conservé entre eux. 9° Les provinces d’élection seront régies par des assemblées provinciales dont l’organisation sera déterminée par les Etats généraux. 10° La répartition et la recette des impôts, la «onfection des routes, la manière la moins onéreuse au peuple pour y parvenir et tous les moyens nouveaux de prospérité qu’une province peut développer seront confiés auxdites assemblées provinciales; en conséquence, la suppression des receveurs particuliers des finances sera sollicitée. 11° On imposera une taxe sur toutes les voitures (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. publiques, pour subvenir à l’entretien des grandes routes. 12° Il sera demandé aux Etats généraux que les troupes, en temps de paix, soient employées a la confection et aux réparations des grandes routes, à la charge par les assemblées provinciales d’accorder auxdites troupes une augmentation de paye. 13°' Il sera demandé aux Etats généraux de faire connaître l’étendue du déficit dans les finances sur des pièces originales, et que les détails en seront imprimés, publiés et soumis à la censure de tous les citoyens. 14° Les impositions nécessaires pour combler le déficit porteront principalement sur les objets de luxe, comme voilures, équipages, domestique trop nombreux, parcs et autres terres, objet de luxe, au préjudice des récoltes, vignobles et pâturages, ainsi que tous les arts qui servent à l’entretien du luxe, etc., etc. 15° On déterminera une somme pour les pensions, laquelle ne pourra être augmentée. 16° Les traites seront reculées aux frontières. 17° Il sera permis aux communautés de se ré-dimer des banalités, péages et corvées par une somme ou redevance déterminée par un tarif d’équité. 18° Les cens et rentes ne pourront arrérager que pour dix ans. 19° On sollicitera la suppression des droits de franc-fief. 20° La suppression des tribunaux d’exception sera demandée, ainsi que l’ampliation du pouvoir d’en juger définitivement attribué aux juges royaux. 21° Les membres du tiers-états seront admis aux différents grades du service militaire, ainsi qu’aux divers emplois de la magistrature, pour exciter et récompenser le mérite. 22° Il sera pourvu à la régénération des études, et pour multiplier les moyens d’instruction, on choisira dans les ordres religieux ceux qui seront tenus d’enseigner la jeunesse de chaque arrondissement. Ils seront obligés de se réunir en nombre suffisant dans chaque communauté, conformément aux règlements qui seront établis, et les autres maisons supprimées. 23° Le privilège qu’ont les ecclésiastiques et les nobles, qui ne sont point au service, d’exempter leurs domestiques de la milice sera supprimé. 24« Il sera établi dans les villes principales des différents districts des sociétés d’agriculture, sous la direction des assemblées provinciales. 25° Chaque année, sous le bon plaisir du Roi, il sera rendu un compte public de la gestion du ministre des finances. 26° Les abbayes et bénéfices simples payeront aux impositions la moitié de leur revenu. 27° La pluralité des bénéfices sera défendue, conformément au saint concile de Trente. 28° Le Roi sera supplié de faire avec le saint- 676 [Etats gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de [a Basse-).] siège un nouveau concordat pour modérer les frais. 29° Les ecclésiastiques ne jouissant d’aucun droit seigneurial ne seront plus astreints à l’entretien des prisons ni aux fraisdes procédures criminelles. 30° La présentation et collation des eures ne sera exercée par les corps séculiers et réguliers qu’à la pluralité des voix recueillies dans les assemblées capitulaires. 31° Les curés , comme membres du premier corps de l’Etat, auront la présidence dans les assemblées municipales des campagnes. 32° Il sera accordé une augmentation de portion congrue pour les curés et vicaires, afin que l’indigence ne prive pas ces utiles pasteurs de la considération qui leur est nécessaire. .33° Lorsque le curé aura en dîme un revenu excédant celui de la portion congrue, il ne contribuera à celle des vicaires, avec les autres déci-mateurs ecclésiastiques, qu’au ‘prorata de cet excédant. 34° Il sera libre aux curés qui accepteront la portion congrue de retenir, en déduction et à dire d’experts, les fonds de cure attachés à leur bénéfice. 35° 11 sera défendu de percevoir aucun casuel pour l’administration des sacrements, ainsi que pour les inhumations, lorsque les portions congrues seront augmentées. 36° Les différentes cures qui ne sont pas dotées convenablement et qui ont un trop petit nombre de communiants seront éteintes par voie de réunion, ainsi que les bénéfices simples, pour compléter l’augmentation de portions congrues demandée. 37° Les chapitres qui ne sont pas suffisamment dotés auront une augmentation de revenu par voie de réunion ou de réduction. 38° Les curés sexagénaires obtiendront l’expectative des canonicats, prébendes et bénéfices simples pendant quatre mois de l’année, autres que ceux affectés aux gradués. Signé Laurens de Maseloux, approuvant les articles ci-dessus sous la protestation contre l’article 30, comme contraire aux droits des chapitres; Bonnier, archiprêtre de Nancois ; Robert Du Ri-bourgeon, curé de Billet ; Le Borthe de Grandpré, curé d’Oradour-Sanois ; Dauvres, curé, de Millac ; Guillot, curé de Dompierre ; Aubugeois, curé de Saint-Bonnet ; Saudemoy de Fiavary , curé de Darnac. Fait, clos et arrêté, en la salle capitulaire de Messieurs du Dorât, le 20 mars 1789. Signé Laurens de Maseloux, président de l’assemblée du clergé delà sénéchaussée de la basse Marche. CAHIER Des plaintes et doléances de la noblesse de la basse Marche , remis à ses députés aux Etats généraux (1). La noblesse de la basse Marche, sensiblement affectée des maux de la France, la servira de ses conseils et de sa fortune comme elle l’a toujours servie de son épée, mais elle ne consentira pas à l’abandon du moindre de ses privilèges ; elle ne donnera son assentiment à aucun impôt qu’aupa-ravant les droits de la nation ne soient reconnus et consolidés, la noblesse, ordre législatif, rendue (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire, à son ancien lustre, et la source des désordres de toute espèce à jamais tarie. En conséquence, elle lie son représentant à ne s’occuper de l’impôt que préalablement les Etats généraux n’aient obtenu la sanction royale pour les lois suivantes : I Art. 1er. Les Etats généraux seront librement et uniformément convoqués à des époques fixes et déterminées, dont la durée sera au plus de cinq ans. Art. 2. Les Etats généraux, avant de se séparer, nommeront une commission intermédiaire dont la principale fonction sera de surveiller l’administration, dénoncer les abus, correspondre avec les Etats des provinces, y répandre et en recevoir des lumières. La commission intermédiaire sera particulièrement chargée, en cas d’obstacles, de convoquer les Etats généraux du royaume aux temps et au lieu indiqués à la séparation des précédents Etats, et si ladite commission se trouvait gênée dans ses opérations, les Etats des provinces seraient non-seulement autorisés, mais même obligés de faire tenir les assemblées pour nommer les députés qui doivent composer les Etats généraux du royaume, auxquels ladite commission sera obligée de communiquer les comptes à elle rendus chaque année par les divers départements, ensemble les pièces, titres et renseignements qui peuvent éclairer les États généraux sur les affaires de royaume. Art”. 3. Les Etats généraux auront seuls l’attribution d’établir les lois et consentir l’impôt, mais la sanction royale sera nécessaire à leur exécution et perception, et pour assurer le retour des Etats généraux, les impôts ne seront consentis que jusques et inclusivement l’année fixée pour les suivants Etats, et si lesdits Etats n’étaient pas convoqués, les peuples seraient par ce seul lait déchargés de toute prestation d’impôt, et la rigueur des lois employée contre ceux qui voudraient les y contraindre. Art. 4. La suppression entière des lettres de cachet et prisons d’Etat, et la liberté assurée à l’homme, comme la plus précieuse des propriétés. Art. 5. La liberté de la presse entière et absolue, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages et de répondre personnellement, lui ou l’auteur, de tout ce que les écrits pourraient contenir de contraire à la religion, aux mœurs et à l’honnêteté publique. Art. 6. La délibération par ordre dans les Etats généraux pour conserver à chaque ordre sa dignité, et ne pas s’écarter des principes constitutifs de notre antique monarchie. Art. 7. Les provinces auront toutes des Etats articuliers qui seront composés de membres Ji-rement choisis dans les districts. Art. 8. La dette nationale reconnue et consolidée, et les fonds de chaque département faits et accordés par les Etats généraux. Lorsque ces huit lois seront sanctionnées et dûment établies, la noblesse de la basse Marche autorise son représentant à consentir à ce que la totalité des biens fonciers ou féodaux du royaume soient également imposés, en insistant cependant sur la conservation des immunités dont jouit la noblesse pauvre. La noblesse de la basse Marche exige aussi de son représentant de ne rien négliger, afin que les Etats généraux prennent en considération les objets suivants. Les chapitres. La noblesse, renonçant à ses privilèges et