SÉANCE DU 4e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (SAMEDI 20 SEPTEMBRE 1794) - N° 16 309 16 On demande si les femmes doivent être comprises dans les dispositions du décret rendu hier sur les étrangers arrivés à Paris depuis le premier messidor. La Convention nationale passe à l’ordre du jour, motivé sur l’observation faite que dans l’expression citoyen, les femmes sont comprises (48). N... (49) : Je demande si l’intention de l’Assemblée a été de comprendre dans son décret d’hier les citoyennes ainsi que les citoyens. LEVASSEUR : La Convention s’est déjà expliquée sur une pareille observation, à l’occasion d’un agriculteur qui a été mis en liberté, et dont le comité révolutionnaire avait laissé la femme en prison, sous le prétexte que les femmes n’étaient pas nominativement comprises dans la loi (50). Je demande donc l’ordre du jour motivé sur le décret qui fut alors rendu. ROUX : La loi, que la Convention nationale a cru devoir prendre par mesure de sûreté générale, est d’une importance si grande qu’il n’est pas de doute qu’elle ne doit souffrir d’exception, et qu’il est dans son cœur que par le mot citoyens la Convention nationale a entendu comprendre aussi les citoyennes ; mais dans des circonstances pareilles il est essentiel d’éclairer toutes les difficultés que peut souffrir l’exécution de votre loi. La Convention nationale a voulu, par ces grandes mesures de sûreté générale, qu’une infinité de personnes parussent devant les autorités constituées pour savoir s’il n’en est pas parmi elles un grand nombre qui se trouveraient dans le cas d’être réincarcérées ; mais il ne peut être dans l’intention de la Convention que des femmes se trouvent exposées avec leurs enfants sur toutes les routes à l’intempérie des saisons : non, je ne puis me le persuader : déjà vous avez pris de grandes mesures de sûreté générale à l’égard des citoyennes, quand vous avez ordonné la mise en sûreté des femmes vagabondes qui déshonorent leur sexe. Ne réduisez pas indistinctement des femmes au désespoir, lorsqu’elles se trouvent dans l’impossibilité de faire deux ou trois lieues, lorsqu’elles se trouveraient privées des voitures commodes et convenables à leur transport. Je sais que je ne dois pas parler de voitures commodes à des républicains ; mais c’est pour des femmes que je parle, et je demande que la Convention déclare qu’elle excepte celles qui justifieront (48) P.-V., XLV, 352. C 318, pl. 1288, p. 14. Décret n° 10 966. Rapporteur : Guffroy selon C* II 20, p. 306. Bull., 4e jour s.-c. (49) Mess. Soir, n° 763, J. Paris, n° 629, J. Fr., n° 726, J. Perlet, n° 728, attribuent cette première intervention à Louchet. (50) Mess. Soir, n° 763, précise que cet exemple est «pris dans l’histoire de sa mission dans le département des Ardennes. » n’être pas dans un état à pouvoir exécuter votre loi. PEYSSARD : Je crois toutes les observations faites par les préopinants entièrement inutiles ; il ne peut être dans l’intention des législateurs d’exiger l’impossible, et d’y comprendre des femmes malades, lorsqu’elles auront prouvé qu’elles sont dans l’impossibilité d’obéir à la loi. On nous parle de beaucoup d’autres difficultés ; on nous a parlé du défaut de voitures, de chevaux ; laissez donc exécuter la loi. Les autorités sauront bien faire leur devoir, et les citoyens sauront aussi faire le leur. Toutes ces exceptions tendent à empêcher l’effet d’une loi qui doit purger Paris d’une infinité de gens qui devraient être dans leurs départements, pour y faire leurs affaires. Je demande l’ordre du jour. N... : Si l’ordre du jour était adopté, vous réduiriez une infinité de malheureux au désespoir. J’ai chez moi un vieillard de 60 ans qui ne peut se remuer; il me semble que la Convention le trouvera dans le cas d’une exception. N... : Le plus sûr moyen de tuer une loi est de multiplier les exceptions. Je demande l’ordre du jour ; s’il est des malades de l’un et de l’autre sexe, ils obtiendront justice, en justifiant, par des certificats qu’ils auront fait ce qui dépend d’eux. N... : Je m’oppose à l’ordre du jour; la Convention ne peut exiger d’une mère de famille qu’elle fasse dix lieues en un jour. PEYSSARD : La loi leur accorde soixante-douze heures pour faire dix lieues ; les citoyennes le peuvent faire si elles se portent bien ; si elles se portent mal, elles en justifieront. Je le répète, les exceptions tuent les lois ; nous raisonnons toujours mal, lorsque nous entreprenons de le faire du particulier au général ; il faut toujours partir du général pour arriver au particulier ; les autorités constituées sauront distinguer et appliquer justement la loi; j’insiste donc pour l’ordre du jour. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. N... : Je demande une exception en faveur de ceux qui se trouvent à Paris pour y présenter des pétitions. CLAUZEL : Je demande l’ordre du jour sur l’exception proposée en faveur des pétitionnaires, car il n’y a pas un citoyen dans le cas du décret, qui ne rédigeât sur-le-champ une pétition pour être compris dans l’exception. L’Assemblée passe de nouveau à l’ordre du jour (51). (51) Moniteur, XXII, 14-15. Débats, n° 730, 565-567. J. Mont., n° 144 ; Mess. Soir, n° 763 ; J. Fr., n° 726 ; M. U., XLIII, 557 ; J. Perlet, n° 728 ; F. de la Républ., n° 441 ; Gazette Fr., n° 994 ; J. Paris, n° 629. Dans l’ensemble des gazettes ce débat se situe à la suite de celui concernant les étudiants en médecine, présenté ci-dessus n° 2.