[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (T mars 1791.) 714 ils seront réduits à en chercher chez l’étranger, et, en cas de guerre, vous ne pourrez pas compléter les équipages nécessaires à vos flottes. D'après ces considérations, j’ai l’honneur de vous soumettre, au nom du comité d’agriculture et de commerce, le projet de décret suivant : * Art. 1er. L’Assemblee nationale fixe provisoirement à 6 millions par an la somme qui sera destinée aux primes et encouragements nécessaires à de nouvelles espèces de culture, à l’éducation des bestiaux, à l’amélioration de nos laines, au dessèchement des marais, aux manufactures, à la navigation et au commerce; elle charge son comité d’agriculture et de commerce de lui présenter le plus tôt possible ses observations sur l’emploi le plus utile à faire de ces fonds. En attendant, les primes et autres encouragements dont jouissaient en 1790 différentes branches de l’industrie et du commerce national seront continuées, en se conformant rigoureusement aux formalités qui étaient prescrit s pour les obtenir. « Art. 2. Les primes et encouragements dont jouissaient les pêches de la morue, tant pour les expéditions faites à la côte occidentale de l’île de Terre-Neuve nue pour l’importation de cette morue en Espagne, Portugal, Italie, au Levant et aux colonies françaises de l’Amérique, seront continuées, en se conformant rieoureu.-ement aux formalités qui étaient prescrites pour les obtenir, et le payement en sera continué de l’époque où il a cessé. Il sera de plus accordé, à l’avenir, une prime additionnels de 3 livres par chaque quintal de morue sèche qui sera portée en Espagne, en Portugal, en Italie et au Levant. Art. 3. II seraa ccordé une prime de 6 livres par baril de harengs de pêche française exporté en Suisse, en Espagne, en Portugal, en Italie, au Levant et dans les colonies françaises d’Amérique, en se conformant aux formalités prescrites pour assurer la destination de la morue. » M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angèly). Je demande l’impression du décret et l’ajournement à trois jours. M. Defermon. Le projet de décret qui vous est présenté est instamment sollicité par tous les ports où se font les armements pour la grande pêche; il offre cependant dans ses dispositions plusieurs difficultés qui nécessitent l’ajournement. Mais quant à la partie qui concerne les primes accordées à la grande pêche, vous ne pouvez différer de l’adopter, si vous ne voulez détruire entièrement cette branche de commerce, dont la cessation momentanée anéantiraitnos relations habituelles dans fis échelles du Levant, dans l’Italie, dans l’Espagne. Voici le moment où les bâtiments pour la pêche doivent se préparer à partir ; plusieurs le sont déjà; mais les autres ne seront pas armés, si l’Assemblée ne prononce pas sur les primes. S’il était besoin de vous prouver combien cette branche de commerce est intéressante, je vous dirais qu’elle emploie annuellement plusieurs millions de capitaux pour les armements qui se font en France ; que les armateurs rapportent annuellement plus de 1,500,000 livres qui répandent l’aisance dans nos ports, et font vivre une foule de familles. Je vous propose d’augmenter les primes de 3 livres par quintal, cequt compensera à peine la perte qu’éprouvent les armateurs par la prohibition des sets étrangers. Je demande donc que la partie du projet de décret relative aux primes à accorder à la pêche soit adoptée, avec l’augmentation de 3 livres par quintal pour les morues salées qui seront portées dans les échelles du Levant, en Italie, en Espagne et dans les colonies. M. Martineau. Je demande l’impression et l’ajournement du tout. Je serais même bien tenté de demander la question préalable; et je n’y renonce pas, lorsque l’affaire reparaîtra. L’Assemblée doit s’occuper, il est vrai, défaire fleurir par de bonnes lois le commerce et l’agriculture; mais ce qui n’est pas aussi bien établi, c’est de savoir si le moyen d’y parvenir est de donner des primes. J’ai vu les mauvais effets et les abus de ces prétendus moyens d’encouragements. Laissez agir l’intérêt personnel, c’est le plus puissant aiguillon : il ne faut que de bonnes lois pour diriger son action. On vous propose de destiner à ces primes 6 millions; et où les prendra-t-on? Sur l’agriculture et le commerce. Quel est donc cet étrange calcul? Je demande si ce n’est pas un revirement destructeur que de charger l’agriculture de 6 millions d’impôt pour l’encourager? Ces encouragements ne tombent jamais que sur les plus intrigants; l’homme tranquille, qui ne sollicite rien, n’obtient rien. On dit que le décret est instant : que ne le proposait-on plus tôt?Quand il s’agit de grever l’Etat d’une dépense de 6 millions, qu’on nous donne au moins le temps de réfléchir. Je demande l’ajournement. Un membre: Je demande la question préalable. Ce qu’on nous propose, c’est un impôt sur l’agriculture en faveur du commerce. Le comité d’agriculture et de commerce est en effet composé, en majeure partie, de commerçants : on ne voit jamais que des commerçants à la tribune. M. I�anjuinais. Les primes d’encouragement. qu’on vous propose pour la grande pêche ne sont qu’un objet de 500,000 livres, et l’on ferait à regret une pareille dépense, lorsqu’il s’agit de vivifier un commerce utile à l’agriculture, par les consommations qu’il nécessite et sans lequel il n’y aurait point de marine 1 Ce qu’on dit ici contre ce commerce ressemble à la fable de l’estomac. Je ne sais pas comment l’Assemblée refuserait une prime que le despotisme même n’aurait pu refuser. Je ne sais pas comment elle refuserait de donner 500,000 livres d’encouragement nécessaires à un commerce d’où dépend l’existence de notre marine, tandis qu’elle a consacré tant de pensions usurpées, tant de dons du livre rouge, tant de brevets de retenues. M. Refermon. Il y a une différence de 20 0/0 entre les avantages de notre pêche et ceux de la pêche des Anglais et des Américains. Ceux-ci sont sur les lieux; ils commencent leur pêche avec le printemps et la finissent avec l’automne. Nos pêcheurs, au contraire, perdent une partie de ce temps dans les trajets, perdent une autre partie du bénéfice par les frais de cargaison, et sont obligés de ramener leurs bateaux, ou de courir risque de les perdre chaque année. Comment avec ces désavantages pourraient-ils, sans primes, soutenir la concurrence des étrangers, lorsque ces derniers jouissent et des avantages naturels et des encouragements du gouvernement. Je persiste à demander que non seulement les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mars 1791.] primes anciennes soient conservées, mais qu’elles soient augmentées de 3 livres par quintal pour les importations qui seront faites à l’étranger. M. Moreau de Saint-Méry. Ce n’est qu’avec une extrême surprise que j’ai entendu la nouvelle théoiie qui vous a été présentée par l’un des p éopinants sur la prime. Il vous a dit, par exemple, que c’était un moyen de favoriser l’intrigue, et des instruments visiblement indignes de la faveur d’une administration sage. Je soutiens, moi, que les primes sont des germes de prospérité publique; et, sans m’occuper de les considérer en général, je m’arrêterai à celle destinée à !’eocouragement des pêches. Les désavantages de la pêche nationale, comparée à celle des étrangers, sont produits par la nature, supérieure à toutes les institutions. En eft'e1, vous ne sauriez empêcher que l’Amérique septentrionale ne soit plus voisine que vous des lieux de pêche, et que l’Angleterre n’ait dans ces établissements maritimes une supériorité réelle. Dira-t-on : il n’y a qu’à abandonner la pêche; ce ne serait pas voir «m homme d’Etat, en homme qui a jeté des regards étendus sur l’ensemble d’un grand Empire. Je suppose que vous ayez abandonné la pêche pendant une longue paix, au moment de la guerre vous seriez privés de matelots, dont la pêche est l’école; et parce que cet’e école n’en aura pas produits, et par.- m que les anciens auraient porté leur industrie chez des nations riveles.. Comment réaliseriez-vous alors des opérations militaires ou commerciales, relatives. à la conservation de vos colonies? Si vos faibles convois sont enlevés, si vos armateurs sont ruinés, qui donnera lieu à la consommation des objets de votre agriculture et de vos manufactures? Ce n’est pas tout : vos colonies privées de secours, parce que votre marine sera faible et impuissante, se verront contraintes d’ouvrir leurs portes aux étrangers, et les denrées coloniales deviendront l’objet de leurs immenses projets; que de maux! Voilà ce qu’offre la renonciation aux primes. Quant aux 3 livres d’augmentation qui vous sont demandées par quintal de morue importée à l’étranger, il m’est facile d’en prouver la nécessité par ce qui s’est passé aux îles du Vent. Dans celle que je représente, la pêche nationale, malgré la prime, malgré le droit énorme et maladroit, il est vrai, mis sur les morues étrangères, n’a jamais pu soutenir la concurrence, et la Martinique n’a pas reçu d’elie le sixième de la consommation. Jugez du bénéfice de l’étranger. Hâtez-vous donc d’encourager notre pêche, que le commerce ne peut faire sans encouragement: et pour tout dire, si vous arrêtiez les armements, les fonds iraient se placer dans les spéculations de pêche chez l’étranger. Le profit serait perdu pour l’Etat, et vous auriez négligé sou véritable intérêt. D’après ces motifs, j’appuie de tout mon pouvoir la demande de la prime nationale et celle de l’augmentation de 3 livres par quintal de morue importée à l’étranger. ( Applaudissements .) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Je demande que les comités réunis d’agriculture et de commerce et de marine présentent incessamment à l’Assemblée un règlement sur la distribution des primes, qui puisse obvier aux fraudés 715 qu’il serait possible de faire sur les morues achetées de l’étranger. M. Mougins de Roquefort s’oppose à l’augmentation des primes et demande leur continuation sur l’ancien pied. (La discussion est fermée.) L’Assemblée ajourne l’article premier du projet de décret et décrète les deux autres dans les termes suivants : Art. 1er (art. 2 du projet). « Les primes et encouragements dont jouissaient les pèches de la morue, tant pour les expéditions faites à la côte occidentale de fîle de Terre Neuve, que pour l’importation de la morne en Espagne, Portugal, Italie, au Levant et aux colonies fançaises de l’Amérique, seront continuées, en s-e conformant rigoureusement aux formalités qui étaient prescrites pour les obtenir et le payement en sera continué de l’époque où il a cessé. Il sera de plus payé, à l’avenir, une prime additionnelle de 3 livres” par chaque quintal de morne sè.'he qui sera portée en Espagne, en Portugal, en Italie et au Levant. Art. 2 (art. 3 du projet). « Il sera accordé une prime de 6 livres par baril de harengs de pèche française, exportés en Suisse, en Portugal, en Espagne, en Italie, au Levant et dans les colonies françaises de l’Amérique, en se conformant aux formalités prescrites pour assurer la destination de la morue. « L’Assemblée nationale charge ses comités de lui présenter incessamment un projet de règlement sur les moyens de prévenir les fraudes que l’on pourrait faire sur les morues achetées chez l’étranger. » M. Moreau de Saint-Méry. Lorsque l’Assemblée nationale a jugé nécessaire d’établir un comité particulier d’agriculture et de commerce, elle a voulu qu’il lût composé d’un député par chacune des anciennes généralités du royaume. Saint-Domingue, la seule des colonies qui fut re-pré-entée alors dans l’Assemblée nationale, a donné un député comme une généralité. Les colonies du Vent de l’Amérique diffèrent de Saint-Domingue par leur culture, par la nature de leurs impôts, et même de leur commerce. Je supplie l’Assemblée d’autoriser lés députés de colonies à désigner entre eux celui qu’ils croiront devoir envoyer à ce comité et d’ordonner qu’il lui sera adjoint. M. Roussillon, au nom du comité d'agriculture et du commerce, appuie celte motion. (La motion de M. Moreau de Saint-Méry est dé-crétéé.) MM. Rivière et Camusat de Relowbré, demandent des congés. (Ces congés sont accordés.) M. le Président. Je vais donner connaissance à l’Assemblée d’une lettre de M. le ministre de l’intérieur relative au traitement à faire aux ci-devant préposés à la perception des droits d'aîdés, entrées des villes , tabac, etc. « Monsieur le Président, la suppression des impôts de la gabelle et du tabac, des droits des aides et d’entrées dans les villes, va livrer un grand nombre de familles aux horreurs de Hindi-