[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mai 1790.] 373 Adresse de différents religieux de la ville de Metz, qui font le double hommage de leur entière adhésion aux décrets de l’Assemblée, et de leur reconnaissance pour celui qui les rend à la société. Leur adresse porte : « Nosseigneurs, en travaillant au chef-d’œuvre des législations humaines, vous n’avez point oublié cette portion malheureuse des citoyens, auxquels des lois barbares et inconséquentes avaient permis de disposer de leur liberté et de leur personne dans un âge où elles ne leur permettaient pas de disposer de la somme la plus modique. Plusieurs milliers d’êtres sensibles, immolés à la superstition ou à un vil intérêt, vous doivent le bonheur de pouvoir lever des mains libres vers le ciel pour attirer ses bénédictions sur vous et sur les glorieux travaux dont vous honorez chaque jour l’humanité. « Daignez agréer, Nosseigneurs, le double hommage de notre entière et parfaite adhésion à tous vos décrets bienfaisants, et de la plus vive reconnaissance pour celui qui nous rend à la société, dont un moment d’erreur nous avait retranchés pour jamais. « Nous sommes avec le plus profond respect, Nosseigneurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. x Signé : frère Arsène, récollet ; Alexandre Sérive, augustin ; Louis Flahaut, augustin ; Joseph Goupvaut, dominicain ; etc. » M. Baré, citoyen de Roue®, et son épouse, sont admis à la barre et font hommage à l’Assemblée d’un tableau sur lequet ils ont tracé en broderie d'or le discours du roi du 4 février. M. Baré dit: « Nosseigneurs, vos admirables travaux remplissaient d’espérance, de joie et de reconnaissance tous les bons Français, lorsqu’ils apprirent que leur monarque chéri*, restaurateur de la liberté, était venu au milieu de cette auguste Assemblée y exprimer ses vœux ardents et les réunir aux vôtres pour le bonheur et la gloire de ses Fidèles sujets. « Le discours sublime de notre auguste monarque, parvenu à Rouen, s’y grava dans tous les cœurs avec des traits ineffaçables et bientôt nous en ressentîmes les effets par le choix le plus heureux d’une nouvelle municipalité. « G’est à cette aurore du bouheur de notre pays que je conçus le projet de rendre un hommage respectueux au discours du roi, en en formant un tableau en broderie. « Mon épouse s’est occupée de cet ouvrage, soutenue par l’espérance que les illustres représentants de la nation n’en dédaigneraient pas l’offrande. Nous venons vous supplier de recevoir ce tableau comme le seul tribut qu’il soit en notre pouvoir d’offrir à la patrie. « Nous ne parlons pas du dévouement de nos cœurs et de notre vie : l’un et l’autre dans tout bon Français sont voués, en naissant, à la nation, à la loi et au roi. Ce sont les sentiments de nos concitoyens et il serait dangereux dans notre ville qu’ils y fussent opposés. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale reçoit avec d’autant plus de satisfaction l’hommage que vous lui faites, qu’il est la preuve la plus certaine de votre amour pour un roi qui s’en est rendu si digne, en se déclarant le père de son peuple et le restaurateur de la liberté, et qui possède au suprême degré toutes les vertus qui honorent l’homme et le monarque. « L’or et la soie ne pouvaient être mieux employés qu’à perpétuer un discours déjà gravé dans tpus les cœurs. L’Assemblée vous permet d’as-siter à sa séance. » (L’Assemblée nationale décide ensuite queM. le président fera à son tour hommage au roi de ce tableau, au nom de l’Assemblée.) M. le Président donne lecture de la notice des décrets qu’il a présentés à la sanction de Sa Majesté, ainsi qu’il suit : Décret du 80 avril. Décret portant que les procédures criminelles continueront à être instruites et jugées conformément aux décrets provisoires des 8 octobre et autres jours. Décret du l»r mai. Décret qui autorise la municipalité de Bourges à faire un rôle de contribution de 60,000 livres sur tous les citoyens capités à trois livres et au-dessus. Du même jour. Décret portant que les créanciers des rentes constituées à prix d’argent, perpétuelles ou viagères, ne devant pas être imposés à raison de ces rentes dans le lieu où lesdits biens se trouvent situés, s'ils n'y sont domiciliés , seront remboursés en 1791 des impositions qui, dans les rôle» de 1789 et 1790, n’auraient pas eu d’autres motifs. Du même jour. Décret qui autorise la communauté de Saint-Paul-Trois-Châteaux, au département de la Drôme, àimposer cette année la somme de 1,006 liv. 15 s. en principal, sur tous les habitants capités au-dessus de 40 sous. M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion sur le projet de règlementpour la municipalité de laville de Paris, présenté par le comité de constitution. M. Démeunier, rapporteur (1). Messieurs, avant de commencer ce rapport, je dois vous observer que votre comité a examiné tous les plans qui lui ont été envoyés, soit par les mandataires provisoires siégeant à l’Hô tel -de - Vi lie, soit par les députés des districts réunis à l’Archevêché, ainsi que les remarques qui lui ont été adressées par les diverses sections, et que ce n’est qu’après avoir mûrement réfléchi sur leur contenu qu’il a adopté le plan que je vais avoir l’honneur de vous soumettre. Plusieurs membres remarquent qu’il est inutile de lire le rapport qui est imprimé et demandent (1) Voy. le rapport de M. Démeunier, Archives pra lementaires, séance du 27 avril 1790. 374 [Assem blée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’on passe sur-le-champ à la discussion des dix premiers articles. Cette proposition est adoptée. M. Démeunier lit les dix premiers articles qui sont les suivants: TITRE PREMIER. Articles constitutionnels. Art. 1er. L’ancienne municipalité de la ville de Paris, et tous les offices qui en dépendaient, la municipalité provisoire, subsistant à l’Hôtel-de-Yille ou dans les sections de la capitale, connues aujourd’hui sous le nom de districts, sont supprimés et abolis, et néanmoins la municipalité provisoire et les autres personnes en exercice continueront leurs fonctions jusqu'à leur remplacement. Art. 2. Les finances des offices supprimés seront liquidées et remboursées, savoir : des deniers communs de la ville, s'il est justifié que ces finances aient été versées dans sa caisse; et par le Trésor public, s’il est justifié qu’elles aient été payées au roi. Art. 3. La commune ou la municipalité de Paris sera renfermée dans l’enceinte des nouveaux murs; mais les boulevards que l’on construit en dehors de ces murs feront partie de son administration. Art. 4. La ville de Paris observera, en ce qui peut la concerner, les règles établies par les articles 2. 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 26, 31, 34, 37, 39, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 53, 54, 56, 57, 58, 59, 60, 61 et 62 du décret du 14 décembre, sur l’organisation de toutes les municipalités du royaume, sans préjudice de quelques dispositions nouvelles, ajoutées dans les articles suivants aux dispositions des articles que l’on vient de citer. Art. 5. La municipalité sera composée d’un maire, de seize administrateurs, dont les fonctions seront déterminées au titre second, de trente-deux membres du conseil, de quatre-vingt-seize notables, d’un procureur de la commune, de deux substituts qui seront ses adjoints et exerceront ses fonctions à son défaut. Les législatures pourront changer le nombre et la proportion des membres du corps municipal, ainsi que Je nombre et la proportion des notables. Art. 6. La ville de Paris sera divisée, par rapport à sa municipalité, en quarante-huit parties, sous le nom de sections, qu’on tâchera d’égaliser, autant qu’il sera possible, relativement au nombre des citoyens actifs. Art. 7*. Ces quarante-huit sections ne pourront être regardées que comme des sections de la commune. Art. 8. Elles formeront autant d’assemblées primaires, lorsqu’il s’agira de choisir les électeurs qui devront concourir à la nomination des membres de l’administration du département de Paris ou des députés que ce département doit envoyer à l ’Assemblée nationale. Art. 9. Les citoyens actifs ne pourront se rassembler par métiers, professions ou corporations, ni se faire représenter; ils se réuniront sans aucune distinction, de quelque état et condition qu’ils soient, et ne pourront donner leur voix que dans la section dont il feront partie à l’époque des élections. Art. 10. Si une section offre plus de neuf cents 13 mai 1790.] citoyens actifs présents, elle se formera en deux assemblées qui nommeront chacune leurs officiers, mais qui, après avoir dépouillé séparément le scrutin de l'une et de l’autre division se réuniront par commissaires pour n’envoyer qu’un résultat à l’Hôtel-de-Ville. M. Bengy de Buy vallée (1). Messieurs, avant de passer à l’examen approfondi du plan d’organisation de la municipalité de Paris, qui vous est présenté par votre comité de constitution, je crois qu’il est important d’établir les principes généraux qui doivent servir de base au régime municipal, de déterminer d’une manière précise la nature du gouvernement français, de combattre quelques assertions articulées par la commune de Paris, qui me paraissentcontraires à l’esprit de vos décrets, enfin de prévenir les erreurs dans lesquelles les citoyens pourraient être entraînés par une opinion exagérée sur les droits qui appartiennent aux cités, el sur la nature du pouvoir municipal. La commune de Paris vous a successivement présenté une adresse et un règlement dans lesquels elle a exprimé son vœu formel sur l’organisation de la municipalité qu’elle désire d’établir. Elle a invoqué les maximes de la politique, l’intérêt de la liberté, le maintien de vos décrets, pour vous faire sentir l’importance qu’elle attache à l’exécution de son règlement. Elle a développé les principes qui constatent les droits des cités; elle vous a dit qu’à raison du droit de propriété, elle avait le pouvoir de disposition d’administration et de règlement; qu’à raison du droit de sûreté et de résistance à l’oppression, elle avait le pouvoir de police et de force militaire; elle vous a dit que les cités devaient être libres comme les hommes, que les cités sont dans l’Etat ce que les familles sont dans les cités, que chaque famille est maltresse de régler à son gré son économie intérieure, qu’ainsi chaque cité a le droit de s’organiser comme il lui plaît. J’avoue, Messieurs, que d’après l’énumération des droits et la plénitude des pouvoirs que la ville de Paris réclame, si quelque chose m’étonne, c’est qu’elle soumette aujourd’hui le régime intérieur et municipal qu’elle veut établir, à l’examen et à la discussion de cette Assemblée ; car si la commune de Paris, à raison de l’idée qu’elle s’est formée de sa liberté, a, comme elle le dit, le libre exercice des pouvoirs qu’elle s’attribue, l’Assemblée nationale ne peut ni ne doit porter atteinte à sa liberté, et par conséquent l’Assemblée ne peut restreindre l’usage qu’elle juge à propos d’eo taire aujourd’hui. Mais puisqu’il est encore permis aux membres du Corps législatif d’approfondir les caractères qui distinguent la liberté des cités, d’examiner la nature du pouvoir et du régime municipal, je vais essayer, en m’appuyant sur les saines maximes du droit public, 'sur les véritables principes du gouvernement monarchique, de vous prouver que les cités sont une partie intégrante du corps politique, que les municipalités dans l’exercice de toutes leurs fonctions, doivent être dépendantes de l’administration générale du royaume; de vous montrer que la nation française n’a point séparé le pouvoir municipal des pouvoirs nationaux, qu’elle ne s’est point réservé un pouvoir intermédiaire et municipal, pour en dis-(1) L’opinion de M. Bengy de Puyvallce n’a pas été insérée au Moniteur .