90 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 114 avril 1731.] les garnisons ceux qui n’ont pas d’autre état. {Applaudissements unanimes el répétés.) La circonscription maritime, dont on veut se faire un titre pour donner un grade militaire permanent à tous les marins, ne peut être distinguée à cet égard de la circonscription générale à laquelle sont soumis aujourd’hui tous les Français, où ce qu’elle a de particulier est indestruc-tiblement attaché à la profession de marin, les gens de mer étant les seuls qui puissent labourer et défendre le champ de leur industrie et de leurs moissons. Je vais vous rendre ceci plus sensible par cet exemple. Supposez sur l’une des frontières de la France une mine qui en fait la richesse, exposée à l’invasion de l’ennemi, les habitants de cette frontière sont tous entrepreneurs ou employés dans l’exploitaiion de la mine, ils ont une part au profit, et l’autre part appartient à la nation qui entretient constamment un camp pour la garde de la mine : l’ennemi arrive, tous les mineurs, entrepreneurs, artistes et ouvriers sont appelés pour renforcer la garde du camp, et chacun est placé suivant son rang et son intelligence parmi les troupes de ligne. L’ennemi se retire, la garde militaire rentre dans son camp, et les mineurs retournent à leurs travaux. Ceux qui ont fait de belles actions, ou qui montrent de l’aptitude au service militaire, sont admis au concours pour les emplois vacants. Mais il reste une démarcation naturelle et nécessaire entre les exploiteurs de la mine, servant temporairement dans le camp, et ceux qui l’habitent toujours. Que direz-vous maintenant, si l’on prétendait vous prouver qu’il n’y a point d’autre camp que la mine, et qu’il ne faut point d’autres gardes que les mineurs? Yoilà cependant ce qu’on vous propose, et les grands mots d’ aristocratie, de Constitution , d'égalité de droits , qui se prêtent à tout, viennent à l’appui des sophismes. Telles sont, Messieurs, les vérités que je vous devais. Contradicteur depuis longtemps, et sur plusieurs points, de l’ancien régime de la marine, j’en connais tous les abus, et je ne les dissimulai jamais. Vous ferez bien de les réformer, vous ferez mal de détruire le corps militaire. Quoi qu’on puisse svous dire, vous n’en remplacerez pas facilement l’instruction. Laissez au commerce son esprit, ses mœurs, ses habitudes ; laissez à l’état militaire une sorte de fierté nécessaire; mais défendez-vous de son influence sur l’état civil : ne dédaignez pas les principes, les exemples de l’Angleterre, de la Hollande; leurs institutions navales doivent avoir pour vous plus d’autorité que les discours de vos orateurs. Quand on vous dira qu’on peut supprimer les intendants de marine, ou les remplacer par d’autres employés, je ne m’y opposerai pas; car je suis convaincu qu’on peut toujours se passer d’un homme et d’urie place. Mais quand on vous propose de tout changer, de tout bouleverser dans le système de l’armée navale, tous les hommes sages et qui ont quelque expérience des choses maritimes doivent se réunir pour vous préserver de cette grande erreur. Hé quoil au milieu des esprits ardents qui vont toujours en avant, n’en trouverons-nous plus qui sachent douter, qui accordent à ceux qui nous ont précédé le mérite de quelques vues raisonnables ? Sommes-nous donc les seuls sages, les seuls habiles dans l’art du gouvernement, dans les moyens de conquérir et de conserver la liberté? Souvenez-vous, Messieurs, que son point de contact, avec votre système militaire, est la pierre angulaire de l’édifice, et que l’armée navale est précisément la partie de la force publique que vous pouvez le plus vigoureusement constituer, sans qu’il en résulte aucune atteinte pour la liberté; car elle n’agit et ne peut agir qu’au dehors. Instituez donc l’armée navale comme l’artillerie et le génie, puisque les mêmes études et de plus étendues sont nécessaires à la navigation militaire. Ayez non seulement des écoles gratuites pour tous les marins, mais des écoles militaires dans les grands ports. Instituez des élèves ou aspirants en nombre limité; qu’il soient admis au concours; qu’après le temps de navigation prescrit, ils passent encore au concours pour le grade d’enseigne; que tous les officiers du commerce aient la liberté de se présenter aussi à ce concours. Que tous les capitaines de navires aient le rang d’ofticiers dans l’armée quand ils y sont appelés; qu’ils conservent le brevet d’enseigne quand ils en ont rempli le service, mais non autrement. Que tous ceux qui ont été oubliés, qui ont droit à des récompenses, soient honorablement traités. Yoilà mon avis, et je vous propose en conséquence pour premier article du décret, celui-ci : « Art. 1er. Le corps militaire de la marine de France sera composé des amiraux, vice-amiraux, contre-amiraux, capitaines, lieutenants, enseignes de vaisseaux, officiers mariniers, canonniers entretenus, et d’un nombre d’aspirants déterminé, lesquels ne recevront une solde que lors de leur embarquement sur les vaisseaux de l’Etat. « Art. 2. II y aura des écoles gratuites pour les marins dans tous les ports, et des écoles militaires navales à Brest, à Toulon, à Rochefort. « Art. 3. Les navigateurs du commerce et les officiers mariniers pourront, ainsi que les aspirants, après un temps de navigation déterminé, concourir pour les places d’enseignes de vaisseaux. ( Applaudissements . ) (L’Assemb ée décrète l’impression du discours de M. Maluuet et renvoie à demain la suite de la discussion.) M. Treilhard. La nécessité s’impose d’accélérer la libération de la dette publique. Je demande donc que les travaux du comité central de liquidation soient mis à l’ordre du jour de toutes les séances du matin, notamment le jeudi et le dimanche. Il importe que ces travaux et ces rapports soient très connus et que cet objet qui doit influer sur la Constitution et sur l’extinction de la dette publique soit fait avec autant de publicité que de promptitude. M. Camus. Nous avons été envoyés pour deux objets: la Constitution et les finances; nous devons nous occuper de tous deux avec un soin égal. Je demande que les rapports du comité de liquidation soient mis à l’ordre de tous les jours et de toutes les séances. (La motion de M. Camus est décrétée.) M. le Président. Je reçois une lettre de M. Amelot, commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire. Cette lettre est ainsi conçue :