447 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] Fait et arrêté àVitro]]es-cl’Aigues,]e 28 mars 1789. Signé Patot, juge; J. -J. Eyries; André Ricard; J. Ëyries; Etienne Ricard, consul; Loste; Mère; E. Eyries; Bégilocy; A. Ricard; J. -B. Roux; J. Eyries; M. Eyries; F. Ricard; Antoinay; Armand; Fou res ; P. Eyries; Jelors ; Pignoret; Joseph Arnaud; Sauvan ; L. Leplenchu; Pignoret; J. Gautier, greffier. CAHIER Des doléances, plaintes et remontrances de la communauté de Vitrolles-les-Mar ligues (1). Les abus, les injustices, les usurpations des grands, parvenus à leur dernier terme, forcent aujourd’hui la régénération de nos constituiions. Nous devons, entendre, par constitution, les bases de toutes les sociétés. Nous ne pouvons les définir qu’en les considérant comme les contrats so.ciaux, qui, quoique faciles, lient tous les individus par leur adhérence aux sociétés, que ces sociétés soient naissantes ou déjà établies. La Provence, unie librement à la France par la volouté unanime et individuelle de ses habitants, n’a reçu, et n’a pu recevoir, par cette union, aucune altération dans son régime constitutionnel. Monarchiquement gouvernée, son union à une monarchie n’a fait que lier deux parties égales, pour former un entier, auquel il n’a pas été permis de toucher sans blesser toutes ses parties. Une triarchie aristocrate, corrompue par la multiplication du despotisme, s'est élevée sur ses débris, et après nous avoir séduits par la crainte du glaive de la justice qu’elle avait indiscrètement arraché de ses mains, elle étouffait encore notre raison, par l’accablement de la servitude la plus insupportable. Réduits, par celle-ci, à la simple végétation, la nation n’avail plus dame, la loi plus de force, le monarque plus de respect ni d’autorité ; ainsi s’était presque entièrement évanouie l’idée même de la beauté de ce gouvernement, qui, fils de la nature, est le père de l’homme. Il est temps aujourd’hui, et c’est le seul instant que la fortune nous offre, dans la convocation des Etats généraux, pour faire l’emploi de l’étendue de nos moyens individuels, et par eux, rendre au sceptre toute sa force, à la ( ouronne toutes ses branches, et à la nation tous ses droits. Art. 1er. Que le roi de France ne sera reconnu, en Provence, que sous la qualité de comte de Provence. Art. 2. Que tous les articles du traité d’union, autant quils n’altéreront point la force de la constitution, seront religieusement observés. Art. 3. Que la présente assemblée, ni sa forme, ne pourra nuire ni préjudicier à la constitution du pays, qui ne reconnaît, et ne peut reconnaître, de légal que l’assemblée de la nation provençale, en forme d’Etats généraux. En conséquence, déclare, ladite communauté, ne pouvoir avouer, ni reconnaître à l’avenir, que les lois et impôts consentis par lesdits Etats, légalement convoqués, et librement assemblés, suivant ladite constitution. Art. 4. Que soit que le pays soit considéré comme co-Etat annexé et non subalterné, ou comme province unie à la France, la constitution monarchique sera universellement rétablie pour tout le royaume de France, comté de Provence et autres provinces unies, annexées ou conquises, de ma* (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. niôre qu’on n’ait plus à reconnaître, dans ledit gouvernement, qu’une nation administrée, une loi exécutée, et un seul monarque réunissant, tout à la fois, la force de la nation et l’autorité de la loi. Art. 5. Que les Etats générauxseront convoqués de deux en deux ans, ou, pour le plus tard, de trois en trois ans, pour y traiter sur les doléances et plaintes des sujets, et sur tous les autres objets d’administration, et employer les moyens les plus convenables pour aller au-devant des abus à venir, et par ce moyen, assurer le salut de l’Etat, la conservation de l’autorité royale, et l’harmonie entre tous les individus. Art. 6. Que nul emprunt ne sera fait, à l’avenir, sans le consentement exprès de la nation, assemblée en Etats généraux, et encore pour les cas les plus urgents, et là où il serait impossible d’augmenter les impositions, et., au cas contraire, la nation déchargée de toute obligation à cet égard. Art. 7. Sera pourvu, lors de la tenue desdits Etats généraux, à une imposition suffisante pour satisfaire entièrement aux dépenses annuelles, après la vérification de l’état, au vrai, du revenu du royaume, comparé avec les dépenses, lesquelles auront toutes une application expresse et particulière de partie de l’imposition, laquelle ne pourra être distraite ni divertie pour tout autre objet, sous quelque prétexte et pour quelque cause que ce soit, à peine de responsabilité du ministre qui en aurait fait un emploi contraire à sa vraie destination, sauf cependant aux cas extraordinaires d’y être pourvu, par une nouvelle convocation, avant le terme de la tenue des nouveaux Etats. Art. 8. Ne sera consenti que pour être généralement réparti sur chacun des individus, composant la masse entière de la nation, nonobstant tous droits et privilèges accordés, soit aux personnes, soit aux biens, lesquels seront déclarés inconstitutionnels, et comme tels, généralement et absolument révoqués. Art. 9. Sera fait une imposition relative, soit à la réalité des biens, soit à l’industrie, soit au commerce, soit à l’existence de chacun des individus, capitalistes, célibataires ou autres, suivant leur utilité ou inutilité dans la société. Art. 1U. Les impôts, quels qu’ils soient, seront répartis, par les Etats généraux, sur chacune des provinces, relativement à leur importance considérée tant dans leur réalité, industrie, que dans la population ; que lesdits impôts seront librement perçus par lesdites provinces pour être, par elles, directement versés dans le trésor royal, et employés à leur destination. Art. 11. Les douanes seront établies aux ex-trémités du royaume, pour laisser la libre circulation intérieure. Art. 12. L’entrée dans le royaume de la matière première de fabrication entièrement libre, à moins qu’elle ne soit en concurrence avec celle du royaume, auquel cas il serait établi un droit prohibitif. Droit modéré sur la fabrication, et sur la denrée inutile à l’aliment du royaume, lors de leur sortie. Art. 13. Etablissement d’inspecteurs solvables et instruits, capables de répondre de la conformité de la fabrication avec les règlements établis ou à établir, sous la juridiction de l’assemblée des Elats provinciaux. Art. 14. La sortie des blés, ensemble des mou** tons et bœufs, rigoureusement prohibée; le commerce intérieur de ladite denrée permis, le négociant, ainsi que le particulier, soumis, sous les peines les plus rigoureuses, à avoir lesdits blés 448 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] en magasin dans les greniers publics à cet effet établis. Art. 15. Tous édits, déclarations, arrêts du conseil, lettres patentes, établissant des droits, on faisant loi dans le royaume, généralement révoqués, comme inconstitutionnels, sauf l’approbation des Etats généraux. Art. 16. Tous les domaines attachés à la couronne seront de plus fort déclarés inaliénables ; au moyen de ce, toutes les aliénations déclarées nulles, comme contraires aux droits et à la constitution nationale, et tous détenteurs tenus d’en vider leurs mains, à la poursuite du préposé de la nation, qui sera, à cet effet, établi, pour iceux être donnés à engagement, et les revenus serviont à l’acquittement et amortissemeut de partie des créances sur l’Etat, à l’exception néanmoins des domaines représentés par un échange utile. Art. 17. Qu’il n’y aura plus, entre le souverain et la nation, aucun corps qui puisse se dire ou réputer intermédiaire, et au moyen de ce, que le clergé, la noblesse et la magistrature ne seront plus que des membres faisant partie de cette même nation. Art 18. La vérification des lois portant l’impôt qui aura été consenti, sera entièrement délaissée aux Etals de chaque province, et l’enregistrement confié aux dépositaires des titres nationaux. Art. 19. Que la justice sera généralement rendue, au nom du Roi, comme le seul protecteur de la loi; qu’elle sera gratuite, étant à la charge du souverain, comme représentant, quant à ce, la nation; toutes les charges de magistrature et autres, quelles qu’elles soient, déclarées non vénales et amovibles, et au moyen de ce, remboursables et éteintes. Art. 20. Sera la nomination auxdites charges faite par le Roi, sur la présentation de trois sujets choisis par les Etats. Art. 21. L’administration de la justice réformée, tant au civil qu’au criminel, de manière que les parties n’ayant plus qu’un seul degré de juridiction, un seul défenseur, qui, nonobstant l’extinction des charges en général, sera continué en la personne des pourvus, et ce, jusqu’à leur décès, démission, cas de forfaiture ou interdiction. Les procès au civil jugés à l’audience, ou sur le concours des requêtes des parties, et ce, dans une année, à peine de péremption, perte des frais faits par les défenseurs, comme frustrés, à la charge de la partie on du défenseur qui auront donné lieu au retard, par fuite, morosité que autrement. Au criminel, procédure entièrement publique, avec le droit à l’accusé de se défendre par lui-même, ou par la voie du défenseur auquel il sera communiqué, s’il le requiert, la procédure en entier et en grosse, à ses frais, si mieux il n’aime prendre des notes relatives à sa défense, en la présence du dépositaire d’icelle, qui sera tenu de la lui représenter, à peine de destitution. Art. 22. La peine de mort sera limitée au cas d’assassinat prémédité, ou recèlement de part. Art. 23. 11 sera établi des juridictions consulaires dans toutes les villes du royaume attachées à la municipalité, qui sera assistée de quatre négociants choisis lors-de l’élection. Art. 24. Dans toutes les principales villes du royaume, il sera établi des bureaux de police, sous la dénomination de lieutenants généraux de police, présidés par les consuls élus, auxquels ressortiront sans frais des appels des ordonnances des consuls des lieux des ressorts, qui jugeront aussi de la police des lieux où ils ont été nommés, avec le droit exclusif à tous autres de fairé ladite police; lesdits bureaux, dans les villes principales, composés de douze membres, avec la souveraineté jusqu’à la condamnation aux galères pour cinq ans. Art. 25. Tous droits réservés, sous pour livres, 3 sous pour livres, et autres établis sur les contrats, généralement abolis, comme exclusifs de la justice et de la liberté contractuelle ; sera néanmoins continué un droit qui sera attribué au commis qui sera établi pour, par un contrôle, fixer la vérité de la date du contrat. Art. 26. Intendances supprimées pour leurs attributions être renvoyées , au gracieux, • aux Etats provinciaux, et au contentieux, aux juridictions souveraines du ressort suivant la compétence des matières. Art 27. Deux seules juridictions souveraines seront établies, l’une pour juger les contestations élevées entre particuliers, tant au civil qu’au criminel, l’autre pour tous les objets relatifs à l’impôt, ensemble aux droits royaux et aux régales, tant majeures que mineures, lesquelles seront restreintes, dans leurs bornes, sans extension aucune, et principalement pour les rivières navigables et flottables, bords de la mer, étangs, voies publiques, dont le seul usage appartiendra au public; le changement desdites parties servant de remplacement audit droit, et la partie abandonnée restant dans les mains des particuliers, suivant le droit établi. Art. 28. L’Eglise française sera régie par un chef choisi dans le royaume, qui n’aura de juridiction que sur le spirituel. Art. 29. Le clergé sera réformé et réduit à des chanoines, prêtres et curés, desservants; tous autres bénéfices supprimés, les corps réguliers sécularisés et distribués dans les paroisses. Art. 30. Les dîmes ecclésiastiques supprimées, sauf aux communautés et paroisses de fournir aux aliments de leurs curés, qui seront réglés par un tarif relatif à la population, et qui excédera néanmoins les portions congrues actuelles, comme étant, celles-ci, insuffisantes, et ce, sans aucune retenue ni imposition. Art. 31. Les curés vétérans, ou professeurs ecclésiastiques nommés, de préférence à tous autres, aux canonicats vacants, laquelle nomination sera déférée aux Etats provinciaux. Art. 32. Liberté entière aux religieuses actuelles de se retirer de leurs monastères, qui seront tenus de les pensionner, suivant les facultés de leurs couvents. Art. 33. La noblesse sera déclarée ne pouvoir se transmettre par succession, mais seulement personnelle, comme accordée au mérite. Art. 34. Les faveurs, tant en pensions que places attachées à la noblesse exclusivement, aux citoyens non nobles, seront déclarées communes avec ceux-ci, à mérite égal. Art. 35. Les pensions actuelles réduites suivant la répartition des fonds qui seront à ce destinés, sans pouvoir être augmentées au delà desdits fonds. Art. 36. Les décorations et marques distinctives entièrement facultatives. Art. 37. Les fiefs ecclésiastiques et laïques, déclarés domaniaux, et les seigneurs feudataires déclarés ne pouvoir les tenir qu’à engagement. Art. 38. Que lesdits fiefs soient déclarés domaniaux par le corps de la nation, ou qu’ils existent comme faisant partie de la propriété, la justice et son administration, les régales tant majeures que mineures, desquelles les rivières, bords de [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mer, font partie, seront déclarées faire partie du domaine de la couronne. Art. 39. Le droit domanial ne pourra s’étendre jusque sur les îlots et atterrissements qui seront déclarés faire partie du fonds voisin. Art. 40. La chasse sera déclarée n’avoir jamais, en Provence, fait partie des régales, ni droits domaniaux , moins encore des seigneuriaux, les droits des comtes de Provence n’étant que de pure réserve sur leurs domaines propres, et, à cet effet, ledit droit demeurera, comme il n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire, facultatif aux habitants, nonobstant tous titres prétendus, arrêts, et jugements à ce contraires, comme faisant ledit droit, principalement dans cette province, partie de la liberté individuelle de se garantir des animaux offensables par leur population et leurs dégâts. Art. 41 . Les propriétés provençales seront maintenues dans le franc-alleu de nature, et, au moyen de ce, les directes : lods, indemnités, retraits, reconnaissances, cens, censives et terres gastes ne seront déclarées réelles, et faire partie du fief, qu’autant que, par l’acte d’habitation, ou d’inféodation dont les seigneurs, tant ecclésiastiques que laïques, seront tenus de justifier, lesdites directes paraîtront faire la charge du fonds inféodé, sans que les arrêts ou jurisprudence puissent porter atteinte à Ja liberté allodiale foncière, et à défaut de justification, seront déclarées contraires au droit de franc-alleu de nature, et au moyen de ce, le possesseur déchargé de toute servitude. Art. 42. Les banalités, soit qu’elles dérivent des fiefs, ou qu’elles aient été acquises à prix. d’argent, éteintes et remboursables, en justifiant du titre de leur établissement. Art. 43. Les cas impériaux, quistes ou cavalca-dos, ayant été établis pour les dépenses du voyage du prince hors du royaume, éteintes, comme demeurant aujourd’hui sans cause, lesdits droits étant aujourd’hui confondus avec les impositions annuelles. Art. 44. La liberté individuelle, dans toute son étendue, pourvu qu’elle ne s’écarte pas des dispositions de la loi. Art. 45. Les lettres de cachet abolies, comme contraires à cette liberté constitutive de l’homme citoyen. Art. 46. La liberté de la presse sur tous les objets, autant que les ouvrages imprimés ne seront pas anonymes. Art. 47. Que le citoyen n’ait à répondre de sa [Sénéchaussée d’Aix.] 449 conduite qu’au magistrat commis, lequel sera soumis à toutes les règles établies, à peine de répondre personnellement ; tous actes non écrits lui étant prohibés, comme despotiques et attentatoires à la constitution monarchique. Art. 48. La répartition des impôts également répartie sur tous les citoyens sans distinction. Art. 49. L’impôt territorial en nature sur les fonds, perçu pour le compte du Roi, dans chaque province, et par celle-ci, sans aucune gêne, et le produit versé directement au Trésor. Art. 50. Le sel, comme denrée d’absolue nécessité, modéré, et à un prix universellement égal. Art. 51. Le tabac, comme besoin facultatif, continué sur le même taux, pour la médiocre qualité, la première augmentée. Art. 52. Le citoyen admis dans toutes les charges et emplois, principalement les militaires. Art. 53. Des écoles, collèges de morale, d’histoire naturelle, physique, mathématiques, établis dans chaque capitale; les universités rétablies, avec l’augmentation d’un professeur de droit naturel ; les fonds de ces établissements pris sur le clergé supprimé. Art. 54. Etablissement de pensions et places gratuites au concours. Art. 55. Le luxe imposé. Art. 56. L’intérêt de l’argent mis en proportion avec le commerce et l’agriculture, pour donner à ces deux parties essentielles plus de force et plus d’activité. En conséquence, le taux de l’intérêt de l’argent à constitution de rente, réduit à 3 p . 0/0, et, dans le commerce, à 1/2 p. 0/0 pour chaque usance. Sauf à ladite communauté de se réserver tous ses droits, comme ceux du pays, et a signé qui a su. A Vitrolles, le 29 mars 1789. Signé Gonstans, consul; Joseph Oulonne; P. Guadoy; Comartin; Imbert, Henri Faron ; J. -J. Gueidon; Claude Lataud; Gros; Joseph Emery; Berad;J. Guelhen; Lataud ; F. Guadon; Ribout; Jacques Guez; Joseph Guilhen; V. Guilhen; J. Boret; Guelod; Jean Lataud; Pierre Gonstans; Antoine Gueidon ; Pierre Turc ; J. Gueidon ; Antoine Bonut ; J.-E. Emery ; I. Gonstans; J. -M. Delvis; J. -Antoine Guilhen; j. Michel; Gérard Delvis; Brémond; Lange Chanu; Jean Saire; J. Guez; A. Roux; J. Bérard; Amphoux; R. Baret; Jean-Etienne Se-gond; Âegnet, greffier. Ne varietur. Signé Rateaud, viguier. lre Série, T. VL 29