[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juillet 1790.] 725 hommes ordinaires, semble donner chaque jour aux vôtres une nouvelle énergie ! « Dans les premiers instants de sa naissance, notre société vous offrit l’hommage de son respect, de sa soumission, de son adhésion absolue à tous les décrets de l’auguste Assemblée nationale. « Tout ce que la reconnaissance et l’admiration peuvent exciter d’émotions vives, nous les éprouvions, Messieurs, sans qu’il nous fût donné d’en exprimer toute l’étendue. « Mais depuis cette, époque, Messieurs ; depuis le commencement de cette année mémorable à jamais, que de nouveaux prodiges votre sagesse a opérés ! Combien de préjugés, d’erreurs, d’abus immolés au salut de la patrie 1 Combien de triomphes ajoutés à de nouveaux triomphes, de bienfaits à de nouveaux bienfaits ! De combien d’hymnes, de remerciements et de concerts de louanges n’a pas retenti chaque jour la France entière. « C’est parmi nous, surtout, législateurs augustes, c’est dans nos assemblées qu’a été vivement senti le prix de vos travaux. « Nos cœurs ont été émus des mêmes impressions qui ont fait éclore tant d’adhésions missives, où l’éloquence déploie toutes ses richesses et le patriotisme toute sa chaleur. « Daignez, Messieurs, agréer les nouveaux hommages d’une société qui ne subsiste que par vous et dont le bonheur est de seconder, autant qu’il est en elle, tout ce que vous exécutez pour le bien de l’Empire. « Rien ne ralentira son zèle, ni les calomnies lâches, ni les menées sourdes pour décrier ses démarches, pour empoisonner ses actions les plus louables, ni tous les efforts des ennemis d’une Révolution, le salut de la France, l’étonnement de l’Europe, le désespoir des tyrans. « Daignez aussi, Messieurs, laisser tomber sur cette société un regard favorable et donner, par votre approbation de cet établissement et de ceux du même genre, des encouragements au patriotisme et un appui de plus "à cette Constitution sainte, à ces lois salutaires que tout bon Français soutiendra toujours au péril de sa vie. « Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très dévoués compatriotes. « La Société des amis de la Constitution à Nancy, Signé: filaise, président; Mathieu et Zangia-comi, secrétaires. » (L’Assemblée applaudit aux sentiments patriotiques exprimés dans toutes ces adresses et délibérations.) M. de Broglie, député d'Alsace, lit une adresse de l’Assemblée électorale du département du Haut-Rhin, qui témoigne sa reconnaissance et son adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale dans les termes les plus forts et les plus énergiques. L’Assemblée nationale, en applaudissant au patriotisme qui a dicté cette adresse, ordonne qu’il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal. M. d’Elbecq lit une adresse de la commune de Bourgheile, district de Lille, département du Nord, qui adhère à tous les décrets de l’Assemblée, et jure de traiter comme ennemis du bien public tous ceux qui oseraient écrire ou parler contre eux. On introduit une députation de la commune de Ris , qui s’est empressée de venir rassurer l’Assemblée sur les suites des troubles élevés dans ce lieu, en lui apprenant leur cessation par les soins de la municipalité et des officiers de la garde nationale. M. le Président répond aux députés en ces termes : « Les désirs et les travaux de l’Assemblée na - tionale n’ont d’autre but que de procurer la paix et l’union entre les Français; faire tous ses efforts pour en assurer la durée dans l’Empire, c’est son unique soin. Elle voit avec satisfaction que vous vous êtes empressés de seconder ses vues, et que vos efforts ont été couronnés du succès : elle vous permet d’assister à sa séance. » Les sous-officiers et soldats du régiment de Forez, en garnison à Saint-Servan, ont offert à la patrie le don d’une somme de 500 livres. M. le Président lit une lettre des officiers municipaux de la ville du Havre, qui apprend l’arrivée de cent trente-trois hommes du régiment de la Guadeloupe, venus de Tabago en France, à bord du vaisseau de Patty-Wand Worth , et annonce que le navire le Lion , attendu d’un jour à l’autre, amène 124 hommes du même régiment. Ils ajoutent qu’ils se sont concertés avec le commandant de la place et l’intendant de la marine, pour tenir les troupes à bord sous garde citoyenne et militaire, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. L’Assemblée renvoie cette affaire au pouvoir exécutif, et décrète que son président écrira à la municipalité du Havre, pour lui témoigner sa satisfaction de la sagesse des mesures qu’elle a prises. M. Bouche, membre nouvellement adjoint au comité pour l'envoi des décrets, demande à proposer plusieurs articles sur cet objet. Messieurs, il est essentiel que les décrets ne soient pas présentés à la sanction sans avoir été collationnés. 11 est impossible de les emporter du bureau des procès-verbaux, attendu que dans le même moment où l’on en a besoin les commis les transcrivent, de manière qu’on les envoie aux archives sans avoir été comparés aux originaux ; pour accélérer la vérification et l’envoi, il est nécessaire de savoir quel jour on les porte à la sanction. Il importe également d’empêcher que les décrets restent à la sanction plus de temps qu’il n’est nécessaire au bien public. Quand vous relirez vos décrets vous serez surpris des changements considérables que vous y trouverez , je pourrais en citer plusieurs, et de même si vous vérifiiez les minutes de vos procès-verbaux, vous en trouveriez très peu qui fussent signés par les ex-secrétaires. Vous sentez les inconvénients qui résultent d’une pareille négligence. Je vais donner lecture d’un projet de décret. M. Malouet. Je suis membre du comité et je témoigne mon étonnement de n’avoir eu aucune connaissance du projet de décret qu’on vous propose. Les autres membres du comité seraient-ils dans le même cas ? c’est un fait à éclaircir. Je ne m’oppose pas à l’adoption du décret, mais je trouve que la forme en est mauvaise et surtout que les mots d'inspection de sanction sont inadmissibles. La sanction du roi doit être libre; 726 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 juillet 1790.] elle ne le serait pas s’il y avait des inspecteurs de sanction. M. Bouche. Je conviens que les mots inspection de sanction sont impropres et je propose d’y substituer ceux-ci : surveillance d’expédition de sanction . Le préopinant a dû savoir que le comité était convoqué pour entendre la lecture du projet de décret que je viens de proposer. Vendredi, à six heures du soir, deux membres et moi avons attendu jusqu’à huit heures et demie : lorsque nous désespérâmes de voir arriver personne, nous convînmes à peu près des articles. Je les ai rédigés et ils ont passé sans contradiction, car j’étais tout seul. M. Malouet. De l’aveu du préopinant il résulte que le décret qui vous est proposé n’est point l’œuvre du comité, et c’est là le fait que je voulais établir. M. le Président met aux voix le décret amendé. H est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 1er. L’Assemblée nationale charge les commissaires inspecteurs des travaux des bureaux, de faire porter tous les jours au comité chargé de collationner les décrets et d’en surveiller l’expédition et l’envoi après la sanction, une copie en forme des décrets rendus la veille. Cette copie sera signée par les secrétaires. Art. 2. Les notes originales des décrets sanctionnés que le garde des sceaux adresse au président, seront aussi portées au même comité le même jour qu’elles seront reçues. Art. 3. Successivement on portera au même comité un état signé par les secrétaires, de tous les décrets présentés à la sanction. Cet état contiendra le jour de la présentation. Art. 4. Le comité chargé de collationner les décrets et d’en surveiller l’expédition et l’envoi après la sanction, veillera à ce que les trois articles ci-dessus soient ponctuellement exécutés. Art. 5. Pour l’entière exécution du décret du 5 novembre 1789, le garde des sceaux et les autres ministres enverront de huit jours en huit jours à ce comité un état par département, et par ordre de date, des accusés, ou certificats de réception des décrets. Art. 6. L’imprimeur de l'Assemblée nationale remettra, dans le jour, à ce comité, un exemplaire de tous les procès-verbaux depuis le 5 mai 1789, jusqu’à ce jour, et ainsi successivement jusqu’à la tin de la présente session. » M. le Président lit une lettre par laquelle la municipalité de Grenoble témoigne des inquiétudes sur un camp de quinze mille hommes qui se fctrme en Savoie, et sur l’ordre donné par le ministre de la guerre, de faire partir les chasseurs de royal-corse en garnison à Grenoble. La municipalité demande le remplacement de ce bataillon, s’il n’est pas possible de le conserver. - M. Barnave confirme la nouvelle des alarmes de la ville de Grenoble. Il demande que des mesures soient prises pour les calmer. Il propose un projet de décret. M. de Foucault observe que le ministre a dû prévoir, d’après sa responsabilité, ce qu’il avait à faire, que cela concerne le pouvoir exécutif et que l’Assemblée ne peut s’occuper de cette réclamation. M. Barnave ajoute que M. de Montmorin a lui-même envoyé des détails à cet égard au comité des recherches et qu’il n’y a aucun inconvénient à adopter le projet de décret qu’il propose. La motion de M. Barnave est mise aux voix et adoptée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera devers le roi, pour lui remettre la lettre de la municipalité de Grenoble, et le supplier d’avoir égard aux demandes portées par cette lettre. » M. Malouet. Je crois devoir rendre compte à l’Assemblée de l’altération éprouvée par deux de vos décrets dans les bureaux du garde des sceaux. Lorsque j’en ai témoigné ma surprise, on m’a répondu que le premier portait que le président écrirait, etc., et qu’on avait pensé que cette disposition n’étant pas une loi, n’était pas susceptible de sanction ; que le préambule du deuxième, relatif aux lettres de cachet, taxait l’ancien régime de gouvernement absolu et arbitraire, et que le roi avait désapprouvé ces expressions. M. Muguet fait lecture d’un arrêté ou règlement du département de la Haute-Saône pour la police des campagnes et en demande la confirmation par l’autorité de l’Assemblée. M. Lanjuinais remarque que ce serait introduire une nouvelle forme des lois, qu’il ne doit y en avoir qu’une seule, et que si l’Assemblée adoptait ces dispositions, ce ne pourrait être que par approbation, mais en leur donnant la forme d’un décret. M. Goupil rappelle les principes établis par l’Assemblée sur le droit de faire des règlements et même des représentations qu’elle a ôté à tous les tribunaux ; il demande le rejet de ce règlement, sauf au département de la Haute-Saône à l’adresser par voie de pétition. M. Muguet reconnaît la force du principe et prie l’Assemblée d’accueillir comme pétition l’arrêté pris par le département de la Haute-Saône. Il demande, en outre, le renvoi de cette pétition aux comités des domaines, de commerce et d’agriculture qui présenteront, s’il y a lieu, un projet de décret dans les mêmes vues que le règlement. Cette motion est adoptée. M. le Président annonce que l’ordre du jour est la suite de la discussion sur le commerce de l'Inde et la liberté indéfinie des retours dans tous les ports de France. M. IiavilIe-le-Boux. Si, en ouvrant le commerce de l’Inde à tous les Français, vous avez prononcé que chaque négociant pourrait arriver librement dans le port de son domicile, vous ne décréterez point que ce négociant fera le retour et la vente de sa cargaison dans son port; ce serait une conséquence fausse, ce serait l’écueil de la liberté indéfinie ; car si le Bordelais vendait à Bordeaux, le Marseillais à Marseille, le Ro-ehellais à la Rochelle, et de suite, chacun dans son port respectif, les armateurs seraient bientôt ruinés. Il faut indispensablement pour les retours et pour les ventes des marchandises de l’Inde un point de réunion, et ce n’est pas, comme on le