SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - N° 19 97 poir d’une heureuse immortalité après que l’horloge de la vie ne sonne plus, que la tombe s’ouvre pour recevoir l’argille humaine, ne doit-il pas nous exciter à bien vivre, nous enflamer de zèle pour les devoirs de citoyen, nous embraser d’amour pour la patrie, nous faire affronter les dangers et la mort, nous faire braver la rage de nos féroces ennemis ? Etudions-nous donc, citoyens, à nous rendre agréables à la divinité par une conduite vertueuse. Souvenons-nous que c’est de l’Etre suprême que nous tenons ce que nous possédons de plus précieux, la liberté. Certes il ne nous a pas fait un si beau présent pour le dédaigner, le laisser ravir. Jurons donc tous encore une fois en ce moment de mourir plutôt que de ne pas conserver la liberté ( Tous répètent d’une voix unanime : je le jure); que nos actions, nos pensées et nos soupirs n’aient d’autre but que le bonheur de la patrie; sacrifions lui nos petites passions contraires au bien général; goûtons les délicieuses jouissances qui naissent des bonnes actions. Quel est celui d’entre nous qui n’a jamais senti ce doux consentement, cette joie pure, ce sentiment exquis que l’on éprouve après avoir soulagé un malheureux ? Versons notre superflu dans le sein de nos frères qui manquent du nécessaire. Ecoutes, mon semblable, pourquoi tant de peines, tant de travaux et tant de fatigues, tant de sueurs et même tant d’injustice ? C’est pour que l’on dise de toi : Voilà un homme riche ! Eh ! Que trouveras-tu au milieu de tes richesses ? Le bonheur ? Non, le dégoût et l’ennuy, le germe de la corruption et de tous les vices. Abjure ton orgueilleuse cupidité. Le vrai républicain chérit la frugalité et s’honore de la pauvreté; il met toute sa gloire à entendre de lui : voilà une (sic) homme probre, voilà un homme vertueux ! Vous, magistrats du peuple, remplissez dignement la tâche que la République vous impose, que la loi soit toujours votre boussole; guidés les citoyens par votre exemple, faites leur aimer l’administration municipale; que la justice, l’impartialité, l’intégrité et le désintéressement vous accompagnent partout ! Sachez aussi allier la douceur avec la sévérité. Vous, membres du comité de surveillance, ne vous endormez pas ! Veillez sans cesse, soyez terribles envers les aristocrates conspirateurs, faites qu’aucun n’échape à la vengeance nationale, mais soyez prudents : prenez garde de confondre l’innocence avec le crime, sachez que lorsqu’un patriote est dans les fers, les républicains sont en deuil. Enfin nous tous, enfans de la patrie, marchons d’un pas ferme sans dévier sur la ligne révolutionaire qui nous est tracée. Plus de haine, plus d’animosité, plus de jalousie parmi nous, n’ayons qu’un même esprit et qu’un même cœur, aimons-nous comme de bons frères, offrons l’image d’une grande famille qui vit dans la paix et l’union la plus étroite; ne cherchons à nous surpasser les uns et les autres que par des actions utiles à notre mère commune, et dans ce moment élançons-nous par la pensée vers les voûtes célestes et, de concert avec des cœurs purs et brûlans de reconnaissance, adressons ces paroles à l’Etre suprême : Grand Dieu, père des hommes et suprême ordonnateur des mondes, toi qui lanças dans l’immensité des espaces l’astre brillant qui nous éclaire, nous échauffe, nous vivifie et féconde la nature; toi qui fais succéder le jour et la nuit et règle les vicissitudes de saisons; toi qui couvre nos campagnes de riches moissons et d’arbres chargés de fruits; toi qui nous fis naître tous égaux, et graves dans nos cœurs les droits sacrés de l’homme, seconde nos efforts pour conduire le char de la révolution jusqu’à son dernier terme. Fais que le vaisseau de l’Etat soit inébranlable au milieu des tempêtes comme un rocher au milieu des flots irrités de la mer; fais que la vertu triomphe du crime et que la liberté, pour laquelle nous avons juré de périr, devienne l’apanage inaliénable des Français; fais qu’après avoir rendu homage à ta puissance, à ta majesté, nous puissions toujours crier : vive la République ! De vifs applaudissemens et un cri général de Vive la République ont retentis dans les voûtes du temple. De jeunes républicains de l’un et l’autre sexe ont fait retentir la tribune de leurs accents et d’hymnes à la liberté; la finale étoit chantée en chœur et l’allégresse étoit universelle. Le roulement des tambours annonce le moment du départ. La garde nationale conservant toujours le même ordre militaire se rend, accompagnée du corps municipal et du comité de surveillance, du tribunal de paix et de la société populaire, au pied de l’arbre de la liberté, où, après quelques évolutions militaires, tous les citoyens, le cœur rempli d’enthousiasme et d’amour pour le républicanisme, se sont séparés après s’être donnés l’assurance de l’amitié par des embrassements fraternels. Collationé à l’original: F. Avrerin ( secrét .), Vandon ( présid .), Bouchard. 19 La société populaire de Ribeauvillé, département du Haut-Rhin, donne connois-sance à la Convention nationale des dons patriotiques offerts par cette commune. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité des finances (1). [La sté popul. de Ribeauvillé, à la Conv.; Ribeauvillé, 30 mess. II] (2) Citoyens représentans, Vous avez approuvé nos sentimens de piété filiale envers l’Etre suprême, d’attachement à la République et d’une vénération affectueuse pour les dignes représentans du peuple français. La commune de Ribeauvillé ose se croire digne de vos suffrages. Elle a versé dans le trésor public par le canal du directoire du district 117 marcs 2 onces 1/2 de vermeil, 13 marcs 5 onces 1/2 d’argent, 153 marcs de galons d’or et (1 )P.V., XLIII, 231-232. (2) C 316, pl. 1267, p. 13. En exergue : Liberté, vertu, égalité, vérité. Bm , 2 fruct. (suppl1)-