[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nancy.] S7 CAHIER Des pouvoirs et instructions de l'ordre de la noblesse du bailliage royal de Nomeny en Lorraine , remis à AJ. le comte François de Toustain-Vi-RAY, capitaine de cavalerie ,° nommé suppléant de M. le marquis de Toustain-Viray, lieutenant général des armées du Roi , député dudit bailliage (1). Cejourd’hui, mercredi 18 mars 1789, nous soussignés, membres de la noblesse du bailliage royal de Nomeny, dûment et légalement assemblés d’après les citations , assignations particulières qui nous ont été données et avertissements publics qui ont été proclamés dans toute l’étendue du ressort dudit bailliage, en exécution des ordres du Roi, lettres de convocation de Sa Majesté et règlement y annexé, à l’effet de communiquer et conférer ensemble, tant des remontrances, plaintes et doléances, que des moyens et avis à proposer à l’assemblée des Etats généraux qui doit avoir lieu à Versailles le 27 avril prochain; pénétrés de la plus grande confiance et de la plus vive reconnaissance pour la parole royale et sacrée contenue dans ladite lettre de convocation par laquelle Sa Majesté promet de demander et écouter favorablement les avis desdits Etats généraux, sur tout ce qui peut intéresser le bien des peuples, et de pourvoir sur les doléances et propositions qui seront faites de telle manière que le royaume et tous les sujets en particulier ressentent pour toujours les effets salutaires qu’ils doivent se promettre d'une telle et si notable assemblée; Voulant et désirant répondre autant qu’il est en nous aux intentions de Sa Majesté, manifestées par la même lettre de convocation, pour établir, suivant ses vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur des sujets et la prospérité du royaume ; En conséquence, nous, après en avoir mûrement délibéré, déclarons être d’avis et prescrire à MM. les députés qui seront envoyés aux Etats généraux, d’insister de toutes leurs forces et moyens pour que les points suivants soient arrêtés, établis et érigés en lois de la manière la plus formelle : pouvoirs. 1° Que toutes les lois qui auront le caractère de lois générales et permanentes ne pourront être établies à l’avenir qu’au sein des Etats généraux et par le concours mutuel de l’autorité du Roi et du consentement des représentants de la nation : que ces lois porteront dans leur préambule ces mots : « de l’avis et consentement des gens des trois Etats du royaume ; » et qu’en conséquence de ces expressions, elles seront enregistrées purement et simplement dans tous les parlements et autres cours souveraines, sans que lesdites cours puissent se permettre d’y faire aucunes modifications, mais qu’elles continueront à être chargées, comme ci-devant, de leurs dépôts, et de veiller à leur entière exécution. 2° Que le consentement de la nation sera également indispensable en matière d’impôts, subsides et tous règlement fiscaux; qu’ils ne pourront jamais être accordés que pour une époque limitée, afin qu’ils puissent être diminués ou augmentés à cette époque, selon les besoins de l’Etat; (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. que cette époque sera toujours fixée à l’année indiquée avant la séparation des Etats généraux, pour une nouvelle assemblée de la nation, et que si cette assemblée n’a pas lieu, tous impôts cesseront d’être. dus et exigibles l’année suivante, et qu’il sera enjoint aux cours de poursuivre comme concussionnaires tous collecteurs qui en continueraient la perception après cette époque. 3° Que, dans toute l’étendue du royaume, personne ne pourra à l’avenir être justiciable que de ses juges naturels et territoriaux, et traités autrement que par droit et sentence ; qu’en conséquence, toutes lettres de cachet, commissions ou évocations seront supprimées à l’avenir, et que le cours de la justice civile et criminelle ne pourra être interrompu sous aucun prétexte ni en faveur de qui que ce soit, sauf à aviser par les Etats généraux s’il est convenable d’établir des moyens légaux et réguliers pour pourvoir à la sûreté publique et à l’honneur des familles en faveur de quelques exceptions rares. 4° Qu’ils demanderont le rétablissement ou la formation des Etats particuliers de la province, organisés sur les modèles des Etats généraux, chargés de la répartition, collection et recette des impôts, et que lesdits Etats provinciaux se tiennent tous les ans, qu’ils aient seuls une commission intermédiaire, pendant le temps qu'ils ne seront pas assemblés, ainsi que des procureurs généraux syndics chargés spécialement de mettre opposition à l’enregistrement des lois locales et momentanées, promulguées pendant les intervalles de la convocation de l’assemblée nationale, lorsqu’elles contiendront des clauses contraires aux privilèges de leurs provinces. 5° Que les lois autres que celles qui auront été votées et consenties par les Etats généraux, c’est-à-dire les simples lois d’administration et de police ou celles locales demandées par quelques provinces, pourront, pendant l’absence des Etats généraux, être adressées aux cours souveraines pour être enregistrées librement de la part des magistrats, et sans qu’on puisse gêner ni violenter leurs opinions ; lesdites lois n’auront force que jusqu’à la tenue prochaine de l’assemblée nationale et où elles auront besoin de ratifications expresses pour continuer à être obligatoires. 6° Qu’à chaque tenue des Etats généraux, à commencer par la prochaine, il sera remis sous les yeux de rassemblée un tableau exact et détaillé de la situation des finances, consistant dans un état au vrai de toutes les parties de dépense. Ensuite une liste civile de toutes les pensions avec le nom des personnes qui les ont obtenues et l’énonciation des motifs qui les ont fait accorder. Et enfin la fixation des dépenses de chaque département avec les détails et les motifs de la même fixation. 7° Que les ministres du Roi soient obligés à l’avenir (chacun pour ce qui les regarde) de rendre compte aux Etats généraux de l’emploi des deniers qui leur auront été fournis et qu’ils soient responsables des déprédations, abus d’autorité ou autres, et justiciables de leurs juges naturels comme tous les autres citoyens, si les Etats généraux jugent convenable de rendre plainte contre eux et de les déférer à la justice. Ces premiers articles devront être sollicités par nos députés comme fondamentaux et ils ne pourront s’en départir, passer à l’examen d’aucuns autres, ni s’occuper d’objets de finance ni d’impôts qu’ils n’aient été consentis dans leur totalité, 88 sauf cependant de légères modifications qui n’attaqueraient pas essentiellement les principes consignés dans ces sept articles, lesquels nous abandonnons à leur sagesse et à leur prudence. INSTRUCTIONS. Si ces articles, qui ont également pour objet l’affermissement de la puissance et de la gloire du Roi et la liberté convenable à la tranquillité et à la prospérité de ses sujets, sont consentis par Sa Majesté, nos députés sont ensuite autorisés : 1° A consentir à la continuation des anciens impôts, changements, ou modifications d’iceux ou à l’octroi et établissement de nouveaux subsides, lesquels ne pourront cependant jamais être prolongés au delà d’une année, après le terme fixé pour la nouvelle réunion de l’assemblée de la nation. 2° Nous les autorisons également à faire toutes déclarations relatives à la répartition des impôts sur les différents ordres de l’Etat, et à se réunir, sur ces objets, aux vœux communs de la noblesse de la province et à celle de tout le royaume. 3° Ils feront tous leurs efforts pour que l’on opine par ordre, afin de maintenir l’ancienne constitution établie; et s’il s’élève des contestations à cet égard, ils adopteront le vœu commun de la noblesse du royaume 4° Nous les autorisons encore à sanctionner la dette du Roi et à la rendre nationale; si quelques capitaux ou intérêts leur paraissent excessifs et susceptibles de réduction, ils devront les effectuer avec les ménagements qu’exigent le respect dû aux propriétés et à la bonne foi des contrats. 5° Ils demanderont qu’on s’occupe des changements à apporter dans la disposition des lois civiles et criminelles; mais pour éviter la précipitation et s’assurer des plans les plus sages à cet égard, ils supplieront instamment le Roi de faire examiner ces grands et importants objets dans des conférences tenues par les magistrats et jurisconsultes et autres gens les plus éclairés du royaume, que l’assemblée des Etats généraux pourra indiquer elle-même. 6° Que la liberté de la presse sera autorisée sans aucune censure, à la charge, par l’imprimeur, d’apposer son nom à tous les ouvrages sortant de son imprimerie, et de répondre personnellement, lui ou l’auteur, de tout ceque les écrits pourront contenir de contraire à la religion dominante, à l’ordre général, à l’honnêteté publique et à l’honneur des citoyens. 7° Ils demanderont aussi la suppression de toutes les charges vénales par lesquelles on obtient une noblesse transmissible; ce moyen de l’obtenir ternit l’éclat de celle accordée à devrais services et à des talents utiles et distingués. 8° Que les privilèges exclusifs soient supprimés; ils deviennent dans le fait et consomment un vrai monopole; il arrêtent l’émulation et ils étouffent les progrès du génie et des talents. 9° Que les offices de jurés-priseurs soient supprimés; l’exercice des fonctions qui leur sont attribuées gêne singulièrement la liberté; les droits excessifs qu’ils perçoivent absorbent une partie des propriétés : ils frappent particulièrement sur les veuves et les orphelins et ils ruinent les habitants des campagnes, si dignes, à tous égards, des plus grands ménagements. 10°- Que l’on s’occupe de la convenance de substituer un système d’impositions qui, par sa simplicité, diminue les frais de perception et fasse disparaître les entraves mises au commerce et à l’industrie ; tels que les droits de foraine et beau-[Bailliage de Nancy.] coup d’autres, ce qui aurait encore l’avantage de diminuer le nombre des personnes employées au recouvrement de ces droits, dont les salaires absorbent la plus grande partie du produit. 11° 11 existe dans des imprimés, qu’on se plaint de la multiplicité des bailliages en Lorraine et que cela produit un abus ; on se trompe : Sa Majesté y a trouvé son avantage par l’argent versé dans ses coffres. Il n’en résulte d’ailleurs aucun abus pour le cas présent, puisque cet objet est prévu : c’est une école pour la jeunesse du tiers, une place honorable pour lui et pour la noblesse qui en occupe les plus essentielles, toutes les autres places dans le militaire et les chapitres étant fermées au tiers. D’un autre côté, cela soutient les villes où ces sièges sont situés et établis, cela y attire des gens de lettres, des consommateurs qui abandonneraient ces villes si ces sièges n y existaient plus, et alors ces villes deviendraient des hameaux, et la sortie de leurs principaux habitants ferait de beaucoup diminuer le prix des terres, et le surplus des autres se trouverait hors d’état d’acquitter les impositions assises sur les villes; cela met encore les justiciables plus à portée de leurs juges, et cela les expose à de 'moindres frais. 12° Sont aussi suppliés, nosdits seigneurs, de demander que les droits de franc-fief établis en Lorraine en 1771, qui empêchent la vente des francs-fiefs et des imifteubles qui forment le patrimoine des nobles à des personne du tiers-état, et qui sont un impôt établi par le fisc sur ce dernier, soient supprimés. 13° De demander que la multiplicité des usines à feu, qui absorbent les coupes annuelles et même extraordinaires des forêts de la province et porte le prix du bois si haut, que le peuple ne peut en acheter, et qu’il se trouve nécessité à brûler lesdiles forêts, haies et clôtures des héritages, soit réduite d’après l’avis des Etats provinciaux. 14° Demanderont aussi, nosdits seigneurs, à Sa Majesté la suppression du haras de Rozières ; le peu de chevaux qu’il a produits dans cette ville et dans le reste de la province de Lorraine, atteste son inutilité ; les frais immenses qu’il entraîne et qui sont payés par un impôt sur la province prouvent combien il lui est à charge; il est très-utile de vérifier les états de production de ce haras par des certificatsde toutes les communautés de la Lorraine. Ce haras occupe de belles casernes où étaient les anciennes salines. Sa Majesté sera suppliée, après lasuppression ci-dessus demandée, de donner à la ville de Rozières un régiment de cavalerie, dragons ou hussards, les fourrages y étant excellents et leur consommation très-utile aux propriétaires et cultivateurs des environs. 15° D’après les abus multipliés résultant de la quantité des pensions accordées dans tous les Etats qui composent la monarchie, nosdits seigneurs supplieront Sa Majesté de permettre qu’il soit nommé une commission tirée des députés aux Etats généraux qui examineront scrupuleusement le nombre des pensions, les raisons pour lesquelles elles ont été accordées et le caractère des individus qui en jouissent. Il est reconnu qu’il y en a un grand nombre qui jouissent de ces grâces sans les avoir méritées par aucun service, il est essentiel également de réduire les sommes exorbitantes accordées aux archevêques, évêques, etc., qui sont pourvus de bénéfices qui les mettent a même de soutenir leur rang. 16° Nosdits seigneurs demanderont que les sal-pêtriers ne puissent travailler que dans les lieux [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. publics et non dans les caves, celliers et engrange-ments, écuries pavées ou cimentées, sans qu’ils exigent rien des communautés, auxquelles leurs commettants les rendent à charge; que les droits de ehartrerie, dont l’exercice accordé exclusivement à des gens ineptes, opère une perte réelle aux particuliers qui veulent élever du bétail, soient supprimés. 17° Ils exposeront au Roi que la coutume générale de Lorraine accorde aux seigneurs hauts justiciers, ou moyens, ou bas, les amendes qui sont prononcées; que les seigneurs ayant tous, ou des fermiers généraux ou des particuliers, se réservent les amendes auxquelles ces derniers sont condamnés, et presque toujours leur en font remise par des considérations locales et particulières; que cette impunité autorise le brigandage desdits fermiers dans les campagnes et cause une perte aux autres cultivateurs, de laquelle ils ne sont jamais dédommagés. En conséquence, ou espère des bontés de Sa Majesté, que toutes les amendes champêtres encourues par lesdits fermiers connus sous la dénomination d’amodia-, leurs, appartiendront aux municipalités pour j être remises aux pauvres. { 18° Nosdits seigneurs demanderont à Sa Majesté ' la prorogation de l’ouverture des chasses jus ¬ qu’au 1er septembre ; d’obliger les seigneurs et autres qui en ont le droit, à faire des chasses extraordinaires, lorsque le gibier* sera trop multiplié ; et sur le refus d’autoriser la commission intermédiaire des Etats provinciaux, à statuer sur-le-champ sur les plaintes qui leur seront adressées. 19° Demanderont aussi, nosdits seigneurs, qu’il soit fait une loi qui oblige les acquéreurs d’imr meubles à mettre des affiches pareilles à celles portées au tableau des hypothèques aux portes des églises paroissiales et dans les lieux où les immeubles sont assis. 20° Demanderont, nosdits seigneurs, une révi-vision exacte de tous les marchés d’échange, à dater de l’instant de la réunion de la province de Lorraine à la monarchie française en 1737, et ce, par les Etats provinciaux, qui en rendront compte aux Etats généraux pour être statué par eux sur la justice ou injustice du maintien desdits échanges. 21° Demanderont, nosdits seigneurs, le chômage comme il existe dans la province d’Alsace, et qu’il remplace la jauge en Lorraine qui est sujette à des fraudes, tant de la part du jaugeur qui peut favoriser à son gré ie vendeur ou l’acheteur, et qu’il est reconnu que plusieurs marchands ont la finesse de placer à l’endroit du bondon des douves très-épaisses ainsi qu’une pareille au bas, qui empêchent la justesse de la mesure des vins et liqueurs. 22° Demanderont, nosdits seigneurs, l’abolition des asiles pour les banqueroutiers et malfaiteurs, notamment celui du Temple, et qu’il soit expressément défendu auxdits banqueroutiers de faire émanciper leurs enfants, et que l’émancipation cesse du moment de la banqueroute. 23° Demanderont aussi, nosdits seigneurs, que ie domaine ne perçoive rien sur les octrois. 24° Demanderont, aussi nosdits seigneurs, que les maréchaussées résident dans les lieux où sont les bailliages, pour le bien et l’économiejdu service. 25° Demanderont aussi, nosdits seigneurs, que les juifs soient expulsés ou admis dans tous les droits des autres sujets et soumis aux mômes lois ; et que s’il plaît a Sa Majesté de les conserver sous la forme actuelle, ordonner que leurs com-[ Bailliage de Nancy. f $9 munautés resteront garantes de tous les individus qui les composent. 26° Demanderont, nosdits seigneurs, que le créancier de l’Etat, pour obtenir une garantie de sa propriété, contribuera aux charges de l’Etat comme le propriélaire du fonds. 27° Nosdits seigneurs demanderont que la dîme soit uniforme partout; que celie qui se perçoit sur les vignes soit levée en argent à raison de 3 livres par chacun jour , sans préjudice aux abonnements faits. 28° Ils demanderont également la rigoureuse exécution sur la plantation des vignes, notamment celle de l’arrêt de 1784. 29° Nosdits seigneurs sont suppliés de faire mettre en vigueur toutes les sages ordonnances et règlements concernant le bien public, et notamment ceux qui concernent les colombiers trop multipliés ; demander pour ce dernier objet une révision des titres et abolir ces colombiers établis sans droits. 30° Nosdits seigneurs supplieront Sa Majesté de vouloir bien permettre la suppression des annates ainsique révocation des causes ecclésiastiques à Rome, en suivant l’esprit de la Pragmatique. 31° Demanderont aussi, nosdits seigneurs, qu’aucun prêtre ne soit admis à une cure qu’il n’ait atteint l’âge de trente ans, et au moins l’exercice du ministère pendant six ans, et que tous les ordres religieux des deux sexes soient soumis à la juridiction épiscopale. 32° Demanderont, nosdits seigneurs, que le casuel soit supprimé et remplacé par une augmentation de la portion congrue proportionnée du local. 33° Représenteront aussi, nosdits seigneurs, Ja nécessité indispensable aux archevêques et évêques de résider dans leurs archevêchés et évêchés, pour la raison que leur présence est nécessaire pour la conduite des diocèses, et que les revenus desdits archevêques et évêques doivent être naturellement consommés sur les lieux ; que tous les abbés commendataires et autres grands bénéficiers, qui ne pourront résider, pour quelque cause que ce soit, seront obligés de verser dans les mains des muuicipalilés de l’arrondissement de leurs bénéfices ie cinquantième des revenus de ces bénéfices, pour y être employé le plus utilement qu’il sera possible au soulagement des pauvres, et autoriser la municipalité des lieux à contraindre, sans aucune forme judiciaire, par ie sergent des lieux, ie fermier des mêmes biens au payement dudit cinquantième, la quittance duquel sera passée en dépense au fermier sans aucune contestation. 34° Nosdits seigneurs demanderont la proscription de la mendicité chez les ordres mendiants et aviseront aux moyens de les faire subsister. 35° Nosdits seigneurs demanderont que tout collateur de cure régulière puisse y nommer des séculiers. 36° Nosdits seigneurs demanderont que les curés lorrains perçoivent 50 livres de France pour la desserte des fermes des ordres de Malte et Liteaux, si n’aiment mieux ces derniers abandonner les dîmes. 37° Prieront aussi Sa Majesté, nosdits seigneurs, de défendre à tous bénéficiers à charge dames de résigner leurs bénéfices à d’autres mains que celles des eollaîeurs, à charge de pension au résignant ; d’ordonner le rétablissement des synodes pour la punition des curés et autres ecclésiastiques et appel des jugements aux synodes généraux ; plus d’appel comme d’abus aux autres tribunaux, hors le cas de peines afflictives. 90 [Étais géi). 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nancy.] 38° Nosdits seigneurs supplieront Sa Majesté d’ordonner qu’à la vacance des abbayes et prieurés en commende ou en règle, les nouveaux titulaires ne puissent percevoir que le tiers des revenus de leur bénéfice, et que le surplus tourne au profit de l’Etat, à la décharge des citoyens, au moins jusqu’à extinction de la dette, et que la commission intermédiaire des Etats provinciaux se fasse rendre compte de l’entretien des bénéfices, avec qualité pour se faire obéir. 39°Demand.eront, nosdits seigneurs, que les dots des religieux et religieuses soient abolies; car depuis la fondation et l’existence des différents ordres, non-seulement te nombre des sujets est diminué, et les biens sont augmentés de valeur ; mais aussi, à chaque remplacement d’individus, lesdits couvents ont perçu des sommes qui ne peuvent qu’avoir considérablement augmenté la masse commune, puisque les biens affectés par les fondateurs on dû suffire nécessairement, dans les premiers temps de la fondation, à l’existence et entretien des religieux et religieuses. 40° Nosdits seigneurs supplieront aussi Sa Majesté de vouloir bien réformer tous les grands emplois militaires qui depuis longtemps sont sans exercice, comme étant onéreux aux finances de l’Etat et à ses provinces en particulier. 41° Nosdits seigneurs demanderont aussi qu’il soit ordonné que les seigneurs qui n’habiteront pas ou ne paraîtront pas dans leurs terres, soient obligés de payer le centième de leurs revenus pour être employé comme il est dit article 33. 42° Observeront, nosdits seigneurs, que le tiers des biens communaux dévolus aux seigneurs hauts justiciers doit les obliger à payer en même proportion les charges intérieures des communautés, à l’exception des procès intentés et suivis sans leur participation, et que Sa Majesté, percevant également le tiers des émoluments et revenus communaux, paye en raison les charges des communautés. 43° Ils demanderont également la suppression de toute foi et hommage que celle due à Sa Majesté. Il arrive souvent qu’un égal 'est obligé de s’agenouiller devant son égal, et même son inférieur par la naissance et en tout, ce qui est un reste de servitude; quant au Roi, on ne peut trop l’ho-norer et le respecter. 44° Sera très-humblement représenté à Sa Majesté par nosseigneurs des Etats généraux, que le militaire, composé de la noblesse et du tiers, a été exposé jusqu’à présent à des changements qui n’ont amélioré ni le sort des individus qui le composent ni sa constitution ; le traitement est plus modique que dans aucune des autres puissances de l’Europe. Son inutilité pendant la paix nécessite un changement. Quelles sont, en effet, ses occupations dans les villes et garnisons ? Monter la garde, faire l’exercice, se livrer au vice et à toutes sortes de débauches ; ces deux derniers inconvénients sont reconnus. Ne pourrait-on pas occuper une partie des troupes à des travaux utiles qui emploieraient leur temps et les maintiendraient dans l’habitude du travail? Cela ferait qu’en temps de guerre, le soldat serait plus propre à élever les retranchements de ses camps et les tranchées dans les sièges, à se rendre enfin plus fort, plus robuste, et que, retiré dans sa patrie après avoir servi, il n’aurait pas oublié les moyens de pourvoir à' sa subsistance par les travaux et les cultures. Au lieu des avantages qui peuvent ré-sulter d’une continuité de travail, les loisirs en ont fait des hommes efféminés, peu propres à supporter les fatigues de la guerre, et peu capables de tout ce qui les rendrait utiles à la société à laquelle ils sont souvent si nuisibles, tant par leurs mauvaises mœurs, que par les maladies qu’ils apportent dans le sein de leur patrie. Le travail sur les grandes routes, celui qui rendrait les rivières navigables , serait utile pour l’Etat et pour le soldat en augmentant de peu sa solde pendant le temps des travaux. Nous craignons d’avoir des contradicteurs qui aiment mieux avoir un joli qu’un bon soldat et pensent que ces travaux proposés déshonorent les troupes. On cite à chaque instant la discipline militaire des Romains, et on veut bien en abstraire le travail qui en serait la base la plus solide. On assujettit les officiers à répondre des vices et de la désertion de leurs soldats, et les traitements auxquels ils sont exposés, ainsi que l’oisiveté, les portent à tous les excès. Rien de fixe sur le traitement des officiers qui ne peuvent plus servir, moins encore pour le soldat : enfin ces citoyens sont souvent à charge à l’Etat et à eux-mêmes, et réclament la protection de nosdits seigneurs auprès de Sa Majesté, pour que dans un comité d’anciens militaires, il soit statué sur le traitement et l’emploi des troupes, et sur l’entrée des nobles et du tiers dans les différents grades d’officiers qui les composent. 45° Sont aussi suppliés nosdits seigneurs de demander que les droits de banalité de four, pressoir, moulins établis par la coutume de Lorraine puissent être rachetés par les baniers au prix qui sera fixé par les Etats provinciaux ; que les droits de mainmorte, mobilière et immobilière, tous autres cens, redevances, prestations personnelles qui en tiennent lieu accordés par la même coutume aux seigneurs hauts justiciers, droits qui sont la preuve de la servitude des vassaux, soient supprimés; que les autres cens, redevances, prestations, de quelque nature qu’ils puissent être, soit dans les domaines de Sa Majesté ou dans ceux de ses vassaux, puissent être rachetés au denier trente. 46° Demanderont, nosdits seigneurs, qu’il soit établi des marques et médailles de distinction et d’honneur pour encourager la magistrature, l’agriculture et les arts utiles, lesquelles marques et médailles seront fixées par les Etats de la province. 47° Demanderont de même, nosdits seigneurs, que les femmes y aient part quand, par une conduite vertueuse, elles donnent l’exemple à leur sexe et que, devenues épouses, elles contribuent par leur conduite au maintien de la fortune des citoyens auxquels elles sont unies, qu’elles donnent à l’Etat des enfants sains, robustes, bien élevés dans tous les devoirs du citoyen. 48° Demanderont de même, nosdits seigneurs, la suppression des maîtrises des communautés des arts et métiers, comme onéreuses et mettant des entraves au commerce. 49° Demanderont, nosdits seigneurs, qu’aucun traité de commerce ne puisse avoir d’effet, sans l’approbation et l’autorité de la nation. Elle seule peut connaître ce qui concerne son véritable intérêt. 50° Nosdits seigneurs supplieront Sa Majesté d’abolir le droit des acquits que l’on est obligé ! de prendre sur les routes de la province qui se ! trouvent lardées à chaque instant de villages dé-| nommés Français. Les communautés sont expo-! sées à des contraventions, et les habitants mêmes ! de la province ne peuvent aller dans leurs diffé-! rentes demeures et porter avec eux des comesti-! blés nécessaires à leur subsistance, sans payer et j prendre des acquits, qui, quoique minutieux, ne 1 laissent pas d’entretenir une quantité d’employés (Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Nancy.) 91 qui en absorbent le profit et qui seraient plus utiles à l’agriculture. OBSERVATIONS ET SACRIFICES FAITS PAR LA PROVINCE. 51° Observeront, nosdits seigneurs, à Sa Majesté que la province de Lorraine serait dans le cas de demander à n’être admise à payer sa quote-part des dettes de l’Etat que depuis sa réunion à la monarchie française; mais par un dévouement entier à la patrie, elle consent d’entrer dans la totalité de la dette, en prenant cependant en considération la quantité des routes que cette province frontière est forcée d’entretenir. Nota. 52° La ville de Roziéres demande le rétablissement de ses ponts enlevés en 1778, ainsi que le rétablissement de ses chaussées au compte de l’Etat. 53° Bayon demande le rétablissement de sa prévôté bailliagère réunie à Chaumont, par la raison que la rivière qui sépare les villages de l’ancien arrondissement de Bayon les tient souvent, pendant plusieurs semaines, dans l’impossibilité de se rendre au siège. Fait et rédigé par MM. les commissaires soussignés, le 19 mars 1789, en l’une des salles de l’hôtel de ville de Roziéres, en présence et assistance du greffier en chef du bailliage, soussigné avec nous. Signé le chevalier de Boufflers, bailli; Cha, curé d’Haussonville ; F. Lapierre, curé de Froville ; Lambert de Bouvron, de Ghâtillon, le baron de Saudoucq, Pitoux, lieutenant général ; Thiery, lieutenant particulier; F. Cbanot, Lambert, Crand-Mengin, Drouot et Thiery, greffier. CAHIER Des doléances et remontrances des trois ordres réunis du bailliage royal de Roziéres (1). Les trois ordres du bailliage de Roziéres, réunis par les sentiments d’affection réciproque et mutuelle d’intérêt commun et surtout d’amour sans bornes pour le Roi et pour la patrie, croient ne pouvoir donner une preuve plus authentique de la reconnaissance, de l’obéissance et de la confiance dont ils sont pénétrés, qu’en exposant respectueusement devant la nation assemblée les propositions qu’ils font d’un commun accord pour le bien du royaume et celui de la province. 1° Que la France soit, à l’avenir et à jamais, administrée par ses Etats iibres et généraux, les trois ordres y réunis dans la forme et proportion fixée par la sagesse de Sa Majesté; que le retour périodique de ses Etats soit invariablement et régulièrement fixé au terme de quatre ans. Que chaque province soit de même administrée dans son intérieur par ses Etats particuliers librement élus, où les trois ordres seront de mêmes forme et proportion que celles fixée pour les Etats généraux de France ; le nombre des membres des dits Etats doit être proposé par les provinces, et le tiers de ces membres remplacé, chaque année, par une libre élection. Lesdits Etats provinciaux se rassembleront tous les ans, à une époque qui sera fixée par la sagesse de nosseigneurs des Etats généraux. Dans l’intervalle des tenues des Etats généraux, il existera toujours une commission intermédiaire composée de députations des Etats provinciaux, dans la proportion fixée par les trois ordres; que (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. chacun desdits députés soit amovible, et sur le champ remplacé à la seule volonté de ceux des Etats provinciaux dont ils dépendront, en observant néanmoins que cette volonté doit être manifestée dans lesdits Etats par une pluralité des deux tiers pour le rappel et par la majorité pour le remplacement. Il existera de même, entre les tenues des Etats provinciaux, une commission intermédiaire toujours subsistante dont, les membres, dans la proportion fixée pour les trois ordres, seront élus, au choix et du sein desdits Etats, dans le nombre qu’il leur plaira de fixer. Les municipalités des villes et campagnes faisant, sous la surveillance des Etats provinciaux, fonction d’Etats particuliers pour lesdites villes et campagnes, seront de même élues librement et auront une organisation analogue à celle des Etats provinciaux, et seront composées, s’il est possible, de membres des trois ordres dans la proportion fixée. Cette proportion entre les ordres devant être désormais regardée comme le type de la constitution française, on demande qu’elle règne jusque dans les tribunaux supérieurs et même inférieurs, en sorte qu’il y ait dans tous ces tribunaux nombre égal de clercs et de nobles, et nombre du double du tiers-état, librement élus dans leurs assemblées et sévèrement examinés pour leur admission dans la magistrature, observant cependant quecette demande ne puisse avoir lieu qu’après la vacance des offices occupés dans chacun des tribunaux. 2° Qu’à l’avenir et à jamais il ne puisse être levé d’impôts ni ouvert d’emprunts, qu’ils n’aient été librement consentis par la nation représentée par nosseigneurs des Etats généraux, les trois ordres réunis, opinant par tête, et que ledit consentement ne soit valable que jusqu’à l’époque du retour desdits Etats, et que les sommes imposées cessent d’être perçues au delà des trois mois qui suivront l’ouverture de la nouvelle tenue, laquelle ouverture se fera toujours à un jour préfix, par un règlement exprès des Etats généraux antérieurs. La contribution de tous les sujets aux charges du royaume, l’impôt territorial affectant également toutes espèces de possessions de ce genre et payable en argent, et la capitation proportionnelle' à tous genres de richesses connues ou raisonnablement présumées. La somme totale de cesdits impôts sera déterminée par nosseigneurs des Etats généraux sur les besoins reconnus du royaume, d’après la connaissance précise qu’u-a laborieux et sérieux examen leur aura procurée sur l’état actuel des finances, et ces besoins ne seront fixés qu’après déduction et suppression faites sur-le-champ, de toutes dépenses abusives, soit dans la perception des deniers, soit dans la distribution des grâces, soit dans la multiplication des emplois. Toutes fermes et régies quelconques doivent être incessamment supprimées; la collection de tous ces deniers et la répartition des deux impôts devant être confiées aux soins des Etats provinciaux qui pourvoiront dans leur sagesse au mode de perception le plus convenable dans leur province, et ils feront droit sur toutes les plaintes particulières relatives à l’administration; ces objets tenant toujours essentiellement à la répartition plus ou moins égale de la charge publique. 3° Nosseigneurs des Etats généraux sont suppliés de représenter à Sa Majesté que, pour asseoir dans la plus juste proportion l’impôt territorial, il est absolument essentiel de connaître les-propriétés de toutes les villes et de tous les