SÉANCE DU 5 FRIMAIRE AN III (25 NOVEMBRE 1794) - Nos 42-45 175 42 La Convention, sur la proposition [d’OU-DOT au nom] du comité de Législation, nomme pour remplir les fonctions de maire de la commune de Saint-Avold, district de Sarguemines [Sarreguemines], département de la Moselle, le citoyen André Delesse, marchand, premier officier municipal, à la place du citoyen Harouard d’Avrain ville ; pour remplir les fonctions d’officier municipal à la place du citoyen Delesse, le citoyen Christophe Sainpy, tanneur ; et pour remplir celles d’agent national de ladite commune, à la place du citoyen Wattermetz, le citoyen Nicolas Reder, aubergiste. La commission des Administrations civiles, police et tribunaux, est chargée de prendre les mesures nécessaires pour la prompte exécution du présent décret, qui ne sera point imprimé (110). 43 La convention nationale, sur la proposition [d’OUDOT au nom] du comité de Législation, nomme pour remplir les fonctions de maire de la commune de Luxeuil, département de la Haute-Saône, à la place du citoyen Desgranges, le citoyen Joseph Seneley, actuellement officier municipal; et pour remplir celles d’officier municipal à la place du citoyen Seneley, le citoyen Jean-Claude Viney, ci-devant procureur de ladite commune. La commission des Administrations civiles, police et tribunaux, est chargée de prendre les mesures nécessaires pour la prompte exécution du présent décret, qui ne sera point imprimé (111). 44 La section du Muséum [Paris] est admise à la barre ; l’orateur réclame divers citoyens (112) de cette section, incarcérés par mesure de sûreté générale. (110) P.-V., L, 108. C 327 (1), pl. 1431, p. 32. Oudot rapporteur selon C*II, 21. (111) P. -V., L, 108-109. C 327 (1), pl. 1431, 25. C 327 (1), pl. 1431, p. 27 indique que le citoyen Desgranges est remplacé par le citoyen Jean-François Mouton membre du comité de surveillance de Luxeuil. C 327 (1), pl. 1431, p.33 est conforme au P.-V. Oudot rapporteur selon C*II, 21. (112) Il s’agit des citoyens Bailleux et Legray, arrêtés respectivement les 26 brumaire et 19 vendémiaire an III. Moniteur, XXII, 601 précise que «la section du Muséum demande la liberté de citoyens (...) incarcérés à la suite de la Révolution du 9 thermidor, et dont elle atteste le civisme ». Renvoyé au comité de Sûreté générale, pour faire un prompt rapport (113). 45 Un membre [LEGENDRE (de Paris)] obtient la parole pour demander l’examen des complices de Robespierre, l’élargissement de ceux qui ont été seulement égarés, qui languissent dans les prisons, tandis que les grands coupables jouissent de l’impunité, tandis que les trois conspirateurs les plus intimes de Robespierre, et qui n’ont été divisés d’avis que sur le choix des victimes, sont encore dans la Convention. Il conclut à ce que le rapport soit fait dans les premiers jours de la décade prochaine. La Convention passe à l’ordre du jour. Un membre demande que la Convention s’occupe de la loi sur la calomnie : on observe que le comité de Législation est chargé d’en présenter le projet. La Convention décrète que le rapport et le projet seront présentés sous trois jours (114). LEGENDRE (de Paris) (115): Le comité de Sûreté générale a été chargé de faire un rapport sur les arrestations faites par suite de la révolution du 9 thermidor ; il l’avait confié à Amar, qui est sorti du comité au moment où il allait le faire. Depuis, Laporte en a été chargé et Laporte est malade. Cependant le rapport ne se fait pas, et des citoyens nécessaires à leurs familles, des citoyens qui n’ont été coupables que d’erreur, languissent dans les prisons, tandis que les grands coupables jouissent de l’impunité. Si je me trompe, l’opinion publique me redressera: mais les tfois conspirateurs fieffés, les intimes de Robespierre, qui ne se sont divisés que sur les victimes, sont encore dans la Convention. ( Applaudissements .) Ces hommes jouissent de la liberté de faire le mal; et des hommes qui ont détruit le trône, qui ont abattu le tyran, qui ont terrassé les Girondins, sont encore attachés à ces misérables par l’astuce qu’ils savent employer. Mais ils ouvriront les yeux, ils connaîtront bien ces trois vils caméléons. Je demande que le rapport du comité de Sûreté générale, sur les arrestations ordonnées à la suite de la révolution du 9 thermidor, soit fait dans les premiers jours de la prochaine décade. BILLAUD-VARENNE : Je demande la parole. (113) P.-V., L, 109. Rép., n° 67. Débats, n° 793, 925 ; Ann. Pair., n° 694 bis ; C. Eg., n° 830 ; F. de la Républ., n° 66 ; J. Fr., n° 791; M.U., n° 1353; Mess. Soir, n° 830; Ann. R.F., n° 65; J. Perlet, n° 793. (114) P.-V., L, 109. (115) Moniteur, XXII, 601-602. Rép., n° 66 (suppl.), n° 67 ; Débats, n° 793, 925 ; Ann. Patr., n° 694 bis ; C. Eg., n° 830 ; F. de la Républ., n° 66, 67 ; J. Fr., n° 791 ; M. U., n° 1353 ; Mess. Soir, n° 830 ; Ann. R.F., n° 65 ; J. Perlet, n° 793. 176 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE LEGENDRE (de Paris) : Je demande à répliquer. Je vous accuse tous, malheureux ! [en désignant Billaud, Barère et Collot.] (116) [BILLAUD-VARENNE : Prouvez....] (117) MONMAYOU : Le comité s’occupe de l’affaire dont il s’agit, j’en ai vu toutes les pièces, et j’assure qu’il n’y est pas question des trois hommes dont il s’agit. Je ne sais si Legendre a des pièces que nous ne connaissons pas, mais je n’ai pas trouvé, dans celles que j’ai examinées, une seule ligne qui pût inculper les trois hommes dont il s’agit. Nous avons toujours marché entre deux partis.... Plusieurs voix : L’ordre du jour ! BENTABOLE : Je demande la parole pour une motion d’ordre. ( Murmures .) DUQUESNOY : Monmayou à la parole pour une motion d’ordre ; elle doit lui être maintenue. CHATEAUNEUF-RANDON : Je demande que la voix de la vérité et de la vertu sans tache soit enfin entendue. MONMAYOU : Vous vous rappelez qu’on nous a dit ici que nous étions des oisons, des moutons {Murmures.) ; on a profité de notre inexpérience pour nous tromper. Depuis le 9 thermidor, la Convention a été digne du peuple; depuis ce temps elle a dû s’apercevoir que des partis ont voulu succéder à Robespierre : on vous a signalé le règne du lion ; moi je vous signale celui des vipères, celui des hommes qui distillent le venin de la calomnie sur des représentants du peuple qui travaillent dix-huit heures par jour ; qui, depuis cinq ans, luttent contre le royalisme, le fédéralisme et l’aristocratie. La calomnie est au moral ce que le poison est au physique. Je suppose que douze journalistes se distribuent la tâche de calomnier les représentants du peuple ; ils auront bientôt détruit la Convention. {Quelques applaudissements. -Murmures.) Les uns voudraient dominer par les Sociétés populaires, les autres par les journaux ; il faut que les chefs se taisent, car toutes les factions trouveront leur tombeau ici. Je demande que le comité de Législation présente sous trois jours, la loi contre les calomniateurs. BENTABOLE : On n’aurait pas dû s’opposer à la motion que je voulais faire pour terminer la discussion, car je ne voulais que demander l’exécution de la loi. La Convention a cru qu’elle ne devait pas s’occuper de dénonciations hasardées, mais qu’elle devait les approfondir lorsqu’elles étaient fondées. C’est pour cela que vous avez décrété que, lorsque quelqu’un de vos membres serait dénoncé, les comités examineraient la dénonciation, afin que ces membres ne fussent pas diffamés mal à propos. C’est la conduite qu’il faut tenir ici. (116) J. Perlet, n° 792. (117) Ann. Pair., n° 694 bis. C. Eg., n° 830 ; J. Fr., n° 791. LE CARPENTIER (de la Manche) : Il est affligeant de voir des représentants se déchirer entre eux. S’il y a des dénonciations fondées, qu’on suive la voie qu’indique la loi, et qu’on ne vienne pas à tout instant empêcher ici la marche du gouvernement révolutionnaire. La Convention ira au but, elle traversera les déchirements qu’occasionnent les passions en se heurtant réciproquement. Il s’agit ici de la question la plus importante que la Convention ait à traiter, de la liberté des opinions dans son sein ; mais il ne faut pas qu’on la porte au point de répandre un nuage sur la réputation des personnes, sans preuves précises. Lorsque Legendre a pris la parole, il ne s’agissait uniquement que de savoir si le rapport des détenus par suite de la révolution du 9 thermidor serait fait dans la décade prochaine. J’appuie cette proposition et celle de Monmayou, et je demande qu’on passe à l’ordre du jour sur le surplus. Cette proposition est adoptée (118). 46 Un membre de la commission des Vingt-Un [GUÉRIN] , créée pour examiner les chefs d’accusation portés contre Carrier, obtient la parole ; il donne lecture de l’acte d’accusation. Un membre [LOFFICIAL] observe que, dans cet acte, il n’est pas question de la lettre écrite par Carrier au général Haxo, dans laquelle il lui écrivoit d’enlever toutes les subsistances de la Vendée; qu’il falloit exterminer tous les habitans, détruire toutes les habitations; que telle étoit l’intention de la Convention, et qui lui en feroit passer incessamment l’ordre: lettre qui présente un corps de délit bien caractérisé, puisque la Convention avoit manifesté une intention contraire par ses décrets des 19 mars, 10 mai, 5 juillet et premier août 1793. En conséquence, il demande qu’il en soit mention dans l’acte d’accusation. Plusieurs membres appuient l’observation; après une légère discussion, l’amendement est adopté (119). LOFFICIAL: Je ne vois pas que, dans l’acte d’accusation qui nous est proposé par la commissions des Vingt et Un, il soit question de la lettre écrite par Carrier au général Haxo, par laquelle il lui disait « d’enlever toutes les subsistances de la Vendée; qu’il fallait en exterminer tous les habitants, détruire toutes les habitations; que telle était l’intention de la Convention nationale, et qu’il lui en ferait passer incessamment l’ordre». Cette lettre présentait irn corps de défit, (118) Moniteur, XXII, 602. Rép., n° 76 ; Débats, n° 793, 926 ; Ann. Patr., n° 694 bis ; C. Eg., n° 830 ; F. de la Républ., n° 66 ; J. Fr., n° 791 ; M.U., n° 1353 ; Ann. R.F., n° 65. (119) P.-V., L, 109-110.